Action en nullité des libéralités
L’action en nullité est le fait de demander à une formation de jugement, d’annuler un acte juridique non conforme aux règles légales.
Le dictionnaire de Droit privé définit cette action comme « la sanction de l’invalidité d’un acte juridique, ou d’une procédure. soit que la cause de la nullité réside dans l’absence de l’utilisation d’une forme précise qui est légalement imposée, soit qu’elle résulte de l’absence d’un élément indispensable à son efficacité. Par exemple une convention est nulle si le consentement donné par l’une des parties à l’acte a été vicié par dol.
En procédure l’assignation à comparaître. est nulle si elle ne porte pas les mentions exigées par l’article 56 du Nouveau Code de procédure civile ». Le Répertoire de Procédure Civile précise également : « certains contentieux peuvent se nouer autour de la validité même de l’acte qui exprime une intention libérale.
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L’action en justice vise alors а faire annuler la donation ou le testament. La demande en nullité concerne évidemment l’ensemble des actes juridiques. En matière de libéralité cependant, en sollicitant l’anéantissement d’un acte, le demandeur poursuit presque systématiquement un but strictement patrimonial, lié а l’étendue du patrimoine qu’il est censé recueillir.
Tel est le cas de l’héritier réservataire qui va contester le testament fait par son ascendant au profit de sa concubine adultère par exemple » (Libéralités – Actions en justice communes а toutes les libéralités – Vincent ÉGÉA – Décembre 2012 – Dalloz).
S’agissant des libéralités, l’article 2224 du Code civil précise que l’action est ouverte pendant cinq ans : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Cette action est ouverte aux personnes y ayant personnellement un intérêt.
Les libéralités sont des actes juridiques par lesquels une personne transmet, gratuitement, ses biens au profit d’une autre personne. Ces transmissions ne peuvent être faites que par donation ou par testament. La donation est une libéralité par laquelle une personne (le donateur) transfère la propriété d’un bien à une autre (le donataire).
C’est un acte irrévocable et immédiat (le bien entre directement dans le patrimoine du bénéficiaire). Le donateur ne pourra reprendre la chose donnée que dans des cas très particuliers, très encadrés. La donation est assimilée à un contrat où auteur et bénéficiaire doivent avoir la capacité juridique et auquel ils doivent consentir réciproquement.
Le legs désigne la désignation d’un bien que l’auteur du testament décide de donner. Contrairement à la donation, le legs prend effet seulement à la mort du testateur. Cependant, le legs n’est pas transmissible. Les légataires décédés ne transmettent pas leurs legs à leurs héritiers.
Dès lors, si le légataire désigné décède avant le testateur et que le testament n’est pas modifié la part léguée est perdue. Puisqu’il s’agit d’actes juridiques, des règles doivent être respectées afin qu’ils soient déclarés valides.
I. ANNULATION DES LIBÉRALITÉS POUR ABSENCE DE CONSENTEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ
L’article 901 du Code civil pose la condition du consentement du disposant à la libéralité : « pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».
A. L’INSANITÉ D’ESPRIT
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NOTION
La condition de la sanité d’esprit se réfère à la faculté de consentir. L’insanité d’esprit se comprend de toute sorte d’affections mentales qui dérèglent la faculté de discernement.
De jurisprudence ancienne, cette notion se réfère à : « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée » (Civ. 4 févr. 1941: DA 1941. 113). L’affection peut être durable ou seulement passagère, dès lors qu’elle existait au moment de l’acte.
Elle doit être prouvée par celui qui l’invoque devant les juges du fond : « l’insanité d’esprit est un fait matériel dont la preuve et la portée sont abandonnées а la prudence des juges du fond ; l’appréciation par laquelle ceux-ci estiment que la régularité formelle d’un testament n’empêche pas les dispositions qu’il contient d’être déraisonnables échappe au contrôle de la Cour de cassation » (Civ. 5 déc. 1949: D. 1950. 57- décision rendue sous l’empire du droit antérieur а la L. du 23 juin 2006). Un arrêt du 7 février 1984 précise également que : « la charge de la preuve de l’insanité d’esprit du testateur incombe а celui qui agit en annulation du testament » (Civ. 1re, 7 févr. 1984: Gaz. Pal. 1984. 2. 433, note J. M).
Cette notion est indépendante de toute mesure de protection du majeur incapable, un majeur protégé pouvant être sain d’esprit.
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PREUVE
L’insanité d’esprit est appréciée souverainement par les juges du fond. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’une insanité au moment de l’acte (Article 1353 Code civil).
Dès lors qu’elle n’est pas exclusive de lucidité, l’existence d’affections mentales (comme la dépression, le délire de persécution, la désorientation occasionnelle due au grand âge, la toxicomanie) ne suffit pas en elle-même à établir l’insanité ; il faut en plus faire la preuve d’une altération du discernement au moment de l’acte
Même l’existence d’une affection conduisant à une démence irréversible comme la maladie d’Alzheimer n’est pas suffisante à obtenir l’annulation d’une libéralité, dès lors qu’en dépit de l’existence d’un déclin cognitif ou début d’altération de ses facultés personnelles, il n’est pas établi que le disposant fût dans l’incapacité d’appréhender et de défendre ses intérêts (Cour d’appel de Paris – 5 juin 2019 – n° 17/16577). L’important est donc la lucidité et la compréhension de l’acte par la personne.
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PRESCRIPTION DE L’ACTION EN NULLITÉ
L’action en nullité d’une libéralité pour insanité d’esprit se prescrit par cinq ans (Article 2224 du Code civil). Du vivant de son auteur, l’acte ne peut être annulé que par lui-même (Article 414-2 alinéa 1 du Code civil), ou par son tuteur, en cas de mise sous tutelle postérieurement à la libéralité. Le point de départ de l’action en nullité de la donation (le testament étant librement révocable) est la date de l’acte.
Les libéralités faites par une personne protégée, dans les deux années précédant la mise en place de la protection, peuvent être annulées sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l’altération de ses facultés personnelles était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés (Article 464 du Code civil).
Après la mort de son auteur, les libéralités faites par lui peuvent être attaquées pour insanité d’esprit par ses héritiers, légaux ou testamentaires. La prescription de cinq années ne court alors qu’à compter du décès, qu’il s’agisse d’une action en nullité d’un testament (Civ. 1, 20 mars 2013, no 11-28.318) ou d’une donation (Civ. 1re, 8 mars 2017, n ° 17–12.607).
B. LE VICE DU CONSENTEMENT
L’insanité d’esprit résulte de déficiences mentales ou de troubles qui empêchent une personne d’agir avec discernement. Dès lors, il est possible d’annuler les libéralités d’une personne non saine d’esprit lorsqu’elle les a consenties seule (nullité pour insanité d’esprit) ou après avoir été abusée par un tiers (action en réparation d’un abus de faiblesse).
L’action en nullité des donations ou des legs pour insanité d’esprit ne peut être intentée que par les héritiers, pendant 5 ans à compter du décès du donateur. Le fait d’abuser d’une personne vulnérable peut être considéré, au sens de la loi, comme un abus de faiblesse. Une personne profite de la faiblesse d’une autre afin de lui soutirer des biens ou des legs.
Non seulement la personne se rend coupable d’abus de faiblesse, mais également de détournement d’héritage.
Le site service-public.fr précise : « l’abus de faiblesse est le fait d’abuser une personne en profitant de son ignorance ou de sa faiblesse physique ou mentale. L’abus peut être caractérisé par la signature d’un document inadapté aux besoins de la personne ou la remise d’une somme importante ayant des conséquences graves sur son patrimoine. La victime peut porter plainte pour faire condamner l’auteur des faits et recevoir des dommages-intérêts.
Elle peut obtenir l’annulation de l’acte signé ». L’action en réparation du préjudice successoral peut être intentée, devant les tribunaux civil ou pénal, par les héritiers du donateur. En la matière, seul le tribunal judiciaire est exclusivement compétent (Article R.211-3-26 Code de l’Organisation Judiciaire).
L’erreur est le fait de se tromper sur l’objet donné ou sur la personne à qui il est donné. Par exemple, le donateur pensait donner un simple bijou alors qu’il a en fait donné un bijou de famille dont il ne voulait pas se séparer. La violence, elle, est une contrainte, morale ou physique, exercée sur une personne pour qu’elle consente à donner.
Sans cette violence la personne ne se serait pas exécutée. Il peut s’agir de violences physiques, mais aussi de menaces ou d’intimidation. La violence sur le conjoint, les descendants ou ascendants du donateur sont également source d’annulation. Le dol est une intention de tromper, de dissimuler des informations ou des éléments capitaux à une personne afin qu’elle consente à un don. Si elles avaient été connues du donateur, le don n’aurait pas existé ou aurait été différent.
II. ANNULATION DES LIBÉRALITÉS POUR ABSENCE DE CAPACITÉ JURIDIQUE
S’agissant de la nécessité de capacité juridique, l’article 902 du Code civil dispose : « toutes personnes peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables ».
A. L’INCAPACITÉ DU DISPOSANT
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MINEUR
Le mineur non émancipé ne peut disposer à titre gratuit. Néanmoins, le mineur de seize ans révolus peut disposer, mais uniquement par testament et jusqu’à concurrence de la moitié des biens de la quotité disponible (Article 903 du Code civil). Le mineur émancipé peut en revanche disposer librement comme un majeur.
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MAJEUR PROTÉGÉ
Pour recevoir ou consentir (donateur et donataire) à une libéralité, la personne doit être capable juridiquement. La personne placée sous tutelle peut, avec l’autorisation du juge ou du Conseil de famille s’il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations.
Elle ne peut faire seule son testament après l’ouverture de la tutelle qu’avec l’autorisation du juge ou du Conseil de famille s’il a été constitué, à peine de nullité de l’acte. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion (Article 476 du Code civil).
La personne sous curatelle, elle, ne peut faire de donation qu’avec l’assistance du curateur. Elle peut en revanche librement tester (Article 470 du Code civil).
La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. Elle peut donc librement disposer par donation ou testament. Toutefois elle ne peut, à peine de nullité, faire ces actes dans le cas où un mandataire spécial a été désigné pour leur exécution (Article 435 du Code civil).
B. L’INCAPACITÉ DU GRATIFIÉ
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INEXISTENCE DU GRATIFIÉ
S’agissant de l’incapacité des gratifiés, l’inexistence du gratifié l’empêche de recevoir donation. Ainsi, les personnes majeures déclarées légalement incapables doivent être encadrées pour consentir à des libéralités.
Les mineurs non émancipés ne peuvent consentir à des libéralités qu’avec l’accord de leurs représentants légaux (parents ou tuteurs). Les personnes privées de leur capacité de discernement, non saines d’esprit, ne peuvent pas consentir de libéralité.
Pour être capable de recevoir une libéralité, il est nécessaire et suffisant d’être conçu au moment de la donation ou du décès du testateur (Article 906 et 725 du Code civil). En conséquence, la personne physique non conçue comme la personne morale n’ayant pas la personnalité juridique à cette date ne pourront être gratifiées.
De même le legs fait à une personne morte est invalide (par exemple, un legs « à l’abbé Pierre »). L’incertitude de l’identité du gratifié invalide également la libéralité. Par exemple, le legs fait « aux amis » du testateur ou « aux pauvres ».
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EMPÊCHEMENT DE LIEN
La loi interdit au gratifié de recevoir une libéralité d’un disposant lorsqu’il existe entre eux certains liens faisant redouter une emprise du gratifié sur le disposant. Ainsi, le personnel médical (médecin, chirurgien, infirmières, aides-soignantes …) ne peut pas recevoir de libéralités d’une personne placée sous leurs soins (en la matière, lire : « Sur l’interdiction de recevoir des libéralités pour les professionnels du secteur de l’aide а domicile » – Note sous Cons. const., 12 mars 2021, n° 2020-888 QPC).
Cette incapacité touche également tout intervenant d’une aide à domicile d’une personne vulnérable. Les personnes chargées de représenter les personnes incapables ne peuvent pas recevoir de libéralité de leurs parts.
SOURCES :
http://droit-finances.commentcamarche.net/contents/1543-annuler-ou-revoquer-une-donation
https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2005_582/quatrieme_partie_jurisprudence_cour_590/droit_personnes_famille_592/succession_liberalites_7822.html
Sur l’interdiction de recevoir des libéralités pour les professionnels du secteur de l’aide а domicile : https://www-dalloz-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/documentation/Document?id=RDSS/CHRON/2021/0198
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