Droit viager au logement du conjoint survivant

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En vertu des articles 764 et 765-1 du Code civil, le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement. Si cette manifestation de volonté peut être tacite, elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux (1).

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Un homme décède le 24 avril 2010, laissant pour lui succéder son fils, M.J, né d’une première union, et son épouse commune en biens, Mme L, qui occupait alors un bien acquis par les deux époux. Le règlement de la succession traîne : le fils, sans domicile fixe, n’apprend la mort de son père qu’en mars 2012 et les rapports avec sa belle-mère se tendent jusqu’au conflit, celui-ci contestant la jouissant du domicile par la veuve. Il se trouve que cette dernière continue d’occuper le logement du couple après le décès, mais n’a pas formulé de façon expresse sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement.

Ce n’est qu’à l’occasion de la procédure de première instance, par conclusions notifiées le 30 août 2016, qu’elle formalise expressément la demande. En première instance, les juges du fond rejettent la demande de la veuve tendant à se voir reconnaître le droit viager au logement visé à l’article 764 du Code civil.

Cette décision fait l’objet d’un appel et les juges (Grenoble, 19 mars 2019, n° 17/05304) infirment la décision rendue en première instance. La cour d’appel considère que la veuve a formé une demande tacite de bénéficier du droit au logement résultant des dispositions de l’article 764 du Code civil en restant dans les lieux.

Les juges précisent, par ailleurs, que concernant l’immeuble commun, la veuve jouit donc d’un droit d’usage et d’habitation sur la partie du bien dépendant de la succession. L’héritier forme alors un pourvoi à l’encontre de la décision.

Il invoque que la cour d’appel a violé les articles 764 et 765-1 du Code civil en considérant que par son seul maintien dans les lieux, sa belle-mère avait manifesté sa volonté de bénéficier du droit d’usage et d’habitation en viager du conjoint survivant sur le logement appartement aux époux ou dépendant totalement de la succession.

La question posée était de savoir si la veuve pouvait légitiment invoquer le bénéfice du droit viager au logement du conjoint survivant en justifiant d’une demande tacite par le maintien dans les lieux après le décès.

La première chambre civile, au visa des articles 764 et 765-1 du Code civil, censure la cour d’appel. Elle souligne que « selon ces textes, le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement ».

Elle vient alors préciser que, « si cette manifestation de volonté peut être tacite, elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux » (§4 et5). La haute juridiction met en lumière que les juges du fond avaient retenu, en violation de ces textes, que le maintien du conjoint survivant dans les lieux plus d’un an postérieurement au décès devait s’analyser en une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement.

 

I. Le principe des droits au logement du conjoint survivant

A. Du droit temporaire au logement du conjoint survivant

La loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 a instauré au profit du conjoint survivant des droits destinés à assurer le maintien de son cadre de vie après le décès.

Le premier de ces droits est régi par l’article 763 du Code civil. Il s’agit d’un droit d’habitation portant sur le logement servant effectivement d’habitation principale au conjoint survivant au jour de l’ouverture de la succession (2) et d’un droit d’usage portant sur le mobilier garnissant ce logement. Il est d’ordre public.

Le droit temporaire au logement ne peut être exercé que sur les biens expressément visés par l’article 763 du Code civil, savoir :

  • Un bien appartenant aux deux époux (bien commun ou bien indivis entre les époux) ;
  • Un bien dépendant en totalité de la succession (bien propre ou bien personnel) ;
  • Un bien loué par bail d’habitation ;
  • Et depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, un bien détenu en indivision avec un tiers.

Dans les deux premières hypothèses, le conjoint occupe le bien pendant une année et la succession assume les frais relatifs à ce bien. Dans les deux dernières hypothèses, le conjoint paie un loyer au bailleur ou une indemnité d’occupation au tiers, puis la succession lui rembourse ce qu’il a versé pendant un an. Cette dernière devrait également lui rembourser le cas échéant les charges de copropriété qu’il a assumées.

Le droit temporaire porte également sur le mobilier garnissant le logement. Le droit temporaire au logement est d’une durée d’un an à compter de l’ouverture de la succession.

Le droit temporaire au logement est un effet direct du mariage, le conjoint en bénéficie donc non pas en tant qu’héritier, mais en tant que créancier de la succession. Il s’agit d’une charge successorale, dont les héritiers ne sont toutefois tenus qu’à concurrence des forces de la succession, quelle que soit leur option successorale.

D’un point de vue civil, la totalité des remboursements faits au conjoint au titre du droit temporaire-loyers, charges, indemnité d’occupation-devrait être déductible de l’actif. L’administration fiscale n’admet quant à elle que la déduction des loyers ou indemnités d’occupation remboursés.

B. Du droit viager au logement du conjoint survivant

Le droit viager au logement a été institué afin de permettre au conjoint survivant de conserver son cadre de vie sa vie durant. Il s’éteint en principe avec le décès de son bénéficiaire.

Contrairement au droit temporaire au logement, le droit viager n’est pas d’ordre public, le conjoint peut en être privé. Toutefois afin que le de cujus prenne pleinement conscience des conséquences de son acte, l’article 764 du Conjoint civil exige que la privation se fasse par testament authentique.

Lorsque le conjoint peut opter pour l’usufruit de toute la succession (Code civil, article 757), il est nécessaire également de le priver de ses droits légaux en usufruit, car à défaut son usufruit légal porte également sur le logement assiette du droit viager.

Le droit viager d’habitation s’exerce sur le logement occupé de façon effective à titre d’habitation par le conjoint survivant. Il ne peut porter sur un appartement indépendant matériellement et juridiquement du lot de copropriété occupé par le conjoint survivant, même si cet appartement est occupé par un enfant majeur du conjoint survivant rattaché au foyer fiscal de ce dernier. Le conjoint ne peut également exercer son droit viager sur un bien donné à l’époux prédécédé et qui fait l’objet d’un droit de retour conventionnel (3).

Par ailleurs, l’assiette du droit viager ne peut être qu’un logement dépendant en totalité de la succession ou appartenant aux deux époux (Code civil, article 764). Le législateur n’a pas voulu imposer à un tiers la présence du conjoint survivant sa vie durant. Le droit viager d’usage porte sur le mobilier garnissant ce logement. En l’absence de droit viager d’habitation, il peut donc y avoir un droit viager d’usage sur le mobilier.

 

II. Exception tenant au droit viager automatique du conjoint survivant

A. Exception tenant à l’option préalable du conjoint survivant

Le droit viager n’est pas automatique. Pour en bénéficier, le conjoint survivant doit manifester sa volonté dans l’année du décès. Selon l’article 765-1 du Code civil : « le conjoint dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’habitation et d’usage ».

La loi ne prévoit aucun formalisme, mais il est fortement conseillé de constater cette option dans un écrit même si la Cour de cassation a admis que l’option pour le droit viager peut être tacite (4).

Pour autant, ce mécanisme conférant au conjoint survivant un droit viager portant sur un bien dévolu en tout ou partie aux enfants d’un premier lit de son époux prédécédé, on comprend que la question de sa mise en œuvre puisse faire débat. Les héritiers étant privés du plein bénéfice de leur héritage, la manifestation du conjoint survivant doit intervenir dans un délai assez court-une année-et ne doit pas être équivoque.

Le caractère tacite de la volonté de bénéficier de ce droit – dont la mise en œuvre vient réduire les droits de l’héritier – n’exclut pas de la formaliser. Le maintien dans les lieux peut constituer un indice de cette expression, mais ne suffira jamais à elle seule à compter le bénéfice des articles 764 et 765-1 du Code civil.

Il convient d’identifier d’autres preuves non équivoques de la volonté du conjoint survivant d’en bénéficier. Ici, la première verbalisation expresse de cette volonté par la veuve intervient six années après le décès. Dans cette affaire, contrairement à celle de 2109, aucun autre élément ne vient corroborer, à côté du maintien dans les lieux, l’existence de la demande de la veuve. Ni son refus de vendre le bien ni celui de signer l’acte de notoriété de 2001 n’emportaient la preuve de sa volonté de bénéficier du droit viager.

B. Nature juridique et conséquence de l’option préalable du conjoint survivant

Contrairement au droit temporaire, le droit viager est un droit de nature successorale. Le seul le conjoint survivant ayant accepté la succession peut en bénéficier à condition d’avoir opté dans le délai légal. Le conjoint renonçant ou indigne ainsi que celui privé par testament authentique ne peuvent revendiquer le droit temporaire au logement.

En définitive, en l’espèce, il est probable qu’en vertu de l’arrêt du 2 mars 2022 que la veuve entendait se maintenir dans les lieux et considérait que sa jouissance effective du logement suffisait à caractériser sa volonté. Mais faute de preuve, pas de droit. La preuve de la volonté tacite du conjoint de bénéficier du droit viager peut s’avérer complexe à apporter. Aussi, il semble judicieux d’inviter les conjoints à exprimer par écrit et clairement une telle volonté de bénéficier de ce droit, et ce dans l’année du décès, faute de quoi, ils risquent d’être fort marri en cas de contestation par les héritiers de leur bien-aimé défunt.

 

Sources :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045309030?init=true&page=1&query=20-16.674&searchField=ALL&tab_selection=all
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028001565?init=true&page=1&query=12-21.569&searchField=ALL&tab_selection=all
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031226813?init=true&page=1&query=14-18.131&searchField=ALL&tab_selection=all
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038161195?init=true&page=1&query=18-10.171&searchField=ALL&tab_selection=all

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