Testament, curatelle et tutelle
Le testament est l’expression écrite, de la volonté d’une personne concernant la transmission de son patrimoine après sa mort.
L’article 967 du Code civil précise ainsi que : « Toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre d’institution d’héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté ».
Dans le cas où la personne qui établit le testament, c’est-à-dire le testateur, est protégée par une tutelle ou une curatelle, des règles spéciales vont trouver à s’appliquer. C’est en effet que le majeur protégé doit être accompagné, suivi et notamment lorsqu’il s’agit de décider de la destinée de son patrimoine. Ainsi, il est particulièrement opportun de s’intéresser à la validité d’un testament en cas de curatelle et de tutelle ?
En raison de l’importance de son contenu, le testament est protégé par le droit. Tout testament est révocable, il peut être réécrit et modifié.
Le testament est un acte juridique et est donc soumis aux conditions de validité applicable à tout autre acte :
• Être capable juridiquement
• Être sain d’esprit
C’est ce que reprend à son compte l’article 901 du Code civil en matière de libéralité : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».
Le testament étant lié à l’expression de la volonté du testateur pour être valable, il est nécessaire que cette volonté s’exprime de manière claire et précise. Le droit reconnaît comme volonté valable, celle qui est exprimée librement, par un esprit sain et par une personne « capable » juridiquement.
Dès lors, tout le monde ne peut pas être l’auteur d’un testament. L’auteur doit avoir la capacité de le faire. Ce principe découle de la notion de capacité juridique.
La capacité juridique est à la fois le fait de pouvoir jouir de droits (capacité de jouissance) et de pouvoir les exercer seul (capacité d’exercice). En conséquence, la personne capable engagera sa responsabilité en cas de problème.
En principe, toute personne majeure est désignée « capable » juridiquement. À cette capacité est associée une présomption de santé d’esprit.
L’incapacité empêche la personne d’exercer seule ses droits et l’oblige à être représentée (par un parent, un tuteur ou un curateur). Du fait de leur vulnérabilité, le droit a mis en place un système de protection selon la gravité des actes en cause.
C’est le cas du mineur, qui sera représenté par ses parents afin d’assurer la protection de son patrimoine jusqu’à sa majorité. Cependant, le mineur émancipé et le mineur âgé de plus de 16 ans (âge où il peut disposer seul de la moitié de ses biens) auront les mêmes droits qu’une personne majeure non protégée.
C’est le cas du mineur, qui sera représenté par ses parents afin d’assurer la protection de son patrimoine jusqu’à sa majorité. Cependant, le mineur émancipé et le mineur âgé de plus de 16 ans (âge où il peut disposer seul de la moitié de ses biens) auront les mêmes droits qu’une personne majeure non protégée.
C’est également le cas des majeurs protégés et notamment des victimes d’altération de leurs facultés mentales ou corporelles les empêchant de défendre au mieux leurs intérêts.
Pour ces dernières, la loi prévoit la mise en place de régimes de protection pour la conclusion de certains actes, afin d’être assistées ou représentées. Il existe trois régimes que le juge peut choisir en fonction du niveau d’altération des facultés de la personne : la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle.
Pour qu’un acte soit déclaré valable et donc insusceptible d’annulation, la personne, en plus d’avoir la capacité de le conclure, doit y avoir consenti librement et de manière éclairée.
La capacité juridique pose une simple présomption de santé d’esprit. Cela signifie que l’acte peut être annulé s’il est prouvé qu’au moment de sa signature, la personne ne satisfaisait pas aux conditions mentionnées ci-dessus. Par exemple, si la volonté de la personne est entravée à la suite d’agissements extérieurs (pressions, erreur, manipulation, violence).
Comment peut être rédigé un testament par des personnes majeures définies incapables par la loi ?
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I/ La cause de la protection des majeurs protégés
Les majeurs protégés sont des personnes dont les facultés mentales ou corporelles sont altérées et qui ne peuvent plus faire face à leurs obligations quotidiennes, les mettant de telles sortes en danger.
Afin de protéger ces personnes, le code civil prévoit un ensemble de mesures de protection judiciaire qui peuvent être réclamées par l’intéressé lui-même, par son conjoint, son partenaire lié par un PACS ou concubin s’il y a communauté de vie, par un parent ou allié, par une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, par la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique ou encore par le procureur de la République agissant d’office ou à la demande d’un tiers.
La demande doit toujours être accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat médical circonstancié établi par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Ce médecin peut lui-même solliciter l’avis du médecin traitant de la personne qu’il y a lieu de protéger.
Ce certificat permettra d’attester d’une demande sérieuse et de déterminer le niveau d’altération de la personne (article 1219 du Code de procédure civile). Le juge décidera par la suite, de la mesure la plus adaptée si cela s’avère nécessaire (article 428 du Code civil).
L’appréciation de l’altération des facultés d’une personne vulnérable est essentielle pour la détermination de la mesure de protection (Cass. 1re civ., 12 oct. 2022, n° 21-12.268). Les mesures de protection judiciaires permettent aux personnes protégées d’être accompagnées pour la conclusion de certains actes. La protection dépend de la classification des actes qui permettent de déterminer si la personne est apte ou non à les conclure sans assistance ou représentation.
Les actes sont classés par ordre croissant de gravité, selon le poids de leurs conséquences.
• Les actes conservatoires permettent de maintenir en état le patrimoine (acheter un téléphone portable et souscrire à un abonnement, déclarer un sinistre)
• Les actes d’administration permettent de gérer la vie courante (l’achat de mobilier, la conclusion d’un bail d’habitation)
• Les actes de disposition permettent de modifier le patrimoine (vente d’un immeuble, emprunt)
Un acte peut également présenter un caractère strictement personnel ou personnel
• Les actes strictement personnels sont de nature tellement intime qu’ils ne peuvent être réalisés que par la personne concernée. La représentation ou l’assistance pour ces actes est totalement interdite (reconnaissance d’un enfant par exemple).
• Les actes personnels sont des actes intimes, mais qui peuvent faire l’objet d’une assistance.
La différence entre la curatelle et la tutelle réside dans les notions de représentation et d’assistance vis à vis d’un testament en particulier.
Ainsi, l’article 440 du Code civil dispose : « La personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin, pour l’une des causes prévues à l’article 425, d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle. La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante. La personne qui, pour l’une des causes prévues à l’article 425, doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle. La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante ».
Le majeur sous tutelle est donc représenté. La représentation est le fait qu’une personne exerce ses droits par l’intermédiaire d’une autre parce qu’elle ne peut le faire juridiquement.
Cela a pour conséquence qu’elle cède également, à cette personne, la responsabilité de cet acte. Il n’y a pas de participation de la personne majeure en cas de représentation. Le majeur sous curatelle est seulement assisté. L’assistance est un accompagnement. Le majeur participe aux actes. Cette distinction a des incidences lors de la confection d’un testament.
II/ La rédaction d’un testament par une personne placée sous curatelle ou tutelle
A. LE TESTAMENT DE LA PERSONNE SOUS CURATELLE
La curatelle consiste à assister de manière continue la personne lors de la conclusion de certains actes. Une personne va être nommée pour conseiller et contrôler la personne protégée, il s’agit du curateur.
Les proches sont toujours privilégiés pour cette mission. Une personne placée sous curatelle est souvent le fait d’une altération légère ou passagère des facultés. La curatelle est un système souple et relativement peu contraignant. La personne placée sous ce régime peut accomplir seule, sans assistance, tous les actes conservatoires et d’administration.
Pour les actes de disposition, le curateur doit être présent. Mais le curateur n’agit jamais à la place de la personne.
Le testament est un acte de disposition. Mais en tant qu’acte éminemment personnel, l’assistance n’est que facultative. La loi n’a pas soumis le testament du majeur sous curatelle à l’assistance obligatoire du curateur.
Dès lors, la personne sous curatelle peut rédiger son testament seule selon les conditions de forme prévues par la loi. Elle a cependant également la faculté de se faire assister, si cela correspond à son souhait exprimé de manière claire et libre. Toutefois, la validité du testament est susceptible d’être ultérieurement contestée en raison d’une insanité d’esprit viciant le consentement du testateur.
C’est ce que prévoit l’article 901 du Code civil : : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit ». La curatelle est en effet un indice d’insanité d’esprit qui peut être utilisé par celui qui cherche à remettre en cause judiciairement la validité d’un testament. Tous les actes nécessitant la présence du curateur, accomplis sans lui seront annulés.
B. LE TESTAMENT DE LA PERSONNE SOUS TUTELLE
La tutelle est le régime de protection le plus contraignant. Le juge peut déterminer, au cas par cas, les actes que la personne pourra accomplir seule. Ce régime a été mis en place pour les personnes nécessitant une représentation continue du fait de la diminution de leurs facultés mentales ou d’une incapacité physique à exprimer leur volonté. Le majeur est représenté dans tous les actes de la vie.
Avant 2006, la personne mise sous tutelle ne pouvait pas établir de testament. Ainsi, tout testament écrit après la mise sous tutelle était annulé. Il était considéré alors qu’une personne mise sous tutelle ne pouvait exprimer de façon libre et éclairée sa volonté. Avec la réforme de 2006, le majeur sous tutelle peut rédiger un testament, mais seulement après l’autorisation du Conseil de famille et avec l’assistance du tuteur.
Néanmoins, l’assistance du tuteur peut être dangereuse pour le majeur protégé. En effet, une personne qui manque de jugement peut être influencée et certains tuteurs pouvaient essayer de récupérer l’héritage. La réforme initiée en 2006 protégeait de fait, insuffisamment les personnes placées sous tutelle.
Ainsi une nouvelle loi de 2007, entrée en vigueur le premier janvier 2009, a supprimé l’assistance du tuteur lors de la rédaction du testament par la personne sous tutelle.
C’est ce que prévoit désormais l’article 476 du Code civil : « La personne en tutelle peut, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations. Elle ne peut faire seule son testament après l’ouverture de la tutelle qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, à peine de nullité de l’acte. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion. Toutefois, elle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l’ouverture de la tutelle. Le testament fait antérieurement à l’ouverture de la tutelle reste valable à moins qu’il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu ».
Depuis, le majeur sous tutelle peut donc faire seul un testament sous l’unique condition d’avoir reçu l’autorisation du Conseil de famille. En revanche, la personne sous tutelle pourra révoquer son testament de sa seule volonté, sans recueillir d’autorisation du Conseil de famille.
Le Conseil de famille prend alors sa décision sans l’établissement d’un avis médical concernant la lucidité du majeur protégé. En effet, la condition d’expression d’une volonté libre et éclairée demeure toujours malgré le système de protection et devra donc être démontrée en cas de contestation du testament, et ce au jour de sa rédaction.
III/ L’annulation du testament malgré la mise sous curatelle ou tutelle
Le testament est un acte juridique, appelé libéralité, soumis à une condition de santé d’esprit.
La libéralité est une transmission, à titre gratuit, d’un bien ou d’un ensemble de bien.
Dès lors, la personne en curatelle, , qui peut rédiger un testament librement, doit tout de même être saine d’esprit et non influencée par des manœuvres extérieures (violence, manipulation, erreur).
Pour la personne placée sous tutelle, l’annulation est plus délicate à obtenir puisque le régime de protection prévoit une autorisation du Conseil de famille. Ainsi, il existe une certaine surveillance de la volonté de la personne la protégeant normalement des contestations.
Néanmoins, la décision du Conseil de famille est donnée sans information concernant l’état de santé de la personne. C’est la règle posée par le Code civil. Dès lors, lorsque les dispositions contenues dans le testament semblent avoir été prises à un moment où la personne sous tutelle manquait de discernement, elles pourront être annulées. En définitive, le régime de protection ne supprime pas la condition de santé d’esprit.
Le juge détermine, en cas de demande d’annulation, si la personne était en pleine possession de ses facultés mentales ou non à l’aide, le cas échéant, de témoignage, avis et examens. Le testament écrit avant la mise sous tutelle ou curatelle pourra lui, être annulé s’il est prouvé que l’élément ayant provoqué le placement de la personne sous protection existait au moment de la rédaction.
Il faut ajouter qu’une période suspecte de deux ans précédant la mise sous protection du majeur recouvre les obligations consenties par cette personne. Le testament fait dans les deux années précédant la mise sous protection judiciaire peut ainsi être annulé s’il est rapporté la preuve de la notoriété de l’altération des facultés mentales du testateur et d’un préjudice subi par ce dernier.
La demande d’annulation pour insanité d’esprit pourra être faite dans les cinq années suivant le décès de la personne.(article 2224 du Code civil).
SOURCES :
Successions – édition 2014 – Sylvie Lacroux
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F770.xhtml
https://testamento.fr/fr/
ARTICLE 967 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006150547/2021-01-27/
ARTICLE 901 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433635/
ARTICLE 440 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006150111/2021-01-27/
ARTICLE 476 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006427841/
SUCCESSIONS LE GUIDE PRATIQUE (ÉDITION 2020) PRAT EDITIONS LES GUIDES PRATIQUES POUR TOUS ; DROITS ET DÉMARCHESÉTABLIR UN TESTAMENT : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F770.xhtml
Caroline Delahais « Les majeurs protégés », le 11 avril 2022 : https://www.lexis360intelligence.fr/fiches-pratiques/document/FP_FP-625101_0KT0?q=testament%20tutelle%20curatelle%20&doc_type=pratique#FP_12
Arrêt CA Versailles, 19 oct. 2021, n° 20/02780 sur la validité d’un testament olographe rédigé par une personne atteinte de troubles ayant justifié l’ouverture d’une procédure de protection judiciaire : https://www.doctrine.fr/d/CA/Versailles/2021/C35839331AF160BED85B8
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