La sortie d’indivision par voie judiciaire
L’indivision est une situation dans laquelle plusieurs personnes sont propriétaires d’un même bien. C’est une situation particulière qui n’est pas aisée et qui peut être source de conflits entre les différents propriétaires, appelés co-indivisaires.
L’article 815 du Code civil prévoit cependant un principe cardinal du droit des indivisions, celui de la liberté de sortie : « nul ne peut être contraint à demeurer en indivision, à moins qu’il n’ait été sursis par jugement ou autrement ». La possibilité de quitter l’indivision est donc réelle. Cependant, quitter une indivision n’est pas chose facile et de nombreux conflits peuvent apparaître. De nombreuses jurisprudences portent d’ailleurs sur le désaccord entre indivisaires.
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Souvent des crises peuvent exister entre les indivisaires, crise qu’ils ne peuvent pas régler entre eux, et qui ne pourra être levée qu’avec l’intervention d’un juge. Une loi de 1976 (Loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 relative à l’organisation de l’indivision) avait prévu diverses autorisations judiciaires confirmées par une loi de 2006 (Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités).
L’indivision est une technique juridique très générale (C. Atias, Droit civil, Les biens, préc., n° 171, p. 132), ce qui apparaît tant par la variété des biens auxquels elle peut s’appliquer (V. par ex., pour une application du régime de l’indivision à des algorithmes, P.-Y. Gautier, De la propriété des créations issues de l’intelligence artificielle : JCP G 2018, 913), que dans la diversité des situations qui peuvent la faire naître.
L’indivision peut trouver son origine dans les situations les plus diverses, qu’il s’agisse par exemple de l’achat en commun d’un bien par plusieurs personnes, de l’acquisition de droits indivis, de la dissolution d’une communauté matrimoniale, d’une société ou d’une association. La source principale d’indivision est toutefois la succession dévolue par la loi ou par la volonté du de cujus à plusieurs personnes.
L’indivision successorale ou héréditaire (H. Capitant, L’indivision héréditaire : Rev. crit. législ. et jurispr. 1924, p. 19 et 84) survient presque nécessairement à chaque transmission d’un patrimoine d’une génération à une autre. C’est là une conséquence directe du principe de la continuation de la personne du de cujus.
Le site service-public.fr résume bien cette forme : « après un décès, le patrimoine du défunt est en indivision, s’il y a plusieurs héritiers. Cela signifie que les biens de la succession appartiennent indistinctement à tous les héritiers sans que leurs parts respectives ne soient matériellement individualisées.
Les biens composant l’indivision sont appelés biens indivis. Chaque membre de l’indivision, appelé indivisaire ou cohéritier se voit alors attribuer une part sous forme de quote-part. L’indivision n’est qu’une étape transitoire dans le règlement de la succession. Elle s’achève avec le partage du patrimoine ».
Tous les héritiers, dès l’ouverture de la succession donc, sont investis de droits concurrents de même nature sur l’universalité des biens du de cujus qui se trouvent de ce fait indivis jusqu’au partage.
Cette importance particulière de l’indivision successorale explique que les articles 815 et suivants du Code civil figurent au chapitre VII du titre « des successions ». Le Code civil prévoit la possibilité d’un partage amiable à l’article 835, mais lorsque celui-ci n’est pas possible, il existe une possibilité de sortie de l’indivision par voie judiciaire.
En cas de conflit, l’article 840 du Code civil prévoit, en effet, que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.
Selon l’article 840-1 du Code civil « lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement entre les mêmes personnes, qu’elles portent sur les mêmes biens ou sur des biens différents, un partage unique peut intervenir ».
I. FORMES DE SORTIE D’INDIVISION PAR VOIE JUDICIAIRE
Lorsqu’une demande de partage est formulée, mais que certains des indivisaires entendent demeurer dans l’indivision, le tribunal peut être sollicité afin que le demandeur au partage reçoive sa part sans que l’indivision soit close pour les autres.
Ce dispositif d’attribution éliminatoire intervient, sans préjudice de l’application des articles 831 à 832-3 du Code civil. Dans ce cas-là, il ne s’agit pas, à proprement parlé, d’un partage, mais d’une attribution de part en numéraire, à celui qui souhaite sortir de l’indivision.
La sortie d’une indivision peut également prendre la forme d’une autorisation. Celle-ci peut prendre la forme d’une représentation judiciaire en matière d’indivision.
L’article 815-4 alinéa 1er du Code civil dispose ainsi : « l’indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir ».
Il faut préciser qu’un droit de préemption existe alors en la matière : « le droit de préemption de l’art. 815-14 n’est applicable qu’en cas de cession de droits dans le bien indivis, non en cas de cession du bien indivis lui-même » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 juin 1992, 90-19.052, publié au bulletin). Dans ce cas, un autre indivisaire peut saisir le tribunal judiciaire pour être habilité à représenter celui qui est hors d’état de manifester sa volonté.
S’agissant de la demande de représentation de l’indivisaire : le tribunal judiciaire doit autoriser cette représentation dans l’étendue qui lui semble souhaitable (un ou plusieurs actes particuliers). En la matière, donc, les juges du fond sont exclusivement compétents et pourront apprécier l’étendue nécessaire des pouvoirs selon leur interprétation souveraine. En pratique, l’un des indivisaires va donner son consentement à la place de celui qui est empêché. L’indivisaire empêché a néanmoins la qualité de partie à l’acte.
D’autre part, des autorisations judiciaires permettent de se dispenser du consentement d’un indivisaire, et sans que celui-ci ne soit représenté. Cela rend la sortie plus facile. Plusieurs articles du Code civil prévoient cette possibilité. Ainsi, suivant les articles 815-5 à 815-7 du Code civil, il est possible de demander au juge l’autorisation de conclure un acte, sans le consentement d’un indivisaire, si celui-ci met en péril l’intérêt commun par son refus ou par son silence.
L’article 815-5 du Code civil prévoit ainsi : « un indivisaire peut être autorisé par justice а passer seul un acte pour lequel le consentement d’un co-indivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun ».
En la matière, la jurisprudence a précisé les contours de cette action : « l’autorisation judiciaire prévue а l’art. 815-5 exige la preuve préalable que le refus opposé par l’un des indivisaires met en péril l’intérêt de tous les co-indivisaires, et pas seulement que l’opération projetée est avantageuse » (Paris, 25 janv. 1983: Gaz. Pal. 1983. 1. 190; RTD civ. 1984. 135, obs. Patarin).
Constitue une cause permettant l’autorisation, par exemple, l’aliénation d’un indivisaire : « le refus de l’un des indivisaires de consentir а l’aliénation des biens indivis pour assurer le paiement des droits de succession met en péril l’intérêt commun des indivisaires ; en effet, bien que constituant une dette personnelle de chaque héritier, les droits de succession peuvent être poursuivis solidairement contre les divers héritiers et sur les biens de la succession » (Cour de Cassation, Chambre Civile 1, du 14 février 1984, 82-16.526, publié au bulletin)
Un autre cas de figure qui peut exister, il s’agit de la possibilité pour le tribunal judiciaire, plus précisément son président, par ordonnance, d’ordonner une mesure urgente requise par l’intérêt commun.
Dans ce cas, il n’est pas nécessaire que l’un des indivisaires s’y oppose, il y a juste une urgence à agir pour préserver les biens indivis. Il peut s’agir d’interdire le déplacement de certains biens (815-7 du Code Civil), de faire nommer un séquestre (815-7 du Code Civil) qui permet la vente d’un bien indivis en cas de mesure urgente.
Enfin, la sortie d’une indivision est possible via licitation. La licitation (vente aux enchères du bien et partage par la vente des droits) est également envisageable ou simplement un partage judiciaire sans licitation lorsque cela est possible. L’article 1377 du Code de procédure civil rappelle que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ».
II. COMPÉTENCE JUDICIAIRE
Seul le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession est compétent et peut être saisi par l’assignation d’un héritier avec représentation par un avocat obligatoire dans le cadre d’une procédure de sortie d’indivision.
L’article 841 du Code civil prévoit, en effet, que : « le tribunal du lieu d’ouverture de la succession est exclusivement compétent pour connaître de l’action en partage et des contestations qui s’élèvent soit à l’occasion du maintien de l’indivision, soit au cours des opérations de partage. Il ordonne les licitations et statue sur les demandes relatives à la garantie des lots entre les copartageants et sur celles en nullité de partage ou en complément de part ».
La jurisprudence précise en la matière que : « l’acte par lequel est déterminé le sort de certains biens de la succession s’impose aux indivisaires qui y ont été parties et fait obstacle а ce que l’un d’eux forme ultérieurement une demande de licitation » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 20 janvier 1982, 80-16.909, publié au bulletin).
Le partage judiciaire est toujours une procédure longue et complexe du fait de son formalisme accru par la complexité de la plupart des situations entre co-indivisaires. Depuis la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, le partage amiable est la règle et le partage judiciaire l’exception.
Ce caractère subsidiaire du partage judiciaire est clairement exprimé par l’article 842 du Code civil qui affirme que les copartageants peuvent abandonner à tout moment les voies judiciaires pour poursuivre le partage à l’amiable si les circonstances s’y prêtent.
Voilà une faculté susceptible de favoriser un aboutissement plus rapide et à moindres frais, comme le souhaite le législateur. Cette possibilité facilite grandement l’aboutissement d’un partage par compromis, et allège la procédure de changement de procédure.
L’article 841 du Code civil confirme la compétence exclusive antérieurement dévolue au tribunal judiciaire du lieu de l’ouverture de la succession. Ainsi, ce tribunal est le seul compétent pour connaître de l’action en partage successoral et des contestations relatives au maintien de l’indivision ou aux opérations de partage. Ainsi encore est-il seul compétent pour ordonner les licitations et se prononcer sur les demandes touchant à la garantie des lots entre copartageants ou celles qui tendent à la nullité du partage.
La compétence exclusive du tribunal judiciaire exclut toute compétence d’une autre juridiction, quel que soit le montant de la succession (Cour de cassation 1re chambre civile du 12 juin 2013, n° 12-18.444 : JurisData n° 2013-012085). De même, une Cour d’appel ne saurait se prononcer sur des points réservés au tribunal judiciaire sans que ceux-ci aient été soumis à ce dernier.
Ainsi, après l’infirmation d’un jugement statuant sur une question préalable à un partage, comme des difficultés préliminaires au partage, il convient de renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire territorialement compétent afin qu’il soit procédé aux opérations de ce partage (Cour de cassation, chambre civile du 15 mai 1945 : D. 1945, jurispr. p. 231. – Cour de cassation, chambre civile du 14 mai 1954 : D. 1954, jurispr. p. 613).
Un notaire sera alors chargé de suivre les opérations de liquidation et de partage, d’établir un acte de partage ou un procès-verbal de difficultés en cas de contestation, relatant le résultat des opérations dans un état liquidatif soumis à l’homologation du tribunal.
III. COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE POUR EXERCER L’ACTION EN PARTAGE PORTANT SUR DES IMMEUBLES SITUÉS À L’ÉTRANGER
Les tribunaux français se reconnaissent incompétents pour connaître du partage d’immeubles situés à l’étranger dépendant d’une indivision successorale, post-communautaire ou seulement d’origine conventionnelle (Cour de cassation, chambre civile du 5 juillet 1933).
Cette solution constante (Cour de cassation 1re chambre civile du 24 novembre 1953 et Cour de cassation 1re chambre civile du 7 mars 2000) est appliquée strictement par les tribunaux français.
Le domicile en France du défunt ne permet pas d’écarter cette règle. Elle vaut si elle porte sur une demande d’évaluation des biens immobiliers exclusivement pour déterminer des masses de calcul (Cour de cassation 1re chambre civile du 7 janvier 1982).
Même si tous les indivisaires possèdent la nationalité française et malgré l’extension donnée par la jurisprudence aux articles 14 et 15 du Code civil qui fondent un privilège de juridiction sur la seule nationalité française d’une des parties au procès, il est admis que ces dispositions ne sont pas applicables aux demandes en partage portant sur des immeubles situés à l’étranger (Cour de Cassation, chambre civile du 5 juillet 1933, préc. Cour de cassation chambre civile du 5 mai 1959 et Cour de cassation, chambre civile du 16 juin 1959).
Il faut donc, en la matière, être très vigilant et se renseigner auprès d’un professionnel lors de l’accession à la propriété. Cette incompétence des juridictions Française emporte compétence du tribunal du lieu d’établissement de l’immeuble et donc, du droit local. Cette application conduit donc à beaucoup complexifier le règlement des différends.
SOURCES :
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 juin 1992, 90-19.052, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007029062
Cour de cassation, Chambre Civile 1, du 14 février 1984, 82-16.526, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007012042
Cour de cassation, Chambre civile 1, du 20 janvier 1982, 80-16.909, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007008812
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