Les conflits liés aux enterrements

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Seul un mort peut faire l’objet de funérailles : la personne ne doit pas être en fin de vie, mais on doit être certain de son trépas. Mettant fin à la personnalité juridique, la mort est l’arrêt complet et irréversible des fonctions vitales, la définition médicale actuelle de la mort renvoyant à la mort cérébrale qui autorise le prélèvement d’organes.

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Le décès ainsi constaté vient l’heure des préparatifs pour les obsèques. Cette période est la plus éprouvante dans la mesure où des disputes pourraient s’élever à l’occasion de l’organisation des funérailles du défunt.

Les disputes pourront se manifester lorsqu’il s’agira du choix de l’organisateur des funérailles ou à l’occasion de la rémunération du prestataire de service chargé de l’organisation des funérailles ou encore de la mésentente entre les descendants du défunt quant au lieu de l’organisation des funérailles ou de l’inhumation du défunt.

La règle à suivre est rappelée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 2 février 2010 : “il convenait de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt en ce qui concerne l’organisation de ses funérailles et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités”. Tout le droit des funérailles est, en effet, fondé autour de la notion de “dernières volontés” dès lors que celles-ci ne sont pas contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Le choix des modalités de ses propres funérailles peut, en effet, être considéré comme relevant d’une liberté individuelle, même si la Cour européenne des droits de l’Homme a pu affirmer que cette liberté n’était pas à l’abri d’un certain pouvoir de réglementation de l’État au nom de la protection de l’ordre, de la morale et des droits d’autrui.

L’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 dispose que tout majeur peut régler les conditions de ses funérailles selon une volonté qui s’impose à ses proches. Le texte prévoit précisément que cette volonté peut être, notamment, exprimée par voie testamentaire.

Le décès d’un être cher est une étape bouleversante pour tout le cercle familial. La période qui s’en suit et le deuil font partie des moments les plus difficiles de la vie. La douleur générée par la disparition du défunt s’accompagne parfois de tensions entre les membres de la famille.

 

I. Les conflits liés aux enterrements : Le non-respect des directives du défunt

Que la personne décédée ait éprouvé le souhait d’une cérémonie civile, un rituel religieux, évoqué la volonté d’un cercueil en particulier ou encore d’une programmation musicale spécifique, les proches sont tenus de respecter ses directives. Il arrive que les membres de la famille soient en désaccord avec certains choix, comme le don du corps à la science, l’incinération ou le don d’organes, ce qui peut créer une rivalité. (1)

Dans une affaire, la mère d’un fils décédé voulait récupérer, seule, l’urne contenant ses cendres alors que le père souhaitait l’inhumation en terre.

Après avoir vérifié que l’intention du défunt était bien celle d’une incinération, et faute d’accord des parents pour « partager les cendres », les Juges ont autorisé la mère à garder l’urne mais ont imposé un délai de 6 mois avant qu’elle ne puisse les disperser, ce délai étant réservé dans l’espoir d’un accord. (Cour d’Appel de PARIS 12 avril 2002).

L’arrêt du 2 février 2010 montre à quel point, dans certaines familles, la douleur et le deuil, loin d’apaiser les conflits, les exacerbent ! Dans une espèce qui aurait sans doute plu à Balzac, une veuve affrontait la famille de son défunt époux à propos des modalités des funérailles de ce dernier.

Comme souvent dans ce type de contentieux, l’une des parties prônait l’incinération tandis que l’autre souhaitait que le défunt soit inhumé. C’est la mère du défunt qui avait saisi le tribunal d’instance “pour voir dire, principalement, que l’épouse de ce dernier ne pourrait être considérée comme l’interprète des volontés du défunt qui devra être inhumé en Tunisie”. (2)

Le tribunal d’instance a, en effet, une compétence particulière pour régler les contestations qui s’élèvent entre les proches à propos des conditions des funérailles d’un défunt, en vertu de l’article R. 221-7 du Code de l’organisation judiciaire, dans le cadre d’une procédure d’urgence dont les modalités sont précisées par l’article 1061-1 du Code de procédure civile.

Au-delà du traditionnel conflit belle-fille/belle-mère, l’arrêt s’inscrit, comme plusieurs autres rendus sur la même question, dans un contexte culturel particulier. Le défunt étant d’origine musulmane, sa famille par le sang était particulièrement heurtée par la perspective d’une crémation contraire aux préceptes de l’islam.

La décision du 2 février 2010 s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle, à défaut d’expression de la volonté du défunt, critère essentiel en la matière, il faut désigner la personne la mieux à même de connaître les souhaits de ce dernier, le conjoint bénéficiant, du fait de la vie commune, d’une présomption de proximité avec le disparu.

En réalité, dans la plupart des hypothèses qui donnent lieu à un contentieux judiciaire, il n’existe pas de preuves matérielles de volonté du défunt quant aux modalités de sa sépulture et le juge doit alors désigner, parmi les proches, celui dont il pense qu’il est le mieux à même de savoir ce que le défunt aurait souhaité.

Ainsi, la cour d’appel de Limoges affirme-t-elle dans un arrêt du 25 août 2005 “qu’en l’absence de preuve matérielle de la volonté du défunt quant aux modalités de sa sépulture, il convient de rechercher quelles personnes étaient le mieux à même d’apprécier cette volonté et par conséquent de la faire connaître”.

C’est donc bien en tant que “porte-parole” du défunt que cette personne doit être choisie et non en raison des arguments objectifs ou subjectifs qu’elle avance en faveur d’un type de sépulture. Ainsi, la cour d’appel de Paris considère-t-elle “que, indépendamment de la valeur des arguments invoqués par M. X en faveur de l’inhumation traditionnelle permettant de disposer d’un lieu de sépulture favorisant le travail de deuil, il convient de rechercher la volonté du défunt pour la faire primer”. Dans un arrêt du 12 juin 2001, la cour d’appel de Paris a cependant fait primer l’intérêt des jeunes enfants du défunt, sans rechercher véritablement quelle aurait pu être la volonté de ce dernier.

 

II. Conflits liés aux enterrements : la primauté du conjoint vivant avec le défunt

Le privilège de la veuve. Selon la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessus, “Mme Z, sa veuve, avec laquelle celui-ci a vécu pendant plus de trente et dont il a eu quatre enfants, était la plus qualifiée pour décider de l’organisation des obsèques, compte tenu de cette vie commune et des liens affectifs, non remis en cause, ayant uni ce couple”.

Cette primauté du conjoint survivant se retrouve dans plusieurs décisions antérieures. Ainsi, la cour d’appel de Paris n’a pas hésité, dans un arrêt du 5 mai 2009, à affirmer que “le droit reconnaît traditionnellement une priorité au conjoint survivant sur les autres membres de la famille quant au choix du lieu de sépulture”. Cette primauté reposerait sur l’idée que le conjoint reste en principe l’interprète privilégié de la volonté du défunt.

Communauté de vie. Moins que la qualité de conjoint, c’est la vie commune qui justifie la primauté du veuf ou de la veuve en matière de choix de sépulture. L’intimité partagée avec le défunt le place en effet en meilleure position pour savoir ce que ce dernier aurait souhaité comme dernière demeure.

Dans l’arrêt du 2 février 2010, la Cour de cassation insiste particulièrement sur cet aspect, soulignant le fait que la veuve a vécu plus de trente ans avec le défunt et les liens affectifs “non remis en cause” qui l’unissaient à lui. A l’inverse, plusieurs décisions ont écarté le conjoint comme meilleur interprète des volontés du défunt concernant les funérailles de ce dernier en raison de la séparation des époux.

Ainsi le tribunal de Lille, dans une décision du 20 mai 2005, considère que “le conjoint ne peut être qualifié d’interprète privilégié que dans la mesure où il existe une communauté de vie ; qu’en l’espèce, les époux B. étaient séparés et une procédure de divorce avait été engagée […] que si les enfants, tous majeurs, n’habitaient plus avec leur père, ils étaient par les liens du sang les proches parents, dévolutaires naturels du choix de la sépulture”.

Allant plus loin, certaines juridictions, comme la cour d’appel de Paris, refusent de laisser le conjoint organiser les obsèques en cas de mésentente établie des époux.

Comme l’affirme le Professeur Hauser, “tout est question d’espèce et au fond [le conjoint] ne bénéficie guère que d’une sorte de présomption d’autorité qui n’est justifiable […] que s’il n’y a pas mésintelligence entre les conjoints. Il ne suffirait donc pas d’être conjoint pour être l’interprète privilégié des volontés du défunt, il faudrait encore être un conjoint heureux en ménage”.

Concubinage

Dès lors que la primauté accordée au veuf ou à la veuve pour organiser les obsèques de son conjoint est fondée sur la communauté de vie et les liens affectifs, aucune raison ne permet de refuser la même faveur au concubin ou au partenaire qui réunit les mêmes caractéristiques, “sous réserve de la démonstration de la stabilité des relations de concubinage ; et ce qui, désormais, sera en principe d’autant plus vrai en cas de conclusion d’un pacte civil de solidarité”.

La jurisprudence s’est logiquement orientée en ce sens. La cour d’appel de Limoges a ainsi, par exemple, considéré dans une décision du 25 août 2005, que la concubine du défunt, qui vivait avec lui depuis cinq ans, “apparaît comme ayant été la personne la plus proche du défunt au cours des dernières années”.

 

III. Les conflits liés aux enterrements : les litiges les plus fréquents

En termes de conflits, ce sont ceux liés à la succession qui sont les plus fréquents. Le testament du défunt peut par exemple stipuler des mentions avantageant l’un ou l’autre des enfants, ce qui peut entraîner des jalousies et des contestations. Des conflits familiaux peuvent aussi apparaître au décès d’un proche quant à la gestion des biens en indivision, ou quant à la volonté d’un des indivisaires de quitter l’indivision.

Par ailleurs en ce qui concerne le testament, il convient de préciser qu’à défaut de testament par lequel le défunt exprimerait ses volontés quant à l’organisation de ses funérailles, “il convient de rechercher quelle aurait été la volonté du défunt s’il s’était exprimé”.

Dans un arrêt de 2005, la Cour de cassation affirme ainsi que “l’ordonnance qui retient exactement qu’il convenait de chercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt […] constate d’abord qu’Amar B., s’il n’était pas pratiquant régulier, était de tradition musulmane, qu’il avait manifesté le vœu d’être inhumé et que rien ne permettait d’affirmer qu’il eut entendu rompre tous liens avec cette tradition” (3). Il s’agit alors pour les proches en conflit à propos des modalités de funérailles du défunt d’établir quels étaient les souhaits de ce dernier sur ce point.

Un des héritiers peut ne pas être d’accord avec l’estimation des biens de la succession et refuser tout dialogue. Il peut également simplement décider de ne pas répondre aux diverses sollicitations et, par son silence, bloquer la succession dans le seul objectif de porter préjudice aux autres membres de la famille. Enfin, la suspicion d’un abus de faiblesse lors de la rédaction du testament peut être source de contentieux.

 

IV. Les conflits liés aux enterrements : L’absence de participation du père à l’entretien et l’éducation de l’enfant, caractérise un comportement gravement fautif du défunt.

Un descendant peut refuser catégoriquement de participer à l’organisation des funérailles de son ascendant en prétendant qu’il a été lésé par son ascendant qui a manqué à ses obligations envers lui.

Cette situation a fait l’objet d’une décision de la Cour de cassation le 31 mars 2021.

En l’espèce, une société de pompes funèbres est chargée de l’organisation de funérailles par le frère du défunt, mais les prestations réalisées ne sont pas réglées. La société assigne le frère en paiement, lequel appelle en garantie son neveu, fils du défunt.

Le tribunal, statuant en dernier ressort, rejette cette demande.

Le frère du défunt se pourvoit en cassation. Il invoque l’obligation de paiement de l’héritier, même renonçant, de la dette relative aux obsèques de son défunt père.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

En principe, lorsque l’actif successoral est insuffisant pour couvrir les frais funéraires, l’enfant doit, même s’il a renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais dans la proportion de ses ressources (Code civil, articles 205 et 806). Toutefois, il peut être déchargé en tout ou partie si son ascendant a gravement manqué à ses obligations envers lui (Code civil, article 207).

En l’espèce, il résulte des attestations produites devant les juges du fond que le défunt n’a jamais cherché à entrer en contact avec son fils ou à lui donner des nouvelles. Ce désintérêt, combiné à l’absence de participation du père à l’entretien et l’éducation de l’enfant, caractérise un comportement gravement fautif du défunt.

Partant, le fils, renonçant à ladite succession, peut être déchargé de son obligation envers le défunt.

 

V. Les conflits liés aux enterrements : Les motifs pouvant causer le désaccord lors de l’organisation des funérailles ?

La disparition d’un être cher pourrait s’accompagner des désaccords entre les membres de la famille. Voici les raisons les plus fréquentes de ces conflits :

  • Certains membres de la fratrie sont moins impliqués dans l’organisation des frais d’obsèques et des démarches administratives, soit parce qu’ils n’ont pas de ressources financières suffisantes, soit qu’ils ne se sentent pas très concernés. Il se peut aussi qu’ils n’ont pas assez soutenu la disparue lors de son vivant. Les autres membres ressentent alors une certaine rancœur envers eux à cause de leur manque de bienveillance.
  • Le défunt n’a pas laissé de testament olographe ou authentique et n’a pas souscrit à une assurance obsèques. Ses dernières volontés sur l’organisation des obsèques ne sont donc pas connues.
  • Le décédé a bien prononcé des directives lors de son vivant, mais il les a prononcés verbalement. Les autres membres de la fratrie peuvent mettre en doute lesdites directives et émettre par la suite des contestations.
  • La question religieuse sur l’existence ou non d’une cérémonie religieuse pourrait aussi être source de contentieux.
  • Le choix de l’entreprise de pompes funèbres, du cercueil, des inscriptions, du type de funérailles (crémation ou inhumation), du lieu d’inhumation, pourrait également diviser la fratrie.
  • Les conflits familiaux pourraient également provenir du souhait du défunt de faire un don de son corps à la science.

 

VI. Les conflits liés aux enterrements : Vers qui se tourner en cas de désaccord ?

Si les désaccords ne sont pas résolus à l’amiable, c’est à un juge de régler le litige familial et le tribunal d’instance du lieu du décès doit être saisi. Si le décès a eu lieu à l’étranger, c’est le tribunal du lieu du dernier domicile du défunt qu’il faut saisir.

Le juge commence par étudier tous les éléments susceptibles de rendre compte des intentions du défunt. Si cette phase de recherche ne permet pas d’identifier les possibles volontés du défunt, la loi ne fige les critères de choix de la personne désignée par le juge comme étant la plus qualifiée pour décider du déroulement des obsèques. La décision est donc rendue au cas par cas et selon les principes de la jurisprudence. (4)

Le conjoint ou concubin est souvent considéré comme le parent le plus proche et le plus à même de restituer les dernières volontés du défunt. Cependant, les avis de tous les membres de la famille ou de l’entourage sont pris en considération et le juge évalue aussi la force des liens affectifs ayant existé entre le défunt et chacun des proches en conflit. Dans ce cadre, une mère pourra être privilégiée à une épouse. (5)

Le code des communes imposant que les opérations d’inhumation ou de crémation soient faites dans un délai de 24 heures à 6 jours maximum après le décès (or dimanche et jours fériés), le tribunal d’instance statue dans les 24 heures. Et si la décision rendue par le tribunal d’instance ne convient pas ?

Il est possible de faire appel de la décision rendue dans les 24 heures auprès du premier président de la cour d’appel. Il n’est pas obligatoire de recourir à un avocat. La cour d’appel statue immédiatement.

 

Sources :

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