Dans quels cas un testament authentique peut-il être contestable ?

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S’agissant de l’ouverture des successions, la matière a beaucoup changé au cours de la dernière décennie. L’ancien article 718 du Code civil, implicitement abrogé depuis le 1er juillet 2002 par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 (JO 4 déc.), disposait que les successions s’ouvraient par la mort naturelle et par la mort civile.

On sait que la mort civile était une sanction particulièrement lourde, frappant à titre de peine accessoire, les condamnés à une peine criminelle perpétuelle. L’individu ainsi condamné se voyait privé de toute existence juridique, sa succession s’ouvrait et son mariage était dissous.

Par une loi du 31 mai 1854, le législateur a supprimé cette peine accessoire pour la remplacer par une peine d’interdiction légale qui a, à son tour, disparu depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal. Aujourd’hui, l’article 720 du Code civil dispose que la succession s’ouvre par la mort. La solution est reprise dans toutes les législations.

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Lorsque la succession s’ouvre, deux modes de gestion peuvent être mis en place : la succession légale, suivant les dispositions du Code civil, ou la succession suivant les dispositions de dernière volonté. C’est, en effet, que l’article 967 du Code civil dispose : « toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre dinstitution dhéritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté ».

Le testament est l’acte unilatéral par lequel une personne exprime ses dernières volontés et dispose de tout ou partie de ses biens pour le temps où elle n’existera plus. Cela permet d’anticiper les opérations de partage et la dispersion de son patrimoine.

L’article 969 du Code civil dispose : « un testament pourra être olographe ou fait par actes public ou dans la forme mystique ». En outre, l’article 971 du Code civil dispose que le testament authentique est un acte public qui est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.

Le testament authentique est un acte notarié qui obéit à des règles de forme strictes. Ce testament doit être dicté devant le notaire, en la présence de deux témoins. L’acte devra être signé. Avec le testament authentique, les risques de contestations au moment de l’ouverture de la succession sont réduits, puisque la compétence du notaire est censée les limiter.

La force probante des actes publics est, en effet, grande. Il sera très complexe, en pratique, de remettre en cause de tels actes.

Les premiers alinéas de l’article 972 du Code civil disposent que : « si le testament est reçu par les deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l’un de ces notaires l’écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. S’il ny a qu’un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l’écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. S’il ny a qu’un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire n’écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. Dans tous les cas, il doit en être donné lecture au testateur ».

L’article 973 du Code civil précise, lui : « ce testament doit être signé par le testateur en présence des témoins et du notaire ; si le testateur déclare qu’il ne sait ou ne peut signer, il sera fait dans l’acte mention expresse de sa déclaration, ainsi que de la cause qui l’empêche de signer ».

L’exposé de ces conditions de validité des actes authentiques nous permet de nous interroger sur la possibilité de remettre en cause de tels actes : sur le plan de la lecture (I), de la présence de témoins (II) ou sur la fausseté de l’acte (III).

I. CONTESTATION DU TESTAMENT AUTHENTIQUE LIÉE À L’ABSENCE DE LECTURE

S’agissant de la condition portant sur la lecture de l’acte notarié, le Code civil prévoit une lecture du testament authentique au testateur à l’alinéa 3 de l’article 972 du Code civil : « dans tous les cas ».

Cela veut dire que peu importe la réception de l’acte par un ou deux notaires il faudra lire les actes finis aux testateurs. L’absence de la lecture de l’acte est un moyen de contestation de l’acte authentique. La lecture de l’acte doit être faite par le notaire, même si le testateur peut lire le texte directement.

La lecture porte sur l’intégralité de l’acte, y compris les renvois et additions éventuels. Elle est faite en français et aussi dans la langue de la dictée le cas échéant. L’absence de la lecture de l’acte est un moyen de contestation de l’acte authentique. La lecture par le notaire doit être expressément mentionnée.

En effet, la « preuve de lobservation des conditions légales doit résulter de lacte authentique lui-même » (Civ. 1re, 7 juill. 1965: D. 1965. 557; JCP 1965. II. 14385, note Voirin).

Cependant, « il ne résulte pas de lart. 972 que la mention de la lecture du testament doive indiquer que celle-ci a été donné par le notaire lui-même: le testament, qui comporte la mention expresse que lecture en a été faite, a été établi conformément aux prescriptions légales » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 5 février 2002, 00-15.740, publié au bulletin) .

Il est opportun de préciser que la lecture a été faite par le notaire, même s’il a été jugé que ce fait était présumé (Cour de cassation, 1re Chambre civile du 5 février 2002, n° 00-15.740 : JurisData n° 2002-012942 ; JCP N 2003, n° 9, 1190).

II. CONTESTATION DU TESTAMENT AUTHENTIQUE LIÉE À LA SIGNATURE ET LA PRÉSENCE DE TÉMOINS

S’agissant de la contestation portant sur la forme du testament, il faut préciser que la rédaction d’un testament authentique nécessite la présence de deux témoins qui ne doivent pas être des légataires, à quelque titre que ce soit, ni des parents ou alliés du testateur jusqu’au quatrième degré inclusivement. Sont aussi exclus les clercs de notaires par lesquels les actes sont reçus.

En effet : « la question de savoir si la personne qui travaille chez le notaire rédacteur du testament doit être considérée comme clerc de ce notaire au sens de lart. 975 dépend des circonstances de la cause ; en reconnaissant а la personne travaillant habituellement dans létude du notaire rédacteur la qualité de clerc, bien quelle ne fût pas inscrite au stage, les juges du fond ont fait une juste appréciation des faits et circonstances de la cause par eux constatés » (Civ. 25 janv. 1858: DP 1858. 1. 63).

Si un témoin relève des conditions citées à l’article 975 du Code civil, l’acte sera fortement contestable. S’agissant de la détermination des légataires, la jurisprudence est venue précisée la notion en jugeant que : « lorsque la seule bénéficiaire du legs est une association diocésaine, la qualité decclésiastique nemporte aucune incapacité а être témoin au testament authentique contenant ce legs » (Civ. 1re, 9 janv. 1980: Bull. civ. I, no 23; D. 1980. IR 403, obs. D. Martin).

Et que « de même, dès lors que le témoin nest pas personnellement gratifié par le legs, qui profite exclusivement а la commune, sa qualité de conseiller municipal et dadjoint au maire nemporte pas incapacité а être témoin » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2007, 06-20.074, publié au bulletin).

Cependant, la jurisprudence accepte la présence d’un stagiaire (Civ 1ère, 3 février 2010). Notons que ceux-ci devront signer l’acte avec le notaire et le testateur.

Le testament notarié doit être signé par le testateur en présence des témoins et du notaire ; il est signé aussi par les témoins et le notaire (Code civil, articles 973 et 974). Ces formalités sont imposées à peine de nullité.

Si le testateur ne peut pas signer, il doit en faire la déclaration au notaire qui le mentionne dans l’acte en précisant la cause de l’impossibilité de signer. Cette déclaration s’impose et sur ce point la jurisprudence est sévère (Cour de cassation, 1re Chambre civile du 26 septembre 2007, n° 05-19.909 : JurisData n° 2007-040501 ; JCP G 2007, IV, 2934 ; JCP N 2007, act. 647 ; JCP G 2008, I, 10051, J.-G. Mahinga ; Dr. famille 2007, comm. 224, B. Beignier).

L’appréciation de l’incapacité de signer demeure soumise au pouvoir souverain des juges du fond : « validité du testament comportant mention par le notaire de la déclaration du testateur quil ne savait pas signer (appréciation souveraine des juges du fond qui relèvent que, si lintéressé avait pu apposer sur des chèques et lettres ses initiales maladroitement écrites, il avait déclaré dans dautres documents officiels ne pas savoir signer, ce qui permettait dexclure que la même déclaration faite au notaire manifestât un refus de signer l’acte » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 23 mai 1995, 93-14.911, publié au bulletin).

Par conséquent, une absence de signature du testateur sans mention express, ou présentant une fausse mention, dans l’acte conduira à une contestation possible de l’acte.

III. CONTESTATION DU TESTAMENT AUTHENTIQUE LIÉE AU NOTAIRE

En plus de ces deux différents moyens de contestation de l’acte authentique, il est possible d’attaquer directement la validité de l’acte et donc la qualité même du notaire.

En effet, le nouvel article 1369 du Code civil dispose : lacte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être dressé sur support électronique sil est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Lorsquil est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

 De ce fait, il existe des interdictions personnelles : lacte instrumenté en méconnaissance de linterdiction faite par lart. 2 du Décr. 26 nov. 1971 aux notaires de recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés sont parties ou contenant des dispositions en leur faveur ne vaut pas titre exécutoire (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 octobre 2012, 11-25.789, publié au bulletin).

De ce fait, une remise en cause sera possible : linscription de faux incidente contre lacte notarié est fondée, de même que lannulation de la vente, lorsque la fausse mention du lieu de passation de lacte dans loffice a pour effet de dissimuler les conditions de préparation de lacte en réalité rédigé dans sa propre étude par le représentant légal de la société acheteuse ; lacte nul en tant quacte authentique ne peut pas davantage subsister en tant quacte sous seing privé (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 juin 2015, 14-13.206, publié au bulletin).

Le notaire doit donc vérifier que le testateur a la capacité nécessaire, au moins dans la mesure où il peut l’apprécier. La déclaration qu’il peut faire à cet égard ne fait pas foi jusqu’à inscription de faux. Les actes notariés sont des écrits rédigés par le notaire, exécutoires de plein droit, et dont les affirmations font foi jusqu’à inscription de faux.

Le testament authentique a une force probante plus élevée qu’un testament olographe et est reconnu comme plus difficilement contestable. Seule une procédure d’inscription de faux permet de remettre en cause un tel. Les constatations que l’officier public a faites et contenues dans l’acte authentique, valent jusqu’à inscription de faux.

L’inscription de faux est le seul moyen pour faire reconnaître un acte authentique comme inexact. Cette procédure peut être engagée notamment lorsque le notaire a constaté des faits inexacts en toute connaissance de cause (en ce sens : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 janvier 2018, 17-10.560, publié au bulletin).

Accuser un notaire de faux en écriture publique est un acte très sensible, et l’inscription de faux trouve en pratique rarement une issue favorable. L’officier ministériel accusé de faux en écriture publique encourt des sanctions pénales.

Pour un testament authentique, seules les énonciations faites par le notaire relativement à la date, la présence des parties et leurs signatures font foi jusqu’à inscription de faux. De même, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 17 juin 2015, que doit être inscrit en faux l’acte authentique, qui contient une fausse mention du lieu de l’acte.

Toutefois, la connaissance qu’il (le notaire) a généralement de son client et les échanges qu’il peut avoir avec lui avant l’établissement du testament permettent d’avoir une idée assez exacte de la clairvoyance du testateur. Si celle-ci n’est pas suffisante, il doit renoncer à instrumenter. Le contrôle que fait le notaire rend le testament notarié plus sûr qu’un testament olographe et les contestations de la capacité du testateur plus rares et plus aléatoires.

Ces trois axes de contestations demeurent inégaux en pratique. Les deux premiers sont les plus aisés à mettre en œuvre, quand l’inscription en faux demeure marginale en jurisprudence.

Il ne faut pas écarter la nécessité du recours à un avocat en cas de contestation des testaments. Il pourra vous apporter un accompagnement personnalisé et spécialisé. Il faut également dire la compétence exclusive du tribunal judiciaire en matière de contestation des testaments, s’agissant d’une matière relevant des successions (Art. R211-3-26 COJ).

SOURCES :
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 5 février 2002, 00-15.740, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007045109
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2007, 06-20.074, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017930328/
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 23 mai 1995, 93-14.911, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007033979/
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 31 octobre 2012, 11-25.789, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026572932/
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 juin 2015, 14-13.206, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030759772
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 janvier 2018, 17-10.560, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036635141

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