Révocation du testament pour cause de trahison

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Peut-on révoquer un testament pour cause de trahison ? Quelle sont les autres causes d’annulation de testament ?

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I. Quels sont les différents types de testaments ?

 L’article 969 du Code civil permet la différenciation entre trois types de testaments. On distingue en conséquence le testament olographe, le testament authentique, et le testament mystique.

Le testament olographe est le testament écrit par le testateur. L’article 970 du Code civil précise que ce testament n’est pas valable s’il n’est pas écrit en entier, daté et signé de la main du testateur.

Le testateur qui souhaite désigner le bénéficiaire de son contrat d’assurance vie dans son testament doit, que ce testament soit écrit de sa main ou tapé à la machine, le rédiger en entier et le dater et le signer de sa main. A défaut, une telle désignation bénéficiaire ne pourrait être prise en compte (2).

Doit être cassé l’arrêt d’appel qui retient que l’absence de signature est sans incidence sur la validité d’un testament dès lors que les termes employés et sa remise à un notaire ne laissent aucun doute sur l’approbation personnelle et définitive du contenu de l’acte par son auteur, alors qu’il ne peut être suppléé à la signature du testateur (3).

Il doit être remis, au décès du testateur, au greffe du tribunal judiciaire. Il y est ouvert puis remis au notaire désigné par le président du tribunal judiciaire. Si ces formalités ne sont pas accomplies, il y a nullité du testament.

Un testament olographe peut être valable même s’il n’est pas daté dès lors que sa date peut être reconstituée au moyen d’éléments intrinsèques corroborés par des éléments extrinsèques et qu’il n’est pas démontré qu’au cours de cette période, le testateur ait été frappé d’une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible (4).

Le testament authentique : Fait avec l’aide d’un professionnel, le testament authentique sera rédigé dans les formes requises et sa validité sera difficilement remise en question.

Le testament authentique présente également un avantage important sur le testament olographe lorsque le testateur qui n’a pas d’héritier réservataire souhaite instituer un légataire universel : le recours au testament authentique dispense le légataire universel de toute formalité pour entrer en possession de son legs.

Cet avantage est toutefois atténué pour les successions ouvertes depuis le 1er novembre 2017, la formalité de l’envoi en possession ne devenant obligatoire qu’en cas de contestation du testament par les héritiers (Code civil, article 1007 modifié par la loi 2016-1547 du 18-11-2016 art. 44). En outre, l’exécuteur testamentaire à qui la saisine est conférée est dispensé de se faire envoyer en possession s’il a été institué par testament authentique.

Ajoutons que le testament authentique est la seule forme de testament possible lorsque le testateur :

  • veut reconnaître un enfant naturel par testament ;
  • veut retirer à son conjoint les droits d’habitation et d’usage dont ce dernier dispose, jusqu’à sa mort, sur le logement familial et son mobilier (Code civil, article 764) ;
  • ne peut pas ou plus écrire ou signer lui-même.

En contrepartie, le testament authentique a un coût.

Le testament mystique : Le testament mystique constitue une combinaison des testaments olographe et authentique. Parce qu’il en cumule les inconvénients plutôt que les avantages, il est en pratique très peu utilisé.

Le testament mystique est un testament secret qui suppose que le testateur :

  • rédige lui-même son testament ou le fasse écrire ou dactylographier par un tiers et le signe (Code civil article 976, al. 2). S’il ne sait pas ou ne peut pas signer, l’acte doit le mentionner (Code civil, article 977) ;
  • et présente ensuite, en présence de deux témoins, l’acte clos, cacheté et scellé à un notaire pour qu’il établisse un acte dit « de suscription » selon une procédure assez lourde (Code civil, article 976). Les témoins doivent remplir les conditions prévues par l’article 980 du Code civil.

Si ces conditions ne sont pas respectées, le testament est nul. Toutefois, il peut valoir comme testament olographe si les conditions propres au testament olographe ont été remplies (Code civil, article 979, al. 2).

La convention de Washington du 26 décembre 1973 crée également la forme du testament international ce qui permet de valider un testament nul au regard de la loi française, mais conforme à la convention précitée (5).

Si ces conventions permettent de valider des testaments non conformes à la forme prévue par le droit français, elles ne permettent pas de considérer comme valables des dispositions prises par une personne n’étant pas saine d’esprit (6).

 

II. Comment annuler un testament ?

Le testateur est toujours libre de révoquer son testament, sans avoir à fournir quelque motif que ce soit. La révocabilité est d’ordre public ; le testateur ne peut donc pas y renoncer par avance. Il s’agit en outre d’un droit discrétionnaire, insusceptible d’abus (7).

La révocation du testament est expresse lorsqu’elle est manifestée explicitement et en tant que telle par un acte juridique du testateur. Elle doit être faite (Code civil, article 1035) :

  • soit par une disposition expresse d’un nouveau testament (le nouveau testament ne prenant pas nécessairement la même forme que celui qu’il révoque) ;
  • soit par un acte notarié ordinaire portant déclaration de changement de volonté. L’acte doit alors être reçu par deux notaires (ou par un seul notaire assisté de deux témoins).

La révocation tacite d’un testament ne peut résulter que de trois causes :

  • la rédaction d’un nouveau testament dont les dispositions sont incompatibles avec les premières (par exemple, un bien initialement légué à X est légué à Y par le nouveau testament) ;
  • l’aliénation volontaire du bien légué, qui emporte présomption simple de révocation (Code civil, article 1038) ;
  • la destruction volontaire du testament par le testateur, hypothèse qui concerne en pratique le testament olographe.

Ces causes sont limitatives (8), jugeant que la révocation tacite ne peut résulter de l’incompatibilité du testament avec une donation postérieure).

 

III. Comment annuler un testament : l’état mental du testateur

Aux termes de l’article 901 du Code civil, pour faire un testament, il faut être sain d’esprit. En conséquence, un individu doit jouir de la plénitude de ses facultés intellectuelles, pour être capable de tester valablement. Il s’agit, en cette matière, d’une condition essentielle.

Aux termes de l’article 902 du Code civil, toutes personnes peuvent disposer et recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables.

Toutefois, il peut arriver qu’un testament soit annulé dans le cas où le testateur n’est pas sain d’esprit ou si son consentement a été vicié, comme le dispose l’article 901 du Code civil.

L’insanité d’esprit se définit comme « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée. » (9)

L’insanité d’esprit ne doit pas être confondue avec l’altération des facultés mentales, cause d’ouverture d’une mesure de protection, même si, dans certaines circonstances, les deux notions peuvent se recouper.

L’insanité d’esprit peut se définir comme une affection mentale qui obnubile l’intelligence du disposant ou qui porte atteinte à sa faculté de discernement. Elle emporte l’incapacité pour le disposant de manifester une volonté lucide.

Cette dernière doit être établie au moment de la rédaction de l’acte pour constituer un motif d’annulation des libéralités. Elle sera souverainement appréciée par les juges du fond.

La nullité du testament fondée sur l’insanité d’esprit de son auteur est relative et ne peut être demandée que par les successeurs universels légaux ou testamentaires et non par un légataire particulier (10).

La preuve de l’insanité d’esprit est établie lorsque l’auteur du testament était dans un état habituel de démence avant et après la passation de l’acte litigieux, à charge pour les bénéficiaires du testament d’établir que l’auteur de l’acte a agi dans un intervalle de lucidité au moment de la rédaction du testament (arrêt du 4 février 1941).

Concernant les actes passés avant une mise sous tutelle, la Cour de cassation prévoit une présomption d’insanité d’esprit si le testament a été réalisé alors que la personne se trouvait déjà dans les conditions justifiant la mise sous tutelle. (11)  Elle a réaffirmé cette position dans un arrêt du 6 janvier 2010 rendu en sa première chambre civile. (12)

Plus récemment, la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 8 octobre 2020 (pourvoi n° 16/02793) a également fait application de cette jurisprudence en estimant que la cause médicale ayant conduit à un placement sous tutelle, était existante au moment de la conclusion de l’acte.

Ainsi dans cet arrêt du 11 avril 2023, une femme décède, laissant, à défaut de conjoint survivant ou d’héritier réservataire, ses frères et sœurs, vivants ou représentés. Prolixe, elle a, de son vivant, rédigé quatre testaments : dans les deux premiers, elle institue un de ses frères légataire universel ; dans le troisième, elle révoque les précédents tout en réitérant le legs universel au profit de son frère ; enfin, dans son quatrième, elle annule son deuxième testament : « Je soussignée (…) annule mon testament daté du 16 février 2008 (…) Motif : Hospitalisée au printemps 2010, puis en convalescence (…) mon frère s’est contenté de faire appel à un juge des tutelles pour faire adopter à mon endroit un mandat de protection future me privant, depuis, de toute liberté élémentaire, sans même en aviser un conseil de famille, trahissant de cette façon la confiance que je lui accordais précédemment (…)»

Le frère déchu conteste la validité de ce dernier testament pour insanité d’esprit, sans succès auprès du tribunal judiciaire, qui décide que ce dernier testament a non seulement révoqué expressément le deuxième, mais est également incompatible avec la partie du troisième en ce qu’il a réitéré la désignation du frère en qualité de légataire universel (C. civ. art. 1036).

La cour d’appel confirme (11 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03587). (1)

Elle relève que le dernier testament :

  • n’a pas été dénaturé par le tribunal, la testatrice y exposant clairement son motif pour révoquer son deuxième testament, à savoir la trahison de son frère ;
  • laisse voir que la testatrice ne souhaitait plus que son frère soit son légataire universel du fait de l’intervention de celui-ci pour la placer sous un régime de protection.

Le troisième testament, qui contient comme disposition principale l’institution de ce frère en tant que légataire universel, est donc indiscutablement incompatible avec les dernières volontés de la défunte.

La trahison est donc bien un motif de révocation de testament.

 

Sources :

  1. Cour d’appel n°2103587 – 11/04/2023
  2. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 20 septembre 2006, 04-20.614, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 17 février 2004, 01-15.223, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 mai 2007, 05-14.366, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 juin 2018, 17-14.461 17-14.554, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mai 2019, 18-16.233 18-16.339 18-17.344, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  7. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 novembre 2004, 02-20.883, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  8. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 juillet 2015, 14-18.875, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  9. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 25 mai 1987, 85-18.684, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  10. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 février 2010, 08-21.927, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  11. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 mai 2007, 06-16.957, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  12. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 janvier 2010, 08-14.002, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

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