Sortir de l’indivision

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L’article 815 du Code civil expose un principe général de liberté dans l’indivision : « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou par convention ».

La durée de l’indivision est précaire, tout indivisaire peut sortir à tout moment de cette situation.

L’indivision peut être définie comme : « la situation dun bien ou dun ensemble de biens sur lequel plusieurs personnes sont titulaires de droits de même nature, sans quaucune dentre elles nait de droit exclusif sur une partie déterminée » (Indivision – Fiche d’orientation Dalloz – 2021).

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L’indivision « peut porter sur des biens particuliers ou sur une universalité. Celle-ci apparaît suite à louverture dune succession (indivision successorale : cas du défunt qui laisse plusieurs héritiers de même rang sur ses biens), ou encore de la liquidation dun régime matrimonial communautaire (indivision post-communautaire entre les époux divorcés, séparés de corps ou de biens judiciaires ou entre lépoux survivant et les héritiers du conjoint prédécédé), ou bien encore peut résulter de lacquisition en commun dun bien par plusieurs personnes.

 On la retrouve également dans un certain nombre de dispositions relatives au PACS (C. civ., art. 515-5-1 à 515-6), ou encore dans le cadre dacquisition de biens par plusieurs personnes » (Indivision – Fiche d’orientation Dalloz – 2021).

En matière d’indivision, la liberté de sortie est cardinale, il s’agit, en effet, de permettre aux indivisaires de pouvoir sortir d’une situation juridique qui ne leur est pas favorable ou qui pose des problèmes.

Cette faculté de sortie se réalise sur la quote-part de chaque indivisaire, mais a des répercussions sur l’indivision en elle même et donc, sur les indivisaires.

Cette liberté de principe est renforcée par la possibilité de demander le partage : « par principe, un indivisaire est toujours admis à exercer laction en partage. Laction est imprescriptible (Civ. 1re, 12 déc. 2007) et insusceptible dabus. Un indivisaire ne peut se voir opposer la déclaration dinaliénabilité de limmeuble prévue dans le plan de redressement judiciaire dun autre indivisaire, laquelle fait obstacle au droit de provoquer le partage, prévu par larticle 815 du Code civil (Com., 10 févr. 2015, n° 13-24.659).

De même, la clause pénale insérée dans un testament doit être réputée non écrite lorsquelle porte atteinte au droit de chaque héritier de provoquer le partage (Civ. 1re, 13 avr. 2016, n° 15-13.312). Le partage nest cependant plus possible en cas de prescription acquisitive au profit dun indivisaire (C. civ., art. 816) ».

Comme explicité plus haut, dans la majorité des cas, l’indivision résulte de la loi, est une forme juridique qui n’apparaît pas au travers de sa volonté. Il s’agit principalement du cas des « héritiers avant quils naient procédé au partage des biens de la succession.

La communauté qui est un des régimes réglant les rapports patrimoniaux des époux durant le mariage, est un type dindivision. Le droit dune veuve, donataire de son mari de la plus forte quotité disponible entre époux ayant opté pour le quart en pleine propriété, laisse à son fils les trois quarts en usufruit des biens composant la succession.

Les droits dont elle a hérité de son mari défunt et ceux que reçoit leur fils, nu-propriétaire, constituent quant à la propriété des biens, une indivision entre eux. Dans ce cas contrairement à ce qua jugé la Cour dappel dont larrêt a fait lobjet dune cassation partielle, la veuve est en droit de provoquer le partage afin de faire déterminer les biens composant sa part (1ère Chambre civile 12 janvier 2011, pourvoi n° 09-17298, LexisNexis et Legifrance).

Mais les dispositions légales gouvernant lindivision sont étrangères au rapport des libéralités, lesquelles supposent lexistence dune intention libérale (1ère Chambre civile 18 janvier 2012, pourvoi n° 10-25685, LexiNexis et Legifrance) » (Dictionnaire du Droit privé – indivision).

I. SORTIR INDIVIDUELLEMENT

Chaque indivisaire est propriétaire d’une quote-part de l’héritage. Afin de sortir de l’indivision, il doit s’en séparer, en la donnant ou en la vendant. Les autres indivisaires ont un droit de priorité sur les parts des autres.

L’article 815-14 du Code civil précise, en effet : « lindivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à lindivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir »

Ce droit de préemption se comprend dans la volonté du législateur de permettre la conservation des biens dans la famille et de fait, de permettre la paix des familles.

Il faut préciser, à ce titre, que : « le fait que la cession de droits indivis ait lieu en considération de la qualité d’usufruitier du cessionnaire, titulaire dans l’une des indivisions en cause de droits en usufruit, ne suffit pas pour dispenser de la notification de la cession aux autres indivisaires, ainsi que le prescrit l’art. 815-14 » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 17 mai 1983, 82-11.931, publié au bulletin)

La volonté de vendre ses droits à un tiers est donc soumise au droit de préemption des co-indivisaires. Il est, de fait, nécessaire au préalable d’une telle vente, de notifier par voie d’huissier aux autres héritiers le prix et les conditions de la vente projetée ainsi que les noms, domicile et profession de l’acheteur pressenti.

Certains indiciaires souhaitant détourner la cession pour ne pas appliquer le droit de préemption ont pu réaliser une donation fictive.

La Cour de cassation juge cependant sévèrement ces agissements en passant outre la qualification frauduleuse : « en cas de donation constituant une vente déguisée, la cause de lacte secret nétant pas illicite, la cession nest pas nulle en elle-même et le droit pour les co-indivisaires de se prévaloir de cet acte et de la qualification dacte à titre onéreux quil rйvиle constitue en conséquence une sanction suffisante leur permettant ensuite de réclamer la nullité de la vente sur le fondement de lart. 815-16, sauf prescription » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 18 octobre 2005, 02-14.219, publié au bulletin).

Les héritiers qui le souhaitent peuvent se faire substituer à cet acheteur aux prix et conditions qui leur ont été notifiés, dans un délai d’un mois à compter de la notification.

Un autre possibilité réside dans le fait de se faire attribuer sa part par les autres indivisaires qui refusent le partage.

Il s’agit de l’attribution éliminatoire de l’article 824 du Code civil : « si des indivisaires entendent demeurer dans lindivision, le tribunal peut, à la demande de lun ou de plusieurs dentre eux, en fonction des intérêts en présence et sans préjudice de lapplication des articles 831 à 832-3, attribuer sa part à celui qui a demandé le partage. Sil nexiste pas dans lindivision une somme suffisante, le complément est versé par ceux des indivisaires qui ont concouru à la demande, sans préjudice de la possibilité pour les autres indivisaires dy participer, sils en expriment la volonté. La part de chacun dans lindivision est augmentée à proportion de son versement ».

Lorsqu’un indivisaire réclame le partage, les autres indivisaires qui souhaiteraient rester dans l’indivision peuvent donc saisir le tribunal judiciaire aux fins d’attribuer sa part à celui qui a demandé le partage.

Le tribunal procède alors à un partage partiel et maintient les autres co-indivisaires dans l’indivision. Si l’indivision ne contient pas la somme suffisante à cette attribution, les co-indivisaires demandeurs à l’attribution éliminatoire et ceux qui le souhaitent doivent verser un complément.

II. SORTIR COLLECTIVEMENT

S’agissant d’une sortie collective de l’indivision, le Code civil prévoit plusieurs dispositions permettant de mettre fin à une telle situation.

Cette porte de sortie peut être favorable aux héritiers, et leur permettre de recouvrer une liberté de gestion de leur patrimoine propre. Ainsi, si les indivisaires sont unanimes et souhaitent mettre fin à l’indivision, alors celle-ci pourra être réalisée sans autres soucis que le règlement des détails auprès du notaire.

Les co-indivisaires se partageront le prix de la cession. Si l’un des indivisaires retire son consentement à la cession des parts, il est possible de saisir, dans des cas très limités, le tribunal judiciaire, afin de passer outre son opposition.

L’article 815-5-1 du Code civil prévoit ainsi : « sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si lun des indivisaires se trouve dans lun des cas prévus à larticle 836, laliénation dun bien indivis peut être autorisée par le tribunal judiciaire, à la demande de lun ou des indivisaires titulaires dau moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.

Le ou les indivisaires titulaires dau moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à laliénation du bien indivis.

Dans le délai dun mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires. Si lun ou plusieurs des indivisaires sopposent à laliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.

Dans ce cas, le tribunal judiciaire peut autoriser laliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires ».

L’article 815-5-1 permet donc de vendre un bien de l’indivision, malgré l’opposition de co-indivisaires, dès lors que le ou les indivisaires disposent de deux tiers des droits indivis. Cette disposition a pour but de surmonter une crise de l’indivision, donc de maintenir celle-ci et non de la faire disparaître.

C’est une dérogation à la règle de l’unanimité qui prévaut en matière d’acte de disposition sur un bien indivis.

L’article 815-3 alinéa 3 du Code civil permet la vente d’un meuble indivis à la majorité des deux tiers pour le seul paiement du passif de l’indivision ; ce n’est donc pas un acte de disposition qui altère la masse successorale, mais un acte d’administration puisque l’actif net ne s’en trouve pas modifié.

Il faut néanmoins préciser qu’il s’agit d’une procédure lourde, qui peut s’avérer longue et coûteuse. Elle ne doit, de fait, être engagée que dans des cas extrêmes. Le tribunal judiciaire sera alors chargé de déterminer si la demande ne porte par une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

III. PARTAGER LA SUCCESSION

Le partage de la succession peut être organisé à tout moment, de manière amiable ou à défaut, judiciairement.Le partage est amiable lorsque tous les indivisaires sont d’accord sur la possibilité de réaliser une telle opération, mais également sur l’étendue du partage.

Puisqu’il est amiable, il peut se faire librement par les indivisaires. Afin de respecter l’équité entre les co-indivisaires, il apparaît nécessaire de déterminer la valeur réelle des biens et des parts de chacun, il s’agira de la valeur à la date du partage, et non de la valeur initiale, d’entrée dans le patrimoine. La détermination des parts permettra de réaliser de partage et d’obtenir une égalité et donc la satisfaction des indivisaires.

Dès lors que le patrimoine comprend des biens immobiliers, le recours à un notaire est obligatoire.

S’agissant des modalités du partage, plusieurs options permettent d’obtenir cette opération : il est possible de réaliser un partage en numéraire, c’est-à-dire en vendant les biens ou de partager les biens directement auprès des indivisaires.

Il faudra alors réaliser des lots équitables entre les indivisaires. Leur composition est libre, mais doit être plus ou moins identique. Si l’un des héritiers indivisaires reçoit moins que les trois quarts, il peut agir en justice dans les deux ans suivant le partage (action en complément de part) afin de rétablir son préjudice.

À l’inverse, le partage est judiciaire, lorsque le partage amiable est impossible, faute d’accord entre les indivisaires. La demande est faite auprès du tribunal judiciaire. Un avocat pourra vous aider dans ces démarches.

SOURCES :
Mémento patrimoine 2015/2016 – Édition Francis Lefebvre
L’indivision – Dalloz – François Xavier Testu
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 17 mai 1983, 82-11.931, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007012429
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 18 octobre 2005, 02-14.219, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052732/

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