Le légataire universel peut-il agir en révocation d’une donation pour ingratitude ?

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Le légataire universel étant un héritier au sens de l’article 957 du Code civil, il a qualité pour agir en révocation d’une donation pour cause d’ingratitude de la donataire à l’égard du défunt (1).

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Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 avril 2019) et les productions, par acte authentique du 10 octobre 1981, Suzanne B. a consenti une donation à sa fille Marie-Laurence B.. Un arrêt définitif du 1er juillet 2016 a condamné celle-ci pour des violences volontaires commises sur sa mère le 23 juillet 2014.

Suzanne B. est décédée le 14 août 2016, laissant pour lui succéder sa fille et son petit-fils, M. G., institué légataire universel. Invoquant sa qualité d’héritier de Suzanne B., celui-ci a assigné Mme B. en révocation de la donation pour cause d’ingratitude, en application de l’article 957, alinéa 2, du Code civil.

Pour déclarer irrecevable la demande de M. G., l’arrêt retient que l’action en révocation pour cause d’ingratitude est d’une nature très particulière, à la fois patrimoniale, en ce qu’elle tend à faire revenir dans le patrimoine du donateur un bien dont il avait fait donation, et personnelle jusqu’à l’intime, en ce qu’elle se fonde sur le comportement du donataire à l’égard du donateur et sur le ressenti de ce dernier. Il en déduit que le légataire universel n’est pas un héritier au sens de l’article 957 du Code civil et n’a donc pas qualité pour exercer cette action.

La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-En-Provence au visa de l’article 957 du Code civil en ces termes « Le légataire universel étant un héritier au sens de l’article 957 du code civil, il a qualité pour agir en révocation d’une donation pour cause d’ingratitude de la donataire à l’égard du défunt » (2).

La révocation pour inexécution des charges et conditions, pour ingratitude ou pour survenance d’enfant, n’est pas incompatible avec l’irrévocabilité des donations. Le principe condamne seulement les stipulations permettant au donateur de reprendre le bien donné par sa seule volonté ou lui permettant de la réduire ou de l’anéantir en ayant recours à des conditions potestatives dépendant de sa seule volonté. Les cas de révocation pour inexécution ou ingratitude sont des causes légales de résolution de la donation. Depuis la loi du 23 juin 2006, la révocation pour survenance d’enfant est facultative et suppose une clause de l’acte de donation la prévoyant.

I. Révocation pour ingratitude

Intervention nécessaire du tribunal – La révocation pour ingratitude suppose l’intervention du juge qui examine s’il y a lieu de la prononcer suivant la gravité des faits. Cette sanction a un caractère pénal marqué. Fondée sur une obligation générale de reconnaissance, la révocation pour ingratitude, néanmoins, ne peut être invoquée que dans les quatre cas visés par l’article 955 du Code civil :

  • Attentat à la vie du donateur ;
  • Sévices, délits ou injures graves ;
  • Refus d’aliments.

La notion d’injures graves est assez vague pour permettre un élargissement de la révocation pour cause d’ingratitude.

Un vol commis à l’encontre du donateur peut être retenu même s’il n’y a pas eu condamnation. Des insultes et l’inexécution d’une des charges de la donation justifient la révocation.

Mais les frais de donation ne constituant qu’un accessoire de la donation, leur non-paiement ne peut entraîner la révocation de la donation.

A. Conditions

1. Donations révocables pour ingratitude

a) Toutes donations

Comme pour la révocation pour inexécution des conditions et des charges, toute donation, quelle qu’en soit la forme est susceptible d’être révoquée pour ingratitude : donation solennelle, donation déguisée, donation indirecte, don manuel. Les donations mutuelles peuvent être révoquées. Les présents d’usage échappent aux règles des libéralités et notamment à la révocation pour ingratitude.

L’avantage matrimonial résultant du contrat de mariage ne peut être révoqué pour ingratitude ou pour indignité alors même que le mari avait attenté à la vie de sa femme (3).

Donation rémunératoire : une donation purement rémunératoire ne peut être révoquée pour ingratitude. Mais elle peut n’être que partiellement le prix des services rendus et peut alors être révoquée sauf à fixer une somme due au donataire pour la rémunération de ses services.

Donations entre époux : la révocation pour ingratitude est possible. Elle paraissait n’avoir guère d’utilité lorsque toutes les donations entre époux consenties pendant le mariage étaient révocables ad nutum. Elle pouvait être invoquée par les héritiers lorsque l’époux s’était abstenu de révoquer la donation.

La réforme du divorce a modifié la donne. Désormais, les donations de biens présents qui prennent effet au cours du mariage ne sont plus révocables que dans les conditions de droit commun (Code civil., art. 1096, al. 2). La règle présente donc, entre époux, un intérêt renouvelé.

Les donations antérieures au 1er janvier 2005 restent soumises au droit antérieur et sont révocables dans les conditions de l’article 1096 dans sa rédaction antérieure à cette date (L. n° 2006-728, 23 juin 2006, art. 47, III) .

b) Exceptions

Donations en faveur du mariage : la révocation pour ingratitude ne peut être invoquée pour les donations faites en faveur du mariage (Civil Code., art. 959). Il s’agit de donations qui ne profitent pas seulement à l’époux, mais au ménage et aux enfants à naître.

2. Cas d’ingratitude

Limitation légale : le Code civil précise les cas d’ingratitude (Civil Code, Art. 953 à 966).

Pouvoirs du juge : Le juge du fond apprécie souverainement la gravité et l’imputabilité des faits reprochés.

a) Attentat à la vie du donateur

Intention homicide : À la différence de l’indignité qui suppose une condamnation, l’ingratitude est caractérisée dès lors que l’intention de tuer le donateur est établie.

b) Sévices, délits ou injures graves

Définition des sévices et délits : Il est admis généralement que les sévices sont des atteintes à l’intégrité corporelle du donateur et les délits sont des infractions au sens de la loi pénale pouvant porter sur la personne ou le patrimoine du donateur. Le caractère intentionnel est nécessaire. Des blessures par imprudence ne constituent pas une cause de révocation pour ingratitude.

Gravité des causes d’ingratitude : D’après l’article 955 du Code civil, les sévices, délits ou injures doivent présenter un caractère de gravité que le juge doit apprécier. Ainsi, des divergences de points de vue à propos de la gestion d’une société familiale ne peuvent s’apparenter à des injures graves ou à un refus d’aliments. L’appréciation de la gravité est nécessaire même lorsqu’il s’agit d’un délit pénalement constitué.

La Cour d’appel de Montpellier a, par exemple, pu considérer que le fait pour la donataire de fortement bousculer sa mère très âgée et ainsi provoquer sa chute au sol, puis de ne pas appeler les secours en continuant à l’insulter et à souhaiter sa mort, était particulièrement grave et attentatoire à l’intégrité physique de la donatrice et à son honneur, sans qu’aucune des explications avancées par la donataire ne permette d’atténuer cette gravité.

Elle confirme par conséquent le jugement qui a révoqué la donation pour ingratitude (Cour d’appel de Montpellier, 20 janvier 2022, n° 21/02370) (4).

Injure grave faite à la mémoire du donateur : La doctrine majoritaire considère que l’action en révocation ne peut être exercée par les héritiers du donateur, car ils ne peuvent l’avoir que par transmission ; elle ne peut naître en leur personne après le décès de leur auteur.

Par ailleurs, cet injure se trouve à l’article 1047 du Code civil et vise une révocation particulière aux legs. Cette demande fondée sur une injure grave faite à la mémoire du donateur doit être intentée dans l’année, à compter du jour du délit (5).

Adultère : L’adultère de l’un des conjoints peut constituer une injure grave justifiant la révocation de la donation. L’infidélité des concubins au contraire n’est pas une injure grave.

Extension de la notion d’injure : Les juges du fond dont le pouvoir d’appréciation est pratiquement illimité ont élargi sensiblement le domaine de l’ingratitude de façon peu compatible à l’aspect de peine privée de la sanction. Cette extension est toutefois limitée par la tendance à tenir compte de l’attitude de l’offensé pouvant expliquer, sinon justifier, les injures du donataire.

Le juge du fond peut refuser la demande de révocation en raison du manque d’affection de la mère donatrice pour sa fille. S’agissant d’une sanction et d’une dérogation à l’exécution d’un acte juridique de donation, l’interprétation ne peut être que restrictive.

La même tendance se retrouve dans l’exigence d’une intention coupable de la part du donataire.

c) Refus d’aliments

Il est admis que le refus d’aliments peut justifier la révocation pour ingratitude alors même que le donataire n’est pas légalement tenu d’une obligation alimentaire. L’infraction suppose un acte volontaire.

Le donateur doit être dans le besoin. En principe, le refus d’aliments n’est pas constitué par la contestation du montant de la pension demandée. De son côté, le donataire doit avoir les moyens de fournir les aliments, sous forme de pension généralement. Une demande doit avoir été faite par le donateur.

Lorsqu’il existe d’autres débiteurs d’aliments, l’ordre à respecter semble être tranché par le juge du fond.

B. Action en révocation

La révocation est nécessairement judiciaire. Une clause de la donation prévoyant la révocation de plein droit ne serait guère utile puisque l’ingratitude doit être appréciée par la juge. L’action est personnelle au donateur. Elle ne peut être exercée à l’encontre des héritiers du donataire (Code civil., art. 957, al. 2).

Le donateur doit agir dans le bref délai d’un an. Ayant le choix entre la rigueur ou le pardon, il ne doit pas hésiter longtemps. La demande en révocation de la donation pour ingratitude doit être formée dans l’année du jour des faits imputés par le donateur au donataire (Code civil., art. 957).

Si le point de départ du délai peut être reporté jusqu’au jour de la condamnation pénale du fait constituant l’ingratitude, le délai d’un an ne doit pas être expiré au jour de la mise en mouvement de l’action publique. Ainsi, à défaut d’exercice, dans le délai d’un an, de l’action publique pour vol, il y a prescription.

Le délai d’un an est suspendu jusqu’à la constatation pénale du délit, mais à condition qu’il n’ait pas expiré avant l’exercice de l’action. Des injures graves faites postérieurement peuvent ouvrir un nouveau délai.

Au contraire, une demande en expulsion de la donatrice formée par la donataire constitue un fait d’ingratitude immédiat et le délai court du jour de sa date.

Les héritiers du mari décédé peuvent exercer l’action en révocation de la donation entre époux, l’adultère de la femme n’ayant pas été connu du mari plus d’un an avant son décès.

II. Auteur de la demande

A. Donateur

Le principe de l’irrévocabilité spéciale des donations est d’abord contenu dans la définition que l’article 894 du Code civil donne de la donation, acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée. Les articles 943 à 947 du Code civil précisent le sens et en tirent les conséquences les plus remarquables.

Le donateur est seul qualifié pour exercer l’action en révocation. Lui seul est en mesure de pardonner ou d’agir en révocation. Une renonciation anticipée n’est pas possible ; elle ne peut intervenir qu’après le fait d’ingratitude.

L’un des bénéficiaires d’une donation-partage ne peut exercer l’action en révocation qui appartient au seul donateur.

Doit être rejetée la demande de révocation pour ingratitude de la donation consentie à l’épouse s’étant rendue coupable d’escroquerie envers un tiers. Les faits doivent avoir été commis à l’encontre du donateur.

B. Héritiers

Les héritiers ne peuvent demander la révocation que dans les hypothèses énoncées par le second alinéa de l’article 957 du Code civil :

L’action a été intentée par le donateur ;

Le donateur est décédé dans l’année du délit.

Les légataires universels, continuateurs de la personne du défunt sont assimilés aux héritiers. Le légataire universel est considéré comme un héritier auquel le défunt a conféré la propriété de l’ensemble de ses biens. Il existe trois types de légataires reconnus par la loi, le légataire universel, le légataire à titre universel qui bénéficiera d’un pourcentage des biens légués et le légataire particulier qui est susceptible de recevoir en héritage un bien spécifique et identifié de l’auteur du testament.

Les légataires universels sont les personnes bénéficiant de la transmission du patrimoine réalisé par le défunt dans son testament, il lui incombera de régler les frais de succession.

Le statut de légataire universel ne s’obtient qu’à l’ouverture du testament c’est-à-dire après le décès du testateur. En effet celui-ci ayant la liberté de choisir les légataires universels auxquels ils souhaitent voir hériter son patrimoine. Le statut de légataires universels peut être accordé aux membres de la famille du défunt ou à un tiers.

Le légataire universel dans la succession dispose de droit, mais aussi d’obligation, il sera tenu des dettes du testateur s’il n’accepte pas la succession à concurrence de l’actif net.

Le legs universel implique la transmission de l’intégralité du patrimoine à un ou plusieurs légataires, mais il est important de prendre en compte la réserve héréditaire afin d’éviter tout conflit entre légataire universel et héritier réservataire. Le légataire universel aura à sa disposition tous les biens mobiliers ou immobiliers, selon la volonté du défunt ou de manière équitable entre les légataires.

À l’instar du légataire à « titre universel », le légataire universel dispose d’une priorité sur les autres légataires, l’intégralité de l’actif successoral comprenant les éléments d’actif, mais aussi les dettes du défunt.

Le légataire universel institué par testament authentique à la possibilité d’entrer en possession des biens même s’il n’a pas la qualité d’héritier légal, s’il n’existe pas d’héritier réservataire.

La révocation des donations peut résulter de tout fait ou acte de l’époux donateur qui indique, d’une manière non équivoque, son intention de révoquer sa donation. Ensuite, les héritiers du titulaire d’un droit à caractère personnel peuvent, sauf exception, poursuivre l’instance engagée par leur auteur.

Sources :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043106074?init=true&page=1&query=19-18.278&searchField=ALL&tab_selection=all
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006150546?init=true&page=1&query=957&searchField=ALL&tab_selection=all&anchor=LEGIARTI000006433904#LEGIARTI000006433904
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007040217?init=true&page=1&query=96-14.508&searchField=ALL&tab_selection=all
  4. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAMONTPELLIER-20012022-21_02370?em=Cour%20d%27appel%20de%20Montpellier%2C%2020%20janvier%202022%2C%20%2021%2F02370
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006434852

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