Héritiers contre généalogiste : peut-on faire annuler un contrat de révélation de succession ?
À l’heure des phénomènes de recomposition familiales ou d’isolement des personnes âgées, le généalogiste successoral peut se révéler d’une grande utilité, car il est de plus en plus souvent nécessaire, lors d’un décès, de faire appel à ce type de professionnel chargé d’identifier les héritiers du défunt.
La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités apporte quelques précisions sur l’exercice de la profession de généalogiste et un meilleur encadrement. Elle prévoit notamment que le mandat obligatoire pour la réalisation de ses recherches « peut être donné par toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession ».
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On pense alors tout naturellement au notaire, mais il peut également s’agir d’autres personnes, tels que cohéritiers ou les créanciers du défunt. La nouvelle législation consacre un droit essentiellement pratique et jurisprudentiel, les litiges relatifs à la rémunération du généalogiste constituant la majorité du contentieux.
Un important arrêt de la première chambre de la Cour de cassation a été rendu le 16 janvier 2007 (Cour de cassation 1re chambre civile du 16 janvier 2007) refusant une telle rémunération fondée sur la gestion d’affaires, dès lors que l’héritier pouvait avoir connaissance de la succession sans intermédiaire. Mais alors, qu’est-ce qu’un généalogiste ?
Le généalogiste peut être décrit comme un professionnel libéral dont la mission est de rechercher et trouver les héritiers. Son activité revêt un caractère commercial. Il est mandaté par le notaire après que celui-ci ait effectué toutes les démarches utiles. C’est en effet, selon une réponse ministérielle (Rép. min. à QE no 139, JOAN Q. 28 juin 1993, p. 1836), après des investigations restées vaines, incomplètes ou incertaines que le généalogiste peut être missionné.
Il s’agit donc « d’un professionnel qui, moyennant une part de la valeur des biens récupérés, offre à une ou plusieurs personnes, de leur révéler l’existence du patrimoine d’une personne, parent ou non du défunt, dont elles ignoraient qu’elles avaient vocation à hériter » (Généalogiste – Dictionnaire de Droit privé).
Il s’avère qu’en pratique, le notaire peut être amené à mandater plus rapidement le généalogiste, notamment si les pièces qu’il détient ne lui permettent pas d’effectuer toutes diligences sérieuses sans pour autant engager sa responsabilité (TGI Paris, 1er ch., 17 déc. 1997).
En outre, le généalogiste professionnel peut accéder, sur autorisation du procureur de la République, aux registres d’état civil et aux registres de l’enregistrement, dès qu’il a été mandaté par le notaire, ou par un organisme d’assurance ou toute personne ayant un intérêt direct et légitime (D. n no 2017,0 du 6 mai 20,17 relatif à l’état civil).
L’article 36 de la loi du N° 2006-728 du 23 juin 2006 conditionne expressément la recherche d’un héritier à l’existence d’un mandat. Aucune rémunération ne peut être perçue, faute de mandat préalable.
Ainsi, la découverte des héritiers permet-elle au généalogiste de leur proposer un contrat de révélation aux termes duquel l’héritier pourra prendre connaissance d’un droit dans une succession, à charge pour lui de rémunérer le professionnel. Cette rémunération consiste en un pourcentage de l’actif net recueilli.
Ce pourcentage varie à la fois suivant le degré de parenté et l’importance de la succession. Ce contrat de révélation n’est pas un contrat sui generis ou aléatoire, mais est un contrat auquel s’applique le droit de la consommation et qui est donc soumis aux règles relevant du démarchage à domicile (1) et donc très protecteur des intérêts des consommateurs.
I. INTERVENTION DANS LES SUCCESSIONS
A. CONDITION DE L’INTERVENTION D’UN GÉNÉALOGISTE
S’agissant de la loi du 23 juin 2006 et de la forme du mandat. Hormis le cas des successions soumises au régime de la vacance ou de la déshérence (voir en ce sens : Cour d’appel de Paris – Pôle 01 ch. 02 4 février 2021 / n° 20/11 996), nul ne peut se livrer ou prêter son concours à la recherche d’héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s’il n’est porteur d’un mandat donné à cette fin.
Le mandat peut être donné par toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession. Aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations susvisées sans avoir été préalablement mandatées à cette fin dans les conditions du premier alinéa (L. n° 2006-728, 23 juin 2006, art. 36, entrée en vigueur, 1er janv. 2007).
S’agissant de la loi du 5 mars 2007. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent délivrer un mandat de recherche des héritiers de la personne protégée qu’après autorisation du juge des tutelles comme le prévoit l’article 420 du Code civil : « sous réserve des aides ou subventions accordées par les collectivités publiques aux personnes morales pour leur fonctionnement général, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, percevoir aucune autre somme ou bénéficier d’aucun avantage financier en relation directe ou indirecte avec les missions dont ils ont la charge. Ils ne peuvent délivrer un mandat de recherche des héritiers de la personne protégée qu’après autorisation du juge des tutelles ».
Concernant la saisine du notaire. Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs doit saisir le notaire du défunt ou à défaut demander au président de la chambre d’en désigner un (Code de Procédure civile, article 1215).
B. ADRESSE D’UN HÉRITIER
En raison de la dispersion des familles et la mobilité de la population, il arrive parfois qu’un héritier même parent proche, éventuellement un enfant, ne puisse être retrouvé. Les généalogistes grâce à leurs fichiers et à leur méthode d’investigation parviennent généralement à retrouver l’adresse de l’héritier recherché.
C. RECOURS AU GÉNÉALOGISTE PAR LE NOTAIRE
Le notaire ne peut recourir à un généalogiste avant d’avoir fait lui-même les investigations propres à l’identification et à la localisation des héritiers. Ce n’est que lorsque les recherches s’avèrent vaines que le recours à des généalogistes peut s’avérer justifié. Le recours au généalogiste après l’intervention de recherches effectuées par le notaire n’est donc que subsidiaire.
Il a été jugé qu’il ne peut être reproché à un notaire d’avoir quelques jours après un décès, eu recours à un cabinet de généalogistes : il n’est pas établi qu’il eût été en mesure d’aboutir rapidement par lui-même à l’identification des héritiers (TGI Paris, 1re ch., 17 déc. 1997 : Juris-Data n° 1997-049414).
D. ACCÈS AUX REGISTRES DE L’ENREGISTREMENT
Une circulaire du 12 décembre 1991 du Ministère de la Culture et de la Communication avait précisé que les généalogistes professionnels ont accès aux registres d’enregistrement lorsqu’ils agissent sur mandat d’un officier ministériel. En conséquence, la décision du juge, refusant l’autorisation sollicitée par le généalogiste, doit être annulée, dès lors que cette demande était faite dans le cadre de l’établissement d’une dévolution successorale (CA Paris, 2e ch., 25 juin 1998, A. : Juris-Data n° 1998-021615).
Ainsi, de nombreux litiges subsistaient-ils néanmoins et les Cours d’appel étaient régulièrement saisies (CA Paris, 2e ch. B, 4 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-023491). La loi de finances pour 2002 a partiellement réglé la difficulté en accordant au notaire chargé de la succession ou aux personnes agissant à sa demande le droit d’obtenir des extraits des registres de l’enregistrement (LPF, art. 106, al. 3, ajouté L. n° 2001-1275, 28 déc. 2001, art. 73).
La procédure a été simplifiée par la loi de finances pour 2003. Une ordonnance du juge n’est plus nécessaire. Néanmoins, l’accès aux documents officiels demeure encore trop complexe et non homogène comme en témoignent de nombreuses questions posées au ministre de la Justice. Pour le ministre de la Justice, le respect de la vie privée des familles justifierait la réglementation (Rép. min. : JO Sénat 19 déc. 2002, p. 3164).
Il apparaît cependant que l’on observe, au cours de l’adoption de nombreuses lois en la matière, que la détermination du bon curseur à placer est d’autant plus délicat en fonction des objectifs fixés par le Parlement et les Ministères. Des progrès devront cependant être faits afin de faciliter l’accès à ces documents qui peuvent être cruciaux pour les familles.
II. CONTRAT DE RÉVÉLATION DE SUCCESSION
Le contrat de révélation de succession est le contrat par lequel le généalogiste s’engage à apporter à un héritier potentiel les preuves de ses droits éventuels dans la succession qu’il se propose de lui révéler et à le représenter aux opérations liquidatives moyennant rémunération. Notaire a également la faculté de mandater un Généalogiste.
Le site de la Chambre des généalogistes de France présente ce contrat comme suit : « celui-ci entreprend alors des recherches d’héritiers à ses frais ainsi qu’à ses risques et périls. Lorsqu’il retrouve les héritiers au terme de recherches le plus souvent longues et fastidieuses, ayant parfois nécessité des investigations dans le monde entier, il va alors contacter les ayants droit ainsi retrouvés.
Dans un premier temps, le Généalogiste annonce à ces derniers qu’ils sont héritiers d’une personne décédée et qu’il se propose de leur dévoiler l’identité du défunt d’une part, et l’ampleur de leurs droits héréditaires d’autre part.
En cas d’accord de principe, les parties formalisent alors un « contrat de révélation » prévoyant un pourcentage de rémunération des prestations du Généalogiste d’en moyenne 30 % à 40 % HT de l’actif net successoral que percevra à terme l’héritier retrouvé » (Chambre des généalogistes successoraux de France – Contrat de révélation de succession).
A. NATURE DU CONTRAT DE GÉNÉALOGISTE
Pour l’héritier, le contrat est un acte de disposition. Ainsi, en s’engageant à abandonner au généalogiste une quotité de l’actif net de la succession dévolue au mineur en contrepartie de la révélation de celle-ci. Il s’agit d’un acte de disposition que le tuteur ne peut conclure sans l’autorisation du conseil de famille (Cour de cassation., 10 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-001085)
De ce fait : « tuteur ne peut accepter une succession échue à la personne protégée qu’à concurrence de l’actif net. Toutefois, il peut l’accepter purement et simplement si l’actif dépasse manifestement le passif, après recueil d’une attestation du notaire chargé du règlement de la succession ou, à défaut, après autorisation du conseil de famille ou du juge » (Article 507-1 du Code civil)
On verra que les règles de protection du consommateur sont applicables et que la rémunération peut être réduite judiciairement. La convention de révélation de succession est encadrée par un régime rigoureux et protecteur des héritiers, emprunté au droit civil général, ainsi qu’au droit de la consommation
En effet, la jurisprudence considère que cette convention constitue non pas un contrat aléatoire, mais un contrat commutatif de prestation de services, qualification qui a une double incidence (voir en ce sens : Cour d’appel de de Dijon – ch. civile 02 – 27 juin 2019 / n° 17/00953).
D’une part, la convention de révélation de succession obéit aux dispositions du code de la consommation qui régissent le démarchage à domicile, notamment en organisant pour les particuliers une faculté de renonciation dans le délai légal et qui soumettent, à peine de nullité, le contrat à un formalisme destiné à protéger les consommateurs en assurant leur complète information.
D’autre part, la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 5 mai 1998, a admis, par application de la théorie de la cause (aujourd’hui transposée dans la notion de contenu licite et certain), que le juge pouvait réduire les honoraires du généalogiste successoral apparaissant exagéré au regard des services rendus par celui-ci.
Ainsi sans que les généalogistes successoraux soient soumis à un statut professionnel, leur activité obéit à des règles strictes, garantissant à la fois un juste équilibre entre les parties au contrat et la protection des consommateurs (Rép. min. n° 48626 : JOAN Q, 23 nov. 2004, p. 9253).
B. ANNULATION DU CONTRAT
D’abord, le droit de rétractation de quatorze jours prévus par l’article L. 221-18 du Code de la consommation s’applique au contrat de révélation. Il s’agit d’un acte de disposition qui requiert toutes les règles de capacité nécessaires (au sujet d’un contrat de révélation accepté par le tuteur) (2).
Le généalogiste doit être très vigilant sur le fond et la forme du contrat de révélation, car, en son absence ou en cas d’annulation du contrat, sa rémunération peut être remise en cause (3) ou être réduite si elle est exagérée au regard du service rendu (4).
Ensuite, la découverte des héritiers par le généalogiste en l’absence de contrat de révélation ne peut donner lieu à aucune rémunération sur le fondement de la gestion d’affaires à moins qu’il ait rendu service à l’héritier (5).
Dès que le contrat de révélation est accepté, le généalogiste, en pratique, représente les héritiers pour le règlement de la succession et la signature des actes y afférents. Toutefois, ce pouvoir ne doit pas être présenté comme irrévocable dans le contrat de révélation. En outre, le contrat de révélation est nul lorsque l’héritier démontre que la succession qui lui a été révélée aurait été portée à sa connaissance sans l’intervention d’un généalogiste (6)
Enfin, à l’issue de son travail, le généalogiste remet au notaire un tableau généalogique synthétisant l’intégralité des héritiers et qui a pour intérêt de permettre de clarifier la situation familiale lorsque les héritiers sont nombreux et éloignés en degré. Une fois les héritiers trouvés, il leur revient de prouver aux yeux des tiers leur qualité d’héritier.
Toutefois, il arrive que, malgré cela, certains successeurs surgissent alors que la dévolution successorale est déjà établie. Qu’en est-il de ces héritiers tardifs ? Quelles voies leur sont ouvertes pour faire valoir leurs droits ?
C. APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION
La Cour de cassation a posé le principe que « le généalogiste qui a fait proposer au domicile de son cocontractant la fourniture d’un service, en l’espèce la révélation d’une succession, est soumis aux dispositions sur le démarchage à domicile. Il n’importe que le client potentiel soit unique et déterminé à l’avance » (Cour de cassation, chambre criminelle du 30 octobre 1996 : Juris-Data n° 1996-005163).
D. COMPÉTENCE DU TRIBUNAL
Le contrat de révélation de succession est une prestation de services qui s’exécute au domicile du cocontractant potentiel. Le domicile est souvent le lieu où le généalogiste doit rendre compte de sa mission.
En conséquence, le tribunal compétent territorialement est celui du domicile du cocontractant (Cour de cassation, 1re chambre civile du 3 juin 1998 : Juris-Data n° 1998-002512). Il faut également rappeler qu’en matière de succession, comme de droit de la consommation, seul le tribunal judiciaire est compétent matériellement, à l’exclusion de tout autre (Article R.211-3-26 Code de l’Organisation judiciaire).
SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007066714&fastReqId=2102671867&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007040613&fastReqId=417318839&fastPos=1
Chambre des généalogistes successoraux de France – Contrat de révélation de succession : https://www.chambre-genealogistes.com/fr/particuliers/contrat-mandat/80-actualites/autres-actualites/182-le-contrat-de-revelation-mode-d-emploi-par-maitre-agnes-proton-avocat-au-barreau-de-grasse
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007039137&fastReqId=1446701546&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032636544&fastReqId=318510988&fastPos=1https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007033253&fastReqId=1067672181&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000021731724&fastReqId=840446781&fastPos=1
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