Héritiers avantagés et les autres héritiers
Le testament est l’acte par lequel le testateur exprime ses dernières volontés et « dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer » (C. civ. art. 895).
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Le testament présente plusieurs caractéristiques.
C’est un acte juridique unilatéral, manifestation de la volonté de son seul auteur, laquelle est nécessaire et suffisante pour sa validité. L’acceptation des bénéficiaires du legs n’est pas une condition de validité de ses dispositions ; au décès du testateur, le refus du légataire emporte seulement caducité du legs qui lui a été consenti.
C’est un acte à cause de mort : il manifeste la volonté de son auteur au jour de son décès. Pour cette raison, il est toujours révocable et ne produit d’effet qu’au décès du testateur.
Enfin, le testament est un acte solennel. La solennité tend à garantir l’expression libre des dernières volontés, leur conservation jusqu’au décès et leur protection contre les éventuelles contestations : la validité du testament est soumise à des règles de fond et de forme particulières.
Le testament authentique, également appelé testament par acte public, est soumis à un formalisme complexe énoncé aux articles 971 à 975 du Code civil. Ces règles spécifiques au testament authentique se combinent avec celles, générales, issues de la loi du 25 ventôse an XI et du décret 71-941 du 26 novembre 1971, qui régissent la rédaction des actes notariés (1).
Le testament notarié est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.
Il est dicté par le testateur au notaire qui l’écrit ou le dactylographie puis en fait la lecture au testateur ; après lecture, le testament est signé par le testateur, le ou les notaires et les témoins. L’acte porte mention expresse de l’accomplissement de l’ensemble des formalités requises.
Le non-respect des conditions de forme est sanctionné par la nullité absolue du testament.
Le testament authentique déclaré nul pour vice de forme ne peut valoir comme testament olographe, puisqu’il n’est pas écrit de la main du testateur.
Le testament olographe doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Aucune autre condition de forme n’est requise (C. civ. art. 970). En particulier, en dépit de son caractère solennel, aucun terme sacramentel n’est exigé. Ni le mot « testament » ni le verbe « tester » ne sont requis (2).
Le testament mystique, c’est-à-dire secret, combine certains caractères des testaments olographe et authentique. Il est en pratique très peu utilisé en raison de sa complexité. Il présente pourtant une utilité en présence d’un testateur partiellement illettré – il doit au moins savoir lire (C. civ. art. 978) – ou atteint de paralysie, situations dans lesquelles les formes classiques de testament ne peuvent être retenues. Mais le testament international, introduit dans notre droit en 1994, pourrait le remplacer avantageusement dans ces situations, du fait de sa simplicité.
Le coût du testament mystique est identique à celui du testament authentique : honoraire forfaitaire de 113,19 € hors taxe (C. com. art. A 444-60), auquel s’ajoutent des émoluments de formalités.
Le testament international, créé par la convention de Washington du 26 octobre 1973, a été introduit en France le 1er décembre 1994 (Décret 94-990 du 8-11-1994). L’intérêt de ce testament tient au fait qu’il est valable en la forme, quels que soient le pays où il a été fait, la situation des biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur.
En tant que bénéficiaire d’un testament, l’étendue de vos droits diffère selon que vous êtes institué légataire universel, légataire à titre universel ou encore à titre particulier. Vous pouvez ainsi bénéficier de la totalité des biens du défunt, d’une partie uniquement ou seulement d’un ou plusieurs biens déterminés.
Le testament permet, sous certaines conditions, de transmettre tout ou partie de son patrimoine à la personne de son choix, qu’il s’agisse de l’un de ses héritiers légaux ou d’un tiers.
À défaut de telles dispositions ou de donation entre époux, le patrimoine du défunt sera transmis à ses héritiers tels que définis dans la loi, en pleine propriété.
En tant que bénéficiaire d’un testament, l’étendue de vos droits diffère selon que vous êtes institué légataire universel, légataire à titre universel ou encore à titre particulier. Vous pouvez ainsi bénéficier de la totalité des biens du défunt, d’une partie uniquement ou seulement d’un ou plusieurs biens déterminés.
I. Contestation du testament pour atteinte à la réserve héréditaire
La réserve héréditaire est la part des biens d’une succession dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers les plus proches du défunt, dits « héritiers réservataires », dès lors qu’ils sont appelés à la succession et qu’ils l’acceptent (C. civ. art. 912, al. 1).
La réserve trouve en pratique deux dimensions, selon l’angle sous lequel on la considère : la réserve globale, qui, du point de vue du de cujus, limite par avance l’efficacité de sa volonté de gratifier ; la réserve individuelle, fraction de la réserve globale dévolue à chaque héritier réservataire, à laquelle celui-ci accède seulement lorsqu’il vient effectivement à la succession.
La réserve héréditaire n’embrasse jamais la totalité des biens, de sorte qu’il subsiste toujours une autre fraction de la succession, dont la personne peut librement disposer par des libéralités : cet excédent, exactement complémentaire de la réserve, s’appelle la quotité disponible (C. civ. art. 912, al. 2).
Le défunt a pu consentir des libéralités soit par donation entre vifs, soit par testament ou donation au dernier vivant à son conjoint ; mais ces libéralités ne seront efficaces avec certitude que si leur montant n’excède pas la quotité disponible.
Ce n’est qu’après le décès du disposant qu’il est possible de déterminer si les libéralités faites par lui excèdent la quotité disponible de sa succession et sont par conséquent réductibles. En effet, c’est seulement à cette date que l’on peut :
- connaître la qualité et le nombre d’héritiers réservataires laissés par le défunt ;
- mesurer l’importance du patrimoine du défunt, donc le seuil à partir duquel les libéralités excèdent la quotité disponible et sont réductibles ;
- déterminer parmi les libéralités consenties par le défunt lesquelles excèdent la quotité disponible et pour quelle fraction elles doivent être réduites afin que la réserve soit sauvegardée.
Lorsque la libéralité excessive a pour objet un usufruit ou une rente viagère, sa réduction a lieu à des conditions particulières.
Par ailleurs, si une atteinte à la réserve des enfants ne saurait en principe résulter d’un avantage matrimonial consenti par le défunt à son conjoint survivant, il en va différemment en présence d’enfants non communs, qui peuvent demander le retranchement de l’avantage excessif.
La loi confortant le respect des principes de la République instaure une obligation d’information renforcée pesant sur le notaire à l’égard des héritiers réservataires et un droit de prélèvement compensatoire au profit des enfants lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne prévoit aucun mécanisme réservataire les protégeant.
II. Contestation du testament pour insanité d’esprit
Pour faire une donation entre vifs ou un testament, « il faut être sain d’esprit » (C. civ. art. 901). À défaut, l’acte est nul, de nullité relative.
C’est en principe aux personnes qui invoquent l’insanité d’esprit qu’incombe la charge de la preuve de celle-ci. Ils doivent établir son existence au jour de la réalisation de l’acte. Toutefois, si l’insanité d’esprit du disposant était habituelle à l’époque de l’acte, la charge de la preuve est renversée et c’est à celui qui se prévaut de la validité de la donation ou du testament de démontrer que l’acte a été passé dans un intervalle de lucidité (3).
La preuve s’effectue par tous moyens, aussi bien extrinsèques (témoignages, expertises, etc.) qu’intrinsèques à l’acte. S’agissant en particulier des testaments olographes qui sont le plus souvent en cause, la preuve de l’insanité d’esprit résulte généralement d’un ensemble d’éléments : testateur affaibli par l’âge et/ou la maladie, incohérence des dispositions adoptées, style inhabituel à l’auteur, écriture désordonnée, etc.
La condamnation pénale du légataire pour abus de faiblesse sur le testateur durant une période couvrant la date de rédaction du testament peut également être un moyen d’établir l’insanité d’esprit. Ainsi, viole le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil le juge qui refuse d’annuler pour insanité d’esprit le testament rédigé au profit d’une femme étrangère à la famille et condamnée pénalement avec son époux pour abus de faiblesse sur la testatrice qui l’avait instituée légataire universelle, alors que les époux savaient l’intéressée particulièrement vulnérable (4).
La nullité pour insanité d’esprit peut faire double emploi avec celle prévue en faveur des majeurs protégés. Elle présente donc essentiellement un intérêt lorsque la libéralité est le fait d’un majeur qui n’est pas placé sous un régime de protection.
Le caractère sain d’esprit ou non du disposant est une question de fait, qui relève par conséquent de l’appréciation souveraine des juges du fond. Il n’y a en effet aucune définition légale de la sanité ou de l’insanité d’esprit. Cette dernière comprend toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant a été « obnubilée » ou sa faculté de discernement déréglée (en ce sens notamment, CA Paris 11-10-2007 n° 06/03493 ; CA Paris 17-4-2008 n° 07/07129).
En pratique, les tribunaux sont relativement réticents à admettre l’insanité d’esprit, trop facilement invoquée par les héritiers mécontents. Pour annuler un testament (ou, plus rarement, une donation), ils exigent sinon une altération durable et complète des facultés du disposant, du moins un trouble mental suffisamment important pour exclure une volonté consciente et éclairée au moment de l’acte. S’ils ne sont pas corroborés par d’autres éléments, le grand âge, la maladie, l’alcoolisme ou la mise ultérieure du disposant sous tutelle ne suffisent pas à faire prononcer la nullité du testament.
Ont été annulés pour insanité d’esprit du testateur :
- le testament fait par une femme dont les fonctions cognitives et affectivo émotionnelles étaient largement perturbées par un cancer, qui avait entraîné une grave dégradation de son état physique, et une profonde dépression (CA Paris 17-4-2008 n° 07/7129, 2e ch. B) ;
- le testament établi par une femme sous curatelle de 89 ans, qui présentait des facteurs de suggestibilité et d’influençabilité manifestes dus en partie à son grand âge et qui s’était notamment laissé abuser par des tiers auxquels elle avait remis des sommes très importantes (CA Paris 26-9-2007 n° 07/1230, 2e ch. A) ;
- le testament authentique établi trois mois avant son décès par un homme âgé et très malade, différents témoignages établissant qu’il présentait un état d’asthénie important et des périodes de confusion mentale et que, le jour même de l’établissement de son testament, il ne jouissait pas de ses pleines facultés intellectuelles et d’expression (CA Aix-en-Provence 9-5-2012 n° 11/07904).
Ont au contraire été jugés valables :
- le testament authentique établi au profit de la femme qui s’occupait de lui par un homme atteint de la maladie d’Alzheimer, l’insanité d’esprit (non perçue par le notaire) n’étant pas caractérisée : des proches témoignaient du comportement normal du testateur à l’époque de l’établissement du testament, le médecin n’avait pas recommandé de mesure de protection judiciaire ou d’hospitalisation dans une structure spécialisée ni déconseillé la conduite automobile à l’intéressé (CA Bastia 1-2-2012 n° 10/00066) ;
- le testament fait par un homme atteint de la maladie de Parkinson et placé sous curatelle, les pièces médicales versées au débat établissant que les facultés intellectuelles du testateur étaient peu altérées, ce dernier souffrant surtout de difficultés de mémorisation et d’évocation des informations récentes (CA Paris 7-3-2012 n° 11/06602 : Gaz. Pal. 14-3-2012 p. 21) ;
- le testament et la donation établis par une femme atteinte de schizophrénie, la preuve de sa lucidité lors de l’établissement des actes ayant été apportée (5).
- le testament fait par une femme soignée pour psychose maniacodépressive et qui avait fait plusieurs testaments différents au cours des neuf mois précédant son décès. La cour d’appel a estimé que si la maladie affectait l’humeur de la testatrice, elle n’était pas de nature à altérer son discernement, la rédaction de plusieurs testaments successifs dans un court intervalle de temps révélant simplement des hésitations sur la dévolution de ses biens (CA Toulouse 26-10-2010 n° 08/58, 1e ch. sect. 2 : BPAT 1/11 inf. 40) ;
- le testament rédigé par un homme atteint d’alcoolisme chronique et d’obésité morbide, au niveau intellectuel très limité (graphisme en lettres bâtonnées et orthographe phonétique), ces éléments ne prouvant pas que le testateur ait été privé de ses facultés mentales à la date d’établissement du testament (CA Chambéry 22-3-2011 n° 10/01246).
III. Contestation du testament pour vice de forme
L’inobservation des conditions de forme est sanctionnée par la nullité du testament (C. civ. art. 1001). Cette sanction concerne non seulement les manquements aux règles de forme communes à tous les testaments, mais également l’inobservation des règles de forme spécifiques à chaque catégorie de testaments.
Le testament ne peut être contesté qu’après le décès du testateur. L’action en nullité peut être exercée par celui censé recueillir les biens légués à la place du légataire (en pratique, les héritiers ou le légataire universel). Le délai de prescription de l’action est de 5 ans à compter du décès ou du jour où l’intéressé a connu l’existence du testament vicié (C. civ. art. 2224).
De son vivant, le testateur ne peut pas confirmer un testament irrégulier en la forme, et donc frappé de nullité (Cass. req. 5-2-1873 : DP 1873 I p. 435). S’il entend maintenir ses dernières volontés, il doit refaire un testament qui les reprend expressément, en respectant cette fois les règles de forme ; autrement dit, les dispositions du testament irrégulier qui ne seraient pas renouvelées dans un nouveau testament ne pourraient produire d’effet (6). Après le décès du testateur, ses héritiers peuvent en revanche confirmer, ratifier ou exécuter volontairement le testament irrégulier, renonçant ainsi à opposer au légataire les vices de forme qui l’affectent (Cass. req. 9-7-1873 : DP 1874 I p. 219). Ainsi, des héritiers qui ont donné leur accord à l’exécution d’un legs verbal doivent honorer leur engagement, leur obligation naturelle s’étant novée en obligation civile pour une illustration (7).
Lorsqu’un testament est annulé, les dispositions extrapatrimoniales qu’il est susceptible de contenir restent valables si leurs exigences propres de forme ont été respectées.
Sources :
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026486093?init=true&page=1&query=11-20.702+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051168?init=true&page=1&query=02-16.985+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007618425?init=true&page=1&query=97-21.544++&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026540468?init=true&page=1&query=11-20.442+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007484359?init=true&page=1&query=02-18.363+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032352703?init=true&page=1&query=15-17.039+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007049110?init=true&page=1&query=01-14.031+&searchField=ALL&tab_selection=all
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