Le testament-partage
Le testament-partage est un acte unilatéral par lequel le disposant distribue et partage entre ses héritiers présomptifs les biens qu’il laissera à son décès. Il constitue avec la donation-partage une des formes autorisées de libéralités-partages.
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Mais à la différence de la donation-partage, dans laquelle le partage des biens donnés résulte d’une convention entre le donateur et les copartagés, nécessitant l’accord de ceux-ci, le testament-partage s’impose aux héritiers copartagés, qui ne peuvent y renoncer sans renoncer à la succession elle-même. Par ailleurs, parce qu’il est une disposition à cause de mort, le testament-partage, à la différence de la donation-partage, est librement révocable jusqu’au décès du disposant.
Le testament-partage permet au testateur :
– de répartir, sans dessaisissement immédiat (à la différence de la donation-partage), non seulement ses biens présents au jour de l’acte, mais encore ses biens futurs ;
– d’imposer la répartition des biens de sa succession, les bénéficiaires n’ayant d’autre choix que d’accepter la succession telle qu’elle a été organisée par le testateur ou de la refuser en bloc. Les héritiers ne peuvent pas non plus cantonner leur émolument.
En pratique, alors que les donations-partages sont courantes, les testaments-partages sont rares, ce qui s’explique surtout par les inconvénients suivants :
– la qualification de testament-partage pose parfois des difficultés, la distinction entre le testament-partage et une série de legs particuliers tenant essentiellement à la volonté du testateur de répartir sa succession entre ses héritiers. Par exemple, si l’intention première et essentielle du testateur est d’avantager l’un de ses enfants, l’acte doit s’analyser en un testament ordinaire comportant un legs préciputaire (1).
En revanche, deux séries de testaments rédigés par des époux, aux mêmes dates et en termes identiques, ont été qualifiées de testaments-partages en raison de la volonté claire des testateurs d’allotir leurs enfants et de leur imposer un partage. Sur ce dernier point, les juges du fond ont considéré que ce partage revêtait un caractère d’autorité spécialement manifesté par la suppression de la disposition « tout cela, sauf accord entre vous » qui figurait dans un premier testament établi par l’épouse seule (2) :
– le domaine d’application du testament-partage est plus restreint que celui de donation-partage ; sur ses conditions d’application ;
– le testament-partage conjonctif est interdit ;
– sur le terrain fiscal, les testaments-partages sont assujettis au droit de partage de 2,5 % sans déduction des soultes.
Les partages testamentaires sont soumis obligatoirement à la formalité après le décès du testateur. Le délai imparti pour l’exécution de la formalité repose sur la distinction suivante.
Les testaments-partages déposés chez les notaires ou reçus par eux doivent être enregistrés au plus tard lors de l’enregistrement de l’acte constatant le partage de la succession (CGI art. 636). Il s’ensuit qu’ils doivent être enregistrés pendant la période qui court du jour du décès jusqu’à celui de l’enregistrement de l’acte de partage.
Les partages testamentaires olographes non déposés par les testateurs chez les notaires ne doivent être soumis à la formalité de l’enregistrement qu’à compter de la date de leur dépôt, au rang des minutes des notaires, effectués par les héritiers. Cet enregistrement doit être effectué au plus tard lors de celui de l’acte de partage.
Il est rappelé que les formalités de l’enregistrement et de la publicité foncière sont fusionnées pour les actes publiés au fichier immobilier (CGI art. 647, I), tels que les testaments-partages comprenant un ou plusieurs immeubles.
I. Conditions du testament-partage
A. Conditions de forme
Le testament-partage est soumis aux conditions de forme des testaments (Code civil, article 1075, al. 2). Il doit donc revêtir, à peine de nullité, la forme authentique, olographe, mystique ou internationale.
À l’instar de la donation-partage, le testament-partage peut résulter de plusieurs actes successifs.
Comme le testament conjonctif, le testament-partage conjonctif est interdit (Code civil, article 968) : deux époux dont chacun souhaite faire le partage de ses biens par un acte de dernière volonté doivent recourir à deux testaments-partages distincts.
B. Conditions de fond
- S’agissant des bénéficiaires
Comme la donation-partage, le testament-partage peut être réalisé par toute personne au profit de ses héritiers présomptifs (Code civil, article 1075).
Ainsi, une personne n’ayant pas d’enfant peut établir un testament-partage au profit par exemple de ses frères et sœurs et/ou de ses neveux et nièces. Le testament-partage peut n’allotir que certains des héritiers présomptifs et les allotir inégalement (3). En revanche, il faut au moins deux lots, sans quoi le partage ferait défaut.
Dans un arrêt du 12 juillet 2023, la Cour de cassation rappelle que selon l’article 1075 du Code civil, toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits sous forme de donation-partage et qu’aux termes de l’article 1076, alinéa 2 du Code civil, la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes.
Il résulte de ces textes que la donation-partage, même faite par actes séparés, suppose nécessairement une répartition de biens effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction et avec son concours.
La cour d’appel estime que le donateur avait donné son consentement à la vente intervenue entre ses fils, en renonçant à l’action révocatoire ainsi qu’à l’exercice du droit de retour, il n’apparaissait pas, pour autant, qu’il ait été à l’initiative de l’acte du 17 janvier 2008 ni que le partage ait été réalisé sous sa médiation.
Elle en a déduit que l’acte n’avait pas résulté de la volonté du donateur de procéder au partage matériel de la donation, mais de celle des copartagés.
La Cour de cassation considère que la cour d’appel a retenu à bon droit que l’acte du 7 novembre 1995 était une donation rapportable à la succession du donateur, car la répartition des biens n’avait pas été effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction (10).
La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 10 janvier 2023, rappelle l’article 1075 du Code civil et considère que la testatrice a expressément entendu procéder à un testament-partage égalitaire entre ses deux enfants, ce qui ressort de sa volonté que ses autres biens servent à équilibrer les attributions en deux lots d’égale valeur.
La Cour d’appel de Bordeaux estime que dès lors que les biens restants ne suffisent pas à assurer cette égalité, la cohéritière doit verser une soulte à son frère et la décision sera confirmée y compris en ce qu’elle a homologué le projet liquidatif, et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile et partager les dépens par moitié. En revanche, la cohéritière qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d’appel et à versé à l’intimé une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles (11).
Un testament-partage peut également être effectué au profit de descendants de degrés différents, puisque l’article 1075-1 du Code civil, qui prévoit cette possibilité, ne distingue pas entre donation-partage et testament-partage (4). Un ascendant peut donc distribuer ses biens entre ses enfants et ses petits-enfants, sachant que, contrairement aux règles applicables à la donation-partage :
– l’accord des enfants par-dessus la tête desquels certains droits sont transmis n’est par hypothèse pas requis ;
– les petits-enfants ne pourront être gratifiés que dans la limite de la quotité disponible : les règles qui permettent aux enfants de consentir à ce que leurs propres enfants soient allotis en leur lieu et place sont spécifiques à la donation-partage ; le testament-partage transgénérationnel ne pourra donc empiéter sur la réserve des enfants en question que si ces derniers veulent bien y consentir une fois la succession ouverte, ou s’ils ont souscrit une renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR).
- Pour ce qui est des biens
Le testament-partage peut porter sur tout ou partie des biens que le disposant laissera à son décès. Les biens non compris dans le testament-partage seront partagés entre ses héritiers conformément à la loi (Code civil, article 1075-5).
Il est possible de transmettre par testament-partage des biens indivis (5), les règles étant celles exposées pour les legs de biens indivis. Toutefois, il ne peut pas s’agir de biens dépendant d’une indivision post-communautaire dissoute par le décès du conjoint du testateur : le testament-partage cumulatif est prohibé (6).
En revanche, et alors même que l’article 1423 du Code civil autorise le legs de biens communs, la doctrine majoritaire et la jurisprudence n’admettent pas qu’un testament-partage puisse porter sur des biens communs au testateur et à son conjoint (7).
En effet, lorsqu’un époux consent des legs de biens communs – à concurrence de sa part dans la communauté -, les modalités d’exécution de ceux-ci dépendent des résultats du partage ultérieur de la communauté, selon que le bien tombe dans le lot des héritiers du testateur (exécution en nature) ou dans celui de son conjoint (exécution en valeur). De telles modalités sont exclues en matière de testament-partage au motif qu’il n’est pas un acte dévolutif mais seulement répartiteur. L’effet déclaratif du partage opéré justifie l’impossibilité d’y inclure des biens communs, lesquels feront l’objet d’un partage ultérieur.
Le testament-partage ne saurait non plus porter sur des biens propres du conjoint du testateur (8).
En l’absence de texte, la doctrine s’accorde à admettre l’incorporation de donations antérieures consenties par le testateur, dès lors qu’elles sont rapportables. Le disposant peut alors attribuer la créance de rapport de la succession au donataire et répartir ses autres biens entre les autres copartagés. Les rapports incorporés au testament-partage seront estimés au jour de l’ouverture de la succession. En revanche, l’incorporation de donations antérieures consenties hors part successorale n’est pas possible.
La nullité d’un testament-partage incluant des biens dont l’ascendant n’a pas la propriété et la libre disposition est une nullité relative, qui ne peut par conséquent être invoquée que par ceux dont les intérêts particuliers ont été atteints (9).
II. Effets du testament-partage
A. Du vivant du testateur
Le testament-partage ne produit aucun effet du vivant du testateur. Il est librement révocable, suivant le droit commun des testaments.
La question se pose de savoir si, comme en matière de legs (Code civil, article 1038), l’aliénation d’un bien compris dans le testament-partage emporte présomption de révocation du partage testamentaire. Le testament-partage n’étant pas constitué de legs et étant dépourvu d’effet dévolutif, il paraît légitime d’écarter une telle présomption. En l’absence d’autres biens non compris dans le testament-partage, l’héritier devrait agir en réduction.
De même, le prédécès d’un héritier ne devrait pas emporter caducité du partage testamentaire. Le testament-partage réalisant un partage de la succession, le lot attribué à l’héritier prédécédé devrait revenir à ses représentants.
B. Au décès du testateur
Le testament-partage produit les effets d’un partage. Les bénéficiaires ne peuvent pas renoncer au testament-partage pour demander un nouveau partage de la succession : la renonciation au testament-partage vaut renonciation à la succession (Code civil, article 1079).
Si un héritier n’est pas rempli de ses droits réservataires, il peut exercer l’action en réduction.
Les copartagés recueillent leurs lots non en qualité de légataires, mais en qualité d’héritiers. En conséquence, le copartagé ne peut en aucun cas, contrairement au légataire, renoncer à la succession et conserver son lot à titre préciputaire. Son lot lui étant attribué au titre d’un partage successoral et non par libéralité, le copartagé ne peut en bénéficier que s’il accepte la succession.
De même, en sa qualité d’héritier et non de légataire à titre particulier, le copartagé répond des dettes de la succession en fonction de l’option successorale choisie (acceptation pure et simple ou acceptation à concurrence de l’actif net).
Sources :
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020708439?init=true&page=1&query=08-13.801&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037819402?init=true&page=1&query=17-17.493+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038238568?init=true&page=1&query=18-11.640+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026607753?init=true&page=1&query=11-23.396+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007512025?init=true&page=1&query=05-11.583+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021471154?init=true&page=1&query=08-17.351+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007042090?init=true&page=1&query=99-11.308+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037819402?init=true&page=1&query=17-17.493&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021787469?init=true&page=1&query=08-18.196+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CC-12072023-21_20361?em=Cour%20de%20cassation%2C%20Premi%C3%A8re%20chambre%20civile%2C%2012%20juillet%202023%2C%20%2021-20.361%2C%20Publi%C3%A9%20au%20Bulletin
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CABORDEAUX-10012023-19_06517?em=Cour%20d%27appel%20de%20bordeaux%2C%203%C3%A8me%20CHAMBRE%20FAMILLE%2C%2010%20janvier%202023%2C%20%2019%2F06517
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