Envoi en possession
L’envoi en possession est une demande présentée devant les juges ou un notaire, afin de contrôler la validité des testaments et legs consentis par le défunt et permettre la remise effective des biens aux légataires universels.
Le « vocabulaire juridique » rédigé sous la direction de G. CORNU en définissant le terme « possession » indique que dans certaines expressions, ce mot désigne le « droit de se mettre en possesseur d’une chose, d’en devenir le possesseur effectif et légitime ». Et de préciser : « non cependant comme détenteur, mais, en général, comme héritier ou légataire »
La fiche d’orientation éditée par Dalloz et consacrée à l’envoi en possession précise ainsi : « la saisine se définit comme le pouvoir reconnu à l’héritier de se mettre en possession de la succession dès le décès, sans avoir à effectuer de formalités. L’envoi en possession est une procédure consistant à vérifier la qualité de la personne à appréhender une succession ».
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Cet envoi en possession est nécessaire « pour le légataire universel dans certaines circonstances, pour l’exécuteur testamentaire désigné par testament olographe ou mystique et pour l’État en cas de succession en déshérence ».
La procédure d’envoi en possession concerne, en effet, l’appréhension matérielle, concrète des biens. Elle a pour finalité d’autoriser le légataire à entrer en possession des biens.
S’agissant de la succession en déshérence, elle peut être définie comme « la déshérence est la situation dans laquelle se trouve un bien ou un patrimoine lorsque son propriétaire est décédé sans laisser d’héritier connu ou, ce qui revient au même si tous les héritiers connus y ont renoncé.
On dit aussi « succession vacante ». L’article 768 du Code civil prévoit que l’État recueille alors les biens laissés par le défunt. La déshérence de la succession prend fin en cas d’acceptation de la succession par un héritier » (Dictionnaire de droit privé – Déshérence).
I. ENVOI EN POSSESSION DU LÉGATAIRE UNIVERSEL
A. CONDITIONS DE L’ENVOI EN POSSESSION
La loi du 18 novembre 2016 (Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) rend facultative la procédure d’envoi en possession du légataire universel, désormais jugée sans grande utilité. Cette procédure ne sera demandée qu’en cas d’opposition des héritiers, descendants directs du de cujus.
Cette quasi-suppression de l’envoi en possession s’accompagne d’un transfert de responsabilité sur le notaire qui devra accomplir des démarches supplémentaires. Par ailleurs, le parlement, prisonnier de sa frénésie législative, n’a pas envisagé les conséquences de cette réforme sur l’exécuteur testamentaire soumis à cette même procédure depuis la loi du 23 juin 2006.
L’article 1006 du Code civil affirme ainsi le principe selon lequel le légataire universel est saisi de plein droit par la mort du testateur dès lors que le testateur ne laisse pas d’héritiers réservataires. En conséquence, en ce cas, il n’a pas à demander la délivrance de son legs aux héritiers également saisis.
La saisine « de plein droit » signifie que le juge est lié et qu’il n’a aucun pouvoir d’appréciation. Une jurisprudence du 16 juillet 1997 permettait déjà d’éclairer ce sujet : « en l’absence d’héritier а réserve, le légataire universel, même tenu de se faire envoyer en possession lorsqu’il est institué par testament olographe, est saisi, de plein droit, de l’hérédité par la mort du testateur et, dans le cas prévu par l’art. 910, cette saisine lui est acquise dès le jour de l’ouverture de la succession, sous condition suspensive d’autorisation administrative ; le successeur, saisi de l’universalité de l’hérédité et tenu au passif successoral et aux dettes nées de la conservation des biens de la succession, peut être poursuivi par les créanciers successoraux » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 16 juillet 1997, 95-18.978, publié au bulletin).
Dès lors que la condition essentielle d’absence de réservataires est constatée, son ensaisinement ne saurait lui être refusé. Pour permettre au légataire universel d’entrer véritablement en possession de l’hérédité restent donc deux conditions à vérifier : la régularité de son titre, c’est-à-dire du testament et, l’absence de réservataires.
Le légataire universel, pour entrer en possession des biens héréditaires, est donc dans certaines situations soumis à une formalité préalable qui lui permettra d’exercer pleinement sa saisine : l’envoi en possession.
B) PROCÉDURE D’ENVOI EN POSSESSION
Jusqu’au 31 octobre 2017, la demande devait être faite auprès du président du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession, par ministère d’avocat. Elle était accompagnée d’une copie certifiée authentique du testament et d’une copie certifiée authentique de l’acte de notoriété certifiant l’absence d’héritier réservataire.
Aucun délai n’était imparti. Le juge vérifiait le caractère universel du legs, l’absence d’héritier réservataire et la validité apparente du testament avant d’autoriser l’envoi en possession.
Depuis le 1er novembre 2017, lorsqu’un testament olographe ou mystique institue un légataire universel et qu’il n’existe pas d’héritiers à réserve, la demande d’envoi en possession auprès du tribunal de grande instance est supprimée (abrogation de l’article 1008 du Code civil.) et il incombera au notaire de vérifier le caractère universel de la vocation du légataire institué et l’absence d’héritiers réservataires.
L’article 1007 du Code civil dispose ainsi : « tout testament olographe ou mystique sera, avant d’être mis à exécution, déposé entre les mains d’un notaire. Le testament sera ouvert s’il est cacheté. Le notaire dressera sur-le-champ procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, en précisant les circonstances du dépôt.
Dans le cas prévu à l’article 1006, le notaire vérifiera les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l’absence d’héritiers réservataires. Il portera mention de ces vérifications sur le procès-verbal.
Le testament ainsi que le procès-verbal seront conservés au rang des minutes du dépositaire. Dans le mois qui suivra la date du procès-verbal, le notaire adressera une expédition de celui-ci et une copie figurée du testament au greffier du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession, qui lui accusera réception de ces documents et les conservera au rang de ses minutes.
Dans le mois suivant cette réception, tout intéressé pourra s’opposer à l’exercice de ses droits par le légataire universel saisi de plein droit en vertu du même article 1006. En cas d’opposition, ce légataire se fera envoyer en possession. Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’Etat ».
L’envoi en possession ne subsistera donc qu’en cas d’opposition. Dans les quinze jours suivant l’établissement du procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, le notaire fait procéder, aux frais du légataire universel, à l’insertion au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal judiciaire territorialement compétent d’un avis comprenant le nom du défunt, le nom et les coordonnées du notaire chargé de la succession ainsi que l’existence d’un legs universel (Article 1378-1 du Code de procédure civile).
Il est ensuite offert à tout intéressé une voie d’opposition à l’exercice de ses droits par le légataire (article 1378-2 du Code de procédure civile). L’opposition de tout intéressé doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la réception du procès-verbal et de la copie du testament par le greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession en vue de leur dépôt au rang de ses minutes.
Ce dernier devra alors solliciter du juge un envoi en possession, pour pouvoir appréhender les biens légués. Le juge statue par ordonnance. À l’expiration du délai d’opposition, soit au plus tard un mois après la publication de l’avis au BODACC et à un journal local d’annonces légales, le légataire universel a la saisine de plein droit (Circulaire du 26 janvier 2017, NOR : JUSC1638274C, fiche 11).
C. EFFETS
Avant même la mise en œuvre de cette procédure, le légataire universel a d’ores et déjà la possibilité d’effectuer des actes conservatoires sur les biens successoraux. Une fois envoyé en possession, il peut appréhender l’ensemble des biens et des droits du défunt. Les autres héritiers peuvent encore par la suite contester la validité du testament, mais c’est à eux de faire la preuve de la fausseté de l’écriture ou de la signature.
II. ENVOI EN POSSESSION DE L’EXÉCUTEUR TESTAMENTAIRE
L’envoi en possession est requis pour l’exécuteur testamentaire s’il n’a pas été désigné par testament authentique. Le législateur de 2006, lors de la réforme des libéralités, a malheureusement étendu cette procédure de l’envoi en possession à l’exécuteur testamentaire quand bien même leurs situations et leurs fonctions ne sont pas du tout assimilables. On sait que l’exécuteur testamentaire peut bénéficier de deux extensions de pouvoirs.
La première, prévue à l’article 1030 du Code civil, l’autorise à prendre possession de tout ou partie du mobilier et à le vendre pour permettre le paiement des legs particuliers dans la limite du disponible. Cette mission peut être confiée par le testateur à l’exécuteur même en présence de réservataires
La seconde extension (article 1030-1 du Code civil) de pouvoir le transforme en véritable liquidateur de la succession l’autorisant ainsi à vendre les biens et payer le passif. Cette dernière mission ne peut être attribuée qu’en l’absence de réservataire. Soumettre ainsi à la formalité de l’envoi en possession l’exécuteur testamentaire a pu sembler curieux d’autant plus que les textes n’étaient pas d’une particulière netteté. En effet, en 2006 a été créé un envoi en possession en présence de réservataires.
Toutes les contestations liées à l’envoi en possession de l’exécuteur testamentaire devront exclusivement être portées devant le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession, seul compétent en la matière (article R.211-3-26 du Code de l’organisation judiciaire).
III. ENVOI EN POSSESSION DE L’ÉTAT
Par application des dispositions des articles 539 et 768 du Code civil, l’État peut prétendre aux successions des personnes qui décèdent sans héritiers ou aux successions qui sont abandonnées, à moins qu’il ne soit disposé autrement des biens successoraux par des lois particulières. Il s’agit des successions en déshérence.
Ainsi, à défaut d’héritier connu, l’État recueille la succession, mais il doit se faire envoyer en possession pour appréhender les biens successoraux conformément à l’article 724 du Code civil. A cet effet, l’État doit demander l’envoi en possession selon les modalités fixées à l’article 770, alinéa 1er du même Code.
L’administration chargée des domaines demande l’envoi en possession de la succession d’une personne qui décède sans héritiers ou d’une succession abandonnée dans les formes et conditions prévues par l’article 1354 du Code de procédure civile (article R. 1122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques).
Par ailleurs, il convient de préciser que les biens dépendant d’une succession en déshérence qui appartiennent à l’État ne constituent pas des biens sans maître et, par conséquent, ne sont pas susceptibles d’appartenir aux communes.
La demande doit être formée devant le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession (article 811 du Code civil (4) et article 1381 du Code de procédure civile (5)). Le tribunal ne peut autoriser l’envoi en possession avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession et après des formalités de publicité (article 1354 du Code de procédure civile).
SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006434590&dateTexte=&categorieLien=ci
Cour de cassation, Chambre civile 1, du 16 juillet 1997, 95-18.978, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007037903
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033460709&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20171101https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI00000643476
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006431815&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20070101https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070716&idArticle=LEGIARTI000006412550
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