Optimisation de la situation du conjoint survivant
La situation du conjoint survivant est une question éminemment importante. Elle détermine ce à quoi le conjoint aura droit et pourra faire après le décès du conjoint.
Le droit des régimes matrimoniaux a pour cela prévu des spécificités, permettant notamment d’adapter son régime matrimonial, aux volontés des époux, afin de prévenir les éventuels problèmes que pourrait rencontrer le conjoint survivant.
Le droit prévoit ainsi la possibilité de changer ou de modifier les régimes matrimoniaux. Les époux ont, en effet, la possibilité de changer de régime matrimonial ou d’en modifier certains aspects en y insérant des clauses particulières.
La protection du conjoint est essentielle pour une bonne organisation du patrimoine familial. Réussie, elle assure un avenir serein et prévient les conflits. Compte tenu de la place privilégiée, accordée par la loi au conjoint dans l’ordre successoral, l’aménagement matrimonial devient prioritaire.
La notion de protection du conjoint survivant est sans cesse avancée comme argument d’une modification d’un régime matrimonial ou comme motif de donation entre époux.
Bien sûr, la modification du régime matrimonial au moyen de l’adoption d’une communauté qui serait universelle et attribuée au conjoint survivant constituerait pour ce dernier la méthode la plus efficace. Mais cette dernière présente l’inconvénient de fusionner en un seul patrimoine les biens propres de chacun des époux.
Nous verrons donc comment il est désormais possible de changer de régime matrimonial (I), avant de préciser le régime des contrats de mariage (II). Nous présenterons ensuite deux solutions annexes : compte joint, assurance vie (III) et libéralités (IV).
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I. La simplification du changement de régime matrimonial
A. Allègement de la procédure de changement de régime matrimonial
Les époux peuvent convenir de modifier leur régime matrimonial ou changer entièrement, par un acte notarié, de régime.
L’article 1397 du Code civil prévoit en effet : « Les époux peuvent convenir, dans l’intérêt de la famille, de modifier leur régime matrimonial, ou même d’en changer entièrement, par un acte notarié. À peine de nullité, l’acte notarié contient la liquidation du régime matrimonial modifié si elle est nécessaire.
Les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois. En cas d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.
Les créanciers sont informés de la modification envisagée par la publication d’un avis sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département du domicile des époux. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans les trois mois suivants la publication. En cas d’opposition, l’acte notarié est soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux.
La demande et la décision d’homologation sont publiées dans les conditions et sous les sanctions prévues au code de procédure civile. Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3.
Le changement a effet entre les parties à la date de l’acte ou du jugement qui le prévoit et, à l’égard des tiers, trois mois après que mention en a été portée en marge de l’acte de mariage. Toutefois, en l’absence même de cette mention, le changement n’en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.
Lorsque l’un ou l’autre des époux fait l’objet d’une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre Ier, le changement ou la modification du régime matrimonial est soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué.
Il est fait mention de la modification sur la minute du contrat de mariage modifié. Les créanciers non opposants, s’il a été fait fraude à leurs droits, peuvent attaquer le changement de régime matrimonial dans les conditions de l’article 1341-2 ».
La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 (Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice) modifie la procédure de changement de régime matrimonial sur plusieurs points en l’assouplissant. (Art. 8).
B. La suppression du délai d’application de 2 ans
Le délai de deux années d’application du régime matrimonial, autrefois nécessaire pour pouvoir changer de régime, a été supprimé (CGI, art. 1397, al. 1er mod.). Il a, en effet, été estimé que ce délai ne correspondait plus à la nécessité pour des époux de pouvoir faire correspondre leur régime à leur situation familiale et professionnelle.
De ce fait, les époux pourront changer de régime matrimonial selon les précisions de l’article 1397 du Code civil, susvisé, sans délai (in fine).
C. La suppression de l’homologation de l’acte de notarié en présence d’enfants mineurs
La loi simplifie également la procédure de changement de régime matrimonial en présence d’enfants mineurs en supprimant l’homologation judiciaire systématique.
Un mécanisme de contrôle est néanmoins prévu : le notaire peut saisir le juge des tutelles sur le fondement de l’article 387-3 du Code civil : « A l’occasion du contrôle des actes mentionnés à l’article 387-1, le juge peut, s’il l’estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l’âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu’un acte ou une série d’actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable.
Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l’un d’eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci.
Les tiers qui ont informé le juge de la situation ne sont pas garants de la gestion des biens du mineur faite par l’administrateur légal ».
Ainsi, si le notaire a des doutes sur le respect de l’intérêt des enfants dans le changement de régime matrimonial, il pourra saisir le juge. Ainsi, le contrôle judiciaire est réintroduit pour évaluer le changement envisagé (Code civil, article 1397, al. 5 mod.).
D. Possibilité pour le représentant d’un mineur placé ou d’en enfant majeur protégé de faire opposition
En présence d’enfant mineur placé ou d’enfant majeur sous mesure de protection, le représentant est informé du projet de changement de régime matrimonial et peut s’y opposer sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.
L’opposition aura pour effet de rendre nécessaire l’homologation judiciaire. Le mécanisme applicable aux enfants majeurs, personnellement informés de la modification et pouvant s’y opposer, est ainsi étendu.
L’alinéa second de l’article 1397 du Code civil prévoit en effet que « Les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois. En cas d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles ». (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 8 : JO, 24 mars)
II. L’aménagement de la dévolution successorale par contrat
Le principe en matière de succession est que la moitié des biens de la communauté revient au conjoint survivant. Ce principe peut être aménagé grâce à l’ajout au contrat de mariage de différentes clauses. Nous présenterons ici les plus importantes.
- CLAUSE DE RÉPARTITION INÉGALE DES BIENS. Avec la clause de répartition inégale, les biens seront partagés de manière inégale (2/3 ou 3/4 pour le conjoint survivant).
- CLAUSE D’ATTRIBUTION INTÉGRALE. Par cette clause, la totalité des biens communs revient au conjoint survivant. Ainsi, aucun bien de la communauté ne sera inclus dans l’hé Dès lors, les enfants ne disposeront de l’héritage qu’à la mort des deux parents. C’est un grand désavantage pour les enfants puisqu’ils devront payer des droits successoraux plus importants. Ils ne profiteront, en effet, qu’une seule fois du barème progressif et des abattements parents/enfants.
- CLAUSE DE PRÉCIPUT. La clause de préciput permet d’attribuer certains biens au conjoint survivant. Il s’agit d’une protection sur-mesure. Par exemple, elle peut être prévue pour la résidence principale afin d’assurer la pleine disposition au conjoint survivant et pas seulement l’ Attention, la clause de préciput ne peut être établie que sur les biens communs et non sur les biens propres. Le conjoint survivant aura la possibilité, au décès de l’autre, d’accepter ou renoncer à la clause.
- CLAUSE DE PRÉLÈVEMENT. Elle est très intéressante pour les couples possédant une entreprise. En effet, le conjoint survivant pourra conserver cet outil de travail sans procédure judiciaire ni indivision avec les héritiers.
III. Les solutions annexes : assurance- vie et compte-joint
L’ouverture d’un compte joint et la souscription à un contrat d’assurance-vie constituent, également, d’excellentes solutions de protection.
Compte joint. Le compte-joint permet d’éviter le blocage du compte du défunt et laisse au survivant la possibilité d’effectuer des opérations qui peuvent lui être nécessaires. Au jour du décès, le compte du défunt est, en effet, immédiatement bloqué et cela peut durer quelques mois avant d’avoir l’autorisation de le débloquer. Les procurations consenties n’ont, en effet, plus aucune valeur après le décès. L’ouverture d’un compte-joint permet à l’époux survivant d’utiliser les fonds lui appartenant.
Contrat d’assurance-vie. Le contrat d’assurance vie permet, lui, de transmettre au conjoint survivant un capital financier. Ainsi, l’époux souscripteur du contrat d’assurance-vie a payé les primes avec des deniers communs et le bénéficiaire du contrat est le conjoint survivant.
Dans quelle masse de biens va tomber le bénéfice de l’assurance-vie, cette somme pourra-t-elle être un bien propre pour le conjoint survivant ou bien fera-t-elle au contraire partie des biens communs ?
L’article L.132-16 du Code des assurances a résolu ce problème en disposant « Le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en bien en faveur de son conjoint, constitue un propre pour celui-ci. Aucune récompense n’est due à la communauté en raison des primes payées par elle, sauf dans les cas spécifiés dans l’article L. 132-13, deuxième alinéa ».
Aucune récompense, aucune compensation n’est donc due par le conjoint survivant à la communauté en raison des primes payées par cette dernière. Le capital ou la rente garantie par le contrat demeurera bien propre, quelle que soit l’origine des fonds ayant servi à acquitter les primes (Cour de cassation, 1re chambre civile du 25 mai 2016, n° 15-14.737, n° 559 F – P + B + I). Par contre, quand les primes versées sont manifestement démesurées par rapport aux capacités financières du couple, il y aura lieu à récompense face à la communauté dans la mesure de cet excès.
IV. Le renouveau des libéralités entre époux
Les donations entre époux de biens à venir – actes emblématiques de la protection du conjoint survivant – avaient été assez nettement abandonnées par la pratique, sans doute injustement, à la suite de la réforme du 3 décembre 2001, qui octroya tant de droits légaux au conjoint survivant qu’une protection contractuelle était jugée inutile.
La loi du 26 juin 2006 pourrait bien cependant avoir redonné une nouvelle vigueur à toutes les libéralités entre époux, qu’il s’agisse de la donation entre époux, institution contractuelle originale, mais aussi du simple testament, aussi efficace pour le sujet qui nous préoccupe ici.
Les nouvelles libéralités graduelles et résiduelles vont amplifier ce phénomène en permettant – par libéralités – non seulement d’avantager le conjoint, mais aussi d’assurer la transmission aux enfants, en second rang.
A. Une solution classique pour améliorer la situation du conjoint survivant
Il faut rappeler en premier lieu les situations dans lesquelles la libéralité entre époux était et demeure efficace. Elle permet de prévoir un usufruit au bénéfice du conjoint survivant qui, à défaut, n’y a pas droit dans le cas des familles recomposées, et éventuellement de supprimer son droit légal de propriété.
Elle permet aussi de donner au conjoint une vocation universelle qui pourrait trouver son plein effet si les enfants, héritiers réservataires, ne demandent pas lors du décès, la réduction de ce legs. Cette solution avantage grandement le conjoint survivant, mais le préjudice d’augmenter les droits de succession à régler par les enfants au décès du dernier époux.
Il y a là une option familiale à ne pas négliger. Elle permet d’augmenter les droits du conjoint au maximum de la quotité disponible entre époux, qui est toujours supérieure aux droits légaux, soit par le cumul des vocations en usufruit et en propriété, soit par l’amélioration des droits de propriété. Elle permet enfin, on l’a vu, de prendre en compte, le cas échéant, l’imputation des donations de biens présents sur les droits légaux.
B. Une nouvelle solution pour avantager le conjoint au delà de la quotité disponible
Puisque les héritiers réservataires peuvent désormais renoncer par anticipation à exercer une action en réduction au profit d’une personne déterminée, rien n’interdit plus d’avantager un conjoint survivant en présence d’enfants.
Et ce, même au-delà de la quotité disponible spéciale de l’article 1094-1 du Code civil, qui dispose : « Pour le cas où l’époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l’autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d’un étranger, soit d’un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement.
Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles », sauf, bien sûr, désaccord desdits réservataires. Cette technique est rendue possible par application des articles 929 et 930 nouveaux du Code civil.
La solution est souple et peu contraignante pour le disposant, qui pourra toujours renoncer à avantager son conjoint ou révoquer la libéralité, ce qui privera de tout effet la renonciation signée par les enfants. Reste à obtenir l’accord des enfants, sans contrepartie autre pour eux que d’aider le conjoint survivant. Cet accord paraît pouvoir être obtenu s’il est démontré que la stratégie est globale et familiale.
La situation ne sera pas différente des changements de régimes matrimoniaux prévoyant des clauses d’attribution intégrale au survivant, souvent bien acceptées par les enfants qui en étaient informés. On imagine déjà un certain nombre de situations dans lesquelles cette renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) pourrait utilement accompagner une libéralité.
- Une extension des droits en pleine propriété. Le testament, accompagné d’une RAAR, permettra au conjoint de recevoir en propriété un bien familial, alors même que la valeur de celle-ci excéderait le quart de la succession en présence de plusieurs enfants. Cette libéralité au profit du conjoint pourra, le cas échéant, être graduelle ou ré
- L’extension des pouvoirs du conjoint usufruitier. Il arrive souvent que le souhait familial ne soit pas d’attribuer au conjoint des droits en pleine propriété, mais de lui conférer un véritable droit de contrôle et de gestion sur le patrimoine dont il sera usufruitier, plus étendu que celui prévu par le Code civil pour un simple usufruit.Or cette extension de pouvoirs, pouvant conduire jusqu’au quasi-usufruit, est incompatible avec la réserve des descendants. Dorénavant, un simple testament, accompagné d’une RAAR, pourrait doter le conjoint survivant d’un pouvoir de gestion amélioré, voire le rendre quasi-usufruitier. Couplée au mandat posthume (plus efficace sur les droits sociaux, par exemple), cette faculté ouvre bien des horizons, à l’heure où la fiducie ne parvient pas à s’
SOURCES :
ARTICLE 1397 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038584427/
LOI N° 2019-222 DU 23 MARS 2019 DE PROGRAMMATION 2018-2022 ET DE RÉFORME POUR LA JUSTICE : https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000036830320/
ARTICLE 387-3 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031322956
ARTICLE L.132-16 DU CODE DES ASSURANCES : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000006792992/1992-07-17/
COUR DE CASSATION, 1RE CHAMBRE CIVILE DU 25 MAI 2016, N° 15-14.737, N° 559 F – P + B + I : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/559_25_34319.html
ARTICLE 1094-1 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435800/
COMMENT PROTÉGER VOTRE CONJOINT SURVIVANT EN AMÉNAGEANT VOTRE CONTRAT DE MARIAGE : http://www.capital.fr/finances-perso/actualites/comment-proteger-votre-conjoint-survivant-en-amenageant-votre-contrat-de-mariage-808538
TUTELLE ET CURATELLE :
http://www.vos-droits.justice.gouv.fr/mariage-civil-12027/regimes-matrimoniaux-12443/
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