Droits de succession : la communauté universelle, un cauchemar pour les enfants ?
Lorsqu’il s’agit de planifier leur succession, de nombreux couples optent pour le régime de la communauté universelle.
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Selon l’article 1526 du Code civil, les époux peuvent établir par leur contrat de mariage une communauté universelle de leurs biens tant meubles qu’immeubles, présents et à venir. Toutefois, sauf stipulation contraire, les biens que l’article 1404 déclare propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté. (1)
La communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures. (2)
La communauté universelle reste un régime matrimonial généralement conseillé aux couples retraités, en fin de vie et sans enfants.
Il s’agit d’un régime très avantageux et protecteur pour le conjoint survivant.
Il convient au couple qui souhaite avantager le conjoint survivant ou lui assurer une protection solide.
Ce régime est fait pour les couples solides et durables où le risque de divorce s’est dissipé du fait de l’âge avancé, par exemple.
Ce régime présente certains avantages pour les conjoints survivants, mais il peut se révéler être un véritable cauchemar pour les enfants.
Dans cet article, nous examinerons les aspects problématiques de la communauté universelle du point de vue des héritiers et les raisons pour lesquelles il est important de bien réfléchir avant d’adopter ce régime.
I. Absence de protection pour les héritiers
L’un des principaux problèmes de la communauté universelle réside dans l’absence de protection pour les enfants en cas de décès d’un parent. En effet, dans ce régime, tous les biens acquis pendant le mariage sont considérés comme étant la propriété commune du couple. Par conséquent, lorsqu’un des conjoints décède, l’intégralité du patrimoine revient au conjoint survivant, sans distinction entre les biens propres et les biens communs. Les enfants peuvent ainsi être privés de leur part d’héritage légitime, ce qui peut créer des tensions et des conflits familiaux.
Dans une affaire du 15 janvier 2020, les héritiers d’un défunt contestaient la clause d’attribution intégrale d’un contrat de mariage sous régime de communauté universelle, estimant qu’elle ne permettait pas de protéger leur droit de reprise sur les biens apportés à la communauté.
La Cour de cassation a rejeté leur demande, considérant que la clause était rédigée de façon claire et non équivoque : elle attribuait tous les biens de la communauté au conjoint survivant en pleine propriété, sans exception. Par conséquent, les héritiers ne peuvent revendiquer aucun droit, sauf si une stipulation contraire avait été prévue dans le contrat.
Lorsqu’un époux décède, la communauté universelle prend fin et si le contrat de mariage prévoit une clause d’attribution intégrale du patrimoine, l’époux survivant recueille le patrimoine commun. Les héritiers réservataires ne récupèrent pas leur part dans l’immédiat. La succession se fera lorsque le second époux décédera. (3)
Toutefois, la cour prévoit une exception à la clause d’attribution générale. Dans une décision du 15 janvier 2025, un couple avait opté pour le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant. Au décès de l’épouse en 2016, le mari a choisi de recevoir la totalité des biens communs en pleine propriété et l’usufruit des biens propres de son épouse.
Leur fils a alors demandé l’ouverture des opérations de partage de la succession, y compris le rapport et la réduction des donations antérieures. Le père et la sœur ont contesté cette demande, arguant qu’il n’y avait pas d’indivision successorale en raison de l’attribution intégrale. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel qui avait déclaré l’action irrecevable.
Elle a affirmé que, même en présence d’une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant, les héritiers réservataires peuvent demander le partage des biens propres du défunt sur lesquels ils détiennent une quote-part indivise. Cette décision rappelle que l’indivision successorale, même limitée à la nue-propriété, ouvre droit à un tel partage.
Si le contrat ne prévoit pas de clause d’attribution, les règles sont différentes :
- En premier lieu, le conjoint survivant récupère immédiatement la moitié des biens du patrimoine commun.
- En second lieu, l’époux survivant récupère également une part sur l’autre moitié dans la mesure où il fait aussi partie des héritiers du défunt. La succession dépendra des règles de dévolution successorale.
II. Difficultés financières pour les héritiers
Lorsque les enfants sont exclus de l’héritage en raison de la communauté universelle, cela peut entraîner de graves difficultés financières pour eux. Ils peuvent se retrouver sans ressources et dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins. Cette situation peut être particulièrement préoccupante si les enfants sont mineurs ou dépendants financièrement du parent décédé. Les frais liés à l’éducation, à la santé et aux autres dépenses essentielles peuvent devenir un fardeau insupportable pour les héritiers.
Tout d’abord, si un conjoint décède avec des dettes importantes, l’héritier survivant peut être tenu responsable de ces dettes, même si elles ont été contractées par le conjoint décédé seul. Cela peut entraîner une lourde charge financière pour l’héritier. De plus, si la succession comprend des biens communs, l’héritier survivant peut se retrouver avec des biens indivis, ce qui peut rendre difficile la gestion et la vente de ces biens. La nécessité de partager les biens avec d’autres héritiers potentiels peut également entraîner des conflits familiaux et retarder le règlement de la succession.
Pour faire face aux difficultés financières liées à la communauté universelle, il est essentiel de prendre certaines mesures. Tout d’abord, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit des successions pour obtenir des conseils juridiques adaptés à la situation spécifique de l’héritier. Ensuite, l’héritier peut envisager de demander le bénéfice de l’insaisissabilité de sa résidence principale, qui lui permettrait de la protéger de certaines créances.
Il est également possible de négocier avec les créanciers pour établir un plan de remboursement ou de demander un étalement des dettes afin de soulager la pression financière. Enfin, dans les cas les plus extrêmes, l’héritier peut envisager de renoncer à la succession pour éviter d’assumer les dettes du défunt. Cependant, cette décision doit être prise avec prudence, car elle entraîne également la renonciation à tous les droits et biens de la succession.
Les difficultés financières pour les héritiers dans le cadre de la communauté universelle peuvent être un défi important. Il est essentiel de prendre des mesures appropriées pour faire face à ces difficultés, en cherchant des conseils juridiques spécialisés et en explorant les solutions disponibles, telles que la négociation avec les créanciers ou la renonciation à la succession. Chaque situation est unique, et il est important de considérer tous les aspects avant de prendre une décision.
Enfin, dès lors que les conditions de la clause sont respectées, les héritiers ne peuvent plus rien revendiquer. La Cour de cassation a examiné dans un arrêt du 3 avril 2019, la validité d’une clause d’attribution intégrale au conjoint survivant insérée dans un contrat de mariage sous régime de communauté universelle.
Les héritiers contestaient cette clause, estimant qu’elle ne permettait pas d’exclure clairement leurs droits successoraux sur les biens apportés à la communauté. La Cour a rejeté leur pourvoi, confirmant que la clause était rédigée de manière suffisamment claire et précise pour attribuer tous les biens de la communauté au conjoint survivant en pleine propriété, sans que les héritiers puissent revendiquer une part sur ces biens.
III. Risque de remariage du conjoint survivant
Un autre aspect à prendre en compte est le risque de remariage du conjoint survivant. Si le conjoint survivant se remarie après le décès de son partenaire, les biens de la communauté universelle peuvent être dilués ou redistribués au profit du nouveau conjoint. Cela signifie que les enfants peuvent être encore plus lésés, car ils devront partager leur héritage avec des demi-frères et demi-sœurs issus du nouveau mariage. Cette situation peut engendrer des conflits familiaux complexes et des sentiments d’injustice.
La communauté universelle avec clause d’attribution intégrale est déconseillée lorsqu’on est en présence d’enfants nés d’unions différentes. En effet, cette situation peut être conflictuelle. Lorsqu’un conjoint a des enfants issus d’une première union, ces derniers peuvent s’opposer à la transmission de la totalité des biens au conjoint survivant. Ils peuvent ainsi engager une action en retranchement si la communauté empiète sur leur part de réserve.
Bien que la communauté universelle puisse sembler attrayante pour les couples mariés, il est essentiel de comprendre les conséquences potentiellement néfastes de ce régime sur les enfants. Les droits de succession peuvent être un sujet délicat, et il est important de consulter des professionnels du droit et de la planification successorale pour prendre des décisions éclairées. Protéger l’héritage des enfants et éviter les conflits familiaux devrait être une préoccupation majeure lors de la planification de la succession.
Sources :
- Cour de cassation — Première chambre civile — 3 mars 2021 — n° 19-16.065
- Cour de cassation — Première chambre civile — 5 décembre 2018 — n° 16-13.323
- Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2020, 18-25.030, Inédit – Légifrance
- https://www.avocats-picovschi.com/le-regime-de-la-communaute-universelle_article-hs_362.html
- Pourvoi n°22-24.672 | Cour de cassation
- Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 avril 2019, 18-13.890, Publié au bulletin – Légifrance
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