Le certificat successoral européen
Conformément à l’article 720 du Code civil la succession s’ouvre lorsque le décès d’une personne survient. Le terme “succession” fait référence, d’une part, à la transmission du patrimoine d’un individu défunt à une ou plusieurs personnes physiques vivantes (ou personnes morales existantes) et, d’autre part, au patrimoine ainsi transféré.
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Elle est transmise aux héritiers déterminés par la loi ou par les successeurs désignés par le défunt, sauf réserve héréditaire des descendants ou du conjoint survivant. Les héritiers et successeurs universels sont en principe tenus des dettes au-delà de l’actif et ont la saisine. L’indignité successorale prive l’héritier de la part qui lui revient, mais il peut être représenté. L’indignité n’est pas à confondre avec l’exhérédation.
Afin de prétendre à une succession, il sera nécessaire d’établir la preuve de sa qualité d’héritier. Le plus souvent, les héritiers recourent à l’établissement d’un acte de notoriété, pratique notariale ancienne consacrée par la loi du 3 décembre 2001.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012, il est également possible d’établir un certificat successoral européen. Ce certificat permet notamment d’établir sa qualité d’héritier dans le cas d’une succession transfrontalière au sein de l’Union européenne.
Ce certificat présente de multiples avantages (I) cependant, au fil du temps la jurisprudence est venue délimiter les effets produits par ce dernier dans le cadre des successions dites internationales (II).
I. L’intérêt du certificat successoral européen
A. Faciliter la preuve de la qualité d’héritier
Il est possible d’établir la preuve de la qualité d’héritier par le biais d’un certificat successoral européen. Issu du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 (entré en vigueur depuis le 17 août 2015), le certificat successoral européen a été créé pour accélérer le traitement des successions internationales, c’est-à-dire présentant un élément d’extranéité. Ce certificat jouit d’un régime juridique autonome (CJUE 21 juin 2018, aff. C-20/17). Encore peu utilisé en France, il trouve notamment vocation à s’appliquer lorsque le défunt résidait en France et était propriétaire de divers biens dans plusieurs pays ou encore lorsque les héritiers vivent à l’étranger ou sont de nationalités différentes. Il est également possible d’émettre un certificat lorsque le défunt était français, mais vivait à l’étranger. Grâce à ce règlement, l’application d’une multiplicité de lois nationales est évitée. La succession transfrontalière sera alors traitée par une seule autorité et législation.
Ce certificat peut être demandé par les héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession pour prouver leur qualité et exercer leurs droits ou pouvoirs dans les autres États membres (article 1381-1 du Code de procédure civile). Le contenu de ce certificat est précisé par l’article 68 du règlement.
Une fois établi, le certificat comporte une force probante intrinsèque : il fait foi de son contenu.
Le principal atout de ce certificat réside donc dans sa capacité faciliter le règlement des successions internationales malgré les différents systèmes juridiques des États membres et de franchir plus facilement les barrières linguistiques avec un formulaire standard et multilingue.
Il est délivré à la demande par les autorités compétentes de chaque État membre. En France, il est délivré par le notaire qui est exclusivement compétent pour établir un certificat successoral européen (article 1381-1 du Code de procédure civile). Néanmoins tout notaire n’est pas en droit de délivrer un certificat successoral européen. Le notaire français ne sera compétent que si les juridictions françaises sont compétentes en vertu du règlement pour connaître de la succession. À titre d’information, la demande de certificat ne suppose pas que les héritiers aient accepté la succession, elle n’emporte pas acceptation de la succession.
Par ailleurs l’article 67 du règlement fait peser sur le notaire qui émet le certificat successoral européen une obligation d’en informer tous les bénéficiaires.
Une fois établi, il produit tous ses effets dans tous les États membres de l’Union européenne sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure (article 69 du règlement). Il permet d’agir auprès du notaire en charge de la succession internationale, mais également auprès des organismes bancaires, des compagnies d’assurances, des caisses de retraites et des autorités judiciaires d’un pays de l’Union européenne.
Enfin, selon les dispositions de l’article 71 du règlement, le certificat successoral européen peut faire l’objet d’une rectification, d’une modification, d’un retrait, d’une suspension ou d’un recours. Si de telles circonstances se présentent, l’autorité émettrice doit informer sans délai toutes les personnes qui se sont vu délivrer des copies certifiées conformes et porter mention en marge sur son registre des certificats successoraux européens (articles 1381-2 et 1381-3 du Code de procédure civile).
Cependant, il convient de rappeler que les modes de preuve nationaux demeurent opératoires, y compris dans le cadre des successions internationales. Le caractère international d’une succession ne va donc pas nécessairement conduire à établir un certificat. D’une part, il est possible que le notaire saisi du règlement de la succession ne soit pas habilité à délivrer un certificat. Il reste toujours possible d’établir un acte de notoriété. Certains modes de preuve nationaux sont plus simples et moins onéreux que le certificat. En Allemagne par exemple, le testament authentique suffit à attester de sa qualité d’héritier.
B. La valeur juridique du certificat
Le certificat bénéficie d’une présomption (simple) quant à la véracité des éléments qu’il contient et toute personne qui agit sur la base des informations contenues dans le certificat ne se voit déchargée, sous la seule condition qu’elle ne soit pas informée que le contenu du certificat ne correspond pas à la réalité ou qu’elle l’ait ignoré en raison d’une négligence grave.
Conformément à l’article 69, points 2 et 3, le certificat est présumé « attester fidèlement l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. La personne désignée dans le certificat comme étant l’héritier, le légataire, l’exécuteur testamentaire ou l’administrateur de la succession est réputée avoir la qualité mentionnée dans ledit certificat et/ou les droits ou les pouvoirs énoncés dans ledit certificat sans que soient attachées à ces droits ou à ces pouvoirs d’autres conditions et/ou restrictions que celles qui sont énoncées dans le certificat ». (CJUE, 12 oct. 2017).
Par ailleurs, le certificat successoral européen bénéficie également d’une priorité par rapport aux documents nationaux, ainsi que le considérant 69 du préambule le mentionne : « … aucune autorité ou personne devant laquelle serait produit un certificat délivré dans un autre État membre ne devrait être en droit de demander la production d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire en lieu et place du certificat ».
Cela révèle l’importance du règlement européen et du certificat. Il faut bien comprendre que l’existence de ce certificat permettra de déroger aux règles nationales et aura priorité sur le traitement interne de la succession.
Il s’ajoute aux modes de preuve existants, mais à l’inverse d’autres modes de preuve, il ne peut être utilisé que dans le cadre des successions internationales.
Toutefois, afin de faciliter la vie des héritiers ou légataires résidant dans un autre État membre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, il est permis, selon l’article 13 du Règlement, à toute personne de faire les déclarations relatives à l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci ou une déclaration visant à limiter sa responsabilité à l’égard des dettes de la succession sous la forme prévue par la loi de l’État membre de sa résidence habituelle devant les juridictions dudit État membre. Les considérants 32 et 33 précisent les conditions de ces options successorales.
Le certificat européen admet donc davantage de libertés que le droit français interne. Toutefois, la juridiction compétente pour connaître la succession reste compétente. Il ne s’agit que d’une possibilité accordée aux héritiers ou légataires.
II. Précisions jurisprudentielles sur le certificat successoral européen
A. Durée de validité du certificat
Après avoir dressé ce certificat, l’autorité émettrice conserve l’original, seules les copies certifiées conformes peuvent circuler. À l’occasion d’un récent arrêt, la CJUE est venue préciser la durée de validité des copies conformes.
Dans l’affaire en question une personne qui avait établi sa dernière résidence habituelle en Espagne, décéda en 2017 en laissant ses deux enfants. Sa succession fut donc réglée conformément au droit espagnol par un notaire de ce pays qui, à la demande de l’un seulement des héritiers, établit un certificat et délivra une copie certifiée conforme. Celle-ci prenait la forme d’un « formulaire V », mais contenait, dans la rubrique « valide jusqu’au », la mention « illimité ».
Les héritiers tentèrent de produire cette copie auprès d’un tribunal autrichien pour obtenir la libération de biens placés sous séquestre, mais leur demande fut rejetée tant en première instance qu’en appel, les obligeant à saisir la Cour suprême autrichienne (l’Oberster Gerichtshof). Celle-ci décida de surseoir à statuer et d’interroger le juge européen sur l’interprétation de diverses dispositions du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (JOUE n° L 210/107, 27 juill. 2012) relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et la création d’un certificat successoral européen.
La CJUE précise que la copie certifiée conforme est en principe valable pour une durée de 6 mois, et ce même lorsqu’elle porte la mention « illimitée ». (CJUE, 1er juill. 2020, aff. C-301/20).
La CJUE légitime cette durée en ce qu’elle permet « de vérifier périodiquement que ce certificat n’a pas été rectifié, retiré ou modifié […] ou que ses effets n’ont pas été suspendus » (§ 24). Bien entendu, comme l’arrêt le souligne, ce délai affecte uniquement les copies certifiées conformes ; et non le certificat en lui-même.
De plus, elle précise que « le calcul de la période de validité doit être effectué à partir de cette date, laquelle garantit la prévisibilité et la sécurité juridique requises en ce qui concerne l’utilisation de ladite copie » (§ 29). En dépit de la mention d’une durée plus longue, il faut donc considérer que la copie n’est valable que pour une durée de 6 mois à compter de sa délivrance.
B. Enregistrement des testaments établis à l’étranger et certificat successoral européen
Par un arrêt du 13 avril 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation (n° 20-23.530) affirme que l’exigence de l’enregistrement des testaments faits en pays étrangers constitue une formalité fiscale, qui ne remet pas en cause l’efficacité probatoire du certificat successoral européen.
En l’espèce, une banque ayant soumis la délivrance des fonds au légataire, titulaire d’une copie du certificat successoral européen établi en Allemagne, à la preuve de l’enregistrement du testament auprès de l’administration fiscale française par application de l’article 1000 du Code civil, celui-ci l’a assignée en libération des fonds et en paiement de dommages-intérêts.
Conformément au considérant 71 du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, le certificat successoral européen a une efficacité probatoire, mais ne constitue pas un titre exécutoire, de sorte que, s’il atteste de la qualité et des droits d’héritier, il n’épuise pas nécessairement les formalités à mettre en œuvre pour obtenir l’exécution de ces droits.
En outre, conformément à son considérant 10, le règlement exclut de son domaine matériel les questions fiscales et administratives.
En conséquence, l’exigence d’enregistrement de tout testament établi à l’étranger, prévue aux articles 1000 du Code civil et 655 du CGI, constitue une formalité fiscale dès lors qu’elle relève de l’administration fiscale et donne lieu au paiement d’un droit fixe.
Il s’en déduit qu’une telle exigence, qui ne remet pas en cause l’efficacité probatoire du certificat successoral européen et ne constitue pas une condition d’exécution des testaments prohibée par le règlement, ne porte pas atteinte au principe d’application directe du règlement ni ne le prive de son effet utile.
Partant, ne commet pas de faute de nature à engager sa responsabilité la banque qui refuse de remettre les fonds dépendant de la succession à un héritier titulaire d’un certificat successoral européen, mais ne prouvant pas s’être acquitté de la formalité d’enregistrement prévue par les textes précités.
C. Les limites du certificat successoral
Par un arrêt du 9 mars 2023 la CJUE (CJUE, 5e ch., 9 mars 2023, aff. C-354/21, RJR c/ Registry centras VI) apporte de nouvelles des précisions sur le contenu du certificat successoral européen, dans ses liens avec les systèmes de publicité foncière des États de l’Union.
Dans l’affaire traitée, la défunte avait établi sa résidence en Allemagne avant de décéder, son descendant s’était vu délivrer en Allemagne un certificat successoral européen indiquant que la défunte lui avait laissé son patrimoine et que la succession était acceptée sans réserve.
La succession comportait des biens en Lituanie, le certificat fut alors présenté afin d’obtenir l’inscription de ces biens au registre foncier lituanien.
Néanmoins, la demande d’inscription fut rejetée car le ce certificat ne contenait pas les informations nécessaires à l’identification des biens.
À la lumière des faits, la CJUE affirme que « l’article 1er, paragraphe 2, sous l), l’article 68, sous l), et l’article 69, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre prévoyant que la demande d’inscription d’un bien immobilier dans le registre foncier de cet État membre peut être rejetée lorsque le seul document présenté à l’appui de cette demande est un certificat successoral européen qui n’identifie pas ce bien immobilier. »
Le certificat successoral européen, qui n’identifie pas les biens immobiliers à muter, ne permet pas un accès au registre foncier de l’État membre.
L’établissement d’une attestation de propriété immobilière demeure donc nécessaire pour muter un immeuble dans le contexte d’une succession transfrontière.
SOURCES :
- Vidéo notaires de France : https://www.youtube.com/watch?v=9JcT-DtrTXg
- RÈGLEMENT (UE) No 650/2012 :
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:201:0107:0134:FR:PDF - CJUE, 5e ch., 9 mars 2023, aff. C-354/21, RJR c/ Registry centras VI : https://www.doctrine.fr/d/CJUE/2023/CJUE62021CJ0354
- Sara Godechot-Patris et Nathalie Thevenet-Grospiron Fascicule 150-30 : SUCCESSIONS INTERNATIONALES, le 3 juillet 2019 (Lexis)
- Commentaire par Cyril Nourissat Certificat successoral européen et publication des droits réels immobiliers (Lexis)
- Commentaire par François Mélin Certificat successoral européen et inscription d’un bien au registre foncier (Dalloz Actualités)
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