Nullité du testament mystique remis au notaire par une personne malvoyante

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Faute de certitude sur l’expression des dernières volontés de la défunte, est nul le testament mystique remis au notaire par une personne atteinte d’une pathologie visuelle l’empêchant de lire elle-même le document dactylographié présenté comme son testament (1).

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Le testament mystique, c’est-à-dire secret, est une forme hybride qui combine certains caractères des testaments olographe (en ce qu’il est un écrit privé) et authentique (dans la mesure où il exige pour son efficacité la rédaction d’un acte authentique de suscription en présence de deux témoins).

Une personne, laissant pour lui succéder son frère et sa sœur, décède, peu après avoir été placée sous tutelle, et en l’état d’un testament mystique par lequel elle institue un tiers en qualité de légataire universel.

Le testament a été rédigé environ une année avant le placement sous tutelle de la défunte. Le notaire auquel la défunte a personnellement remis le testament, en présence de deux témoins, a dressé un acte de suscription dans lequel il a mentionné que le testament mystique lui a été remis par « le testateur », qui a déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu’« il » en avait effectuée.

Les héritiers légaux de la testatrice contestent la validité de ce testament en faisant valoir qu’à la date de la remise du testament la testatrice souffrait d’une maladie dégénérative et qu’elle était dans l’incapacité de lire elle-même le texte dactylographié avec des caractères d’une taille normale.

Les juges du fond retiennent la nullité du testament mystique, les certificats médicaux produits établissant effectivement l’incapacité de la testatrice de lire elle-même le document présenté et aucun élément intrinsèque ou extrinsèque, dont l’acte de suscription, ne venant les éclairer sur le procédé technique qui aurait permis à l’intéressée de lire le document qu’elle présentait comme son testament.

Le légataire universel se pourvoit en cassation en arguant de l’absence de caractérisation, par les juges du fond, de l’impossibilité absolue pour la testatrice de lire son testament et, partant, d’une inversion de la charge de la preuve.

La Cour de cassation, après avoir rappelé, en forme de principe, les termes de l’article 978 du Code civil, suivant lequel ceux qui ne savent ou ne peuvent lire ne pourront faire de dispositions dans la forme mystique, rejette le pourvoi.

Suivant la Cour de cassation, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de caractériser l’impossibilité absolue de la testatrice de lire le document, en a déduit, en l’absence de certitude sur l’expression de ses dernières volontés, que l’acte devait être annulé.

 

I. Testament mystique peu pratiqué

Le testament mystique est en pratique très peu usité en raison de la complexité des règles imposées pour sa validité et du caractère désuet des formalités qui y sont attachées.

Les conditions de clôture, de cachet et de scellement paraissent aujourd’hui surannées, en particulier depuis l’assouplissement des règles solennelles du testament notarié par la loi 2015-177 du 16 février 2015 et l’introduction dans notre droit du testament international. Ce dernier apparaît comme une forme moderne et simplifiée du testament mystique (selon les termes de M. Nicod : Le formalisme des libéralités, thèse, La Mouette, 2000/1, n° 131) et est ainsi susceptible de le remplacer avantageusement.

L’appellation du testament mystique, qui renvoie aux choses cachées, plus largement aux mythes, à la spiritualité, et donc à l’irrationnel, n’est certainement pas étrangère non plus à son délaissement (voir sur ce point, P. Malaurie, La mythologie et le droit : Defrénois 15-8-2003 p. 951 § 3 : « Le droit a horreur des mythes et de ce qu’ils remuent : l’irrationnel, la tyrannie du mystère et le chaos »).

La rareté du testament mystique pourrait également s’expliquer par l’inefficacité de son formalisme à le mettre à l’abri du risque de fraude. Ainsi, lorsque le testateur confie à un tiers la rédaction de l’acte privé contenant ses dernières volontés, les solennités entourant, dans un second temps, l’intervention du notaire (C. civ. art. 976, al. 2 et 3) n’éviteraient pas le risque de substitution de testament par le tiers avant la clôture et le scellement ; ce sera particulièrement le cas si le testateur ne sait pas ou ne peut pas signer.

 

II. Avantages du testament mystique

Le testament mystique présente néanmoins un certain nombre d’avantages :

–  sa discrétion. Comme le testament olographe et contrairement au testament authentique, il est secret. Il convient donc aux personnes qui ne souhaitent pas confier le secret de leurs dispositions de dernières volontés. Il est même plus secret que le testament olographe en raison des solennités de fermeture requises (cachet et scellement), lesquelles protègent le testateur contre le risque de découverte prématurée de ses dernières volontés ;

  • sa libre rédaction. Les exigences formelles du testament olographe relativement à l’écriture et à la datation sont écartées. Contrairement au testament olographe, le testament mystique peut être rédigé par un tiers et dactylographié ;
  • ses garanties d’authenticité (partielle). Comme le testament authentique, le testament mystique bénéficie de l’authenticité s’agissant de l’acte de suscription, qui vise à identifier avec certitude le pli contenant les dernières volontés du testateur, son origine et sa nature ;
  • sa pérennité. Contrairement au testament olographe, le testament mystique n’est pas sujet au risque de falsification (modification de la date, notamment) et est moins soumis au risque de nullité pour non-respect des conditions relatives aux témoins que le testament authentique (les incapacités à être témoin de l’article 975 du Code civil, frappant notamment les légataires et leurs parents ou alliés jusqu’au 4e degré, ne s’appliquent pas à l’acte de suscription du testament mystique) ;
  • il est utile en présence d’un testateur partiellement illettré – il doit au moins savoir lire (C. civ. art. 978) – ou atteint de paralysie ou de mutisme, situations dans lesquelles les formes classiques de testament ne peuvent pas être retenues. Mais le testament international pourrait le remplacer avantageusement dans ces situations, du fait de sa simplicité.

Le coût du testament mystique est identique à celui du testament authentique : honoraire forfaitaire de 113,19 € hors taxe (C. com. art. A 444-60), auquel s’ajoutent des émoluments de formalités.

 

III. Conditions de forme du testament mystique

A. Élaboration du testament mystique

La confection du testament mystique se déroule en deux étapes.

Dans un premier temps, le testateur rédige lui-même son testament ou le fait écrire ou dactylographier par un tiers et le signe (C. civ. art. 976, al. 2). Le tiers peut être n’importe quelle personne, même le notaire qui dressera ensuite l’acte de suscription, ou un des témoins de l’acte de suscription, ou bien encore un légataire.

S’il ne sait pas ou ne peut pas signer, le testateur doit le déclarer au notaire qui le mentionnera dans l’acte de suscription qui sera établi dans un second temps (C. civ. art. 977). Il n’y a aucune exigence de date pour le testament lui-même. Le testament mystique ne prend date que du jour où est dressé l’acte notarié de suscription attestant l’origine et la sincérité des dispositions finales.

Dans un second temps, le testateur présente son testament clos, cacheté et scellé à un notaire en présence de deux témoins. Il peut aussi le faire clore, cacheter et sceller par le notaire en présence des témoins.

Le testateur déclare que le document qu’il présente au notaire et aux témoins contient son testament signé de lui, écrit par lui ou par toute autre personne, en affirmant dans ce dernier cas qu’il en a personnellement vérifié la teneur. Il doit indiquer le mode d’écriture employé : manuelle ou mécanique (C. civ. art. 976, al. 2).

Le notaire dresse alors en brevet un acte dit « de suscription », soit sur la feuille exprimant les dernières volontés du testateur, soit sur l’enveloppe qui la contient. Il doit y énoncer diverses mentions, telles que la date et le lieu de la présentation, la description du pli, les déclarations du testateur.

Cet acte est ensuite signé par le testateur, les témoins et le notaire. Si le testateur est dans l’impossibilité de signer, le notaire fait mention dans l’acte de sa déclaration et du motif qu’il en a donné (C. civ. art. 976).

Les témoins doivent remplir les conditions prévues à l’article 980 du Code civil (exposées n° 15515), mais les exclusions visées à l’article 975 du même Code (ne pas être légataires ni parents ou alliés jusqu’au 4e degré inclusivement avec le testateur) ne s’appliquent pas ici, car les dispositions testamentaires ne sont pas portées à la connaissance des témoins.

B. Personnes ne pouvant pas recourir au testament mystique

Il résulte des exigences de forme requises que certaines personnes ne peuvent pas, en raison de leur état, avoir recours au testament mystique, tel le testateur totalement illettré, qui ne sait ni lire ni écrire.

S’agissant du testateur atteint de cécité, certains auteurs estiment que s’il connaît l’écriture en braille, il peut utiliser le testament mystique. En revanche, est nul le testament mystique remis au notaire par une personne malvoyante l’empêchant de lire elle-même le document dactylographié présenté comme son testament.

Le testateur atteint de mutité peut tester en la forme mystique dès lors qu’il sait écrire. Il doit substituer à la déclaration orale une déclaration écrite en tête de l’acte de suscription par laquelle il indique que le document qu’il présente est son testament (C. civ. art. 979, al. 1). Cette déclaration doit être rédigée.

C. Sanction des conditions de forme

En cas de non-respect des conditions de forme, le testament est nul en tant que testament mystique (C. civ. art. 1001). Mais il peut, en application de la méthode de conversion par réduction, valoir comme testament olographe si les conditions de validité de la forme olographe sont réunies (C. civ. art. 979, al. 2).

Ils ont à relater l’accomplissement de toutes les formalités requises pendant la phase de présentation de l’acte, à savoir la présence des témoins, la présentation et la déclaration de l’acte par le testateur, qui doit être aussi précise que possible, faute de quoi la nullité de l’acte est encourue en application de l’article 979, alinéa 2, du Code civil (2).

 

Sources :

  1. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 octobre 2022, 21-11.408, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  2. Cour de cassation, Chambre civile 1, du 22 octobre 1991, 90-12.451, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

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