Trois raisons de saisir un avocat pour sortir d’une indivision
Perdre un proche n’est pas chose aisée. Après les funérailles, il faut commencer à identifier tous ses biens et en faire l’inventaire. Les héritiers du De cujus, identifiés se retrouvent dans une situation juridique que le législateur a qualifié d’« Indivision ».
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Qu’est-ce que l’indivision ?
Pour Jean-Baptiste DONNIER Professeur à l’université d’Aix-Marseille, l’indivision est la situation juridique d’un bien ou d’un ensemble de biens sur lequel s’exercent conjointement plusieurs droits de même nature sans division ni localisation matérielle des parts individuelles de chacun des indivisaires.
Une seule chose, le bien indivis, est l’objet de droits identiques exercés par plusieurs personnes, les indivisaires. Il en résulte que le droit de chaque indivisaire porte sur l’ensemble du bien indivis et non sur une portion déterminée de la chose.
La première chambre civile dans un arrêt du 6 mars 2024 (Cass. 1re civ., 6 mars 2024, no 22-13766) a précisé que la chose indivise n’étant pas la chose d’autrui, elle peut faire l’objet d’un legs. (13)
L’indivision peut être constituée de manière involontaire (régime légal) : c’est le cas, par exemple, en matière de succession (en attendant que la succession soit liquidée) ou de divorce (lors de la dissolution de la communauté conjugale). Elle peut également être volontaire (régime conventionnel), ce qui est le cas lors de l’achat d’un bien à plusieurs. Elle peut aussi résulter d’une donation ou de la dissolution d’une société.
A priori, l’on croit que l’indivision est contraignante pour les indivisaires. Sauf qu’il n’en est pas ainsi dans la mesure où la loi autorise chaque indivisaire de quitter à tout moment le système de l’indivision. C’est ce qui ressort de l’article 815 al 1 du Code civil qui dispose que : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention (Code civil art. 815, al. 1er) ».
Lorsqu’un indivisaire demande à sortir de l’indivision, c’est qu’il souhaite récupérer sa part d’héritage pour en faire ce qu’il veut.
En outre, tout héritier souhaitant sortir de l’indivision devra solliciter les services d’un professionnel spécialiste du droit des successions.
Par conséquent, cette étude dévoilera trois raisons pour sortir de l’indivision avec l’aide d’un avocat spécialiste en droit des successions.
Sortir de l’indivision suppose un partage soit amiable, judiciaire ou par une Attribution éliminatoire
I. Sortir de l’indivision par partage amiable
Solliciter les conseils d’un spécialiste en droit des successions, c’est s’attendre à recevoir d’énormes conseils venant de lui pour sortir de manière simple d’une indivision. En effet, l’avocat fera plusieurs recommandations à son client et parmi ses recommandations, il y a la sortie de l’indivision par voie amiable (1).
Qu’est-ce que le partage amiable ? L’avocat commencera à définir ce mécanisme juridique à son client profane du droit des successions pour qu’il appréhende ce système juridique.
Le partage amiable est régi par les articles 835 à 839 du Code civil, dans leur rédaction issue de l’article 4 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.
Il résulte nécessairement d’un accord de volontés de copartageants (Code civil, art. 816) (2).
Le partage amiable n’est ainsi subordonné à l’accomplissement d’aucune forme ou d’aucune solennité particulière. Il peut donc être écrit ou verbal.
Outre le partage amiable par accord des indivisaires, l’article 836 du Code civil prévoit trois cas dans lesquels un partage amiable est également possible. En effet, on peut avoir recours à ce partage lorsqu’un indivisaire est présumé absent ou, par suite d’éloignement ou lorsqu’il se trouve hors d’état de manifester sa volonté (10).
Le partage amiable suppose en principe l’accord et la présence de tous les indivisaires. Si tel n’est pas le cas et qu’un indivisaire ne se manifeste pas, un copartageant peut le mettre en demeure, par acte d’huissier, de se faire représenter au partage amiable par une personne de son choix. Cela est prévu par l’article 837 du Code civil. On dit que l’héritier est défaillant (11).
En cas de silence persistant durant 3 mois, un copartageant peut demander au juge de désigner une personne qualifiée pour représenter l’indivisaire inactif. Ce représentant signera l’acte de partage avec l’autorisation du juge. Il ne s’agit pas ici d’un partage judiciaire, car le juge ne contrôle pas la régularité des opérations dont la forme et les modalités sont choisies par les parties (Code civil, art. 835 à 839).
Le partage amiable doit être notarié lorsqu’il comprend des immeubles ou des droits réels immobiliers, car dans ce cas, il est publié à la conservation des hypothèques, mais les parties sont libres quant au contenu et aux modalités de ce type de partage (inventaire ou non, partage global ou partiel, composition des lots, etc.).
L’article 838 du Code civil dispose que « Le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu’il laisse subsister l’indivision à l’égard de certains biens ou de certaines personnes ». Lorsque le partage est partiel, il est préférable de recourir au partage amiable, car l’indivision présente alors plus de difficultés (12).
En conclusion, le partage amiable est l’une des nombreuses voies que dispose tout héritier pour sortir de l’indivision.
II. Sortir de l’indivision par partage judiciaire
Parmi les nombreuses recommandations, il faut noter celle de la sortie de l’indivision par voie judiciaire (3). Là encore, l’avocat procédera à la définition de la matière à son client qui veut sans délai sortir de l’indivision.
Lorsqu’un partage amiable s’avère impossible (refus d’un indivisaire ou contestations diverses), une procédure en partage judiciaire peut être engagée (Code civil, art. 840 à 842) (4). Le tribunal judiciaire (le TGI avant le 1er janvier 2020) compétent ordonne le partage et désigne un notaire pour présider aux opérations de liquidation et de partage, établir un procès-verbal de difficultés en cas de contestation et dresser un état liquidatif soumis à l’homologation du tribunal.
La Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 10 mars 2023 (CA Montpellier, 1re ch. fam., 10 mars 2023, no 17/02497) a précisé que pour une indivision conventionnelle, lorsque aucun terme n’a été stipulé dans la convention, tout indivisaire a le droit à tout moment de demander que le partage judiciaire soit ordonné, le désaccord entre les parties constituant un obstacle à un partage amiable. (14)
Si certains biens indivis sont difficilement partageables en nature, il peut s’avérer nécessaire de les vendre sur licitation pour procéder à la composition des lots. S’il s’agit d’immeubles, la licitation prend la forme d’une vente aux enchères publiques soit devant le tribunal, soit devant le notaire désigné par le juge.
En cas d’inertie d’un indivisaire, le notaire peut demander au juge de nommer un représentant. Le tribunal nomme également un juge-commissaire pour surveiller les opérations et dresser un rapport sur les contestations éventuelles lors de l’homologation de l’état liquidatif.
En tout état de cause, le juge s’assure ici du respect du principe de l’égalité en valeur du partage. Ainsi, chaque copartageant doit recevoir des biens pour une valeur identique (Code civil, art. 826).
En principe, selon les dispositions de l’article 887-1 du Code civil, en cas d’omission d’un héritier, le partage peut être annulé.
La Cour d’appel de Dijon rappelle dans un arrêt qu’il est de principe admis que l’omission d’un héritier justifie l’action en nullité de partage. En l’espèce, lorsque le notaire a procédé aux opérations de partage en appelant une seule héritière, il a omis de la succession de la défunte des héritiers réservataires venant en représentation de leur mère précédée.
C’est donc par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a prononcé la nullité des opérations de partage de la succession et a consécutivement ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage (Cour d’appel de Dijon, 3e chambre civile, 22 septembre 2022, n° 21/00752) (9).
La première chambre civile dans un arrêt du 22 novembre 2023 (Cass. 1re civ., 22 nov. 2023, no 21-25833,) a précisé que si la complexité des opérations de partage le justifie, le tribunal peut désigner un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. (16)
Cette voie de sortie de l’indivision est beaucoup utilisée de nos jours par les héritiers qui ne s’entendent pas sur les modalités du partage.
La première chambre civile dans un arrêt du 27 mars 2024 (Cass. 1re civ., 27 mars 2024, no 22-13041, ) a jugé que la désignation d’un notaire par le juge aux fins d’instruire un partage judiciaire complexe n’est plus constitutive d’un déni de justice. (15)
III. Sortir de l’indivision par attribution éliminatoire
Si un héritier veut sortir de l’indivision et que ses coïndivisaires s’y opposent, le tribunal peut encore attribuer sa part après expertise à celui qui a demandé le partage (Code civil, art. 824). Cette disposition dite « attribution éliminatoire » permet d’éviter un partage global des biens, l’attribution pouvant être faite en espèces sous forme de soulte.
L’attribution éliminatoire est la faculté offerte au co-indivisaire de demander, en défense, l’attribution des parts indivises de l’indivisaire demandant le partage de l’indivision.
Ce mécanisme permet ainsi d’échapper au partage global et, souvent, à une vente (5).
L’attribution éliminatoire se présente comme une demande reconventionnelle. Conçue comme une réplique à une demande en partage, elle implique qu’une demande en partage ait été préalablement formée.
Seuls les indivisaires – ou un créancier personnel de cet indivisaire – qui entendent résister à une demande en partage peuvent former une semblable demande. La disposition est édictée dans l’intérêt des parties qui souhaitent rester dans l’indivision, ce n’est pas le cas des personnes à l’initiative de la demande en partage (6).
Mais pour pouvoir invoquer ce mécanisme, faut-il encore que l’action en partage puisse aboutir. Si elle tombe, par suite d’un désistement, la demande d’attribution éliminatoire devient sans objet (7).
Si l’indivisaire que l’on veut éliminer est en droit de bénéficier de l’attribution préférentielle (facultative ou de droit, car la loi ne distingue pas) et qu’il la sollicite, il n’est pas permis de la lui refuser au nom de l’attribution éliminatoire.
Il n’est pas non plus possible d’attribuer au demandeur en partage « comme prix de son élimination » un bien indivis dont l’attribution préférentielle est sollicitée par un autre indivisaire. Et une cour d’appel saisie par une demande d’attribution éliminatoire ne peut, sans modifier l’objet du litige, rechercher si l’intéressé remplit les conditions requises pour prétendre à l’attribution préférentielle.
La Cour de cassation a aussi eu l’occasion de préciser que cette attribution éliminatoire pouvait résulter d’une demande d’attribution préférentielle dans la mesure où elle porte sur tous les biens indivis (8).
En pratique, « la subsidiarité de l’attribution éliminatoire par rapport à l’attribution préférentielle se traduira par un sursis à statuer sur la demande en partage et la demande en attribution éliminatoire tant que le problème de l’attribution préférentielle n’aura pas été définitivement réglé ».
SOURCES :
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039389092?tab_selection=all&searchField=ALL&query=18-24332&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017831836?tab_selection=all&searchField=ALL&query=05-13851&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034959279?tab_selection=all&searchField=ALL&query=16-16031&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041810309?tab_selection=all&searchField=ALL&query=18-25434&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019083306?tab_selection=all&searchField=ALL&query=07-13179+&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017737957?tab_selection=all&searchField=ALL&query=06-16566&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007017829?tab_selection=all&searchField=ALL&query=83-10501&page=1&init=true
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019083306?tab_selection=all&searchField=ALL&query=07-13179+&page=1&init=true
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CADIJON-22092022-21_00752?em=Cour%20d%27appel%20de%20dijon%2C%203e%20chambre%20civile%2C%2022%20septembre%202022%2C%20%2021%2F00752
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038310418#:~:text=Version%20en%20vigueur%20depuis%20le%2025%20mars%202019,-Modifi%C3%A9%20par%20LOI&text=Si%20un%20indivisaire%20est%20pr%C3%A9sum%C3%A9,pr%C3%A9vues%20%C3%A0%20l’article%20116.
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006432700
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006432710
1re civ., 6 mars 2024, no22-13766 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049261522 - 1re civ., 6 mars 2024, no22-13766 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049261522
- CA Montpellier, 1re fam., 10 mars 2023, no17/02497, https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_MONTPELLIER_2023-03-10_1702497
- 1re civ., 27 mars 2024, no22-13041, https://www.courdecassation.fr/decision/6603c4ea01e3cc0008b6f4e5
- 1re civ., 22 nov. 2023, no21-25833, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048465524
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