Comment sortir de l’indivision successorale ?
L’indivision successorale est la situation qui succède au décès du de cujus, entendu comme la personne décédée, et qui précède le partage. En effet, lorsqu’il y a plusieurs héritiers, ou héritiers et légataires, une indivision existe, on parle d’indivision successorale.
Le Répertoire de droit privé (Dalloz, 2020) présente l’indivision comme : « la situation d’un bien ou d’un ensemble de biens sur lequel plusieurs personnes sont titulaires de droits de même nature, sans qu’aucune d’entre elles n’ait de droit exclusif sur une partie déterminée ».
Cette indivision commence après le décès du de cujus, après l’ouverture de la succession, comme le précise l’article 720 du Code civil : « les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ».
Pour la résolution de vos problèmes relatifs de succession, nos avocats sont disposés à vous aider. Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63 ou remplissez le formulaire en cliquant sur le lien |
L’indivision est un état, une étape qui peut être aménagée. Ainsi, le site service-public.fr précise : « les héritiers peuvent décider d’établir une convention pour fixer les règles de fonctionnement de l’indivision. La convention doit respecter les conditions suivantes : être établie par écrit ; lister les biens de l’indivision ; préciser les droits de chaque indivisaire. La convention peut avoir une durée déterminée, dans la limite de 5 ans renouvelable.
Elle peut aussi être fixée pour une durée indéterminée. Pour gérer l’indivision, les héritiers peuvent nommer l’un d’entre eux ou une autre personne. Cette personne est appelée le mandataire. Il peut y avoir plusieurs mandataires. Sa désignation est prévue par la convention ou effectuée plus tard, par décision unanime des héritiers. En général, les héritiers prennent les décisions concernant les biens indivis soit à l’unanimité, soit la majorité des 2/3.
Dans des cas plus rares, un indivisaire peut prendre seul la décision. Les règles diffèrent selon le type de décision à prendre ». Du fait de l’importance des questions liées au patrimoine familial et du mode de gestion qui peut ne pas être aisé, il arrive régulièrement que des héritiers co-indivisaires souhaitent quitter une indivision. Néanmoins, devenir co-indivisaire d’un ou de biens peut s’avérer dommageable pour certains héritiers.
En effet, l’indivision n’est pas forcément aisée à gérer. Lorsqu’il s’agit d’une indivision successorale, elle pose encore plus problème, car le nombre d’indivisaires peut être considérable.
De plus, cette situation peut raviver les peines liées au décès. De fait, le législateur a ancré comme principe, la libre sortie de l’indivision. L’article 815 du Code civil dispose, en effet : « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».
Cette liberté dont disposent les indivisaires n’est cependant pas dénuée de conditions. Conditions qui peuvent s’avérer difficiles à mettre en œuvre en fonction des situations. De ce fait, il est recommandé de se faire assister par un avocat. Nous verrons que plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre afin de quitter une indivision : le partage ou la vente des droits ou des biens.
I. Le partage met fin à l’indivision
La première manière de sortir de l’indivision successorale est par le partage. Car au décès, tous les héritiers sont propriétaires indivisaires de la masse successorale. Le partage met alors fin à l’indivision. Le partage est l’issue normale de l’indivision successorale et la voie la plus aisée si les coindivisaires parviennent à un accord sur la distribution de l’actif successoral
Les autres moyens permettant de sortir d’une indivision peuvent apparaître comme plus dommageables, plus conflictuels et comme trahissant la volonté du de cujus. Il est important de distinguer deux formes de partage, qui coexistent juridiquement : le partage avant le décès du de cujus. Et le partage post-décès.
Le partage pré-décès, appelé pacte sur succession future, est en quelque sorte l’application immédiate, du vivant du de cujus, de ses dernières volontés. Sera ainsi répartie, à l’avance, la distribution des actifs nets. La fiche d’orientation Dalloz présente ce pacte comme visant : « toute stipulation ayant pour objet d’attribuer un droit privatif sur tout ou partie d’une succession non ouverte, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit » et précise que « l’interdiction classique des pactes sur succession future tend à s’atténuer.
La prohibition de ces conventions sur les successions non encore ouvertes, inspirée historiquement de considérations d’ordre public, n’est plus formulée en termes de principe strict, ni par le droit des successions (C. civ., art. 722), ni par le droit des obligations (C. civ., anc. art. 1130, al. 2) ». Dans le cadre de partage post-décès, plusieurs options peuvent être mises en œuvre comme l’attribution éliminatoire ou l’attribution préférentielle.
L’attribution préférentielle est la plus aisée à mettre en œuvre et celle qui permet une meilleure satisfaction des héritiers. L’article 831 du Code civil prévoit en la matière que : « le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement.
Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants ».
Dans le cas d’un partage amiable, les héritiers accordent leurs volontés et s’entendent sur la distribution. Mais en cas de désaccord grave, l’intervention d’un juge peut être rendue nécessaire dans le cadre d’un partage judiciaire. S’agissant du partage amiable, l’article 835 du Code civil dispose : « si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties.
Lorsque l’indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière, l’acte de partage est passé par acte notarié ». Une jurisprudence établie de longue date précise que : « la validité d’un partage n’est pas subordonnée а la rédaction d’un écrit; mais la preuve en reste soumise au droit commun (Req. 21 janv. 1867: DP 1867. 1. 97).
Il faut également préciser que le consentement des héritiers, au partage, peut n’être que tacite. Ainsi, une jurisprudence a pu retenir que : “l’acceptation tacite du projet de partage établi par un notaire caractérise l’existence d’un partage définitif dont le seul comportement d’une partie (versement d’une fraction seulement de la soulte) n’a pu entraîner la résolution” (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 13 octobre 1993, 91-20.511, publié au bulletin).
S’agissant du partage judiciaire, il faut d’abord rappeler qu’il s’agit d’une solution d’une gravité certaine, qui exprime le besoin d’une intervention externe, et le désaccord profond des coindivisaires.
L’article 840 du Code civil dispose en la matière : “Le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837”.
En matière de partage judiciaire, une controverse est intervenue en jurisprudence. En effet, une décision du 7 décembre 2016 a pu juger que “viole l’art. 840 la cour d’appel qui ordonne le partage judiciaire d’une succession alors que les descendants, issus d’une première union du défunt, ne pouvaient revendiquer de droits indivis avec le conjoint survivant, bénéficiaire de l’entière communauté universelle des époux, sur les biens dépendant de cette succession” (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 décembre 2016, 16-12.216, publié au bulletin).
Mais une jurisprudence de 2019 a cassé une décision : “qui retient qu’il n’y a aucune masse successorale а partager par l’effet de l’adoption, par le défunt et son épouse, du régime de la communauté universelle de biens avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant alors que l’héritière réservataire du défunt, sollicitant l’ouverture d’une procédure de partage judiciaire, pouvait prétendre au rapport et а la réduction de libéralités qui, consenties par le défunt avant le changement de régime matrimonial, avaient pour objet un bien qui n’était pas entré en communauté” (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 avril 2019, 18-13.890, publié au bulletin).
II. Vendre ses droits à un autre héritier
Vendre ses droits à un autre héritier dans le cadre d’une indivision correspond à une licitation. Prévue à l’article 1686 du Code civil, cette opération doit être effectuée auprès d’un notaire.
Cet article dispose : “Si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ; ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s’en trouve quelques-uns qu’aucun des copartageants ne puisse ou ne veut prendre, la vente s’en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires”.
Dans le cas où l’ensemble des parties sont d’accord sur le montant des parts, la transaction est plutôt simple. Dans le cas contraire, des litiges peuvent apparaître et un expert pourra être désigné afin d’évaluer les biens en cause. L’expert peut être proposé par les avocats ou par le notaire pour éviter les conflits.
S’agissant de la compétence, seul le tribunal judiciaire peut être amené à se prononcer en matière de succession.
De ce fait, si un partage judiciaire intervient et qu’une licitation est demandée, il sera nécessaire de saisir cette juridiction. Une jurisprudence a pu ainsi préciser : « la demande en licitation d’un bien indivis prévue par l’art. 1686 ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire” (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 juin 2017, 16-16.031, publié au bulletin) ; et que : “la licitation peut intervenir bien qu’il n’y ait aucune indivision juridique entre les parties au procès, quand elle est le moyen de dénouer par la vente simultanée de divers droits réels une situation de fait dont la complication s’oppose а l’exercice immédiat du droit privatif de chaque partie” (enchevêtrement de diverses constructions existantes) (Civ. 27 nov. 1918: DP 1922. 1. 238).
III. Sortir de l’indivision en vendant ses droits à un tiers
Dans l’objectif de sortir d’une indivision, il est possible de vendre ses droits à un tiers. Cette possibilité donne cependant lieu à un droit de préemption par les autres héritiers.
L’article 815-14 du Code civil dispose en effet : “L’indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir.
Tout indivisaire peut, dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire, qu’il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés. En cas de préemption, celui qui l’exerce dispose pour la réalisation de l’acte de vente d’un délai de deux mois à compter de la date d’envoi de sa réponse au vendeur.
Passé ce délai, sa déclaration de préemption est nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, et sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent lui être demandés par le vendeur. Si plusieurs indivisaires exercent leur droit de préemption, ils sont réputés, sauf convention contraire, acquérir ensemble la portion mise en vente en proportion de leur part respective dans l’indivision”.
Attention, la jurisprudence est venue définir plus précisément le domaine de cet article : “le droit de préemption de l’art. 815-14 n’est applicable qu’en cas de cession de droits dans le bien indivis, non en cas de cession du bien indivis lui-même” (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 juin 1992, 90-19.052, publié au bulletin).
Avant d’entamer une telle vente, il est donc nécessaire de notifier par voie d’huissier les autres héritiers de celle-ci avec le nom de l’acheteur, son domicile, sa profession. Un héritier peut alors s’opposer à cette vente et racheter les parts en question. Ce droit de préemption des autres héritiers est la conséquence de la volonté par le législateur de permettre la conservation des biens dans la famille.
IV. Sortir de l’indivision en vendant le bien seul ou à plusieurs
Le Code civil prévoit à l’article 815-5-1, la possibilité de sortir d’une indivision en procédant à la vente du bien indivis. Pour ce faire il est nécessaire de détenir au moins 2/3 du bien. Cette majorité peut être atteinte par une seule personne ou par plusieurs coindivisaires. Il faudra également recueillir l’autorisation du tribunal judiciaire et l’intervention d’un notaire.
Il est également nécessaire de notifier aux autres co-indivisaires, la volonté d’aliéner les biens. Et en la matière, “le dépassement du délai d’un mois prévu par l’art. 815-5-1, al. 3, pour signifier l’acte par lequel certains indivisaires ont exprimé leur intention de vendre l’immeuble indivis, est indifférent, dès lors que ce délai n’est assorti d’aucune sanction, que la signification avait été effective et que l’intéressé avait disposé de trois mois pour manifester son opposition avant l’établissement du procès-verbal par le notaire, conformément aux prescriptions de l’al. 4 du même texte” (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 novembre 2019, 18-23.762, publié au bulletin).
Pour que l’aliénation soit valable, il faut également que celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires, héritiers dans le cadre d’une indivision successorale.
SOURCES :
Article 720 du Code civil : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430690/
Article 815 et suivants du Code civil : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000006432351/2007-01-0
Indivision successorale : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1296
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 13 octobre 1993, 91-20.511, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007031039/
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 décembre 2016, 16-12.216, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033564221
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 avril 2019, 18-13.890, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038373535/
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 juin 2017, 16-16.031, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034959279
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 juin 1992, 90-19.052, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007029062
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 novembre 2019, 18-23.762, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039437788
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.