Testament international : quelle langue faut-il utiliser ?
La convention de Washington du 26 décembre 1973 crée également la forme du testament international ce qui permet de valider un testament nul au regard de la loi française, mais conforme à la convention précitée (1)
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L’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du Code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies. (2) ;
Le testament doit être dicté par le testateur au notaire auquel il a confié une mission de contrôle direct et de fidélité ; qu’il en résulte que les dernières volontés de l’intéressé ne peuvent être reçues avec l’assistance d’un interprète (3)
Par un arrêt du 2 mars 2022, n° 20-21.068, la Cour de cassation se penche sur le régime du testament international relevant de la Convention de Washington du 26 octobre 1973, en particulier sur la question de la langue utilisée par le testateur.
L’article 895 du Code civil énonce que le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits. L’article 969 précise qu’il pourra être olographe ou fait par acte public ou dans la forme mystique.
La Convention, dite de Washington, portant loi uniforme sur la forme d’un testament du 26 octobre 1973, qui lie treize États, prévoit en outre la possibilité d’un testament en la forme internationale, qui peut, il est vrai, être utilisé dans un contexte international, mais également purement interne.
Si cette possibilité est rarement adoptée par les testateurs, elle est d’une grande importance pratique, car elle permet, selon de sauver certains testaments authentiques. Il a ainsi été jugé que l’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du Code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention ont été accomplies (4).
Selon 1 de la loi uniforme annexée à cette convention, un testament est valable, en ce qui concerne la forme, quels que soient notamment le lieu où il a été fait, la situation des biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur, s’il est fait dans la forme du testament international, conformément aux dispositions des articles 2 à 5.
Ce testament doit répondre à certaines exigences. L’article 3 de la loi uniforme énonce que « 1. Le testament doit être fait par écrit. 2. Il n’est pas nécessairement écrit par le testateur lui-même. 3. Il peut être écrit en langue quelconque, à la main ou par un autre procédé ».
L’article 4 ajoute que « 1. Le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu’il connaît le contenu. 2. Le testateur n’est pas tenu de donner connaissance du contenu du testament aux témoins, ni à la personne habilitée ».
La doctrine a souligné l’intérêt du principe énoncé par l’article 3, § 3, qui permet de recourir à une langue quelconque.
Un testament avait été reçu en France et en français, devant un notaire et deux témoins qui ne maîtrisaient que la langue française, et ce avec l’aide d’un interprète, car la testatrice ne s’exprimant quant à elle qu’en italien.
L’un des enfants a par la suite agi en nullité du testament, mais la cour d’appel l’a validé en tant que testament international en application de la loi uniforme, après avoir constaté que la testatrice ne s’exprimait pas en langue française.
Pour ce faire, la cour d’appel a retenu que l’acte avait été écrit en entier de la main du notaire, tel qu’il lui a été dicté par la testatrice et l’interprète, que le notaire le lui a lu, et qu’elle a déclaré le comprendre et reconnaître qu’il exprimait ses volontés.
La difficulté était donc de déterminer si le testament avait valablement pu être écrit dans une langue que le testateur ne comprenait pas.
L’arrêt répond par la négative à cette question : s’il résulte article 3, §3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d’un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 « qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l’être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète ».
I. Règles de confection du testament international
A. Formalités
Les formalités suivantes sont prescrites à peine de nullité du testament international : la forme écrite, la présence de deux témoins et de la personne habilitée, la signature par le testateur et les intervenants et la prohibition des testaments conjonctifs.
Le testament doit être fait par écrit (article 3-1), mais il n’est pas nécessairement écrit à la main du testateur lui-même (article 3-2). Un illettré ou un infirme, paralytique ou aveugle, peut faire écrire son testament par une autre personne.
Le testament peut être dactylographiée ce qui correspond aux pratiques de la Common Law qui admet la forme dactylographiée du testament. Le testament peut être écrit en une langue quelconque (article 3.3). Ceci offre une possibilité nouvelle par rapport aux règles retenues dans certains pays où les testaments publics doivent être dressés dans la langue du lieu où le testament est établi.
En outre, selon l’article 4, le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu. Le terme « déclare » couvre toute manifestation non équivoque de volonté par paroles, gestes, ou signes d’un testateur muet par exemple.
Le testateur n’est pas tenu de révéler le contenu du testament aux témoins ni à la personne habilitée. Cette règle rapproche le testament international du testament olographe ou mystique ou du testament de Common Law. Le testament international peut donc être un testament secret.
En présence des témoins et de la personne habilitée, le testateur signe son testament ou, s’il l’a signé précédemment, reconnaît et confirme sa signature (article 5.1). Si le testateur est dans l’incapacité de signer, il est indiqué la cause à la personne habilitée qui en fait mention sur le testament (5.2).
Par ailleurs, selon l’article 6 « si le testament comporte plusieurs feuillets, chaque feuillet doit être signé par le testateur. Ou, s’il est dans l’incapacité de signer, par la personne signant en son nom. Ou, à défaut, par la personne habilitée. Chaque feuillet doit en outre être numéroté ». Cette prescription n’est pas imposée à peine de nullité (5).
Les conditions requises pour être témoin d’un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée. Il en est de même à l’égard des interprètes éventuellement appelés à intervenir.
Cependant, par une disposition matérielle uniforme alinéa 2 de l’article V de la convention précise que « la seule qualité d’étranger ne constitue pas un obstacle pour être témoin d’un testament international ». Les témoins pourront être de nationalité étrangère. Cette disposition écartait en France pour la rédaction du testament international l’application de l’article 980 du Code civil qui réservait aux personnes de nationalité française la qualité de témoin dans le testament.
B. Personnes habilitées
La personne habilitée à instrumenter représente un élément essentiel dans la réalisation du testament international. L’article II de la Convention elle-même fait obligation aux Etats contractants de désigner les personnes qui sur leur territoire sont habilitées à instrumenter en matière de testament international.
Cette désignation est déterminante pour l’introduction de la loi uniforme dans le droit interne et la mise en vigueur de la Convention dans un État contractant.
La Convention prévoit la reconnaissance de la qualité des autorités désignées. Selon l’article III de la Convention « la qualité de la personne habilitée à instrumenter en matière de testament international conférée conformément à la loi d’une partie contractante est reconnue sur le territoire des autres parties contractantes ».
La connaissance mutuelle de la personne habilitée à instrumenter qu’il s’agisse de notaires, de juges, de greffier ou d’un titulaire d’un bureau administratif, est confiée au Gouvernement des États-Unis d’Amérique dépositaire de la Convention (Article XVI-2, c).
La personne habilitée ainsi désignée participe directement à la réalisation du testament et est également chargée de délivrer une attestation établissant que les obligations prescrites par la loi uniforme ont été respectées.
Cette attestation est établie en trois exemplaires sur un modèle figurant à l’article 10 de la loi uniforme et doit être jointe au testament, c’est-à-dire fixée à celui-ci. L’inclusion d’un formulaire dans une disposition de droit uniforme est un procédé inhabituel. Cette attestation contient outre tous les éléments nécessaires à l’identification de la personne habilitée, du testateur et des témoins, la mention expresse de toutes les formalités qui ont dû être exécutées selon les dispositions de la loi uniforme.
II. Effets du testament international
A. Validité quant à la forme et portée internationale du testament international
Selon l’article 1er, alinéa 1er de la loi uniforme « un testament est valable en ce qui concerne la forme, quel que soit notamment le lieu où il a été fait, la situation des biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur, s’il est fait, dans la forme du testament international ». Tout testament international établi au lieu de sa rédaction devant la personne habilitée compétente sera valide.
Selon l’article 1er, 2e alinéa de la loi uniforme « la nullité du testament en tant que testament international n’affecte pas sa validité éventuelle quant à la forme en tant que testament d’une autre espèce ».
Ce qui signifie que le testament rédigé, daté, signé par le testateur pourra être valable comme testament olographe, même s’il est nul comme testament international en l’absence d’un témoin.
La convention facilite la reconnaissance internationale du testament. En effet, la validité du testament international s’apprécie directement par rapport à la loi nationale de chaque État contractant même si le testament a été dressé à l’étranger devant une autorité étrangère.
La Convention institue une reconnaissance directe par chaque droit national de la validité formelle de tous les testaments internationaux dès lors que les formes prescrites par la loi uniforme ont été respectées. La Convention élimine toute recherche de la loi applicable dans le cadre des pays qui ont adopté ce testament international. Il assure donc une sécurité juridique au testateur qui ayant choisi cette forme de testament, sera certain qu’il sera reconnu valable dans les Etats parties à la Convention.
Cette validité du testament international dépasse le cadre des États contractants ; elle s’imposera si en application des règles de conflit de lois d’un État non contractant compétence est donnée à un État qui a introduit la forme du testament international dans sa législation. Cet effet direct de la Convention est amplifié par la convention de La Haye du 5 octobre 1961.
B. Exécution du testament international et formalités d’envoi en possession des articles 1006 et 1008
Dans le cadre de son exécution, le testament international soulève en droit international privé un problème particulier de qualification face aux prescriptions des articles 1006 et 1008 du Code civil. La distinction entre le testament authentique d’une part, et le testament olographe ou mystique d’autre part, est essentielle.
Selon l’article 1006, le légataire universel est saisi de plein droit lorsqu’au décès du testateur il n’y a pas d’héritier réservataire, mais l’article 1008 l’oblige à se faire envoyer en possession si le testament est olographe ou mystique.
En réalité, cet envoi en possession ne se présente que comme une simple formalité de vérification, du document. Le même formalisme existe en Belgique et au Luxembourg. Or l’envoi en possession est une formalité longue et coûteuse qui retarde le règlement de la succession. Il est donc important de savoir si la formalité de l’article 1008 est applicable à un testament international.
Si l’objectif de l’article 1008 est d’assurer la vérification du testament sur le plan formel, le testament international dont la validité formelle est reconnue par l’article 12 de la loi uniforme ne devrait pas être soumis en France à la formalité de l’envoi en possession de l’article 1008.
Sources :
- https://www.unidroit.org/362-instruments/successions-convention-washington-1973/successions-conv-overview/1345-convention-portant-loi-uniforme-sur-la-forme-d-un-testament-international-washington-d-c-26-octobre-1973
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029080607&fastReqId=298853022&fastPos=1
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037098239&fastReqId=1160227391&fastPos=1
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000029080607?init=true&page=1&query=13-18.383&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026486093?init=true&page=1&query=11-20.702&searchField=ALL&tab_selection=all
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