La mise en place d’une tontine pour protéger le conjoint survivant
Le statut de concubinage ne requiert aucune formalité officielle et n’engendre aucun ensemble de droits ou de responsabilités entre les partenaires. Diverses solutions existent pour gratifier le concubin sans qu’il soit affecté par des frais importants liés aux droits de succession.
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Le pacte tontinier, également appelé “tontine”, autorise le concubin à récupérer les parts d’indivision de son partenaire décédé. Pour ce faire, le notaire doit inclure dans l’acte d’acquisition une clause appelée “clause d’accroissement” ou “pacte tontinier”, qui stipule que le survivant devient pleinement propriétaire du bien en question, comme s’il l’avait acquis seul. En conséquence, les héritiers du défunt n’ont aucun droit sur ce bien.
I. La rédaction de la clause d’accroissement ou le pacte tontinier
Lorsque deux partenaires achètent conjointement un bien immobilier selon les règles de l’indivision, cela implique que les deux individus ont des droits de même nature sur le bien, sans qu’il y ait une division physique de leurs parts. Ainsi, en cas de décès de l’un des partenaires, le survivant devra racheter la part du conjoint défunt pour maintenir sa propriété sur le bien.
En revanche, dans le cas d’un achat en tontine immobilière, le conjoint survivant est considéré comme ayant toujours été l’unique propriétaire du bien, ne nécessitant donc pas de racheter la part de son conjoint décédé. Ce dispositif a pour effet que les héritiers du conjoint décédé ne pourront revendiquer aucun droit car le conjoint survivant conservera seul le logement.
Acheter un bien immobilier en tontine offre une protection efficace au conjoint survivant en cas de décès de l’un des partenaires. Si vous envisagez une telle mesure, il est important de prévoir l’insertion d’une clause tontinière lors de la conclusion de l’acte de vente.
L’aspect crucial ne se situe pas seulement dans la rédaction de la clause, mais réside davantage dans l’existence préalable d’un véritable aléa. Les points de vigilance devraient se concentrer sur le contenu réel de l’accord plutôt que sur sa formulation. Si l’issue de la tontine semble prévisible pour l’une des parties signataires, l’efficacité de cette clause pourrait être remise en question.
Ainsi, la mise en place de ce pacte pourrait être évitée entre des individus présentant une grande différence d’âge, des disparités significatives dans leurs contributions financières ou dans le cas où l’un d’eux souffre de problèmes de santé grave.
Chaque partie doit réellement prendre le risque, d’autant plus que ces critères sont sujets à l’appréciation discrétionnaire des juges de première instance.
II. Les précautions à prendre avant la conclusion du pacte tontinier
L’achat en tontine représente un avantage significatif pour un couple en concubinage. Cependant, dans le cas d’un désaccord, d’une séparation, cette clause peut engendrer des conséquences complexes.
En effet, même en cas de séparation, le tribunal n’a pas la compétence pour statuer sur une tontine. Contrairement à une acquisition en indivision, où le juge pourrait ordonner le partage ou la vente du bien, dans le cas d’une tontine immobilière, seules les deux parties engagées dans le contrat ont la possibilité, d’un commun accord, de revenir sur le pacte, de le révoquer ou de le modifier. Toutes les décisions doivent être prises à l’unanimité. En l’absence de cet accord, il ne restera plus qu’à attendre le décès de l’une des parties pour que la tontine produise ses effets.
En cas de pacte tontinier, obtenir une hypothèque sur le logement devient quasiment impossible.
Dans ce type de pacte, le véritable propriétaire n’est déterminé qu’au décès de l’un des partenaires. Par conséquent, les banques rencontrent des difficultés pour accorder un crédit en prenant en garantie un bien dont la propriété est incertaine.
III. Le dénouement du pacte tontinier
Les biens acquis étant réputés comme n’ayant jamais appartenu au défunt.
Compte tenu de l’aléa, la tontine est qualifiée d’acte à titre onéreux, écartant ainsi la qualification de libéralité. Par conséquent, les héritiers ne peuvent contester le bien en réduisant leur part successorale, le bien acquis en tontine n’étant pas transmis par voie successorale et demeurant définitivement dans le patrimoine du survivant.
De la même manière, le pacte tontinier pourrait entraver l’application d’un régime matrimonial en empêchant l’intégration du bien acquis par l’un des époux dans la communauté.
De plus, la tontine rend le bien insaisissable par les créanciers des acquéreurs de leur vivant. Puisque la condition suspensive de survie n’est pas accomplie, le bien n’appartient pas au patrimoine de l’un d’entre eux et reste insaisissable. Toutefois, cela reste dans les limites de la réglementation sur l’insolvabilité et des possibles actions en fraude paulienne.
Poussant le mécanisme du pacte et l’analyse juridique qui stipulent que le bien n’appartient pas au premier défunt et que sa transmission ne résulte pas du décès, aucune formalité n’est nécessaire auprès du registre foncier lors du premier décès. Il n’est donc pas requis que le notaire chargé de la succession du premier défunt établisse un certificat de propriété. Bien que cela reste possible, cette formalité n’est pas obligatoire. Afin de pallier le risque de refus, il suffit de mentionner le premier décès et de fournir un extrait d’acte de décès, aussi simplement que lors de la revente de la nue-propriété après l’extinction d’un usufruit réservé.
Une autre particularité de la tontine est l’absence de création d’une indivision. La Cour de cassation, en faisant référence à une “indivision en jouissance”, établit le seul rapprochement entre le pacte tontinier et les articles 815 et suivants du Code civil (1).
Le sort du bien en tontine doit être décidé conjointement, sans toutefois permettre au signataire le plus affaibli de demander un partage. En l’absence d’accord, le pacte tontinier a une connotation peu rassurante d’irrévocabilité. Cette situation peut sembler similaire à une indivision à deux qui exige également l’unanimité, mais la tontine a l’inconvénient supplémentaire de ne pas autoriser un recours au tribunal en cas de désaccord.
IV. Les conséquences fiscales du pacte tontinier
La tontine est considérée par l’administration fiscale comme une donation entre concubins et est donc taxée en conséquence, soit à hauteur de 60 % de droits de mutation. Cependant, une exonération de droits est prévue si la valeur du bien est inférieure à 76 000 euros et si ce logement constituait bel et bien la résidence principale commune des deux acquéreurs.
Pour échapper aux droits de succession, il est envisageable d’inclure une clause tontinière dans les statuts d’une société civile immobilière (SCI) possédant le bien en question. Dans cette situation, le conjoint survivant devra alors seulement s’acquitter des droits d’enregistrement à hauteur de 5,09 % au décès du premier conjoint. Cependant, il est fortement recommandé de confier cette procédure à un notaire, étant une opération délicate.
Une autre option à considérer serait de souscrire un contrat d’assurance vie afin d’assister le survivant dans le paiement des droits.
Une autre alternative envisageable serait l’utilisation d’un contrat de société avec des partenaires, chacun déjà détenteur de biens, les apportent à une société qu’ils créent ensemble, et les parts ou actions sont assorties d’une clause d’accroissement. En effet, ce mode d’acquisition n’est pas “en commun”, empêchant ainsi l’application de l’article 754A. En conséquence, le survivant serait soumis à des droits de mutation à titre onéreux variant de 0,1% pour des actions non cotées à 3% pour des parts, voire 5% si la société est majoritairement orientée vers l’immobilier, des montants beaucoup moins prohibitifs. Assurant toujours le respect de la condition d’aléa initial, le survivant deviendra l’unique propriétaire des parts de la société.
Pour éviter la nullité des sociétés unipersonnelles, il est conseillé d’inclure un troisième associé ou de garantir que chaque associé possède une part hors tontine.
La validité du pacte tontinier au sein d’une société est depuis longtemps reconnue par la Cour de cassation, dans la limite où cela ne contrevient pas aux droits des créanciers de l’un des associés. Cependant, bien que l’efficacité de ce mécanisme soit reconnue, il est crucial que ce schéma ne soit pas instauré dans le but exclusif ou principal d’obtenir des avantages fiscaux.
V. La remise en cause du pacte tontinier par les autres héritiers
En principe, sauf en cas de rédaction erronée, une clause d’accroissement (tontine) ne peut pas être annulée par une décision de justice. Éventuellement, il serait possible de racheter les parts en tontine pour un autre associé ou un des autres associés. La seule solution serait donc d’attendre le décès de l’associé ou des associés restants pour qu’ils entrent en vigueur dans le cadre de ce contrat.
En outre, un pacte tontinier n’est pas similaire à une indivision. Dans une tontine, les parties ne peuvent pas provoquer unilatéralement le partage du ou des biens immobiliers alors que tel pourrait être le cas avec une indivision.
Cependant, la jurisprudence a admis la remise en cause du pacte tontinier en cas d’absence d’aléa lors de sa conclusion. (Cour de cassation, 12 janvier 2022, Pourvoi n° 20-12.232) (2) Dans une affaire, un couple avait acheté un appartement et conclu un pacte tontinier, déclenchant des complications lors du partage de la succession après le décès de l’un des époux. Les enfants du défunt, issus d’une union précédente, ont argumenté que l’acquisition de l’appartement constituait une donation déguisée. Ce bien avait été acheté deux mois avant le décès de l’époux, qui était gravement malade et dont le pronostic vital à court terme était engagé.
Il convient de noter que la tontine est une clause intégrée dans un contrat d’achat, assurant que lors du décès de l’un des acheteurs, sa part du bien revienne automatiquement au survivant, sans que les héritiers du défunt puissent y prétendre. Le principe fondamental de cette clause réside dans son caractère aléatoire, dépendant de l’ordre des décès des acheteurs. En outre, le rapport successoral vise à intégrer les dons dans le patrimoine successoral global. Ce rapport est utilisé pour déterminer la masse partageable due par l’héritier aux autres cohéritiers conformément à l’article 843 du Code civil (3).
Les juges ont requalifié le pacte tontinier en donation déguisée en faveur de l’épouse, assujettie au rapport successoral. Comme toute libéralité, cette donation était présumée être une avance sur la part successorale.
La Cour de cassation a rappelé que les dons reçus par le conjoint survivant sont déduits de ses droits dans la succession selon l’article 758-6 du Code civil (4). Le pacte tontinier, considéré comme une donation déguisée, est donc inclus dans le rapport successoral et pris en compte lors du partage. La Cour de cassation a adopté un raisonnement similaire dans une affaire où un pacte tontinier a été requalifié en donation déguisée en raison d’une importante différence d’âge et d’état de santé entre des partenaires concubins (Cass. Civ I : 10.5.07, n° 05-21.011) (5).
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SOURCES
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136538
- https://www.courdecassation.fr/decision/61de7d4cfc57de8d136e066c
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006432755#:~:text=Les%20legs%20faits%20%C3%A0%20un,legs%20qu’en%20moins%20prenant.
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431280
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017828574/
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