Assurance vie et requalification en donation
La souscription à une assurance vie permet à un bénéficiaire de recevoir un capital au décès du souscripteur. Dans certaines circonstances, un contrat d’assurance vie peut être requalifié par l’administration fiscale en donation indirecte ou en donation déguisée.
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La requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte implique donc une intention libérale du souscripteur, sa volonté de se dessaisir immédiatement et irrévocablement et l’acceptation des bénéficiaires.
I. Cas de l’assurance vie requalifiée en donation directe
A. Les primes versées sur contrat paraissent manifestement exagérées
L’article L132-13 alinéa 2 du Code des Assurances prévoit que, les règles dérogatoires de l’assurance vie ne s’appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.
Les héritiers du souscripteur peuvent alors demander la réintégration du capital de l’assurance vie dans la succession.
La notion de prime manifestement exagérée ne fait cependant l’objet d’aucune définition textuelle.
De l’ensemble de la jurisprudence, il faut retenir que le juge du fond doit se garder d’une appréciation purement arithmétique ou objective du caractère manifestement exagéré de la prime et se contenter de mettre en balance les primes payées et les revenus et/ou l’actif patrimonial du contractant à l’assurance.
Il est nécessaire pour chaque opération de tenir compte de l’intention qu’a poursuivie le contractant à l’assurance vie.
Les juridictions examinent notamment l’âge, la situation patrimoniale et familiale de la personne (Cour de cassation 2ème chambre civile 4 juillet 2007 n°06-14048) ; mais aussi et surtout l’utilité que l’opération d’assurance a pu avoir pour le souscripteur (Cour de cassation 1ère chambre civile, 19 mars 2014 n°13-12076).
Le critère de l’utilité est donc devenu au fil de la jurisprudence, le critère essentiel de l’appréciation du caractère manifestement exagéré d’une prime.
En pratique, les primes manifestement exagérées concernent des hypothèses où le souscripteur a fait un versement unique d’un montant très important, ou des versements très importants sur des courtes périodes.
Pour exemple, le souscripteur qui verserait 90 % de son patrimoine à titre de prime, ou la totalité des liquidités disponibles, ou la moitié des liquidités issues de la vente de son patrimoine immobilier pourrait encourir la sanction des juges. Alors que, le souscripteur qui aurait amassé un important capital tout au long de sa vie ne pourra cependant être suspecté et encourir la sanction même si l’addition des primes versées dépasse largement son patrimoine disponible au moment du dénouement du contrat.
B. La volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable
Un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation « si les circonstances par lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de l’assurance-vie de se dépouiller de manière irrévocable » (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-section, 6 février 2006, n° 262312, Jurisdata n° 2006-069622).
Une jurisprudence récente est venue illustrer le cas de la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. (Cour de cassation, chambre commerciale, 26 octobre 2010, pourvoi n° 09-70927).
Dans cette affaire, un homme gravement malade avait consenti peu de temps avant sa mort, trois assurances-vie au profit de son héritière. Cette dernière n’ayant pas fait mention de cette assurance-vie ni des dons consentis, dans la déclaration de succession, l’administration fiscale lui a demandé des précisions et a notamment soulevé le fait que cette dernière étant désignée unique bénéficiaire de ces trois assurances-vie, elle avait pu bénéficier d’une donation indirecte.
Il a été possible d’aboutir à ce raisonnement en observant que le caractère aléatoire de l’assurance-vie avait fait défaut.
En effet, la particularité d’un contrat d’assurance-vie repose sur son caractère aléatoire, à savoir le décès du souscripteur. Tous les effets du contrat dépendent de la durée de vie du défunt. Ce n’est qu’au moment du décès que le capital sera versé au bénéficiaire.
L’abus est avéré dès lors que le contrat d’assurance-vie se caractérise par une « absence d’aléa ». Comme tout produit commercialisé par les assureurs, en effet, l’assurance-vie doit comporter, au moment de sa souscription, une part d’aléatoire : l’assuré peut mourir le lendemain, dans dix ans ou dans trente ans ; il peut aussi décider de racheter, ou non, une partie de son contrat, minorant ainsi la part qui reviendra au bénéficiaire.
Lorsque le contrat est ouvert par l’assuré sur son lit de mort, tout aléa est absent. Un tel acte révèle la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.
Dès lors l’administration fiscale estime qu’il y a une absence d’aléa, elle peut requalifier l’assurance-vie en donation.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 novembre 2022, rappelle qu’un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. L’absence d’aléa peut notamment être caractérisée lorsque la disposition n’a été prise que quelques jours avant le décès du souscripteur.
En l’espèce, il n’y a pas d’absence d’aléa, car le défunt a eu la possibilité pendant plus de 8 mois de revenir sur la désignation de sa petite fille. Il n’est donc pas démontré de dépouillement irrévocable. De plus, la petite fille du défunt n’avait pas connaissance de la clause bénéficiaire la concernant.
La Cour décide par conséquent de confirmer le jugement ayant à juste titre retenu qu’il n’est pas démontré que le défunt avait eu l’intention de se dépouiller de manière irrévocable au profit de sa petite-fille et qu’il n’y a pas lieu de requalifier cette modification de clause bénéficiaire en donation indirecte.
En revanche, l’insertion d’une clause statutaire de répartition inégale des bénéfices au profit des nus-propriétaires de parts sociales ne peut constituer le support d’une donation indirecte. (Cour de cassation, Ch com 18 décembre 2012, 11-27.745)
II. EFFETS DE LA REQUALIFICATION EN DONATION
Conformément à l’article L132-21 du Code des assurances, le capital de l’assurance vie est en principe à exclure de la succession.
Cependant, en cas de requalification en donation, la principale conséquence est la réintégration dans l’actif successoral du défunt et la soumission à l’impôt.
Dans ce cas, l’héritier ne peut plus bénéficier du régime de faveur de l’assurance-vie qui, rappelons, se situe hors succession
En pratique, les conséquences fiscales de la requalification sont d’autant plus importantes que les services fiscaux ne sont pas nécessairement tenus, dans ces circonstances, de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit. (Cass. com., 26/10/2010, n° 09–70927)
Si l’intention de l’assuré était de contourner la loi successorale, par le biais d’une donation déguisée, la prime doit être rapportée à la succession et produira intérêts avec capitalisation annuelle à compter de la date du décès (CA Bordeaux, 21 octobre 2014, n13/06520).
III. POSSIBLE COMBINAISON ENTRE L’ASSURANCE VIE ET LA DONATION
Comme vu précédemment, il n’est pas possible de faire une donation directe de son assurance vie à un proche.
Cependant, il existe des alternatives pour faire profiter de l’épargne générée par un contrat d’assurance vie à un ou plusieurs bénéficiaires.
A. Le rachat partiel
La première option est d’effectuer un rachat partiel ou total de l’assurance vie, puis de procéder à une donation manuelle de la somme rachetée.
En optant pour un rachat partiel, le contrat d’assurance vie restera ouvert, alors que le rachat total aura pour effet de mettre un terme à au contrat d’assurance vie.
Ce type de rachat ne modifie pas les effets du contrat de l’assurance vie et permet de conserver l’antériorité fiscale.
Il est possible d’effectuer un ou plusieurs rachats partiels de son assurance vie. On parle alors de rachats ponctuels. Lorsqu’une somme est retirée chaque mois, ou par trimestre, pendant un certain temps, on parle de rachats partiels programmés.
Les rachats sont plus ou moins fiscalisés selon la date à laquelle le contrat d’assurance vie a été ouvert.
Après 8 ans, la fiscalité des rachats de l’assurance vie devient vraiment intéressante.
B. Le contrat d’assurance vie intergénérationnel
La deuxième option est de souscrire un contrat d’assurance vie intergénérationnel.
Ce type de contrat est idéal notamment pour les grands-parents qui souhaitent favoriser leurs petits-enfants.
La clause bénéficiaire est au profit des petits-enfants présents et à naître.
Le terme de ce type de contrat est généralement prévu entre les 18 et 25 ans des petits-enfants.
Le souscripteur reste maître de la gestion du contrat tout du long. En effet, il a la possibilité d’effectuer des rachats, de modifier la clause bénéficiaire, etc.
Attention toutefois, le montant des versements sur ce type de contrat doit rester proportionné par rapport au patrimoine du souscripteur pour qu’ils restent considérés comme des présents d’usage par l’administration fiscale.
SOURCES :
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030461815/
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006793016
- https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008225321/
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028759555
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000022979014/
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017907522
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAAIXPROVENCE-02112022-21_02295?em=Cour%20d%27appel%20d%27Aix%20en%20provence%2C%20Chambre%202-4%2C%202%20novembre%202022%2C%20%2021%2F02295