Quels sont les droits d’un enfant non reconnu dans la succession ?
En France, la reconnaissance de la filiation joue un rôle crucial dans le cadre d’une succession. Lors du décès de leurs parents, les enfants reconnus ont le statut d’héritiers réservataires.
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Il arrive que certains enfants soient issus d’une relation adultérine ou de rapports non officiels. Dans de tels cas, ils peuvent se trouver dans une situation délicate où ils n’ont pas été reconnus par leur père et/ou, plus rarement, par leur mère.
Lorsqu’un enfant n’a pas de lien de filiation établi, il se pose la question de savoir comment obtenir une part de l’héritage. Cependant, en droit français, c’est précisément l’existence de ce lien de filiation qui confère des droits dans une succession. En l’absence de lien de filiation, il n’y a pas de droits sur la succession.
Par conséquent, un enfant non reconnu par son père ou sa mère doit d’abord faire établir sa filiation avant de pouvoir prétendre à une part de l’héritage.
Cependant, il est important de noter que les actions possibles sont soumises à des délais et à des conditions légales restrictives. Il est donc essentiel de se faire accompagner par un avocat pour constituer un dossier solide à présenter aux juridictions compétentes.
I. L’établissement du lien de filiation
Afin d’hériter de leurs parents, l’article 310-1 du Code civil (1) exige que la filiation soit légalement établie.
En cas d’accouchement sous X, la filiation entre un enfant et sa mère est automatiquement établie. Cependant, il en va différemment pour la filiation paternelle. Cette dernière peut être établie par le mariage des parents, la reconnaissance volontaire du père, la possession d’état ou par décision du tribunal.
Lorsque les parents sont mariés, la présomption de paternité s’applique conformément à l’article 312 du Code civil (2). Il convient de noter que cette présomption est réfutée lorsque l’enfant naît plus de 300 jours après le divorce des parents.
La situation se complique lorsque les parents ne sont pas mariés. Dans ce cas, le père doit obligatoirement reconnaître son enfant à la mairie, que ce soit avant ou après l’accouchement. Il est également possible de procéder à la reconnaissance devant un notaire après la déclaration de naissance.
Il est important de souligner que si le père décède avant d’avoir reconnu son enfant, l’établissement de la filiation posthume peut s’avérer difficile. En effet, les expertises génétiques sont strictement réglementées par le Code civil. Si le défunt n’a pas exprimé son consentement à l’établissement de la filiation avant son décès, les expertises sont généralement interdites.
A. L’action en recherche de maternité ou de paternité
Il est possible d’engager une action en recherche de paternité ou de maternité contre le parent présumé ou ses héritiers en cas de décès.
Selon l’article 327 du Code civil (3), la déclaration judiciaire de paternité dite “hors mariage” est autorisée. Il convient de noter que les conditions pour engager une action en recherche de paternité diffèrent selon que l’enfant est mineur, majeur ou décédé.
Si l’enfant est mineur, la mère peut initier l’action contre le prétendu père ou l’un de ses héritiers. Dans ce cas, il faudra saisir le tribunal du lieu de résidence du père présumé.
Si l’enfant non reconnu est majeur, il a jusqu’à l’âge de 28 ans pour engager une telle action contre les mêmes personnes.
Enfin, si l’enfant est décédé et qu’il a des héritiers, ces derniers peuvent exercer l’action en recherche de paternité, soit en reprenant une action engagée de son vivant, soit s’il est décédé avant l’âge de 28 ans, avant l’expiration du délai dont il disposait.
Une fois que le lien de filiation est reconnu par le juge, le tribunal lui donne un effet rétroactif, le considérant comme existant depuis la naissance.
Dans certains cas, l’enfant n’a pas été reconnu par sa mère, ce qui peut rendre nécessaire une action en recherche de maternité. Pendant la minorité de l’enfant, le père peut agir, et pendant sa majorité ou en cas de décès de l’enfant, les mêmes conditions de recevabilité s’appliquent que pour l’action en recherche de paternité.
Il est important de noter qu’un enfant conçu par Procréation médicalement assistée (PMA) ne peut pas engager d’action en recherche de maternité.
La possession d’état joue également un rôle dans les actions en contestation de maternité ou paternité conformément aux articles 332 et suivants du Code civil (4).
B. La possession d’état
Dans certains cas, il n’est pas nécessaire de prouver un lien biologique pour établir la filiation et accorder une vocation successorale à un enfant non reconnu.
La possession d’état constitue un mode d’établissement de la filiation fondée sur l’apparence d’une réalité biologique ; elle correspond à une réalité affective, matérielle et sociale (Civ. 1re, avis, 23 nov. 2022, n° 22-70.013 (5).
Selon les articles 311-1 (6) et 311-2 du Code civil (7) , il est possible de démontrer que le parent a toujours considéré l’enfant non reconnu comme le sien, dans un délai de 10 ans à compter du décès du parent présumé ou avant l’expiration d’un délai de 5 ans à compter de la cessation de la possession d’état.
Il est nécessaire de rassembler suffisamment de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle prétend appartenir. Ces faits peuvent être regroupés en trois grandes catégories :
- “Tractatus” : Cette condition concerne le comportement des personnes concernées. Il doit refléter la réalité de la relation familiale revendiquée, c’est-à-dire que la personne a été traitée par ceux qu’elle prétend être ses parents comme leur enfant, et elle-même les a traités comme ses parents. De plus, ces parents présumés ont dû prendre en charge son éducation, son entretien ou son installation. Cette condition peut être prouvée par divers moyens tels que des témoignages, des correspondances, des photographies, etc.
- “Fama” : Cette condition se rapporte à la réputation. Le lien de filiation doit être connu et reconnu dans la société, par la famille et par les autorités publiques. La personne doit être considérée comme l’enfant de celui qu’elle prétend être son parent par les membres de la famille et des amis, les voisins, les enseignants, le médecin traitant, les services municipaux, etc.
- “Nomen” : Cette condition concerne le nom. Cependant, il est important de noter que le nom est un indice, mais n’est pas déterminant compte tenu des règles applicables en la matière. Ainsi, le fait d’avoir un nom différent de celui du prétendu père n’empêche pas l’existence d’une possession d’état.
Les juges du tribunal évaluent souverainement la portée des éléments qui leur sont présentés en prenant en compte l’existence d’un ensemble d’indices.
La possession d’état doit être continue, basée sur des faits habituels, paisible, publique et non équivoque :
- Continue : cela suppose une durée significative et ininterrompue. En pratique, ces caractéristiques sont appréciées de façon très variable selon les circonstances de chaque espèce. Il n’est pas exigé que la possession d’état se traduise par des actes quotidiens. Des faits habituels, à tout le moins réguliers suffisent. Une certaine stabilité et persévérance dans le comportement doivent être relevées.
- Paisible, publique et non équivoque : en d’autres termes, elle doit être acquise sans fraude ni violence et au su de tous. Il y a fraude lorsqu’elle est invoquée pour contourner les règles régissant l’adoption, l’interdiction d’établir une filiation incestueuse ou la gestation pour le compte d’autrui, par exemple.
Un certain nombre de documents probants peuvent être utilisés pour étayer la demande, tels que des photos de famille, la présence du père aux consultations médicales prénatales, des factures d’achat d’articles pour l’enfant, etc.
L’établissement de la possession d’état peut se faire de façon non contentieuse ou contentieuse.
- L’acte de notoriété: il est établi sur la base des déclarations d’au moins trois témoins et, ou de tout autre document produit qui atteste une réunion suffisante de faits. Le délai pour présenter une telle demande est de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu, même si celui-ci est décédé avant la déclaration de naissance.
La filiation établie par la possession d’état constatée dans l’acte de notoriété est mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’enfant. Ni l’acte de notoriété ni le refus de le délivrer ne peuvent faire l’objet d’un recours. De plus, cet acte peut être demandé, quel que soit l’âge de l’enfant, qu’il soit mineur ou majeur, et même avant sa naissance ou après son décès.
- L’action en constatation de la possession d’état : Cette procédure est régie par l’article 330 du Code civil (8).
Selon cet article, “la possession d’état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu”.
Cette action permet d’établir la filiation lorsque l’acte de notoriété ne peut plus être demandé ou qu’il a été refusé. Pour engager cette action, il est nécessaire de saisir le juge du tribunal judiciaire du lieu de naissance de la personne concernée ou de son domicile.
II. L’adoption posthume
L’adoption posthume est envisagée à l’article 353, alinéa 3 du Code civil (9).
Dans le cas de l’adoption posthume, l’enfant adopté a droit aux mêmes parts que les autres membres de la fratrie si et seulement si la requête a été déposée avant le décès. Même si le jugement a été prononcé après la mort du demandeur, les effets de l’adoption s’appliquent à partir du jour où la requête a été déposée.
En revanche, si la demande a été déposée par un tiers après le décès de l’adoptant, l’enfant adopté n’a aucun droit de regard sur la succession du défunt.
Si l’adoptant décède, après avoir régulièrement recueilli l’enfant en vue de son adoption, la requête peut être présentée en son nom par le conjoint survivant ou l’un des héritiers de l’adoptant. (3ème chambre de la famille, 2 août 2017, RG 17 00782)
En revanche, lorsque l’adoptant est décédé avant la fin de la procédure d’adoption, mais après avoir déposé sa requête, la procédure se poursuit sans intervention du conjoint survivant ou des héritiers. (Civ. 1re, 13 mars 2007, n° 04-13.925)
Le légataire universel, n’étant pas considéré comme un “héritier de l’adoptant” au sens de l’article 353 alinéa 3 du Code civil, ne peut pas présenter une requête en adoption posthume au nom du défunt. Cette conclusion a été établie dans une affaire où six enfants issus d’un premier mariage ont consenti à leur adoption simple par le second mari de leur mère, mais celui-ci est décédé avant de déposer sa requête en adoption. Les enfants, qui avaient été désignés comme légataires universels du défunt, ont alors saisi le tribunal pour demander une adoption simple et posthume au nom du défunt.
La Cour de cassation, en invoquant un motif de droit pur (article 1015 du Code de procédure civile), a affirmé que le légataire universel n’est pas considéré comme un héritier au sens de l’article 353 alinéa 3 du Code civil. Par conséquent, il n’a pas la qualité pour représenter la personne du défunt et saisir le tribunal en vue d’une requête en adoption posthume. En effet, le Code civil fait clairement une distinction entre le statut de l’héritier et celui du légataire universel, car seul le premier est automatiquement investi “des biens, droits et actions du défunt” (article 724 du Code civil).
SOURCES :
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006424532/2006-07-01
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006425012
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006425125
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006425225/2023-07-13
- https://www.courdecassation.fr/decision/637dcb3114982305d4c204b8
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006424652/2023-07-13
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006424665/2023-07-13
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020123526/
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006425953/2013-05-19
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017826212/
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