Notaire et biens successoraux exonérés
Plusieurs questions peuvent légitimement se poser lorsqu’une donation est envisagée. Quelle forme la donation doit-elle prendre ? Est-il nécessaire de déclarer la donation à l’administration fiscale ? Qui doit payer les droits de donation et de quelle façon ? Existe-t-il des exonérations spéciales ? Le donateur peut-il revenir sur une donation consentie ?
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I. Les donations nécessitant un acte notarié
Pour rappel, certaines donations doivent obligatoirement être faites devant un notaire. Il s’agit des :
- donations d’un bien immobilier ;
- donations faites par contrat de mariage ;
- donations au dernier vivant (ou donations entre époux) ;
- donation-partage ; (1)
- donations au profit de deux bénéficiaires successifs ;
- donations avec réserve d’usufruit (transmission de la nue-propriété et conservation de l’usufruit du bien par le donateur).
En cas de donation par acte notarié, il revient au notaire de s’occuper des démarches déclaratives.
Précision : afin d’éviter que les héritiers du donateur remettent en cause les donations faites, il est recommandé de recourir à un notaire même lorsque ce n’est pas obligatoire. Cela implique pour le donateur de s’acquitter de ce qu’on appelle communément des frais de notaire. Ceux-ci recouvrent plusieurs types de dépenses :
la rémunération du notaire : il peut s’agir d’émoluments fixés par les pouvoirs publics ou d’honoraires librement convenus avec son client ;
les débours, qui servent à rémunérer d’autres intervenants ou à couvrir le coût de certains documents ;
les droits et taxes.
II. Les donations ne nécessitant pas un acte notarié
A. Les présents d’usage
Le caractère de présent d’usage (2) au sens de l’article 852 du Code civil est généralement reconnu aux cadeaux faits aux enfants mineurs par des membres et des amis de la famille, lors d’occasions particulières (anniversaire, mariage, naissance, réussite à un examen…). Sa valeur doit être raisonnable.
La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte, au plan civil et fiscal, d’un examen des circonstances.
L’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond.
Il a été admis que les sommes versées par des parents sur un plan d’épargne-logement (PEL) ouvert au nom de leur enfant puissent être qualifiées de présent d’usage. Il en va de même des sommes offertes (100 000 F) à Noël à des enfants et à leur famille respective, composée chacune de plusieurs enfants, eu égard à la situation de fortune de la donatrice dont l’actif net successoral s’élevait à 8 200 000 F.
Les présents d’usage ne sont pas imposables. Ils ne doivent donc pas être déclarés à l’administration fiscale.
B. Les dons de sommes d’argent (CGI, art. 790 G)
Les dons de sommes d’argent sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 31 865 € tous les quinze ans lorsqu’ils sont consentis en pleine propriété au profit d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce, ou par représentation, d’un petit-neveu ou d’une petite-nièce.
Cette exonération est subordonnée à la double condition qu’au jour de la transmission :
le donateur soit âgé de moins de 80 ans ;
le donataire soit âgé de 18 ans révolus ou ait fait l’objet d’une mesure d’émancipation.
Pour être exonérés, les dons doivent être obligatoirement déclarés ou enregistrés par le donataire par le biais du formulaire cerfa no 11278 (déclaration 2735-SD) dans le délai d’un mois qui suit la date du don.
C. Les dons manuels (CGI, art. 757)
Le don manuel (3) est une forme de donation. Il peut porter sur différents types de biens, à l’exclusion des immeubles :
objet (bijou, voiture, tableau, etc.) ;
somme d’argent.
Si, à l’origine, le don manuel est une donation qui s’opère par simple tradition de la main à la main, cette exigence s’est notablement assouplie avec l’émergence de formes nouvelles de transmissions des biens. La jurisprudence a progressivement admis la validité des dons manuels par chèques, des dons manuels de titres, de bons de caisse.
Les dons manuels peuvent porter sur des biens corporels et incorporels et même se réaliser par un simple jeu d’écriture.
Ont notamment été considérés comme un don manuel :
la fraction non remboursée d’un emprunt que des parents ont consenti à leurs fils ;
les fonds déposés par des parents sur le compte bancaire de leur enfant mineur et géré jusqu’à sa majorité ou son émancipation ;
la cession d’un plan d’épargne-logement (PEL).
Le recours à un notaire pour effectuer un don manuel n’est pas requis.
La déclaration du don manuel à l’administration fiscale est toutefois obligatoire dans la mesure où ce type de don peut être soumis à des droits de donation si son montant excède les abattements applicables ou en l’absence de tels abattements.
Pour rappel, les abattements applicables sont les suivants :
Un abattement de 100 000 € pour les enfants ;
Des abattements de 31 865 € et de 5 310 € pour, respectivement, les petits-enfants et les arrières petits-enfants ;
Un abattement de 80 724 € pour le conjoint marié ;
Un abattement de 15 932 € pour les frères et sœurs ;
Un abattement possible de 7 967 € pour les neveux et nièces ;
Un abattement spécifique de 159 325 € pour les handicapés, qui peut se cumuler au précédent.
La date d’enregistrement de la déclaration à l’administration fiscale permet de faire courir le délai durant lequel il est possible de bénéficier de l’abattement.
La déclaration diffère en fonction de la valeur de la donation et de la façon dont l’administration fiscale prend connaissance de ce dernier :
révélation par le donataire ;
découverte suite à un contrôle.
1.Don inférieur à 15 000 €
Le don peut être déclaré spontanément par le donataire par le biais du formulaire cerfa no 11278 (déclaration 2735-SD) relatif à la déclaration de dons manuels et de sommes d’argent. Ce formulaire doit être déposé en double exemplaire au service fiscal chargé de l’enregistrement de son domicile. Le paiement des éventuels droits de donation s’effectue en même temps que la déclaration.
Si le don n’est pas déclaré spontanément et que l’administration fiscale le découvre ultérieurement (suite à une demande de sa part ou à un contrôle), la déclaration doit être déposée dans le mois qui suit.
2. Don supérieur à 15 000 €
Les démarches sont différentes selon que :
le don est spontanément déclaré par le donataire ;
le don est découvert suite à un contrôle de l’administration fiscale.
Don révélé spontanément par le donataire
Le donataire peut, tout d’abord, déclarer immédiatement le don.
Dans ce cas de figure, le donataire déclare le don par le biais du formulaire cerfa no 11278 (déclaration 2735-SD) relatif à la révélation de don manuel d’une valeur supérieure à 15 000 €. Ce formulaire doit être adressé en double exemplaire au service fiscal de l’enregistrement de son domicile. Dans ce cas de figure, le donataire doit payer les éventuels droits de donation.
Le donataire peut également différer la déclaration et le paiement des droits de donation jusqu’au décès du donateur.
Dans ce cas de figure, le donataire déclare le don par le biais du formulaire cerfa no 14579 (déclaration 2734-SD) relatif à la révélation de don manuel d’une valeur supérieure à 15 000 €. Ce formulaire doit être adressé en double exemplaire service fiscal chargé de l’enregistrement de son domicile. La déclaration et le paiement des droits par le donataire doivent intervenir dans le mois suivant le décès du donateur.
3. Don révélé suite à un contrôle
La révélation du don manuel peut être faite après une demande de l’administration fiscale ou un contrôle fiscal.
Dans ce cas de figure, le donataire doit déclarer le don au plus tard un mois après la révélation à l’administration fiscale, par le biais du formulaire cerfa no 11278 (déclaration 2735-SD). Ce formulaire doit être adressé en double exemplaire au service fiscal chargé de l’enregistrement de son domicile. Le paiement des éventuels droits s’effectue en même temps.
REMARQUES Le décret no 2019-1565 du 30 décembre 2019 relatif aux modalités de déclaration en matière d’enregistrement pris en application de la loi de finances pour 2020 a supprimé la déclaration des dons manuels via le formulaire cerfa no 2735 et imposé la télédéclaration.
À l’heure actuelle, le site internet impots.gouv.fr ne tient cependant pas compte de ce décret et met en avant le formulaire cerfa no 2735 pour effectuer la déclaration d’un don manuel. Par ailleurs, la mise en place effective par l’administration fiscale des plateformes dédiées permettant la télé-souscription des déclarations de don manuel et de succession a pris du retard.
La députée Christine Lavarde a récemment attiré l’attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics sur le retard pris par les services fiscaux quant à la dématérialisation de la déclaration de don manuel et de somme d’argent, et sur les délais, parfois très longs, d’enregistrement des demandes papier.
Une réponse ministérielle publiée le 1er avril 2021 vient de confirmer que le téléservice « e-Enregistrement » sera déployé progressivement en 2021.
Cette réponse ministérielle indique que : « Le décret no 2019-1565 du 30 décembre 2019 relatif aux modalités de déclaration en matière d’enregistrement a modifié l’article 281 E et créé l’article 281 N de l’annexe III au CGI. Ces articles rappellent le principe de souscription des déclarations de dons manuels et de sommes d’argent sous format papier.
Ils précisent aussi que ce mode de déclaration n’est pas applicable lorsque l’obligation déclarative est accomplie par voie dématérialisée au moyen d’un téléservice mis à disposition par l’administration depuis une plateforme dédiée. C’est un texte pris en prévision du déploiement du téléservice “e-Enregistrement”, lequel va intervenir progressivement à partir de 2021.
Le service “e-Enregistrement” offrira aux usagers un service numérique pour accomplir la formalité de l’enregistrement. Il permettra la transmission et l’enregistrement dématérialisés des déclarations de don manuel par les particuliers, des déclarations de cession de droits sociaux non constatées par un acte, déposées par les particuliers et les entreprises, puis des déclarations de succession transmises par les notaires.
Les particuliers et les professionnels bénéficieront d’un service en ligne via impots.gouv.fr.
Les notaires déposeront les déclarations de succession par échange de fichiers dématérialisés sécurisés, selon des modalités techniques en cours d’examen avec cette profession.
L’offre de service en ligne pour l’enregistrement commencera à être déployée à compter de 2021. Elle portera d’abord sur les déclarations de dons.
Jusqu’à l’ouverture de cette plateforme, le mode de souscription des déclarations de dons manuels et de sommes d’argent reste “papier” (formulaire cerfa no 2735).
Le délai d’enregistrement moyen d’une déclaration est, au 31 décembre 2020, de 23 jours. »
III. Le paiement des droits de donation
Le paiement des droits de donation doit être :
réalisé en espèces ou par tout autre moyen de règlement (mandat ou virement postal, chèque bancaire, etc.) ;
au comptant avant l’enregistrement de la déclaration.
Le paiement des droits de donation ne peut pas, en principe, être fractionné ou différé. Dans une réponse ministérielle, l’administration fiscale a justifié cette règle par le fait que le régime du paiement fractionné a été institué pour permettre aux héritiers d’étaler dans le temps le versement de droits devenus exigibles à la suite d’un événement souvent imprévisible. Or, la situation est différente dans le cas d’une donation (ou d’une donation-partage) qui constitue une convention volontaire conclue au moment choisi par les parties, celles-ci pouvant prendre, préalablement, leurs dispositions pour être en mesure d’acquitter les droits.
Les frais et droits de mutation résultant d’une donation sont en principe supportés par le donataire. Le donateur a toutefois la faculté de se substituer à celui-ci pour le paiement des droits, et ce, même si l’acte de donation ne comporte aucune stipulation relative au paiement des droits et frais par le donateur.
La prise en charge par le donateur dans l’acte de donation des frais et droits résultant de cette mutation n’entraîne pas une perception complémentaire et distincte. Par suite, il n’est pas nécessaire d’ajouter à la valeur des biens donnés le montant de ces frais et droits pour calculer l’impôt exigible.
La prise en charge par le donateur des droits, même par acte séparé postérieur à l’acte de donation, ne constitue pas non plus une libéralité additionnelle pouvant impliquer des droits supplémentaires.
IV. Les exonérations spéciales
Plusieurs exonérations spéciales ont été introduites par le législateur.
Certaines exonérations sont liées à la nature du bien :
les donations d’immeubles classés ou inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques et détenus par une personne physique ou une SCI sont exonérées à hauteur de 100 % ;
les donations de bois et forêts, de sommes déposées sur un compte d’investissement forestier et d’assurance (CIFA) ainsi que de parts de groupements forestiers sont exonérées à hauteur de 75 % ;
les donations de biens agricoles donnés à bail à long terme sont exonérées à hauteur de 50 % ou de 75 % ;
les donations de parts de groupements fonciers ruraux et de propriétés non bâties incluses dans certains espaces naturels sont exonérées à hauteur de 75 %.
D’autres exonérations sont liées à la personne du bénéficiaire.
Sont tout d’abord concernées les victimes d’actes de terrorisme ou de certains de leurs proches.
L’exonération est accordée aux donations consenties :
aux victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national ;
ainsi qu’aux personnes de nationalité française ayant leur résidence habituelle en France ou résidant habituellement hors de France et régulièrement immatriculées auprès des autorités consulaires, victimes à l’étranger d’un acte de terrorisme.
Il s’agit des victimes reconnues comme telles par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) défini à l’article L. 422-1 du code des assurances.
L’exonération s’applique dans les mêmes conditions aux dons consentis au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité, au concubin notoire, aux descendants, aux ascendants et aux personnes à charge des personnes décédées.
Sont ensuite concernées les donations consenties aux militaires, sapeurs-pompiers, gendarmes, policiers et agents des douanes blessés ou décédés dans l’accomplissement de leur mission).
L’exonération s’applique aux dons en numéraire consentis :
aux militaires des armées françaises et alliées, blessés sous les drapeaux pendant la durée de la guerre ;
aux militaires blessés lors de leur participation à une opération extérieure ou à une opération de sécurité intérieure mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 4138-3-1 du code de la défense ;
aux sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires blessés en opération de secours ;
aux gendarmes, policiers et agents des douanes blessés dans l’accomplissement de leur mission.
L’exonération s’applique dans les mêmes conditions aux dons consentis au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité, au concubin notoire, aux descendants, aux ascendants et aux personnes à charge des personnes décédées.
L’exonération a également été étendue aux militaires “morts pour la France” ou “morts pour le service de la nation”.
V. L’annulation d’une donation
Si, en principe, une donation ne peut pas être annulée, plusieurs exceptions existent s’agissant (4) notamment des :
donations entre époux ;
donations au dernier vivant.
Il est également possible pour le donateur de demander l’annulation d’une donation en justice dans trois cas :
en cas d’inexécution des obligations prévues dans la donation ;
en cas d’ingratitude ;
en cas de naissance ou d’adoption plénière d’un enfant.
A. Inexécution des obligations prévues dans la donation
Une donation peut contraindre le donataire à loger, nourrir, donner des soins au donateur. Si le donataire n’exécute pas ses obligations, le donateur peut demander l’annulation de la donation par assignation en justice dans un délai de cinq ans à partir du jour où le donataire a arrêté d’accomplir ses charges.
B. Ingratitude
L’annulation pour ingratitude (5) est possible pour le donateur si le donataire est dans l’un des cas suivants :
le donataire a tenté de tuer le donateur ;
le donataire a commis des délits, injures ou sévices graves à l’encontre du donateur ;
le donataire a refusé de fournir au donateur qui est dans le besoin une aide financière ou en nature pour lui permettre de survivre.
Les faits doivent avoir été commis après la donation. Le donateur doit demander l’annulation par assignation en justice dans un délai d’un an à partir du jour où il a connaissance des faits.
C. Naissance ou adoption plénière d’un enfant
Sauf dans le cas d’une donation entre époux, le donateur peut demander l’annulation d’une donation faite au moment où il n’avait pas d’enfant. Pour cela, il doit l’avoir prévu dans l’acte de donation.
Le donateur doit demander l’annulation par assignation en justice dans un délai de cinq ans à partir de la naissance ou de l’adoption plénière.
Sources :
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028483988?init=true&page=1&query=11-18.693+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041482050?init=true&page=1&query=14-20.695&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031863076?init=true&page=1&query=+14-28.297&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027948991?init=true&page=1&query=12-15.618&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007040217?init=true&page=1&query=96-14.508&searchField=ALL&tab_selection=all
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