Bon au porteur et contrat de capitalisation

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Le contrat de capitalisation n’est pas un contrat d’assurance et n’est donc pas soumis à la prescription biennale (1). Mais selon un précédent arrêt, des contrats de capitalisation au porteur étant régis par le Code des assurances, on peut en déduire que les parties avaient entendu soumettre ce contrat au régime de l’assurance vie (2).

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C’est dire l’importance de la volonté des contractants, et de la valeur des motifs contractuels.

Les bons et contrats de capitalisation constituent des placements financiers, dont les modalités sont très variables, car déterminables contractuellement. Ils sont généralement émis pour une longue durée (environ cinq ans), moyennant le versement d’un intérêt ou produit qui n’est pas mis en paiement chaque année, mais capitalisé jusqu’à l’échéance du contrat.

Le souscripteur s’engage à verser, soit une prime unique, soit des primes périodiques.

Ces bons comportent une possibilité de remboursement anticipé dont la contrepartie peut correspondre à une diminution du rendement attendu. Le montant de ce remboursement correspond à la valeur de rachat, variable annuellement et dont le montant figure au contrat.

Au terme du placement, c’est-à-dire soit à l’échéance, soit lors du remboursement anticipé, le souscripteur reçoit son capital, diminué des frais, et augmenté des intérêts ou produits capitalisés au cours de la vie du bon. Les bons ou contrats de capitalisation peuvent également être placés sous le régime de l’anonymat.

Ils font alors l’objet d’un nouveau régime fiscal, applicable depuis la loi de finances pour 2018. Ils sont souscrits auprès de sociétés « de capitalisation » moyennant le versement d’un intérêt ou produit qui n’est pas distribué chaque année, mais capitalisé jusqu’à l’échéance du bon ou contrat. Ils peuvent, eux aussi, faire l’objet d’une demande de remboursement anticipé moyennant une diminution du rendement attendu.

I. Articulation entre le contrat d’assurance-vie et les bons et contrats de capitalisation

A. Contrats d’assurance-vie

L’assurance-vie est fondée sur la durée de la vie humaine et garantit, au profit de l’assuré ou du bénéficiaire désigné par lui, un capital ou une rente :

  • Soit en cas de décès de l’assuré (assurance décès) : il existe différentes formules dites temporaires , vie entière ,  rente éducation  ;
  • Soit en cas de vie de l’assuré au terme du contrat (assurance en cas de vie) ; on trouve différentes formules :  capital différé , rente viagère , rente temporaire
  • Soit dans les deux cas (assurance mixte ou combinée).

Le site économie.gouv.fr précise cette notion : « lassurance en cas de décès constitue une garantie pour les proches de lassuré, alors que lassurance en cas de vie est davantage utilisée comme placement, lassuré pouvant être lui-même le bénéficiaire du contrat. Les risques encourus par lassuré varient également selon le support choisi : les contrats souscrits en euros bénéficient dun capital garanti, alors que le capital des contrats en unité de compte ou en action varie en fonction des marchés ».

Les contrats d’assurance-vie sont régis par le Code des assurances, notamment les articles L131-1 et L132-1 et suivants.

Afin d’harmoniser le régime fiscal des différentes formes d’épargne, le Code général des Impôts (CGI) vise également les placements de même nature que les bons ou contrats de capitalisation. C’est-à-dire qu’il assimile aux contrats de capitalisation, d’autres formes de contrats, dont le but et l’objet sont le même que celui du contrat de capitalisation. Par placements de même nature, il faut entendre les placements qui font appel à la technique de la capitalisation.

Cela comprend notamment tous les contrats d’assurance-vie qui comportent une valeur de rachat ou une garantie de paiement d’un capital à leur terme. Il s’agit en particulier des contrats d’assurance individuels ou de groupe à prime unique ou à primes périodiques, qui comportent une garantie en cas de vie, accompagnés ou non d’une garantie en cas de décès ou d’une contre-assurance dans le même cas.

Ainsi, l’article 125-0 A du Code général des Impôts vise : « Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi quaux placements de même nature souscrits auprès dentreprises dassurance établies en France sont, lors du dénouement du contrat, soumis à limpôt sur le revenu » (cité par le BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50).

Parmi ces contrats, on peut citer :

  • L’assurance à capital différé, qui garantit le paiement d’un capital fixé à l’avance si l’assuré est encore en vie à l’échéance du contrat. Ce contrat peut être assorti ou non d’une contre-assurance-décès ;
  • L’assurance mixte ou combinée, qui garantit le paiement d’un capital, soit au décès de l’assuré si ce décès survient avant une certaine date, soit, en cas de vie, à l’échéance du contrat ;
  • L’assurance à terme fixe qui garantit le paiement d’un capital à une date déterminée, que l’assuré soit vivant ou non.

Il faut également préciser, sur le plan de l’imposition que : « les produits des bons et contrats de capitalisation et placements de même nature attachés а des primes versées jusquau 26 sept. 2017 sont exclus du champ de limposition а taux forfaitaire. Ces revenus demeurent par principe soumis au barème progressif de lIR à défaut doption du contribuable pour le prélèvement forfaitaire libératoire prévu а lart. 125-0 A, 1-II ». (BOI-RPPM-RCM-30-10-20-20 du 20 déc. 2019).

B. Bons ou contrats de capitalisation ou d’assurance-vie

En application de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence (dite loi Eckert), et depuis le 1er janvier 2016, les assureurs, les mutuelles, les institutions de prévoyance, y compris leurs unions, doivent transférer à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), les sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie et des bons et contrats de capitalisation en déshérence, c’est-à-dire non réclamées à l’issue d’un certain délai.

L’article L132-27-2 du Code des assurances dispose ainsi désormais : « les sommes dues au titre des contrats dassurance sur la vie et des bons ou contrats de capitalisation qui ne font pas lobjet dune demande de versement des prestations ou du capital sont déposées à la Caisse des Dépôts et consignations à lissue dun délai de dix ans à compter de la date de prise de connaissance par lassureur du décès de lassuré ou de léchéance du contrat ».

La fraction ayant le caractère de produits attachés aux sommes versées par la Caisse des Dépôts et consignations (CDC) au titulaire du bon ou du contrat (Code des assurances article L. 132-27-2 et Code de la mutualité article L. 223-25-4) est soumise à l’impôt sur le revenu lorsqu’elle ne l’a pas été avant le transfert des sommes à la CDC déterminé suivant les règles de taxation en vigueur l’année de ce versement ou, sur option du contribuable et pour les produits attachés à des primes versées jusqu’au 26 septembre 2017, à un prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu (CGI, art. 125-0 A, II) (v. n°  297).

Attention, car l’option pour ce prélèvement forfaitaire libératoire doit être exercée auprès de la CDC avant qu’elle ne procède au versement des produits concernés. À défaut, il ne sera plus possible de bénéficier de ce prélèvement forfaitaire, plus avantageux. Le montant du revenu imposable est déterminé dans les conditions et selon les modalités applicables à la date de l’échéance de ces bons ou contrats.

Quid de la procédure en cas de perte des bons de capitalisation ?

II. Procédure en cas de perte des bons de capitalisation

La procédure à suivre en cas de perte ou de vol de bons de capitalisation est prévue aux articles L. 160-1 et L. 160-2 du Code des assurances. Il faut en faire déclaration de perte ou de vol à l’entreprise d’assurance, de capitalisation ou d’épargne, à son siège social, par lettre recommandée avec avis de réception.

L’article 160-1 du Code des assurances dispose en effet : « Quiconque prétend avoir été dépossédé par perte, destruction ou vol dun contrat ou police dassurance sur la vie, ou dun bon ou contrat de capitalisation ou dépargne, lorsque le titre est à ordre ou au porteur, doit en faire la déclaration à lentreprise dassurance, de capitalisation ou dépargne, à son siège social, par lettre recommandée ou envoi recommandé électronique, avec avis de réception ».

L’entreprise destinataire en accuse réception à l’envoyeur, en la même forme, dans les 8 jours au plus tard de la remise ; elle lui notifie en même temps qu’il doit, à titre conservatoire et tous droit des parties réservées, acquitter à leur échéance les primes ou cotisations prévues dans le cas où le tiers porteur ne les acquitterait pas, afin de conserver au contrat frappé d’opposition son plein et entier effet. Cette déclaration emporte opposition au paiement du capital et de ses accessoires.

Une partie qui affirme être le bénéficiaire d’un contrat de capitalisation souscrit au porteur doit être en mesure de fournir l’original du titre le représentant ou, à défaut, doit engager la procédure d’opposition prévue à l’article L. 160-1 du Code des assurances (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 février 2014, 13-14.823, publié au bulletin).

Il est donc vivement recommandé de conserver précieusement toute preuve pouvant attester de l’existence d’un contrat d’assurance-vie ou de tout autre contrat de capitalisation. Pour cela, on ne saurait que trop conseiller de réaliser une copie numérique, en sus d’une archive papier du contrat.

A. Demande d’autorisation de délivrance d’un duplicata

Selon un avis de la Cour de cassation, la demande d’autorisation de délivrance de duplicata formulée en application de l’article R.160-6 du Code des assurances en cas de polices d’assurance sur la vie ou de bons de capitalisation ou d’épargne égarés, détruits ou volés, lorsque deux années se sont écoulées à compter du jour de l’opposition : « doit être formée par un avocat, conformément à l’article 813 du Code de procédure civile, dès lors qu’elle relève de la compétence du président du tribunal de grande instance et non du tribunal d’instance » (Cour de Cassation, Cour de cassation saisie pour avis, du 23 mars 1998, 09-70.014, publié au bulletin).

Il faut noter que depuis la loi du 23 mars 2019 (Loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), la compétence en matière de demande de délivrance d’un duplicata est dévolue au tribunal judiciaire.

Ainsi, pour simplifier les procédures judiciaires et s’adapter aux nouvelles évolutions numériques, cette réforme judiciaire, mise en œuvre depuis le 1er janvier 2020, porte sur l’organisation et le fonctionnement des juridictions. Les tribunaux d’instance et de grande instance situés dans une même ville sont regroupés en une juridiction unique : le tribunal judiciaire.

A l’issue de la procédure d’opposition précitée, prévue par les articles L.160-1 et R.160-6 du Code des assurances en cas de perte ou de vol de bons de capitalisation, le duplicata prévaut sur l’original et la possession ne vaut plus titre (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 29 mars 2006, 04-20.013, publié au bulletin).

De ce fait, si la dépossession du bon a été faite par vol, le détenteur ne pourra plus se prévaloir du bon, pour en réclamer la propriété. La délivrance d’un duplicata opère ainsi annulation de la valeur du bon original.

La seule possession d’un bon de capitalisation ayant fait l’objet d’une procédure d’opposition est équivoque.

Dans l’espèce de l’arrêt du 22 mai 2008 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 mai 2008, 07-12.213, publié au bulletin), un porteur déclare le vol de ses bons de capitalisation et, conformément à la procédure prévue aux articles L. 160-1 et suivants du Code des assurances et forme opposition au paiement des bons, puis se fait délivrer des duplicata des titres originaux et en obtient le remboursement après deux années.

Par la suite, une personne présente en remboursement, les originaux de ces bons à l’assureur, qui les séquestre jusqu’à ce qu’une décision de justice tranche la question de la propriété desdits bons. La dernière porteuse des originaux des bons assigne l’assureur en paiement et appelle en cause le premier porteur qui avait fait opposition.

L’arrêt d’appel retient alors « à bon droit que la possession des originaux était équivoque, compte tenu de la procédure d’opposition formée par le premier porteur ». De ce fait, la porteuse des originaux n’était pas fondée à se prévaloir du droit de créance incorporé à chacun de ces bons, la possession des originaux des bons ne valant pas titre de propriété (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 mai 2008, 07-12.213, publié au bulletin).

Le porteur d’un bon de capitalisation peut cependant contester l’opposition, même plus de deux ans après l’opposition, tant que l’opposant n’a pas demandé au président du Tribunal de justice l’autorisation de se faire délivrer un duplicata du contrat (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 14 juin 2006, 02-17.868, publié au bulletin).

En l’espèce, l’opposition avait bien été faite dans le délai de deux ans, mais auprès de la banque et non du siège social de la société d’assurance, contrairement à ce que prévoit l’article L.160-1 du Code des assurances. Cependant, aucun texte ne prévoit la nullité de l’opposition non faite au siège social de la société d’assurance.

La Cour de cassation a alors jugé que l’opposition était valable. Ce qui importe, c’est que l’assureur soit informé de l’opposition. L’opposant doit, après un délai de deux ans, demander au Tribunal de justice, l’autorisation de se faire délivrer un duplicata du bon de capitalisation, le porteur pouvant bien évidemment contester l’opposition.

Il faut également préciser, s’agissant d’un cas de perte par cas fortuit, que « la perte dun titre par suite dun cas fortuit ou de force majeure autorise celui qui sen prévaut а rapporter par tous moyens la preuve de son existence et de son contenu » (Cour de cassation – Deuxième chambre civile – 9 décembre 2010 / n° 09-69.013).

B. Remboursement des bons de capitalisation

L’émetteur d’un bon au porteur ne peut refuser le remboursement que dans deux hypothèses : en présence d’une opposition régulière ou en cas de détournement de propriété du bon.

Dans un arrêt du 21 janvier 2004, une société de droit luxembourgeois, exerçant l’activité d’intermédiaire financier, présente au paiement plusieurs bons de capitalisation au porteur, initialement souscrits en France, en refusant de révéler l’identité des tiers pour le compte desquels elle agit.

Pour refuser le remboursement, l’émetteur invoque l’article L. 563-1 du Code monétaire et financier qui fait obligation, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, de s’assurer de l’identité de son client occasionnel ou de la personne au bénéfice duquel l’opération est réalisée. Le porteur luxembourgeois demande en référé que l’émetteur soit condamné à lui verser une provision.

La Cour de cassation casse alors l’arrêt d’appel qui avait débouté le porteur de sa demande en référé-provision : la seule circonstance que le porteur n’agit pas pour son compte et refuse de fournir les renseignements requis par l’article L. 563-1 du Code monétaire et financier est insuffisante pour caractériser un tel risque et rendre l’obligation sérieusement contestable.

En effet, un émetteur d’un bon au porteur ne peut s’exonérer de son obligation de remboursement, en l’absence de toute opposition régulière, que dans l’hypothèse d’un détournement de propriété du bon litigieux (Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 21 janvier 2004, 01-10.928 01-10.929 01-10.930, publié au bulletin).

En divulguant la date de remboursement de bons de capitalisation, la banque porte atteinte au secret dont le porteur était le seul bénéficiaire, à l’exception du souscripteur, qui s’était dessaisi des bons, ou de ses héritiers (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 30 mai 2007, 06-11.036, publié au bulletin).

À défaut de produire l’opposition à paiement et l’autorisation judiciaire de délivrance de duplicata de bons de capitalisation, un assureur qui les rembourse sur présentation de duplicata n’est pas valablement libéré (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 décembre 2010, 09-69.013, Inédit).

Et cette absence de libération induit de nombreuses conséquences : l’assureur pourra être à nouveau appelé en remboursement et ne pourra arguer de la validité de cette première libération, non valable. L’assureur pourra agir contre le porteur ayant demandé un remboursement frauduleux, sur la base de la restitution de l’indu, mais devra tout de même rembourser le porteur ayant un duplicata et une autorisation judiciaire, ou un titre valable.

SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034279452&fastReqId=1397102559&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007469584&fastReqId=2092341125&fastPos=1
BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3951-PGP.html/identifiant=BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50-20191220
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028574941&fastReqId=409142942&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007040048&fastReqId=325832160&fastPos=2
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007051114&fastReqId=2128162805&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000018868835&fastReqId=1191575491&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007055889&fastReqId=1760320827&fastPos=1
Cour de cassation – Deuxième chambre civile – 9 décembre 2010 / n° 09-69.013 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023224182
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007045923&fastReqId=435121674&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000017831869&fastReqId=1050366388&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000023224182&fastReqId=2027089198&fastPos=1

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