3 conseils pour porter plainte pour abus de faiblesse
L’abus de faiblesse dans une succession est le fait de profiter de la vulnérabilité ou de la situation de faiblesse d’une personne, pour détourner tout ou partie de son héritage. Selon le Code pénal, l’état d’ignorance ou de faiblesse de la victime doit être avéré.
L’article 223-15-2 du Code pénal définit le délit d’abus de faiblesse.
Cet article dispose, en effet : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
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Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende ».
Sous cette disposition d’une particulière complexité réside en fait, l’idée qu’une personne a abusée de l’état de vulnérabilité d’une autre. Cet article représente une incrimination morale de celui qui tire un profit immoral.
Ce premier article, à la dimension générale, est complété par la disposition de l’article L122-8 du Code de la consommation qui dispose :
« Quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 375 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte.
Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits ».
L’auteur de l’abus de faiblesse doit avoir conscience de l’incapacité de la victime à mesurer la portée de ses actions, et avoir l’intention de l’exploiter pour son bénéfice personnel. L’acte doit également causer un préjudice à la victime, par une action ou une abstention.
Par exemple, il peut s’agir du fait d’inscrire comme si bénéficiaire du testament l’auteur de l’abus de faiblesse ou le fait d’obtenir procuration sur les comptes pour y retirer des sommes importantes à son profit.
En vertu du principe specialia generalibus derogant, à savoir, le spécial dérogé au général, cette deuxième disposition aura vocation à s’appliquer dans tous les cas où l’abus de faiblesse à conduit à obtenir frauduleusement un avantage contractuel.
S’agissant de la disposition pénale, on observe que sont rendues sous son visa, une majorité de décisions concernant des abus commis sur des personnes âgées.
En illustre un arrêt du 30 avril 1996 : « A caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit prévu par l’art. 313-4 C. pén., la cour d’appel qui relève que la prévenue a reconnu avoir, à l’occasion de ses fonctions d’aide-ménagère auprès d’un couple de 86 et 84 ans, reçu du mari des sommes d’argent et des avantages en nature, alors qu’elle se rendait compte que celui-ci ne connaissait pas la valeur de la monnaie, confondant nouveaux et anciens francs; que les juges retiennent le témoignage d’un employé de banque selon lequel «lorsque le mari faisait un retrait, il demandait а son aide- ménagère combien il devait retirer et c’était elle qui indiquait la somme »; qu’ils font état de certificats médicaux indiquant que les deux époux présentaient des signes de détérioration intellectuelle; enfin, qu’ils observent que les fonds remis frauduleusement а la prévenue, en sus de son salaire, ont constitué une part importante des revenus des victimes; autant de motifs, qui font apparaître la situation de dépendance des victimes dont a profité la prévenue pour obtenir de leur part des sommes indues » (Cour de cassation, Chambre criminelle, du 30 avril 1996, 96-80.068, publié au bulletin).
Pour caractériser un abus de faiblesse réprimé par l’article 223-15-2 du Code pénal, plusieurs conditions doivent être rapportées par celui qui s’en prévaut. Ainsi, l’on distingue classiquement deux éléments : un élément intentionnel et un élément matériel.
L’élément matériel représente le fait de démontrer la vulnérabilité de la personne. Pour cela, une expertise médicale pourra être requise. La jurisprudence a déjà reconnu à plusieurs reprises qu’en de telles circonstances, un médecin peut s’affranchir du secret professionnel afin de livrer des éléments permettant d’évaluer l’état de vulnérabilité de la victime (en ce sens : Cour d’appel d’Angers – ch. 01 A 13 novembre 2012 / n° 12/00675).
L’élément intentionnel représente le fait de prouver l’intention malveillante de l’accusé. C’est-à-dire prouver qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer l’état de vulnérabilité de la personne, et qu’il en a abusé volontairement (en ce sens : Cour de cassation – Chambre criminelle 26 septembre 2001 / n° 00-84.548).
Ainsi, il est important de prouver que la personne accusée de l’abus de faiblesse avait conscience de la vulnérabilité de la victime, et qu’elle avait pour intention de vicier son consentement afin d’obtenir un avantage.
Cela peut recouvrir par exemple le cas d’un médecin, qui, détenant des informations couvertes par le secret médical, en profite pour abuser de la vulnérabilité de ses patients, pour leur vendre des produits dont la nécessité n’est pas prouvée (Cour d’appel d’Orléans – ch. sociale ch. des Prud’Hommes – 28 mars 2019 / n° 16/03543).
Néanmoins, la preuve de ces deux éléments peut ne pas être évidente. À ce titre, être accompagné d’un avocat pourra permettre de faciliter l’administration de la preuve, et notamment de l’élément intentionnel qui est plus difficile à caractériser.
Il faut noter, s’agissant de la prescription, une décision importante rendue le 27 mai 2004 : « pour écarter l’exception de prescription soulevée par le prévenu, l’arrêt retient que la prescription n’a commencé а courir que du jour où la victime, qui n’était pas destinataire des relevés de ses comptes bancaires, a eu connaissance de la perte de son patrimoine, ce dont elle a été informée par d’autres membres de sa famille; si c’est à tort que la cour d’appel a situé le point de départ de la prescription au jour où la victime a été en mesure d’avoir connaissance des conséquences des faits poursuivis, l’arrêt n’encourt cependant pas la censure de ce chef dès lors que ces faits, а les supposer constitutifs de l’infraction visée а la prévention, procèdent d’un mode opératoire unique et que les prélèvements bancaires, réalisés au moyen de la même procuration, ont pris fin moins de trois ans avant le premier acte de poursuite » (Cour de cassation, Chambre criminelle, du 27 mai 2004, 03-82.738, publié au bulletin).
L’abus de faiblesse étant notamment une infraction pénale, depuis la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le délai de prescription pour abus de faiblesse est de six ans. Pour ce type d’infraction, la loi considère que le délai commence à courir du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée.
Lorsque les abus ont été répétés dans le temps, le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du dernier acte. C’est par exemple le cas en présence de plusieurs retraits de d’argent avant décès, ou de dons d’argent au médecin qui a suivi le défunt avant son décès.
La prescription, en matière pénale, pour ce délit ne court donc qu’à partir du moment où la victime dispose à nouveau de ses facultés mentales ou se rend compte de l’abus commis
Une fois ces éléments réunis, le cas échéant à l’aide d’un avocat, il est nécessaire de saisir la justice ou les représentants de la force publique.
Il s’agit-là d’un impératif pour voir condamner la personne qui a abusé de la faiblesse ou de la vulnérabilité d’une personne. Nous expliciterons, au travers des développements ci-après, comment il est possible de porter plainte auprès d’un commissariat ou d’une gendarmerie, directement auprès du Procureur de la République ou en se constituant partie civile
1) Plainte simple auprès du commissariat de police ou à la gendarmerie du lieu de résidence
Lors de ce dépôt de plainte, la personne va exposer les faits ainsi que l’infraction dont elle a été victime. Il est conseillé d’y joindre toutes les pièces justificatives permettant d’attester de la commission de l’infraction.
Cette plainte déposée, auprès du commissariat de police, pourra ensuite transmise au Procureur de la République. Elle va faire l’objet d’un examen par le parquet et s’ensuivra soit l’ouverture d’une procédure pénale, soit la délivrance d’une ordonnance de classement sans suite.
Le site service-public.fr précise : « le dépôt de plainte permet à une personne d’informer la justice qu’une infraction a été commise et dont elle se dit victime. La poursuite de la plainte peut entraîner la sanction pénale de l’auteur.
La victime peut se constituer partie civile si elle souhaite obtenir réparation de son préjudice (dommages-intérêts). Si la victime ne connaît pas l’auteur, elle doit porter plainte contre X. Le dépôt de plainte peut se faire auprès de la police, la gendarmerie ou du procureur de la République ».
Il faut noter, et cet élément est très important : les forces de police ou de gendarmerie sont obligées de prendre votre plainte. Il n’y a pas d’opportunité en la matière, il faut donc bien insister auprès des personnes qui peuvent vous en dissuader. Un avocat pourra vous aider à cet effet. Si l’identité de la personne que l’on soupçonne d’avoir commis un abus de faiblesse n’est pas connue, il est possible de remplir une pré-plainte en ligne, avant de se rendre au commissariat ou à la gendarmerie
Les délais relatifs à l’ouverture d’une enquête sont généralement assez longs. Ce qu’il est nécessaire de savoir, c’est que le parquet reçoit des milliers de plaintes par jour. Afin d’éviter que la plainte ne finisse à la poubelle, il est recommandé de porter plainte avec constitution de partie civile
2) Dépôt d’une plainte directement auprès du Procureur de la République
Au pénal, les victimes devront prouver l’existence de l’abus sur personne vulnérable, du préjudice associé et de l’intention délibérée du fraudeur. Ils disposent cette fois-ci de six ans pour entamer une action auprès du Procureur de la République.
Déposer une plainte directement auprès du Procureur de la République peut s’avérer utile. Il est nécessaire d’adresser à ce magistrat, une lettre recommandée avec accusé de réception.
Le Procureur compétent est celui du domicile du défendeur si celui-ci est connu, ou du lieu où les faits reprochés ont été commis. Pour un abus de faiblesse, le domicile de personnes âgées, par exemple. Si après l’écoulement d’un délai de trois mois, aucune action publique n’a été déclenchée, alors il est judicieux de se constituer partie civile.
3) Déposer une plainte en se constituant partie civile
Le dépôt de plainte avec constitution de partie civile est un moyen qui doit être privilégié en matière d’abus de faiblesse. C’est, en effet, le moyen le plus efficace puisque cela aura pour conséquence d’inciter la justice à se saisir de la demande afin de mener les investigations nécessaires.
L’assistance d’un avocat ne peut être que recommandée. L’avocate pourra ainsi vous accompagner dans la constitution du dépôt de plainte, dans la réunion des éléments nécessaires à la caractérisation de l’infraction et à la quantification du préjudice subi.
Il faut noter que l’action permettant de dénoncer un abus de faiblesse est une action personnelle (ou attitrée). Comme le relève la fiche synthèse des Éditions Ellipse, l’action attitrée est une : « action en justice réservée à des personnes justifiant d’une qualité particulière (par exemple : les époux en matière de divorce) ».
De ce fait, seule la personne victime d’un abus de faiblesse pourra porter plainte. Il sera parfois nécessaire d’être accompagné d’un professionnel pouvant prendre en charge les troubles psychologiques causés par l’abus de faiblesse, afin de permettre à cette personne de réaliser qu’un délit a été commis et qu’il est nécessaire d’engager des poursuites.
Deux choix s’offrent alors aux héritiers qui souhaitent se prévaloir d’un abus de faiblesse sur le plan civil : soit la possibilité d’exercer une action autonome devant le juge civil, soit la possibilité de se constituer partie civile devant la juridiction pénale dès lors qu’il est en mesure de se prévaloir d’un préjudice personnel et direct (Cass. Crim., 22 janvier 2020, n° 19-82.173). Dans le cadre de cette action, l’héritier peut demander la réparation du préjudice subi en ce que l’abus exercé a fait diminuer la valeur de son héritage.
Celui qui agit en nullité de l’acte, peu importe la nature, la cause ou l’étendue du trouble, doit prouver qu’il est de nature à exclure une volonté consciente. L’appréciation de ce dernier est souverainement laissée aux juges du fond. S’il s’agit de démence persistante, la jurisprudence permet un assouplissement de la règle de la preuve. Il reviendra alors au défendeur de prouver que l’acte a été conclu pendant un intervalle lucide.
Il faut également ajouter qu’avant de porter plainte pour abus de faiblesse, il est important de caractériser l’état de vulnérabilité de la victime. Le fait d’être âgé ou malade ne suffit pas. Il est nécessaire de prouver l’élément intentionnel, matériel commis sur la victime. À cet effet, il sera nécessaire de prouver que la personne soupçonnée avait connaissance ou ne pouvait ignorer l’état de vulnérabilité, de faiblesse de la personne.
Dans la majorité des cas, et comme nous l’avons déjà évoqué, ce type d’abus est le plus souvent commis sur des personnes âgées.
Il ne peut ainsi être trop recommandé de faire attention à ses proches, de disposer d’une procuration sur les comptes bancaires, si nécessaire. Il peut également apparaître intéressant, le cas échéant, d’envisager des mesures de protection juridique de la personne : mandat de protection future, tutelle ou curatelle.
SOURCES :
Cour de cassation, Chambre criminelle, du 30 avril 1996, 96-80.068, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007065981/
Cour d’appel d’Angers – ch. 01 A 13 novembre 2012 / n° 12/00675
Cour de cassation – Chambre criminelle 26 septembre 2001 / n° 00-84.548
Cour d’appel d’Orléans – ch. sociale ch. des Prud’Hommes – 28 mars 2019 / n° 16/03543
Cour de cassation, Chambre criminelle, du 27 mai 2004, 03-82.738, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007068743
https://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Concurrence_-_Consommation/CX6-TOCID/document/EN_KEJC-105997_0KRP?q=abus%20de%20faiblesse%20droit%20des%20successions&doc_type=doctrine_fasciculehttps://www.lexis360intelligence.fr/encyclopedies/JurisClasseur_Civil_Code/CI0-TOCID/document/EN_KEJC-207498_0KRE?q=abus%20de%20faiblesse%20droit%20des%20successions&doc_type=doctrine_fasciculehttps://www-labase-lextenso-fr.bibelec.univ-lyon2.fr/gazette-du-palais/GPL382k3?em=abus%20de%20faiblesse%20droit%20des%20successions