Ouverture succession : hériter et être digne

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Avoir la qualité d’héritier c’est être investi de plein droit de la succession. Encore faut il en être digne !  

L’héritier est : « au sens large, le mot “héritier” désigne toute personne qui dispose dun droit dans une succession. Au sens technique, le mot est réservé aux personnes qui depuis la Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 en labsence de conjoint survivant sont énumérées par larticle 734 du Code civil, en raison de ce que leur droit est fondé sur lappartenance familiale » (Héritier, Dictionnaire de Droit privé).

L’article 734 du Code civil dispose, lui : « En labsence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi quil suit : 1° Les enfants et leurs descendants ; 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; 3° Les ascendants autres que les père et mère ; 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre dhéritiers qui exclut les suivants ».

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Pour hériter, encore faut-il en être digne ! Pour prendre part à la succession, l’héritier doit également exister à la mort de son auteur et être digne à l’égard de ce dernier (Article 725 du Code civil). La succession s’ouvre à la mort du défunt ou par un jugement en cas de disparition ou d’absence.

C’est ce que prévoit notamment l’article 720 du Code civil : « Les successions souvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ». La qualité d’héritier se fonde sur la notion de personnalité juridique et d’indignité.

Nous verrons dans un premier tant les conditions nécessaires à l’existence d’un héritier (I), avant de présenter la notion d’indignité successorale (II).

I. Les conditions d’existence de l’héritier

L’article 725 du Code civil énonce « pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession, ou ayant déjà été conçu, naître viable. Peut succéder celui dont labsence est présumée selon larticle 112 ».

Deux situations possibles : exister ou être conçu au jour du décès.

  • Soit le décès est constaté par un acte qui en établit l’heure et le jour,
  • soit le décès est enregistré par un jugement lorsque le corps du défunt n’a pas pu être retrouvé.
  • Il s’agit du cas de la disparition. C’est ce que prévoit l’article 88 du Code civil : « Peut être judiciairement déclaré, à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées, le décès de tout Français disparu en France ou hors de France, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps na pu être retrouvé. Peut, dans les mêmes conditions, être judiciairement déclaré le décès de tout étranger ou apatride disparu soit sur un territoire relevant de lautorité de la France, soit à bord dun bâtiment ou aéronef français, soit même à létranger sil avait son domicile ou sa résidence habituelle en France. La procédure de déclaration judiciaire de décès est également applicable lorsque le décès est certain, mais que le corps na pu être retrouvé ».

Exister signifie, dans un premier temps, ne pas être décédé avant le défunt, c’est aussi être connu exister physiquement, même s’il s’agit d’un enfant à naître. En pratique, trois situations particulières peuvent entraîner quelques difficultés.

A. Décès concomitant de personnes dont l’une était susceptible d’hériter de l’autre

Il peut arriver que décèdent simultanément, dans un même accident, plusieurs personnes, dont l’une, voire chacune, était susceptible d’hériter d’une autre. Le problème qui se pose alors est de savoir qui est mort en premier.

En effet, l’ordre des décès peut avoir des conséquences dans la désignation des héritiers, puisque si une personne survit quelques instants à une personne dont elle était héritière, elle recueille une part de la succession de cette dernière, laquelle part, étant entrée dans sa propre succession, se voit transmise à ses propres héritiers, qui n’avaient peut-être pas vocation à succéder au premier décédé.

La situation peut paraître cocasse, mais est très importante en pratique. Elle détermine beaucoup les héritages à recevoir. Par exemple, dans le cas d’un accident ayant provoqué la mort de deux frères, l’épouse du dernier mourant recueille la succession de son mari augmentée de la part que ce dernier a héritée de son frère, sans épouse ni descendance.

L’ordre des décès peut être établi par tous moyen. Par exemple avis de décès, mais aussi témoignage des secouristes, des autres personnes impliquées dans l’accident … La personne dont il est rapporté qu’elle mourut après la personne à la succession de laquelle elle avait vocation à succéder est considérée comme ayant été appelée à la succession de la prémourante.

Cependant, la preuve de l’ordre de décès est très souvent difficile. Lorsqu’elle s’avère impossible, la loi prévoit qu’aucun des comourants ne pourra être héritier de l’autre.

C’est ce que prévoit l’article 725-1 du Code civil : « Lorsque deux personnes, dont lune avait vocation à succéder à lautre, périssent dans un même événement, lordre des décès est établi par tous moyens. Si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune delles est dévolue sans que lautre y soit appelée. Toutefois, si lun des codécédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de lautre lorsque la représentation est admise ».

L’on règle la succession de l’un comme si l’autre n’avait jamais existé. Cependant, les descendants d’un codécédé peuvent représenter leur auteur dans la succession de l’autre. Par exemple, si le père et le grand-père d’un enfant meurent dans le même accident, l’enfant aura vocation à hériter de son grand-père par représentation de son père.

B. Absence d’un héritier

Une autre situation est également délicate, celle de l’absence de l’héritier. Dans ce cas-là, il peut être demandé au juge de rendre un jugement de présomption d’absence afin de protéger les intérêts et le patrimoine de la personne concernée. C’est ce que prévoit l’article 88 précité du Code civil.

En effet, après l’écoulement d’un délai de dix ans (vingts ans si aucune demande de présomption d’absence n’a été déposée), un jugement déclaratif d’absence pourra être rendu et entraînera les mêmes conséquences qu’une déclaration de décès.

Le principe est que la personne simplement présumée absente est présumée vivante. Cette dernière peut, en conséquence, être héritière tant que la présomption d’absence court.

L’article 92 du Code civil dispose en effet : « Si celui dont le décès a été judiciairement déclaré reparaît postérieurement au jugement déclaratif, le procureur de la République ou tout intéressé peut poursuivre, dans les formes prévues aux articles 89 et suivants, lannulation du jugement. Les dispositions des articles 130, 131 et 132 sont applicables, en tant que de besoin. Mention de lannulation du jugement déclaratif sera faite en marge de sa transcription ».

C. Existence de l’héritier avant le décès du de cujus

 L’article 725 du Code civil pose la nécessité de l’existence de l’héritier avant le décès du de cujus : « Pour succéder, il faut exister à linstant de louverture de la succession, ou ayant déjà été conçu, naître viable ».

La personne n’existant pas au décès de son auteur, mais ayant été déjà conçue à ce moment peut hériter du défunt, à condition de naître viable donc. Les tribunaux se servent de la présomption de conception en matière de filiation posée à l’article 311 du Code civil où la conception est présumée avoir eu lieu entre le 300 ème et le 180 ème jour précédant la naissance :

« La loi présume que lenfant a été conçu pendant la période qui sétend du trois centième au cent quatre-vingtième jour, inclusivement, avant la date de la naissance. La conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans lintérêt de l’enfant. La preuve contraire est recevable pour combattre ces présomptions .

Lenfant né moins de 300 jours après la date du décès sera donc réputé conçu à cette date. Mais la preuve contraire pourra être rapportée ». Attention, par la suite, l’enfant devra naître vivant et viable !

En effet, naître ne suffit pas en droit français pour être sujet de droit, il faut naître vivant et viable. Naître viable, c’est être capable de survivre, l’enfant doit donc respirer et posséder tous les organes nécessaires à la vie. Ces conditions excluent de la liste des successibles les enfants mort-nés et les enfants nés vivants, mais non viables.

II. Ne pas être indigne de succéder

L’héritier ne doit pas être indigne à l’égard de son auteur. Un héritier qui commet une faute grave à l’égard du défunt est indigne d’hériter et sera donc exclu de sa succession. Il existe différentes causes d’indignité, automatiques ou facultatives, et des hypothèses où elle peut être pardonnée (Article 728 du Code civil).

L’article 726 du Code civil dispose en effet :

«Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession : 1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ; 2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner».

Tous les cas d’indignité nécessitent un jugement de condamnation en raison du principe de présomption d’innocence.

C’est ce que prévoit l’article 727-1 du Code civil : «La déclaration dindignité prévue à larticle 727 est prononcée après louverture de la succession par le tribunal judiciaire à la demande dun autre héritier.

La demande doit être formée dans les six mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès. En labsence dhéritier, la demande peut être formée par le ministère public».

L’indignité implique des conséquences quant à l’indigne lui-même, mais également quant à ses descendants. L’indigne perd la qualité d’héritier et doit restituer tous les biens et revenus perçus de la succession du défunt (Article 729 du Code civil). Toutefois, il ne peut être exclu que de la succession de celui envers lequel il a été indigne. Donc il peut avoir droit à la succession d’autres membres de sa famille.

Une forme de pardon est acceptée lorsque le défunt, postérieurement aux agissements, décide de maintenir les droits de l’indigne dans son testament. Dès lors, l’indignité n’existe qu’en l’absence de testament.

En ce qui concerne les descendants de l’indigne, ils ne sont pas exclus de la succession par sa faute. Ils héritent de la part qu’aurait dû recevoir l’indigne. Attention, l’indigne ne pourra en aucun cas jouir des droits qu’accorde la loi aux pères et mères sur les biens de leurs enfants !

C’est ce que prévoit l’article 729-1 du Code civil : «Les enfants de lindigne ne sont pas exclus par la faute de leur auteur, soit quils viennent à la succession de leur chef, soit quils y viennent par leffet de la représentation ; mais lindigne ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, la jouissance que la loi accorde aux père et mère sur les biens de leurs enfants».

Deux causes d’indignité existent.

L’indignité automatique d’abord. Elle exclut automatiquement une personne de la succession. Deux agissements sanctionnés par une condamnation criminelle en tant qu’auteur ou complice l’entraînent : meurtre ou tentative de meurtre sur la personne du défunt ; coups et violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.

L’indignité facultative, ensuite. Elle peut exclure une personne de la succession.

Cinq agissements sanctionnés par une peine correctionnelle en tant qu’auteur ou complice peuvent l’entraîner :

  • meurtre ou tentative de meurtre sur la personne du défunt ;
  • coups et violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner
  • témoignage mensonger contre le défunt dans une procédure criminelle
  • s’abstenir d’empêcher un crime ou un délit contre le défunt et dont a résulté sa mort, alors même que ni lui ni des tiers n’encouraient un risque ;
  • dénonciation calomnieuse contre le défunt pour des faits criminellement sanctionnables.

Il faut donc retenir que la notion d’indignité revêt trois caractéristiques essentielles :

    • Elle n’est applicable qu’aux successions où aucun testament faisant un légataire de la personne en cause n’a été établi;
    • Elle a un effet relatif puisque les descendants de l’indigne ne sont pas touchés par la sanction;
    • Elle a un effet rétroactif dans le sens où l’indigne devra restituer tous les biens et revenus perçus au jour du décès

En effet, la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, influent sur les dossiers de successions. Le notaire doit prendre en compte dans le dossier afin d’écarter l’héritier indigne. C’est soumis à l’article 8 de cette loi, qui renvoie à l’article 727 et suivants du Code civil.

SOURCES :
DÉFINITION DE LA PERSONNE MORALE : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/personne-morale.php
PEUT-ON HÉRITER SI L’ON EST FAUTIF VIS-À-VIS DU DÉFUNT ? : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F2527.xhtml
COMMENT PROUVER SA QUALITÉ D’HÉRITIER (ATTESTATION, ACTE DE NOTORIÉTÉ) ? :LOI DU 16 FÉVRIER 2015 RELATIVE À LA MODERNISATION ET À LA SIMPLIFICATION DU DROIT ET DES PROCÉDURES DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES INTÉRIEURES : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/projet-loi-relatif-modernisation-simplification-du-droit-procedures-domaine-justice-affaires-interieures.html
DÉFINITION DU COMOURANTS : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/comourants.php
HÉRITIER, DICTIONNAIRE DE DROIT PRIVÉ : https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/heritage-heritier.php
ARTICLE 734 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430952/
ARTICLE 725 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430764/
ARTICLE 720 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430690/
ARTICLE 88 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006117679/2019-03-25/#LEGISCTA000006117679
ARTICLE 92 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136105/#LEGIARTI000006421335
ARTICLE 311 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006424630
ARTICLE 726 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006165513/
ARTICLE 727-1 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006165513/