Quel type d’héritage est pris en compte pour le calcul d’une prestation compensatoire ?

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L’objet de la prestation compensatoire est de compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux (C. civ. art. 270). Elle ne peut donc être due qu’après le prononcé définitif du divorce (1).

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Selon une étude statistique du ministère de la Justice effectuée à partir de décisions rendues en 2013, une prestation compensatoire est allouée dans 19 % des divorces.

Dans un divorce par consentement mutuel, les époux doivent s’entendre dans leur convention sur le principe, le montant et les modalités de la prestation compensatoire (C. civ. art. 278).

Dans les divorces autres que par consentement mutuel, la prestation compensatoire est décidée soit par le juge, soit par la convention homologuée des époux. Ceux-ci sont en effet autorisés à soumettre à l’homologation du juge, pendant l’instance, des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce (C. civ. art. 268).

Ils disposent alors de la même liberté que ceux qui divorcent par consentement mutuel. Ces conventions peuvent porter sur le principe, le montant et les modalités de paiement de la prestation compensatoire. Pour plus de précisions. La convention une fois homologuée obéit au même régime que la convention homologuée dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel (C. civ. art. 279-1, qui renvoie aux art. 278 et 279 du Code civil).

Une prestation compensatoire ne peut résulter que d’un jugement : une convention notariée est impuissante à créer une prestation compensatoire (2).

Une prestation compensatoire est envisageable dans toutes les procédures de divorce, au bénéfice de celui qui engage la procédure comme à celui qui la subit et, bien sûr, du mari comme de l’épouse.

Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire si l’équité le commande, dans les deux cas suivants (C. civ. art. 270, al. 3).

Premier cas : refus au regard des circonstances particulières de la rupture, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande une prestation. Ainsi justifient le refus d’une prestation compensatoire :

  • le départ précipité et définitif de l’épouse du domicile conjugal après vingt-quatre ans de vie conjugale harmonieuse (CA Dijon 30-9-2010 n° 10/00065) ;
  • la relation adultère du mari avec l’employée de maison vivant au domicile, avec laquelle il a eu un enfant (CA Paris 11-3-2014 n° 12/17 333). Dans le même sens en raison de la « vie sexuelle débridée » du mari en dehors du mariage et de son départ pour le Brésil en prévenant tardivement son fils et en laissant ce dernier à la charge principale de la mère (CA Colmar 17-2-2014 n° 12/02147) ;
  • le départ de l’épouse pour vivre une relation extraconjugale alors que son mari est atteint d’un cancer et qu’il suit des cures de chimiothérapie qui l’épuisent (CA Montpellier 25-11-2015 n° 14/02879) ;
  • la relation adultère régulière du mari et son absence de recherche d’emploi tandis que l’épouse finançait seule l’acquisition en indivision d’une propriété à l’île de Ré et le coût des études de l’enfant (CA Paris 5-6-2014 n° 12-1390) ;
  • la mise en danger financière du ménage, l’épouse ayant imité la signature de son conjoint afin d’ouvrir plusieurs comptes en banque et souscrire de nombreux crédits à la consommation à des fins personnelles, son mari ayant par conséquent subi les poursuites judiciaires des créanciers et les inconvénients liés aux nombreux incidents de paiement (3).

Second cas : refus en considération des critères d’attribution d’une prestation compensatoire fixés par l’article 271 du Code civil – durée du mariage, situation professionnelle de l’époux demandeur, droits acquis dans la liquidation du régime matrimonial, etc. Ce motif de refus est le seul qui peut être invoqué dans un divorce aux torts partagés (4). Il peut également être retenu dans un divorce aux torts exclusifs (5).

Ainsi, une épouse de 33 ans qui s’est vu imputer tous les torts du divorce a été privée de prestation compensatoire, car elle n’assumait pas la charge des enfants et ne justifiait ni de recherche d’emploi ni de suivi d’une formation (même arrêt).

En principe, la prestation compensatoire n’est pas assortie de l’exécution provisoire (CPC art. 1079, al. 1).

Toutefois, elle peut l’être en tout ou partie, lorsque l’absence d’exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour son créancier en cas de recours sur la prestation compensatoire alors que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée (CPC art. 1079, al. 2). En effet, dans ce cas, le créancier ne peut plus prétendre à la pension alimentaire éventuellement ordonnée au titre des mesures provisoires et, en l’absence d’exécution provisoire, la prestation compensatoire n’est pas encore exigible.

Tout autre motif est irrecevable pour justifier l’exécution provisoire, notamment le fait que le débiteur fasse une offre de prestation compensatoire (6).

L’exécution provisoire ne prend effet qu’au jour où le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée (CPC art. 1079, al. 3). La prestation compensatoire n’est donc pas exigible pendant le délai de recours.

Sans avoir à relever l’existence de conséquences manifestement excessives, la condamnation au paiement d’une prestation compensatoire provisionnelle nous semble possible (CPC art. 515 et 1074-1, al. 1). Telle était la solution qui avait été retenue par la Cour de cassation avant l’entrée en vigueur du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile (7).

 

I. Situation des héritiers

A. Principe du prélèvement sur la succession

Le décès du débiteur de la prestation compensatoire n’éteint pas son obligation, qui est transmise à ses héritiers selon des modalités particulières prévues par la loi (C. civ. art. 280 à 280-2).

Les règles ci-après exposées s’appliquent :

  • aux prestations qui ont été fixées par le juge comme à celles qui ont été décidées par la convention des époux, sauf stipulation contraire de la convention (C. civ. art. 279, al. 4) ;
  • aux prestations compensatoires fixées par le juge ou la convention des époux avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, à condition que le partage définitif de la succession soit intervenu après le 1er janvier 2005 (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33, X).

Quelle que soit la forme de la prestation compensatoire, les héritiers ne sont pas tenus personnellement de son paiement. La prestation est prélevée sur la succession et les héritiers ne sont tenus que dans la limite de l’actif successoral (C. civ. art. 280). Le terme d’« héritiers » désigne ici non seulement les héritiers ab intestat mais également les légataires universels et à titre universel.

Si l’actif est insuffisant pour assurer le paiement de la prestation, son paiement est aussi supporté par les légataires particuliers, dont les legs sont tous réduits concurremment (sauf si le testament prévoyait que tel legs devrait être acquitté par préférence aux autres, auquel cas ce legs ne sera réduit que si la suppression totale des autres legs ne suffit pas à payer la prestation compensatoire).

Si l’ex-conjoint décédé s’était remarié sous le régime de la communauté universelle avec une clause d’attribution intégrale de la communauté à son conjoint survivant, aucune succession ne s’ouvre à son décès. Le conjoint survivant, qui reçoit l’intégralité de l’actif de la communauté et est corrélativement tenu de l’intégralité du passif, doit poursuivre le paiement de la rente due par son époux défunt (Rép. Calvet : AN 25-11-2008 n° 28461 :  BPAT 1/09 inf. 6).

B. Modalité de paiement

Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme d’un capital échelonné, le solde de ce capital indexé devient immédiatement exigible (C. civ. art. 280, al. 2).

Lorsque la prestation a été fixée sous forme de rente, viagère ou temporaire, il lui est substitué un capital immédiatement exigible (C. civ. art. 280, al. 3). Si l’ex-conjoint créancier de la prestation a droit à une pension de réversion, cette pension est automatiquement déduite du montant brut de la rente avant la conversion en capital (8).

Les modalités de la substitution du capital à la rente ont été fixées par le décret 2004-1157 du 29 octobre 2004.

Les héritiers qui ne se sont pas engagés personnellement à maintenir la rente (n° 10 070 s.) ne peuvent pas en demander la révision ; le capital substitué doit donc être pris sur la succession sans minoration possible (9).

Pour le calcul des droits de succession, les versements en capital effectués par prélèvement sur l’actif successoral sont déductibles dans les conditions de droit commun exposées.

Les héritiers ne peuvent pas déduire ces versements de leurs revenus imposables ; corrélativement, l’ex-époux bénéficiaire n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu (BOI-IR-RICI-160-20 n° 270).

En fonction de la nature et de l’origine des biens au moyen desquels le capital est fourni à l’ex-époux créancier, des droits d’enregistrement peuvent être dus, selon les règles exposées.

 

II. Dérogation conventionnelle

A. Maintien des formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire

Les héritiers peuvent décider ensemble du maintien des formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire (C. civ. art. 280-1). Ils s’obligent alors personnellement au paiement de cette prestation. Une telle décision exige l’unanimité.

À peine de nullité, l’accord doit être constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification au bénéficiaire de la prestation lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.

La pension de réversion le cas échéant perçue par le créancier de la prestation du chef de l’époux débiteur est déduite de plein droit de la rente maintenue par les héritiers. Sauf décision contraire du juge, cette déduction continue à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion ou voit ses droits modifiés (C. civ. art. 280-2).

Sur le plan fiscal, la valeur de capitalisation de la rente maintenue par les héritiers ne vient pas en déduction de l’assiette des droits de succession. Mais pour l’impôt sur le revenu, les héritiers pourront déduire leurs versements qui seront corrélativement imposables chez le bénéficiaire, selon les mêmes modalités que la rente initialement acquittée par l’ex-conjoint.

Les héritiers qui se sont personnellement engagés au paiement de la prestation bénéficient des actions ouvertes au débiteur de la prestation (C. civ. art. 280-1) :

  • en présence d’un capital échelonné, ils peuvent demander la révision des modalités de paiement du capital en cas de changement important dans leur situation ; ils peuvent aussi se libérer à tout moment du solde du capital indexé ;
  • en cas de rente viagère ou temporaire, ils peuvent demander sa révision, sa suspension ou sa suppression en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties ;
  • ils peuvent, à tout moment, demander au juge la substitution d’un capital à tout ou partie de la rente viagère ou temporaire.

B. Cas particulier : partage définitif de la succession du débiteur intervenu avant le 1er janvier 2005

Les héritiers qui ont accepté la succession doivent prendre à leur charge le paiement de la prestation compensatoire.

Si la prestation était sous forme de rente viagère, ils peuvent (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33, VI- al. 2 et 3, 33, VII et 33, X) :

  • demander la substitution à cette rente d’un capital, dans les conditions de l’article 276-4 du Code civil ;
  • en demander la révision, la suspension ou la suppression dans les conditions de l’article 276-3 du Code civil.

Les règles sont les mêmes s’agissant d’une rente temporaire, étant précisé que la révision de la pension ne peut pas conduire à prolonger la durée initiale de la rente, sauf accord des parties, ni à en augmenter le montant.

Pour les prestations compensatoires sous forme de capital échelonné, les héritiers peuvent demander la révision de ses modalités de paiement dans les conditions prévues par l’article 275 alinéa 2 du Code civil. Ils peuvent également se libérer à tout moment du solde du capital (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33, VIII et 33, X).

Les pensions de réversion versées du chef du conjoint décédé sont déduites automatiquement de la prestation compensatoire si le débiteur de la pension est décédé après l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000. Dans le cas contraire, la déduction de la pension ne peut être opérée que sur décision du juge saisi par les héritiers (Loi 2004-439 du 26-5-2004 art. 33, XI).

 

Sources :

  1. Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 11 juillet 2002, 00-20.639, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  2. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 14 décembre 2004, 02-20.334, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 décembre 2017, 16-25.256, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-11.979, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 juillet 2010, 09-66.186, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 12-29.653, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  7. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mai 2008, 07-14.232, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  8. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 décembre 2018, 17-27.518, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  9. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 novembre 2015, 14-20.383, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

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