La succession en France et en Allemagne
La succession, c’est-à-dire la transmission du patrimoine d’une personne décédée à ses héritiers, est régie par des règles juridiques qui varient d’un pays à l’autre.
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La France et l’Allemagne, deux États membres de l’Union européenne, présentent des similitudes, mais également des différences notables dans la gestion des successions, notamment en ce qui concerne la réserve héréditaire, le choix de la loi applicable et les droits du conjoint survivant.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (dit « Règlement Successions »(1), des règles communes s’appliquent également aux successions présentant un caractère international.
I. Le cadre européen : le Règlement (UE) n° 650/2012
Depuis le 17 août 2015, les successions présentant un élément d’extranéité (par exemple, une personne de nationalité française résidant en Allemagne ou inversement, ou possédant des biens dans plusieurs pays) sont soumises au règlement européen n° 650/2012. Ce texte vise à simplifier et à unifier la détermination de la loi applicable à la succession dans l’Union européenne, en instaurant une loi successorale unique pour l’ensemble de la succession, afin d’éviter le morcellement de la succession et la pluralité de juridictions compétentes.
A. Critère principal : la résidence habituelle du défunt
Le critère de détermination de la loi applicable à la succession est, en principe, celui de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès. Cette notion suppose « un lien étroit et stable avec l’État concerné.
La notion de résidence habituelle implique un lien étroit et stable avec l’État concerné, caractérisé notamment par la durée, la régularité, les conditions et les raisons de la présence du défunt dans cet État.
B. Exceptions et choix de loi (professio juris)
Dans certaines situations exceptionnelles (par exemple, expatriés alternant entre plusieurs pays, décès peu après l’installation dans un nouvel État), la loi de la résidence habituelle peut être écartée au profit de la loi de l’État présentant des liens manifestement plus étroits avec le défunt.
Par ailleurs, le défunt peut choisir la loi de l’un des États dont il possède la nationalité (professio juris), ce qui permet une certaine liberté de planification successorale.
C. Application universelle
La loi désignée s’applique à l’ensemble de la succession, qu’il s’agisse de biens immobiliers ou mobiliers, situés dans un ou plusieurs pays.
II. La succession en France
A. La réserve héréditaire
En France, la réserve héréditaire protège certains héritiers proches du défunt : les descendants (enfants, petits-enfants) ou, à défaut de descendants, le conjoint survivant. La réserve héréditaire est la part de la succession qui doit obligatoirement revenir à ces héritiers, le reste étant la quotité disponible dont on peut librement disposer.
Tableau récapitulatif : réserve héréditaire et quotité disponible en France
Nombre de descendants | Réserve | Quotité disponible |
---|---|---|
1 | 1/2 | 1/2 |
2 | 2/3 | 1/3 |
3 ou plus | 3/4 | 1/4 |
En l’absence de descendants, le conjoint survivant bénéficie d’une réserve d’un quart (C. civ., art. 914-1)(3).
La protection de la réserve est assurée par la technique de la réduction : si les libéralités (donations ou legs) excèdent la quotité disponible, elles sont réduites à la demande des héritiers réservataires.
B. Droits du conjoint survivant
Le conjoint survivant peut prétendre à une part de la succession, soit au titre de la réserve, soit au titre d’une quotité disponible spéciale (notamment en usufruit). Le conjoint survivant peut bénéficier d’une quotité disponible spéciale. En présence de descendants, les époux pourront opter soit pour le disponible ordinaire (1/2, 1/3 ou 1/4 en propriété), soit pour une quotité de 1/4 en propriété et de 3/4 en usufruit ou pour la totalité de l’usufruit (C. civ., art. 1094-1) (4).
C. Calcul de la réserve et action en réduction
La réserve est calculée à l’ouverture de la succession, après réunion fictive des biens donnés du vivant du défunt. L’action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès, ou dans les deux ans suivant la découverte de l’atteinte à la réserve, sans jamais dépasser dix ans.
III. La succession en Allemagne
A. Droit applicable
En Allemagne, comme en France, le règlement européen n° 650/2012 s’applique pour déterminer la loi successorale en cas de succession internationale. La loi de la dernière résidence habituelle du défunt s’applique en principe, sauf choix exprès d’une autre loi nationale par le défunt.
B. Réserve héréditaire (Pflichtteil)
Le droit allemand prévoit également un mécanisme de réserve héréditaire, appelé « Pflichtteil », mais celui-ci diffère sensiblement du système français tant dans son fondement que dans sa mise en œuvre.
En Allemagne, la réserve héréditaire ne garantit pas un droit de propriété directe sur une partie des biens successoraux, comme c’est le cas en France. Elle confère plutôt un droit de créance à certains héritiers réservataires : les enfants du défunt, le conjoint survivant, et, à défaut, les parents du défunt. Ces personnes ne deviennent pas copropriétaires des biens successoraux, mais peuvent réclamer une indemnisation en argent à hauteur de leur part réservataire, calculée selon leur vocation successorale légale.
Ce droit de créance peut être exigé même si le testateur a exclu ces personnes dans son testament. Ainsi, le testateur allemand conserve une large liberté de disposer de son patrimoine, mais les héritiers réservataires disposent d’un recours financier s’ils sont évincés ou désavantagés.
Ce système reflète une volonté de concilier liberté testamentaire et protection minimale des proches, tout en évitant les conflits de gestion liés au démembrement des biens successoraux.
C. Droits du conjoint survivant
Le conjoint survivant bénéficie d’une part successorale définie par la loi, qui peut être augmentée d’un quart en raison du régime matrimonial légal allemand (communauté différée des acquêts, « Zugewinngemeinschaft »). En cas de décès, si l’époux survivant est héritier il bénéficie : – indépendamment du régime matrimonial, d’une part successorale lui revenant en application du droit successoral de l’époux survivant (§ 1931 BGB) (5) ; – du fait du régime matrimonial légal allemand, d’une augmentation de la part successorale à hauteur d’un quart (§ 1371 (1) BGB) (6).
Cette augmentation a une nature successorale, ainsi que l’a jugé la CJUE, et relève donc du règlement européen sur les successions.
IV. Comparaison France – Allemagne
Aspect | France | Allemagne |
---|---|---|
Réserve héréditaire | Descendants et conjoint (à défaut de descendants) ; quotités définies strictement ; action en réduction | Pflichtteil : créance pécuniaire pour proches (enfants, conjoint, parents dans certains cas) |
Quotité disponible | Variable selon le nombre d’enfants (voir tableau ci-dessus) | Le reste du patrimoine, après paiement du Pflichtteil |
Droits du conjoint survivant | Réserve ou quotité disponible spéciale, usufruit possible | Part successorale majorée si régime légal allemand (augmentation de ¼) |
Loi applicable à la succession | Résidence habituelle ou professio juris (loi nationale) | Idem (règlement européen) |
Nature du droit des réservataires | Droit direct sur une part de la succession | Droit à une créance monétaire (Pflichtteil) |
V. Particularités fiscales et certificats successoraux
A. Fiscalité successorale
La fiscalité des successions diffère également entre la France et l’Allemagne, notamment quant aux abattements et aux taux applicables. De plus, la CJUE a jugé que certaines différences de traitement fiscal en cas de succession transfrontalière pouvaient constituer une violation du principe de libre circulation des capitaux.
Un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 63 TFUE en adoptant et en maintenant en vigueur des dispositions législatives selon lesquelles, lors de l’application des droits de succession et de donation en ce qui concerne un immeuble situé en Allemagne, il n’est accordé qu’un abattement moins élevé si le défunt, à la date de son décès, ou le donateur, à la date à laquelle il effectue la donation, et le bénéficiaire, à la date du fait générateur de l’impôt, résidaient dans un autre État membre, alors qu’un abattement considérablement plus élevé est octroyé si l’une au moins des deux parties résidait en Allemagne auxdites dates. (CJUE 4 septembre 2014 aff. 211/13, 3e ch., Commission européenne c/ République fédérale d’Allemagne) (7).
B. Certificat successoral européen
Le règlement européen a instauré le certificat successoral européen, destiné à permettre aux héritiers, légataires ou exécuteurs testamentaires de prouver leur qualité et d’exercer leurs droits dans tous les États membres.
Ce décret prévoit les adaptations procédurales nécessaires à la mise en œuvre du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, réformant le régime des successions transfrontalières, applicable depuis le 17 août 2015. Il tire les conséquences, d’une part, de la simplification de la procédure pour la reconnaissance – ou, le cas échéant, l’acceptation -, la déclaration de force exécutoire et l’exécution des décisions, des actes authentiques et des transactions judiciaires visés par le règlement (UE) du 4 juillet 2012, et, d’autre part, de la création du certificat successoral européen qui sera délivré, en France, par les notaires et facilitera la preuve de la qualité d’héritier dans tous les États membres, ainsi que la mise en œuvre des pouvoirs relatifs à l’administration de la succession.
Conclusion
La succession en France et en Allemagne est désormais largement encadrée par le règlement européen n° 650/2012, qui pose le principe d’une loi successorale unique fondée sur la résidence habituelle du défunt ou, sur option, sur la loi nationale. Malgré cette unification, des différences fondamentales subsistent, notamment dans la protection des héritiers réservataires, la quotité disponible, le rôle du conjoint survivant et la fiscalité applicable.
Il est essentiel, en présence d’éléments transfrontaliers, d’anticiper la question de la succession et, le cas échéant, de consulter un professionnel pour organiser au mieux la transmission du patrimoine conformément à la volonté du défunt et à la législation applicable.
SOURCES :
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0650
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043982288
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433720
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435800
- https://www.gesetze-im-internet.de/bgb/__1931.html
- https://www.gesetze-im-internet.de/bgb/__1371.html
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A62013CJ0211
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