Assurance vie et captation d’héritage

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Le contrat d’assurance vie est une convention par laquelle une personne (l’assureur), s’oblige envers une autre (le contractant, souscripteur ou stipulant), moyennant une prestation unique ou périodique (la prime), à verser au contractant lui-même, ou à un tiers désigné dans le contrat ou encore incertain (le bénéficiaire), une somme d’argent déterminée formant une rente ou un capital (l’indemnité), soit à une époque convenue si telle personne est encore vivante à ce moment, soit au décès de telle personne désignée (l’assuré).

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Le contrat d’assurance vie a pour principale caractéristique d’être hors succession, échappant ainsi aux droits de succession, au rapport dans l’actif successoral et aux potentielles réductions.

En outre, le souscripteur jouit d’une totale liberté quant à la désignation des bénéficiaires qu’il souhaite nommer dans l’assurance vie qu’il souscrit. Cette désignation s’effectue grâce à une clause bénéficiaire qui peut être modifiée à tout moment en cours de vie du contrat.

Le contrat d’assurance vie est fréquemment utilisé pour protéger une ou plusieurs personnes en cas d’accidents.

Cependant, il peut être utilisé aux fins de réaliser une donation indirecte et dans ce cas le contrat d’assurance vie est contestable.

I. Le régime de l’assurance vie

L’assurance vie est un contrat qui implique trois personnes. Il est conclu par le souscripteur qui verse une prime auprès d’un assureur et au profit d’un bénéficiaire qui recueillera les sommes garanties lors du décès du souscripteur.  L’assuré est celui sur qui pèse le risque : son décès déclenche le versement des sommes.

En cas de décès de l’assuré, c’est le bénéficiaire qui va obtenir ces capitaux. En effet, l’assuré doit désigner un ou plusieurs bénéficiaires. À défaut, une clause type est prévue qui désigne comme bénéficiaires le conjoint, les enfants et les héritiers.

Conformément aux articles L.132-12 et 13 du Code des assurances, l’assurance-vie est par principe hors succession. Elle bénéficie d’une exonération des droits de succession et peut donc être un moyen de transmettre son patrimoine à une personne en spoliant les droits de ses héritiers légaux puisque les sommes transmises n’entrent pas dans la succession.

Le stipulant peut cependant écarter cette règle :

  • Soit par une intégration volontaire explicite en rédigeant une clause bénéficiaire en ce sens ; cela permet de maintenir une égalité dans le partage entre les héritiers.
  • Soit par une intégration volontaire implicite en l’absence de désignation d’un bénéficiaire puisque dans ce cas l’article L132-11 du Code des assurances dispose que « Lorsque l’assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d’un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant. »

Par conséquent, les sommes de l’assurance vie ne sont pas intégrées dans la masse successorale ni dans la masse à partager et ne sont donc pas soumises aux règles de rapport et de réduction.

II. La contestation de l’assurance vie

En principe, l’assurance-vie étant hors succession, celle-ci n’est pas prise en compte dans le calcul de la réserve héréditaire.

La captation d’héritage consiste en manœuvres frauduleuses mises en œuvre par un tiers pour bénéficier d’une part ou de la totalité d’une succession. La captation peut notamment être réalisée par la souscription d’un contrat d’assurance-vie au profit de la personne malhonnête.

Ainsi, l’héritier qui soupçonne une captation d’héritage a la possibilité d’agir en justice puisque la modification de la clause bénéficiaire quelque mois avant le décès ou encore le montant manifestement excessif des primes versées pourra par exemple venir appuyer la demande des héritiers lésés.

Dès lors, la réintégration de l’assurance-vie à la succession est possible dans deux cas :

  • Lorsque les primes sont manifestement exagérées au regard des capacités du souscripteur ;
  • Lorsque l’assurance vie a été souscrite à un âge avancé du souscripteur et que les primes ont été requalifiées de donations indirectes.

A. Contestation en cas de prime manifestement exagérée

L’assurance vie ne sera rapportée à l’actif successoral que pour les primes manifestement exagérées. Cela a pour vocation d’éviter toute atteinte à la réserve héréditaire, laquelle étant la part des biens et droits successoraux revenant de droit aux héritiers réservataires.

Il s’agit des primes dont le caractère excessif au regard des facultés de l’assuré ont conduit à un appauvrissement de ce dernier.

L’appréciation de l’excès manifeste relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. La jurisprudence a donc permis de dégager plusieurs critères pour fixer le montant des primes.

Ainsi, les primes versées par le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur ; qu’un tel caractère s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci. (Cass. Civ 1er 19 mars 2014, RG 13-12.076)

  • Les revenus et le patrimoine du souscripteur :

Les juges font référence à ce critère. Les ressources s’apprécient toutes origines confondues. C’est le total qui est pris en compte.

Il sera également recherché si le souscripteur a réalisé des bénéfices exceptionnels qui justifieraient un investissement dans un contrat d’assurance-vie.

C’est au moment de la date de versement des primes qu’il convient de faire le calcul puisque l’excès manifeste « s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale » (Cass.2e civ., 16 avril 2015, RG 14-16.676).

  • L’utilité personnelle du contrat :

Le caractère exagéré des primes doit nécessairement prendre en compte l’utilité du contrat d’assurance-vie pour le souscripteur (Cass. Civ 1er 19 mars 2014, RG 13-12.076)

Par ce moyen, les juges veulent s’assurer que le contrat d’assurance-vie a bien été souscrit pour une mesure d’épargne-prévoyance.

Il peut s’agir de l’intérêt personnel du souscripteur souhaitant prévoir une épargne pour une période à venir au cours de laquelle les dépenses augmenteront ou les revenus diminueront.

Il peut également s’agir d’un projet pour sa famille, en particulier permettre lui permettre de subvenir à l’essentiel de ses besoins, en cas de disparition brutale et/ou prématurée de celui ou celle qui assume des charges du couple et des enfants.

Il peut également s’agir d’un projet pour sa famille en particulier qui lui permette de subvenir à l’essentiel de ses besoins, en cas de disparition brutale et/ou prématurée de celui ou celle qui assume les charges du couple et des enfants

  • L’intention du souscripteur :

Les tribunaux vont, en dernier recours, s’interroger sur la volonté réelle de celui qui a conclu un tel contrat d’assurance-vie.

Les dernières volontés, mais aussi les écrits, les témoignages, les échanges de courriers électroniques, produits par les avocats des parties au procès vont servir de moyen de preuve pour mettre en évidence ou anéantir la thèse de la fraude au droit des successions par le biais du contrat d’assurance-vie.

Par exemple, la jurisprudence a considéré qu’était exagérée une prime de 46 000 € (provenant de la vente d’un immeuble) versée par une personne disposant de 800 € par mois, car ce montant était insuffisant pour lui assurer ses frais de séjour en maison de retraite (Cass. 2e civ., 1er juill. 2010, RG 09-67.770). Et que de ce fait les primes devaient être réintégrées à la succession.

Dans un arrêt du 11 janvier 2023, la Cour d’appel de Paris constate qu’à la date de versement de chacune des primes, au regard de l’âge du souscripteur et de sa situation patrimoniale et familiale à la date de chacun des versements, le versement des primes correspond à une partie des sommes qu’il a reçues par voie successorale sans qu’il ait eu à effectuer des prélèvements sur ses revenus courants qui étaient suffisants pour assumer ses besoins quotidiens.

Il est également établi que le souscripteur avait toujours conservé les originaux des bons de souscription des contrats d’assurance-vie et qu’il avait déclaré expressément à la suite de la souscription des deux contrats d’assurance-vie litigieux, qu’il pourrait toujours y retirer de l’argent en cas de besoin.

Ainsi, la Cour d’appel de Paris considère que l’ensemble de ces éléments met en évidence qu’à la date de chacun des versements sur les contrats d’assurance-vie, les primes versées par le souscripteur ne présentaient pas un caractère manifestement exagéré au regard de son âge, de sa situation patrimoniale et familiale à la date de chacun des versements ainsi que de l’utilité des deux contrats pour celui-ci.

B. Requalification des primes en donations indirectes

La jurisprudence requalifie les contrats d’assurance-vie qui s’apparentaient à des donations rapportables, en ce sens que le souscripteur avait manifesté l’intention de se dépouiller irrévocablement de ces sommes d’argent investies.

Cela est rappelé dans un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 15 décembre 2022.

La Cour d’appel de NOUMÉA a appliqué ce raisonnement dans une affaire dans laquelle il a établi que le souscripteur se savait gravement malade et n’ignorait pas que son pronostic vital était compromis de sorte que le fait de souscrire une assurance-vie ou de changer la clause de bénéficiaire très peu de temps avant son décès qu’il savait inéluctable et proche, a été requalifié en donation rapportable. (CA, NOUMÉA du 13 septembre 2012, RG 11/00110)

Le contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. Dans ce cas présent, le défunt avait désigné le bénéficiaire de l’assurance vie seulement quelques jours avant son décès au détriment de ses héritiers, et alors même que 85 % de son patrimoine était déposé sur le contrat. (Cass Chambre mixte 21 décembre 2007, RG 06-12.769)

Ainsi, les héritiers pourront dans certains cas intenter une action contre la personne, qui par le biais du contrat d’assurance vie a bénéficié de tout le patrimoine ; ou contre l’enfant qui au détriment de ses frères et sœurs a été considérablement avantagé.

La principale conséquence est la réintégration dans l’actif successoral du défunt. Dans ce cas, l’héritier ne peut plus bénéficier du régime de faveur de l’assurance vie qui, rappelons- le, se situe hors succession.

 

SOURCES :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006792992
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006793004
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006793016
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026646809
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017739957
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028759555
  7. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAPARIS-11012023-22_02781?em=Cour%20d%27appel%20de%20paris%2C%20P%C3%B4le%204%20-%20Chambre%208%2C%2011%20janvier%202023%2C%20%2022%2F02781
  8. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAORLEANS-15122022-20_00638?em=Cour%20d%27appel%20d%27orleans%2C%20Chambre%20Civile%2C%2015%20d%C3%A9cembre%202022%2C%20%2020%2F00638

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