La négociation du contrat de révélation de succession
Qui n’a jamais rêvé d’apprendre qu’il était l’héritier d’une grande tante éloignée ?
Cette heureuse nouvelle peut cependant s’avérer plus complexe qu’elle n’y paraît. En effet, dans bien des cas, lorsqu’une succession s’ouvre sans que le défunt (appelé le de cujus) n’ait laissé d’informations sur ses héritiers, l’affaire est confiée au notaire le plus proche. Ce notaire devra alors réaliser des recherches afin de pouvoir clôturer la succession. Pour cela, il est fréquent de faire appel à un professionnel des recherches, tel un généalogiste.
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Le généalogiste aura alors la charge de réaliser une enquête minutieuse permettant de retrouver les descendants du défunt. Mais ce travail n’est pas gratuit et il n’appartient pas aux notaires de rémunérer les généalogistes. Ce professionnel proposera alors un contrat, appelé contrat de révélation de succession, à l’héritier identifié. Sa rémunération dépendra alors du montant de la succession. Une somme de contentieux s’est ainsi développée sur la rémunération de ces généalogistes, aux pratiques parfois discutables.
Il est ainsi intéressant de se pencher sur la négociabilité des contrats de révélation de succession (I), avant d’envisager l’échec des négociations et le recours à une voie contentieuse.
I. La négociation du contrat de révélation de succession
A – Le contrat de révélation de succession
Le contrat de révélation de succession est celui par lequel un généalogiste propose à une personne qu’il a identifié comme étant potentiellement héritière, de lui révéler cette succession, moyennant le paiement d’une somme d’argent. Souvent indexée sur le montant de la part qui revient à l’héritier.
L’objet principal du contrat est donc bel et bien la révélation à une personne de sa qualité d’héritière.
Malgré des tentatives parlementaires multiples, ce type de contrat n’a jamais été encadré par la loi. En effet, malgré de fortes revendications parlementaires en 2013, aucun texte n’avait été déposé. Ce n’est que le 15 septembre 2020 qu’a abouti une proposition de loi n° 3309 relative à la recherche d’héritiers (déposée par M. Jean-Christophe Lagarde, député de la Seine-Saint-Denis).
Cette proposition vise à mieux encadrer le travail de recherche d’héritiers en proposant un cadre juridique spécial, dérogatoire du droit commun des contrats. Plus encore, cette proposition a pour ambition de remédier à des pratiques qui ont pu être jugées comme abusives, notamment sur le plan de la rémunération.
Certains généalogistes demandant en effet à titre d’honoraires, 40 à 50 % de leur part aux héritiers, alors que la complexité de l’affaire n’était pas prouvée. Dans une recommandation n° 96‑03 du 20 septembre 1996 la Commission des clauses abusives avait même classé comme abusives nombre de clauses contractuelles usuelles en ce domaine.
Concrètement, la proposition vise à « encadrer la rémunération de la recherche d’héritiers en fixant un barème des honoraires des généalogistes reposant sur le degré de parenté, ainsi que sur le montant de la succession ». Une nouvelle disposition permettrait également aux notaires « d’adresser directement la part qui revient aux ayants droit ». Cela conduirait à plus de transparence et de fiabilité en matière de révélation de succession.
Ralentie par la crise liée au coronavirus Covid-19, la proposition de loi suit néanmoins son cours parlementaire en commission. Elle devrait être débattue dans le courant de l’année 2021 si l’agenda parlementaire le permet.
Elle n’a depuis pas encore été examinée, elle sera peut être débattue dans le courant de l’année 2023, si l’agenda parlementaire le permet.
Il n’en demeure pas moins qu’en attendant l’adoption de cette loi, les contrats de révélation de succession demeurent valables. À défaut de réglementation spéciale, le droit commun des contrats tel que modifié par une loi de 2018 demeure donc applicable.
B. La négociation des clauses du contrat de révélation de succession
La libre négociation des clauses du contrat de révélation de succession relève de la liberté contractuelle, principe à valeur constitutionnelle depuis une décision de 2013. Cette liberté découle, en droit positif, des articles 1101 et 1102 du Code civil (tel que modifié par l’ordonnance du 10 février 2016 n° 2016-131).
L’article 1101 dispose : « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». L’article 1102 complète le dispositif en prévoyant que « chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ».
Comme précisé plus haut, l’objet principal du contrat de révélation de succession est la révélation même de l’existence d’une succession à une personne que l’on suppose d’être héritière.
Pourtant, il apparaît que la négociation porte moins sur cette révélation, que sur la rémunération du généalogiste. En effet, la négociation de la rémunération apparaît comme un point cardinal.
Les généalogistes souhaitent obtenir un retour sur investissement pour des recherches qui sont parfois très longues. Cette rémunération recouvre en vérité deux aspects : des frais inhérents aux recherches plus des honoraires formant l’essence de la rémunération du généalogiste.
Ces rémunérations ne sont cependant pas réglementées et peuvent toujours être revues à la baisse. Il s’agit pourtant de cas marginaux, les héritiers contactés étant la plupart du temps, maintenus dans un flou quant au montant de la part qui leur revient et leur niveau d’hérédité. Il leur est ainsi très difficile d’évaluer le rapport entre la part qui revient à l’héritier et le montant de la rémunération du généalogiste.
Pourtant, des pratiques protectrices peuvent être mises en place pour éviter les écueils. Il faut notamment signaler la possibilité de demander un décompte précis des frais engagés, du temps exact passé sur l’affaire ainsi que la mention du degré de parenté avec le de cujus. Ces éléments pourront ainsi permettre à l’héritier présumé d’apprécier la rémunération du généalogiste au travail réellement fourni.
La proposition de loi N° 3309 va plus loin encore. Elle prévoit que le notaire aura la possibilité de révéler à l’héritier présumé le montant de la part en cause.
Cette information supplémentaire entrera nécessairement en balance lors de la négociation de la rémunération et permettra à l’héritier de mieux apprécier l’intérêt d’accepter le contrat de révélation de succession ou non.
Il faut ajouter au surplus que l’héritier présumé n’a jamais l’obligation de signer le contrat proposé par le généalogiste. Cette faculté dévolue à l’héritier peut permettre de faire pencher la balance en sa faveur afin de négocier, surtout lorsque le professionnel a engendré de nombreux frais de recherches.
En définitive, plusieurs points méritent une négociation attentive et il paraît nécessaire de demander le maximum d’informations au généalogiste soumettant un contrat de révélation de succession. En attendant le vote de la loi N° 3309 susmentionnée, il s’agit donc de porter une attention particulière à la période pré-contractuelle et de négociation.
Malgré toutes les précautions prises, il peut arriver qu’un contentieux s’élève entre les parties à un contrat de révélation de succession.
II. Le règlement des différends
Le règlement des différends en matière de contrat de révélation de succession peut être aimable ou à défaut, judiciaire.
A. Règlement amiable
Le règlement amiable doit être privilégié pour deux raisons. D’abord, depuis la réforme de la procédure civile applicable depuis le 1er janvier 2020, il est désormais obligatoire de recourir à une conciliation ou une médiation préalablement à toute action en justice, pour les litiges dont le montant est inférieur à 5000€.
Le non-respect de cette exigence constitue une cause d’irrecevabilité au sens de l’article 750-1 du Code de procédure civile.
C’est-à-dire que si l’héritier placé dans cette situation ne réalise pas ces précautions, il pourra se voir opposer une décision d’irrecevabilité par la juridiction. Il ne pourra ainsi plus agir et devra satisfaire à ses obligations contractuelles, le cas échéant.
Ensuite, une forme particulière de recours non juridictionnel peut être mise en œuvre dans un cas précis. En effet, dans le cas où le contrat de révélation de succession a été proposé à l’héritier à distance ou à son domicile, s’applique les dispositions particulières du droit de la consommation (article L221-18 du Code de la consommation).
L’héritier supposé est en effet considéré comme partie faible au contrat, le généalogiste étant lui qualifié de partie forte en sa qualité de professionnel. Les dispositions protectrices de l’article L221-18 du Code de la consommation permettent au consommateur de se rétracter du contrat conclu à distance. L’héritier dispose ainsi de 14 jours après « conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 221-4 ».
Il est important de noter que cette décision de rétractation n’a pas à être motivée et aucun surcoût ne pourra être appliqué du fait de la rétractation du consommateur. C’est ce que prévoit expressément l’article L221-18 du Code de la consommation.
Cette dernière disposition pourra paraître difficile à mettre en œuvre s’agissant d’un contrat de révélation de succession. En effet, ce type de contrat comporte un fort intuitu personae.
Les contractants ayant un lien relativement ténu du fait de l’objet même du contrat en cause. Il ne faut cependant pas hésiter à faire application de ces dispositions en cas de litige. L’aide d’un avocat peut être précieuse en ce domaine.
Il pourra vous aider et vous guider pour régler ce litige à l’amiable, de la manière la plus aisée et la moins coûteuse possible. Un avocat pourra notamment rédiger une mise en demeure d’avoir à réduire le montant d’honoraires abusivement élevés. Cette technique, utile dans la majorité des cas, trouve également ses limites. L’avocat n’ayant pas de moyens de coercition autre que de menacer le généalogiste d’un recours juridictionnel.
Il arrive cependant parfois que les mesures amiables ne suffisent pas pour régler un litige et il peut s’avérer nécessaire de saisir la justice.
B. Règlement judiciaire
Le règlement judiciaire du litige apparaît comme l’ultime solution pour parvenir à une résolution du litige consécutif à un contrat de révélation de succession. Plus complexe à mettre en œuvre, il ne faut pas en exclure le coût et le temps investi dans une procédure qui peut s’avérer complexe à gérer. D’où la recommandation de préférer un mode amiable de résolution du litige.
Comme explicité précédemment, le principal litige qui s’élève porte sur la rémunération du généalogiste. Une seule technique permet de conduire à obtenir une réduction d’honoraires abusivement élevée.
Il s’agit de l’appréciation par les juges du fond, du caractère manifestement abusif des honoraires du généalogiste. Bien connue en jurisprudence, cette notion de caractère manifestement abusif est appréciée souverainement par les juges du fond. Pour cela, les juges procèdent à un examen in concreto, c’est-à-dire en fonction de la situation de l’espèce.
Seront ainsi pris en compte : la difficulté de l’affaire, le temps passé à enquêter et à constituer le dossier généalogique, mais également le montant de la succession en cause. C’est ce que révèle un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 6 juin 2012.
Il faut en outre préciser qu’il ne s’agira pas simplement d’une réduction judiciaire du prix. Le prix de service du généalogiste sera pris en compte, mais uniquement pour en apprécier le caractère manifestement abusif.
Dans un arrêt du 30 juin 2022, la Cour d’appel de Paris a considéré que c’est à bon droit que le premier juge a réduit le montant de la rémunération de la société de généalogie, car le montant des honoraires demandés était excessif au regard du service rendu, de la nature et de l’importance des diligences accomplies. En effet, elle estime que le fait d’avoir dû remonter à des ancêtres nés à la fin du XIX ne suffit pas à caractériser une difficulté particulière dans les recherches.
Le fondement juridique retenu sera la nullité du contrat fondée sur l’absence de cause. La cause était une théorie juridique ancienne utilisée en droit des contrats. Elle se fonde sur la justification du contrat, sur sa cause.
Cette notion a disparu à l’occasion de la réforme du droit des contrats (loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016). Cependant, le nouveau droit des contrats reprend à son compte cette notion à l’article 1169 du Code civil. Cet article prévoit en effet que : « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ».
Cette notion de contrepartie illusoire ou dérisoire peut recouvrir deux cas en matière de contrat de révélation de succession.
Premièrement, cette notion peut être employée dans le cas où l’héritier était déjà connu par le notaire ou que celui-ci pouvait l’identifier facilement. Cet élément est encore une fois apprécié souverainement par les juges.
Deuxièmement, cela peut recouvrir le cas où l’héritier avait déjà connaissance de sa qualité d’héritier. Le travail du généalogiste n’avait dans ce cas aucun fondement et aucune « cause ». L’intérêt de contracter était nul pour l’héritier (Première Chambre civile, Cour de Cassation du 20 janvier 2010).
La Cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 12 mai 2022, déboute de ses demandes un cabinet de généalogie, car elle constate qu’il ne pouvait pas procéder à une révélation d’héritier puisque le notaire avait connaissance de l’identité et de la qualité héréditaire des filles du défunt. Le cabinet de généalogie n’a pu donc être saisi par le notaire que d’une simple recherche géographique des héritières, il a manqué à son obligation de bonne foi et ne peut ainsi pas se prévaloir du contrat de révélation de succession signé par les parties.
Ces deux possibilités permettent donc de rendre le contrat nul. L’héritier n’aura ainsi pas à régler les honoraires du généalogiste.
SOURCES
- Proposition de loi relative à la recherche d’héritiers N° 3309 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3309_proposition-loi
- Recommandation N°96-03 – Révélation de succession par les généalogistes : http://www.clauses-abusives.fr/recommandation/revelation-de-succession-par-les-genealogistes/
- Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036825602/
- Décision n° 2013−672 DC du 13 juin 2013 : https://actu.dalloz-etudiant.fr/fileadmin/actualites/pdfs/JUIN_2013/DC_13_juin_2013.pdf
- Ordonnance du 10 février 2016 n° 2016-131 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000032040777/2016-10-01/
- Article 1101 du Code civil : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000032040777/2016-10-01/
- Article 1102 du Code civil : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000032040777/2016-10-01/
- Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000039482395/2020-01-01/
- Article 750 du Code de Procédure civile : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039501708/
- Article L221-18 du Code de la consommation : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032226842/
- Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 6 juin 2012 n° 11-10.052 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025994521/
- Première Chambre civile, Cour de cassation du 20 janvier 2010 n° 08-20.459 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021731724/Cour d’appel de paris, Pôle 4 – Chambre 10, 30 juin 2022, n° 19/20271
- https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_PARIS_2022-06-30_1920271#
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAN%C3%AEmes-12052022-21_00696?em=Cour%20d%27appel%20de%20Nimes%2C%2012%20mai%202022%2C%20%2021%2F00696Cour d’appel de Nîmes, 12 mai 2022, n° 21/00696
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