Comment se sortir d’une succession bloquée?
« L’héritage. C’est sous ce vocable que le langage commun désigne, plus couramment, la succession » (1). La succession est un mode de transmission de bien à titre gratuit. Selon l’article 720 du code civil, la principale cause de l’ouverture de la succession est la mort.
Cependant, deux autres causes peuvent mener à l’ouverture d’une succession :
- L’absence prolongée d’une personne peut faire l’objet d’une déclaration «d’absence judiciaire », lorsque cette absence dure plus d’une décennie et cette déclaration permet l’ouverture d’une succession.
- Si une personne disparaît dans des circonstances dangereuses et que sa dépouille n’est pas retrouvée, tout intéressé peut demander au juge de prononcer son décès et de ce fait, on peut procéder à l’ouverture d’une succession.
L’article 720 du code civil précise que « les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ». Cet article ne pose pas uniquement la condition de l’ouverture de la succession mais également le lieu d’ouverture de la succession.
Ainsi, c’est le code civil qui régit le mécanisme de succession par ordre légal des héritiers sauf dans certains cas où le défunt peut avoir fait appel à un notaire. Ce dernier va s’occuper de la gestion de la succession en rédigeant le testament selon les dernières volontés de la personne mais aussi son exécution par la suite, en dressant un inventaire des biens, en établissant la liste des héritiers, ou encore en procédant à la déclaration de succession…
Une fois toutes ces modalités accomplies, il demeure aux héritiers de se prononcer sur leurs choix. S’offre à eux ce qu’on appelle « l’option successoral » qui leur permet soit une acceptation pure et simple de la succession et dans ce cas les héritiers perçoivent leurs parts mais sont tenus par l’obligation de payer les dettes du défunt. La seconde option est une acceptation à concurrence de l’actif.
Cette option consiste à percevoir son héritage mais demeurer dans l’obligation de payer les dettes du défunt à hauteur des biens perçus. La dernière option consiste à refuser la succession et dans ce cas, on ne perçoit rien et on n’a aucune obligation.
Comme nous l’avons vu précédemment, le notaire est investi de missions qui pourraient nous laisser croire, qu’il est maître en matière de succession mais certaines situations démontrent la limite de ses pouvoirs. Son rôle d’arbitre et son devoir d’impartialité vont limiter son pouvoir lorsque la succession est bloquée.
En effet, les successions sont souvent sources de conflits, et ce notamment au moment de la liquidation puisqu’elles peuvent aboutirent à des situations de blocage. C’est pourquoi il conviendra d’identifier les différents motifs qui peuvent paralyser une succession (I) avant d’étudier les différents mécanismes que le législateur a mis en place pour débloquer les situations (II).
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I. Les causes des blocages successoraux:
Dans les cas où il y a un seul héritier, les situations de blocages sont quasiment inexistant mais plus de nombre d’ayant-droit augmente, plus des situations complexes pouvant mener à un blocage successoral se révèlent. Le dictionnaire Larousse définit le blocage comme «une incapacité apparente et provisoire […] de réagir à une situation». Souvent l’usage du mot « blocage » pour qualifier une situation, suggère un caractère de temporalité. Cependant, lorsque l’on parle de blocages successoraux, le caractère provisoire de la situation n’est pas toujours évident. Les successions bloquées à cause d’un désaccord entre plusieurs héritiers sur un même bien constituent le cas le plus fréquent de blocage (B). Mais il existe également des pratiques frauduleuses qui peuvent conduire au blocage (A).
A) Les pratiques illégales
La première pratique illégale réprimée par l’article 778 du code civil est le recel successoral. Cette pratique frauduleuse n’est pas définie par le législateur mais par la jurisprudence. Il s’agit de «tout acte, comportement ou procédé volontaire par lequel un héritier tente de s’approprier une part supérieure sur la succession que celle à laquelle il a droit dans la succession du défunt et ainsi rompt l’égalité dans le partage successoral » (Cass. Civ. I, 15 avril 1890, 21 novembre 1955, 20 septembre 2006). »(3)
Aux côtés du recel, se trouve également l’abus de faiblesse. L’abus de faiblesse est défini par l’article 223-15-2 du Code pénal. Il s’agit de toute «exploitation de l’état d’ignorance, de vulnérabilité ou de sujétion psychologique ou physique d’une personne pour l’obliger à prendre des engagements, des décisions dont elle est incapable de mesure la portée»(4). Comme le rappelle la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 décembre 2014, ce délit a vocation à s’appliquer aux testaments.
Ces deux articles permettent de sanctionner la majorité des pratiques frauduleuse auxquelles les ayant-droits se livrent souvent.
B) L’indivision successorale
L’indivision «est le fait pour plusieurs personnes d’être propriétaires ensemble d’un même bien». Il s’agit donc de la situation où plusieurs ayant-droits héritent de biens qui appartiennent à l’ensemble des héritiers(5).
Lorsque le bien est indivis cela signifie que la jouissance ou la gestion de ce bien doit pouvoir profiter à tous les co-indivisaires. Toute décision concernant le bien en question doit être prise de manière unanime. Néanmoins, une indivision forcée est possible grâce à l’article 815-1 du Code civil qui permet d’établissement d’une convention d’indivision (6). Hors convention, depuis 2006, la loi a prévu quelques tempéraments. Par exemple certains actes peuvent être accomplis à la majorité des 2/3. En outre si un seul des héritiers veut profiter du bien, il doit verser une indemnisation aux autres héritiers après avoir recueilli leurs accords tout en respectant la destination du bien.
Lorsque les héritiers souhaitent procéder à la vente du bien et que l’un des héritiers exerce son droit de veto, cela va créer est une situation de blocage. Généralement, ce type de situation est fréquent lorsque la personne qui s’oppose à la vente occupe le bien à vendre.
Cette indivision peut être source de conflit entre les copropriétaires des biens. Il convient alors pour le bien de tous de procéder au partage de la succession.
II. Les modalités de déblocage d’une succession :
Avant de procéder à un recours catégorique devant les juridictions (B), les héritiers peuvent par l’intermédiaire d’un notaire ou d’un avocat aboutir à une solution amiable (A).
A) Les solutions à l’amiable
Selon l’article 815 du code civil « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention». Tout indivisaire peut donc demander le partage du bien indivis.
Cette solution s’offre aux co-indivisaires lorsqu’ils sont d’accord sur les modalités du partage. Ces derniers vont se concerter afin de constituer des lots et les répartir entre eux.
Selon l’article 835 du code civil, le partage lorsqu’il porte sur un bien meuble est un contrat consensuel et ne requiert aucune forme particulière. Mais lorsque le partage porte sur un immeuble, il est nécessaire de procéder par acte notarié.
A ce stade, une autre alternative peut être envisagée, celle du recours au mandat successoral. C’est la désignation d’un tiers pour la gestion du bien indivis dans ce cas, un acte sous seing privé est nécessairement établi par le notaire.
Après épuisement de toutes les voies de recours amiables, et si la situation demeure bloquée, il convient alors d’envisager l’action en justice.
B) Le partage judiciaire
Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention (Code civil, art. 815, al. 1er).
Lorsqu’un partage amiable s’avère impossible (refus d’un indivisaire ou contestations diverses), une procédure en partage judiciaire peut être engagée (Code civil, art. 840 à 842). Le tribunal judiciaire (le TGI avant le 1er janvier 2020) compétent ordonne le partage et désigne un notaire pour présider aux opérations de liquidation et de partage, établir un procès-verbal de difficultés en cas de contestation et dresser un état liquidatif soumis à l’homologation du tribunal.
Cette action en justice peut porter sur la désignation d’un mandat successoral judiciaire mais généralement elle porte sur le partage judiciaire.
Cela constitue donc l’ultime recours pour les co-indivisaires de voir enfin la situation se débloquer. Cette action en justice est une procédure lourde et longue. En matière de contentieux successoral, c’est le tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession qui est compétent.
Ce type de partage est dit égalitaire. Il existe deux conceptions du partage égalitaire, cela peut porter sur une égalité en nature et dans ce cas chaque héritier disposera du même bien que les autres héritiers ou une égalité de valeur.
La procédure consiste à la nomination par le juge d’un juge-commissaire qui à son tour va désigner un notaire. Sa mission consiste en la liquidation de la succession. Pour se faire, il devra évaluer les biens au jour le plus proche du partage puis constituer des lots afin de les transmettre aux héritiers. Si ces derniers contestent, le partage aura lieu par tirage au sort.
- C) L’attribution éliminatoire
L’attribution éliminatoire permet à certains des indivisaires de demeurer dans l’indivision alors même que l’un d’eux a demandé le partage (Code civil, art. 824). Au lieu du partage global, qui aurait fait cesser l’indivision à l’égard de tous les biens et de tous les indivisaires, le juge ordonne un partage seulement partiel qui ne fait cesser l’indivision qu’à l’égard du seul demandeur qui se fait attribuer sa part. Le partage partiel ainsi réalisé s’impose à tous les coïndivisaires (Cour de cassation, chambre 1e civile du 28-11-2007 n° 06-16.566 F-PB).
Le demandeur à la répartition sera définitivement alloti. Ainsi, le partage réalisé est toujours un partage partiel quant aux personnes.
Il peut également réaliser un partage partiel quant aux biens. En effet, l’article 824 prévoit seulement un allotissement au moyen d’une indemnité. Toutefois, cette modalité, introduite par la loi du 23 juin 2006, et qui correspond au principe suivant lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur » (Code civil, art. 826), ne saurait exclure une attribution en biens indivis. Si tel est le cas, les biens attribués sortent de l’indivision.
Le juge statue en fonction des intérêts en présence (Code civil, art. 824, al. 1).
Le juge, à qui il incombe d’apprécier les intérêts en présence, ne peut pas subordonner l’attribution éliminatoire à un accord des parties sur la valeur du bien indivis (Cour de cassation, chambre du 29-6-2011 n° 10-20.384 F-D). Il n’est pas systématiquement tenu d’ordonner une mesure d’expertise pour estimer la valeur des biens à partager (Cour de cassation, chambre du 20-5-2009 n° 08-14.536 FS-PB : RJDA 3/10 n° 305, décision rendue en application des dispositions antérieures à la loi du 23-6-2006, mais dont la solution est sur ce point toujours valable).
Sur la réponse à une demande en partage
L’attribution éliminatoire implique qu’une demande en partage ait été formulée. Elle est sollicitée dans deux cas :
– soit l’indivisaire demandant le partage se rabat en cours de procédure sur l’attribution éliminatoire, ses cohéritiers lui opposant le maintien dans l’indivision (Cour de cassation, chambre du 6-1-1987 n° 85-10.175 : Bull. civ. I n° 5) ;
– soit les autres héritiers s’opposent au partage et proposent cette attribution éliminatoire.
La jurisprudence a précisé qu’une demande d’attribution préférentielle s’analyse en une demande en partage et expose ainsi l’indivisaire qui en est l’auteur à une attribution éliminatoire en argent dès lors qu’elle porte sur des biens constituant l’actif indivis tout entier (pour une exploitation agricole constituant l’essentiel de l’actif successoral à partager : Cour de cassation, chambre du 15-5-2008 n° 07-13.179 F-PB : RTD civ. 2009 p. 151 obs. M. Grimaldi).
L’attribution éliminatoire peut être demandée lors du partage d’une indivision successorale conventionnelle (Cour de cassation, chambre du 3-12-2014 n° 13-27.627 F-PB : BPAT 1/15 inf. 18, Dalloz actualité 17-12-2014 obs. A. Cayol).
Le désistement de la demande en partage rend sans objet la demande de maintien en indivision avec attribution éliminatoire (Cour de cassation, chambre du 16-12-1986 n° 83-10.501 : Bull. civ. I n° 303).
Sources :
(1) Droit des successions – Anne-Marie Leroyer (Dalloz)
(2) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1199
2) http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/blocage/9873
(3)http://www.village-justice.com/articles/recel-successoral-definition,8615.html
(4) http://dictionnaire-juridique.jurimodel.com/Abus%20de%20faiblesse.html
(5) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1296
(6)https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006432680&cidTexte=LEGITEXT000006070721
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000017737957?tab_selection=all&searchField=ALL&query=06-16.566+&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024295294?tab_selection=all&searchField=ALL&query=10-20.384+&page=1&init=true https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020656330?tab_selection=all&searchField=ALL&query=08-14.536+&page=1&init=true https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020656330?tab_selection=all&searchField=ALL&query=08-14.536+&page=1&init=true https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007017998?tab_selection=all&searchField=ALL&query=85-10.175&page=1&init=true https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019083306?tab_selection=all&searchField=ALL&query=07-13.179+&page=1&init=true https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000029855704?tab_selection=all&searchField=ALL&query=13-27.627+&page=1&init=true https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007017829?tab_selection=all&searchField=ALL&query=83-10.501+&page=1&init=true
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