Comment attaquer un EHPAD : Procédure pénale ou civile ?

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Le rôle d’un EHPAD est de garantir la sécurité de ses pensionnaires. Il s’agit d’un public particulièrement vulnérable, qui nécessite souvent des soins, et pour lequel une surveillance accrue est nécessaire.

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La crise sanitaire née depuis 2020 a eu plusieurs impacts dans la société et surtout dans les services de santé et service à la personne. Pour ces derniers, plusieurs constats ont été fait notamment les décès en cascades qui auraient eu lieu dans divers établissements d’aides à la personne ou EHPAD.

En pleine première vague de l’épidémie de Covid-19, au printemps 2020, le gouvernement a autorisé le recours à des médicaments palliatifs habituellement interdits. Pour atténuer les souffrances des personnes âgées, le gouvernement avait autorisé le recours au Rivotril habituellement interdit. En six semaines, le constat fut amer avec des décès signalés de part et d’autre au sein des Ehpad ayant utilisé ce traitement.

De plus, en ce début d’année 2022, un scandale secoue le monde du troisième âge en l’occurrence le traitement des personnes âgées dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes dit (EHPAD).

En effet, dans « les fossoyeurs » dont Le Monde a publié le lundi 24 janvier des extraits, le journaliste indépendant Victor CASTANET décrit un système où les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont « rationnés » pour améliorer la rentabilité du groupe d’Ehpad privés Orpea, société anonyme à conseil d’administration, immatriculée sous le SIREN 401251566 et ayant comme président du conseil d’administration Monsieur Philippe CHARRIER(Société.com) (1).

Groupe privé français fondé en 1989 par le neuropsychiatre Jean Claude Marian, actif dans le domaine de la santé et de l’hébergement des personnes âgées, l’entreprise gère une chaîne d’Ehpad privés, de maison de retraite, de clinique de soins et de services à la personne sous forme d’aide à domicile (2).

Les coûts des séjours facturés s’élèvent à près de 6500€ par mois pour une chambre d’entrée de gamme à la résidence « les Bords de Seine » de Neuilly-sur-Seine, pointe ainsi l’auteur.

Or les maisons de retraite, même privées, bénéficient d’importants financements publics, de la part de l’Etat et des conseils départementaux, souligne le journaliste, pour qui « au moins de manière indirecte, une partie de cet argent public ne va pas au bénéfice des personnes âgées ».

« J’ai obtenu des témoignages selon lesquels ces dysfonctionnements trouvaient leur origine dans une politique de réduction des coûts mise en place à un haut niveau » de l’entreprise, a résumé Victor CASTANET auprès de l’AFP.

Une auxiliaire de vie, dont l’auteur a recueilli le témoignage, raconte par exemple à quel point elle devait *se battre pour obtenir des protections* pour les résidents.

Face à toutes ces révélations, une double enquête administrative et financière sur les pratiques du groupe de maison de retraite, la Ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, a annoncé que l’Etat portait plainte « au regard de dysfonctionnements graves » contre le numéro 2 français des maisons de retraite. Par ailleurs, l’Etat « exigera le remboursement des dotations publiques présumées détournées de leurs fins », a-t-elle poursuivi, interrogée sur France Inter.

Par ailleurs, de nombreuses familles ont saisi la justice à la suite de la médiatisation de la maltraitance dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Alors, quelles sont les procédures à envisager ?

 

I. Procédure devant les juridictions pénales

En justice, l’examen des responsabilités des EHPAD et de leurs dirigeants doit se faire au cas par cas. Si plusieurs décès peuvent être à déplorer, il est indispensable que les causes du décès de chacune des victimes soient individuellement traitées par la justice. Ce n’est qu’à travers un traitement au cas par cas qu’il sera possible de déterminer si un décès est la conséquence d’une négligence imputable ou non à la direction d’un établissement.

La responsabilité pénale des Ehpad peut être engagée sur le fondement de l’article 121-2 du Code pénal (« Les personnes morales […] sont responsables des infractions commises […] par leurs organes ou représentants »).

La Cour de cassation refusait d’ailleurs d’appliquer la responsabilité pénale des personnes morales dans des cas qui n’étaient pas expressément envisagés par le législateur (n°99-85.183). Mais depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, l’article 121-2 du Code pénal a été modifié, le législateur ayant supprimé les termes « et dans les cas prévus par la loi ou le règlement », ce qui fait disparaître le caractère spécial de la responsabilité des personnes morales et consacre son caractère général, principe en application depuis le 31 décembre 2005. Cette ouverture à la responsabilité des personnes morales a été très importante pour la recherche de la responsabilité des établissements de soins classiques ou encore, désormais, des EHPAD dans lesquels officient des professionnels de santé et qui voient a priori leur responsabilité fortement engagée dans un contexte de maltraitance des personnes âgées.

À la lumière des récentes révélations, l’homicide involontaire, la mise en danger de la vie d’autrui ou encore la non-assistance à personne en danger (art. 221-6, 223-1 et 223-6 du code précité) pourraient être invoqués (3).

Dans le passé, les plaintes déposées sur ces bases juridiques ont, toutefois, reçu un accueil mitigé. Certaines ont donné lieu à instruction et condamnation, parfois à des peines d’emprisonnement. En 2011, par exemple, le tribunal correctionnel de Bordeaux (33) a infligé quatre mois de prison avec sursis et 10 000 € d’amende pour maltraitance à une ex-directrice de maison de retraite.

Plusieurs personnels avaient témoigné de soins délivrés avec un manque d’hygiène ou accompagnés de violences. À Mâcon (71), en 2018, un agent hospitalier a été reconnu coupable de maltraitance. Il avait été filmé en train de gifler une pensionnaire atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais beaucoup de dossiers n’ont jamais abouti.

C’est le cas de la procédure ouverte, en 2008, par le parquet de Meaux (77), à la suite du reportage sur une structure francilienne diffusé dans l’émission « Les infiltrés » (France 2). On peut aussi citer les plaintes de familles de proches décédés du Covid en Ehpad qui n’ont donné lieu à aucune mise en examen.

En Janvier 2022, lors de son interview sur France inter, Bruno RETAILLEAU, Président du groupe LR au Sénat réclamait une « enquête pénale » sur les révélations incriminant le groupe Orpea.

Les avocats des parties civiles ou victimes ont commencé à recevoir des plaintes qui pourraient nécessiter des enquêtes préliminaires suite à la sortie du livre « les fossoyeurs ». Toutefois, comme le précise l’un des avocats Me Fabien ARAKELIAN “un certain nombre de plaintes classées sans suite sont en fait en lien avec le Covid et à la gestion du Covid mais encore une fois, il y a eu majoritairement des ouvertures d’enquêtes préliminaires et des informations judiciaires mais qui ont parfois nécessité de véritables parcours du combattant“.

Dans les colonnes du journal « LACROIX », Me Saldmann, spécialiste du droit pénal et du droit de la famille précisait : « pour Orpea, j’ai déjà plus de 150 signalements de familles. Pour Korian, on en était à une trentaine la semaine dernière. Mais je continue à recevoir des mails tous les jours. A ce stade, on peut dire qu’une centaine de plaintes seront déposées contre Orpea ». Elle précise par ailleurs, que ces plaintes groupes groupées seront déposées pour « homicides involontaires, non-assistance à personne en danger, mise en danger délibérée de la vie d’autrui ou violences par négligence » (4).

Lorsqu’on lui demandait si ces plaintes ont une chance de déboucher un jour sur une condamnation des groupes visés, elle répondait ceci « au pénal, les procédures sont toujours très longues. Pour certains dossiers de santé publique, il a fallu attendre dix ou quinze ans avant d’arriver à un procès », souligne Me Christophe Lèguevaques.

En ce qui concerne l’affaire Rivotril, il faut dire que c’est une benzodiazépine (c’est-à-dire un médicament à visée anxiolytique) utilisée dans l’épilepsie pour contrôler les convulsions. Selon la dose utilisée, il peut provoquer une sédation, c’est-à-dire endormir la personne, mais ce n’est pas sa première visée.

En novembre 2020, Me Fabrice Di Vizio mentionnait sur son compte Tweeter « La vérité est qu’une vaste enquête pénale est en cours et que les conditions d’utilisation du Rivotril ont été bien des fois plus que douteuses. Et que l’ordre des médecins ou les vertueux de la médecine disent l’inverse est à gerber ».

La crise sanitaire du Covid-19 est plus que jamais l’occasion de remettre au cœur de nos préoccupations nos aînés en mettant en lumière les carences d’un système qui exclut de la société et favorise la maltraitance des personnes âgées afin de les considérer de nouveau comme des citoyens à part entière et ainsi de rendre effectifs leurs droits et libertés.

 

II. Procédure devant les juridictions civiles

Les actions menées au civil sont plus rapides et davantage couronnées de succès. Ce que l’on recherche ici, c’est seulement une indemnisation (dommages-intérêts) du préjudice subi par les victimes ou, indirectement, par leur famille.

La responsabilité civile peut être mise en cause pour non-respect de dispositions du contrat. Orpea s’engage ainsi expressément à fournir un confort hôtelier, une restauration et des soins de qualité. Or, selon l’enquête de Victor Castanet, ces services n’auraient pas été vraiment rendus. Il est possible de soulever la responsabilité contractuelle (art. 1231-1 du Code civil).

La maltraitance ou le défaut de soin du pensionnaire sont aussi des faits dont le dommage (matériel ou moral) entraîne réparation. La famille pourrait par ailleurs se prévaloir d’un préjudice moral (souffrance d’avoir assisté au dépérissement du proche maltraité). Me Anne-Sophie Ramond conseille d’agir à la fois au pénal et au civil : « Les éléments obtenus dans l’une des procédures font en général progresser l’autre. »

 

III. Action de groupe

Plusieurs plaignants se regroupent. Cette procédure n’est pas exclusive des autres. Ils peuvent toujours agir individuellement (attention à la prescription, ici, de trois à six ans), puis se tourner vers une action collective. Les contractants directs de l’Ehpad ont la possibilité de donner mandat à une association, afin qu’elle exerce une action en représentation conjointe (art. L. 622-1 du Code de la consommation) au pénal ou au civil.

Quant à une éventuelle action de groupe que pourrait lancer une association agréée de consommateurs contre un ou plusieurs Ehpad, même si cette procédure fait partie de l’arsenal juridique français depuis 2014, elle semble hélas difficilement envisageable car n’étant pas applicable au périmètre des préjudices indemnisables dans le cadre du scandale des Ehpad.

Depuis 2021, des associations de patients et de familles ayant perdu des proches en Ehpad, pendant la première vague, ont engagé une action collective. Elles cherchent à obtenir des informations sur la gestion de la crise par les autorités de santé et notamment dans l’utilisation du traitement du « Rivotril ».

En définitive, il faut dire plusieurs plaintes sont soient encore en cours de traitement soient classées sans suite par les tribunaux

 

Sources :

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Orpea
  2. https://www.societe.com/societe/orpea-401251566.html
  3.  https://www.quechoisir.org/actualite-ehpad-comment-attaquer-en-justice-n98581/
  4. https://www.la-croix.com/France/Ehpad-plaintes-collectives-contre-Orpea-Korian-peuvent-elles-aboutir-2022-02-07-1201199035

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