Absence du décédé

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Généralement, les successions s’ouvrent par la mort de l’individu. Néanmoins, il existe d’autres causes, au-delà de la mort naturelle, qui permettent d’ouvrir la succession. Il arrive que le droit assimile des personnes disparues ou absentes à des personnes décédées.

La succession s’ouvre à la mort du défunt. Or la mort doit être constatée sur le cadavre selon des critères précis (absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée ; abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ; absence totale de ventilation spontanée ( art. R. 1232-1 du Code de la santé publique).

Dans certains cas, il n’est pas possible de procéder à ce constat, soit que le corps d’une personne certainement morte n’ait pas été retrouvé, soit que l’absence prolongée d’une personne rende probable la mort. Le droit a donc inventé deux procédures judiciaires pour faire constater la mort d’une personne relevant d’un de ces cas, la disparition et l’absence.

L’absence est définie d’une manière générale par l’état juridique d’une personne dont l’existence est rendue incertaine par sa disparition ou le manque de nouvelles ; cette incertitude a nécessité l’intervention du législateur afin de régler les difficultés d’ordre patrimonial et familial.

Dans cette hypothèse en effet, il est impossible de savoir si la personne est vivante ou décédée.

L’absence déclenche une procédure qui aboutit à un jugement ordonnant des mesures destinées à sauvegarder les droits éventuels de la personne disparue et à permettre à sa famille d’organiser la période de dix années pendant laquelle l’intéressé sera présumé disparu ; au terme de cette période, un jugement le déclarera juridiquement absent avec toutes les conséquences que cette situation comporte, notamment l’ouverture de la succession du disparu.

Cette procédure est constituée de deux étapes : la présomption d’absence et la déclaration d’absence.

La non-présence est la situation d’une personne qui, par suite d’éloignement, se trouve malgré elle hors d’état de manifester sa volonté. Cette non-présence est donc involontaire.

Lorsqu’elle est volontaire, et résulte d’un refus de se manifester, on parle, notamment dans la pratique notariale, de « taisant » : ainsi, un héritier appelé à une succession qui oppose un mutisme et une inertie irréductible en se taisant.

La disparition, enfin, s’applique à une personne ayant disparu dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, mais dont le corps n’a pas été retrouvé. Se fondant sur les circonstances de la disparition, on acquiert la quasi-certitude du décès qui permet d’obtenir rapidement, en vertu des articles 88 à 92 du Code civil, la déclaration judiciaire du décès.

Dans le cas de l’absence du décédé, l’ouverture et le règlement de la succession sont plus complexes.

I. La disparition

La disparition concerne la personne disparue « dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pu être retrouvé » (art. 88 alinéa 1 du Code civil) ou celle dont le décès est certain, mais dont le corps n’a pu être retrouvé (art. 88 alinéa 3 du Code civil).

Il s’agit par exemple des cas des disparitions suite à des catastrophes naturelles, des accidents d’avion, d’échouage de navires en mer, opération de guerre, incendie, etc…  La mort du disparu est très probable, voire certaine. Une déclaration judiciaire de décès peut être obtenue rapidement.

Une requête est présentée au Tribunal judiciaire du lieu de la disparition ou du domicile du disparu (article 89 du Code civil). Si le tribunal estime que le décès n’est pas suffisamment établi, il peut ordonner toute mesure d’information complémentaire et requérir notamment une enquête administrative sur les circonstances de la disparition.

La date du décès est déterminée en tenant compte des présomptions tirées des circonstances de la cause et, à défaut, au jour de la disparition (article 90 du Code civil). Le dispositif du jugement déclaratif est transcrit sur les registres des actes de l’état civil. Cette transcription tient lieu d’acte de décès ; elle est opposable aux tiers (article 91 du Code civil).

Le disparu est donc considéré comme mort à la date déterminée par le tribunal et c’est à cette date que sera ouverte la succession.

II. L’absence

A. Définition de l’absence

L’absence provient de l’incertitude quant à l’état de vie ou de mort de la personne. Cette question a été réglée par la loi n° 77-1447 du 28 décembre 1977 dont les dispositions sont insérées aux articles 112 à 132 du Code civil.

L’absence est la situation d’une personne dont on ne sait si elle est vivante ou morte, du fait qu’elle a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence et que l’on est resté sans nouvelles d’elle.

Quelle que soit la raison de l’absence, faute de certitude sur la situation de la personne qui ne donne plus aucun signe de vie, la question se pose de savoir ce qu’il doit advenir de son patrimoine.

Le dispositif légal repose sur deux phases successives. Dans la première, la présomption d’absence, l’absent est réputé toujours vivant : il s’agit alors essentiellement de protéger ses intérêts et ceux de ses proches.

Dans la seconde, la déclaration d’absence, l’écoulement du temps porte à croire que l’absent ne reviendra pas. Il convient alors d’en tirer toutes les conséquences en assortissant le jugement d’absence d’une supposition de mort et de protéger ceux qui restent (V. JCl. Civil Code, Art. 112 à 132, n° 1 à 12).

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Dans le cas de l’absence du décédé, l’ouverture et le règlement de la succession sont plus complexes.

B. La présomption d’absence

Lorsque la personne absente n’est pas retrouvée, malgré des recherches et des enquêtes, les intéressés (héritiers, créanciers, administration, ministère public) doivent faire constater judiciairement son absence.

Ces intéressés envoient une requête par courrier recommandé au juge des tutelles (article 1062 du Code de procédure civile), qui à son tour va faire reconnaître cette absence auprès du tribunal d’instance du lieu du domicile du disparu. La reconnaissance tiendra lieu de présomption d’absence.

Grâce à ce jugement, le juge peut prendre des mesures afin d’organiser la gestion des biens de l’absent, de ses intérêts et ceux de ses proches.

Le juge des tutelles peut également désigner une personne compétente (proche, membre famille ou tiers) pour représenter l’absent et exercer ses droits (article 113 du Code civil).

Comme le rappellent les juges de la Haute juridiction française dans un arrêt en date du 17 mars 1987, le juge des tutelles dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation dans la désignation de la personne chargée de représenter le présumé absent et d’administrer ses biens. Il peut, dans l’intérêt de ce dernier, procéder à la désignation d’un tiers, aucune priorité n’étant d’office accordée aux membres de la famille.

Ce système de représentation de l’absent fait l’objet des mêmes mesures de protection que celles prises à la faveur de l’incapable majeur (article 1063 du Code de procédure civile).

À ce stade de la procédure d’absence du décédé, l’absent est toujours considéré comme vivant, l’article 725, alinéa 2 du Code civil précise en effet : « Peut succéder celui dont l’absence est présumée selon l’article 112 ».
La présomption d’absence est, tout de même, portée en marge de son acte de naissance.

C. La déclaration d’absence

Si aucune preuve de l’existence ou du décès du présumé absent n’est révélée, la présomption d’absence débouche sur la déclaration d’absence proprement dite.

Alors que la présomption d’absence est une phase d’attente, la déclaration d’absence déclenche des solutions beaucoup plus radicales, puisqu’elle équivaut à une véritable déclaration de décès, se rapprochant en cela de la déclaration judiciaire de décès applicable aux disparus.

Il ne s’agit donc plus ici d’assurer la protection de l’absent dont on présume qu’il est en vie, mais d’organiser la liquidation de ses intérêts, puisqu’on présume dorénavant qu’il est mort.

Les conditions restrictives de la déclaration s’expliquent par la rigueur de ses effets.

Lorsque les conditions de la déclaration sont réunies, la présomption ne se convertit pas automatiquement en déclaration d’absence. Celle-ci doit toujours être demandée en justice.

L’absence ne peut être déclarée qu’à l’expiration d’un délai :

  • de dix ans après la décision constatant la présomption d’absence soit en vertu de l’article 112 du Code civil, soit, occasionnellement, par le biais des articles 217, 219, 1426 ou 1429 dudit code ;
  • de vingt ans depuis la disparition ou les dernières nouvelles, à défaut de constatation de la présomption, ce qui pourrait se produire si la nécessité de la constatation ne s’était pas faire sentir, par exemple parce que l’absent avait laissé une procuration suffisante pour gérer ses biens (Code civil, article 122).

L’écoulement des délais ci-dessus est une condition nécessaire, mais non suffisante pour que l’absence soit déclarée. En effet, le juge conserve sa liberté d’appréciation et doit statuer d’après les pièces et documents produits, et eu égard aux conditions de la disparition, ainsi qu’aux circonstances qui peuvent expliquer le défaut de nouvelles (Code civil, article 124).

Le tribunal compétent est le tribunal judiciaire du domicile ou de la dernière résidence de l’absent, ou, à défaut, du domicile du demandeur (CPC, art. 1066).

La demande peut être présentée dès l’année précédant l’expiration des délais ci-dessus (Code civil, article 125). La demande est formée, instruite et jugée comme en matière gracieuse.

Ont qualité pour demander la déclaration d’absence outre le ministère public, toutes les parties intéressées (Code civil, article 122), c’est-à-dire bénéficiaires d’un droit sur le patrimoine de l’absent subordonné au décès de celui-ci.

Des extraits de la demande sont publiés dans deux journaux du département ou, à défaut, du pays du domicile ou de la dernière résidence de l’absent. Toutes autres mesures de publicité peuvent être ordonnées (Code civil, article 123, al. 1 et 2).

Afin de rendre opposable aux tiers la situation d’absence, les extraits de la demande sont publiés dans deux journaux du département ou, à défaut, du pays du domicile ou de la dernière résidence de l’absent. Toutes autres mesures de publicité peuvent être ordonnées (Code civil, article 123, al. 1 et 2).

Ces mesures de publicité sont assurées par le requérant (Code civil, article 123, al. 3).

Le tribunal judiciaire compétent ne procède pas d’emblée à l’examen de la demande qui doit, auparavant avoir fait l’objet de cette publicité. Le jugement déclaratif d’absence est rendu au minimum un an après la publication des extraits de la requête introductive (Code civil, article 125).

Ce jugement est soumis à la même publicité que la requête, dans le délai fixé par le tribunal, qui ne peut excéder six mois à dater du jugement. À défaut, la décision est réputée non avenue (Code civil, article 127, al. 1. – CPC, art. 1068).

D. Le retour de l’absent

  • Avant la déclaration d’absence

Conformément à l’article 118 du Code civil, lorsque l’absent se manifeste, il est, sur sa demande, mis fin par le juge aux mesures prises pour sa représentation et l’administration de ses biens. Ce n’est que si le juge des tutelles estime que le présumé absent est en capacité de pourvoir seul à ses besoins et d’administrer son patrimoine, qu’il pourra recouvrer « les biens gérés ou acquis pour son compte durant la période de l’absence ».

La réapparition de l’absent interrompt alors le délai de 10 ans au terme duquel la déclaration d’absence était susceptible d’intervenir. La requête aux fins de déclaration d’absence est par conséquent réputée non avenue (Code civil, article 126).

  • Après la déclaration d’absence

Jugement d’annulation – Une fois l’absence déclarée, il faut poursuivre un jugement d’annulation de cette déclaration, auprès du tribunal qui l’a prononcée. Ont qualité pour agir toute partie intéressée (dont l’absent lui-même) et le ministère public (TGI Chaumont, 20 janv. 2011, n° 11/00024 : JurisData n° 2011-022355 ; Dr. famille 2011, comm. 174).

Le jugement d’annulation est soumis aux mêmes mesures de publicité que la décision annulée. Cette publicité est assurée sans délai (Code civil, article 129, al. 3). La méconnaissance de ces mesures entraîne l’inopposabilité du jugement d’annulation aux personnes de bonne foi.

Recouvrement des biens – L’absent dont l’existence est judiciairement constatée recouvre ses biens, ceux qu’il aurait dû recueillir, le prix de ceux qui ont été aliénés ou les biens acquis en remploi des capitaux ou des revenus échus à son profit (Code civil, article 130).

A contrario, et sauf l’hypothèse de fraude visée ci-après, les revenus non capitalisés, c’est-à-dire dépensés par les héritiers, sont conservés par les héritiers.

L’absent recouvre ses biens dans l’état où ils se trouvent, c’est-à-dire, le cas échéant, grevés des hypothèques et des servitudes existantes.

Cas de fraude – Toute personne qui a provoqué par fraude une déclaration d’absence sera tenue de restituer à l’absent dont l’existence est judiciairement constatée les revenus des biens dont elle aura joui, de lui verser les intérêts légaux depuis le jour de leur perception, sans préjudice de dommages-intérêts complémentaires.

Si l’auteur de la fraude est le conjoint, l’absent sera recevable à attaquer la liquidation du régime matrimonial dissous par suite de la déclaration d’absence (Code civil, article 131).

Mariage – En cas de réapparition postérieure à la déclaration d’absence, le mariage de l’absent reste dissous (Code civil, article 132).

SOURCES :

https://www.simplifia.fr/info/administratif/cas-particuliers/disparition-et-absence
Succession donations protégez vos proches – Que Choisir – Mars 2015
L’essentiel du droit des successions – Les carrés – Corinne Renault-Brahinsky
http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/absence.php
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000006421846/1978-03-31/#:~:text=Article%20131,-Création%20Loi%20n&text=Si%20la%20fraude%20est%20imputable,d%27absence%20aura%20mis%20fin.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000039380844/2020-01-01/ https://www.lappelexpert.fr/question-juridique/civil/le-retour-de-l-absent
Les indispensables du droit des personnes (2017), pages 235 à 237, Fiche 36. L’absence et la disparition- Géraldine Delavaquerie
Répertoire de droit civil « Absence – Disparition » – Florence LAROCHE-GISSEROT – Janvier 2016 (actualisation : Juillet 2022)

L’absence: régime juridique

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