La succession en France et en Angleterre
La succession, ou transmission du patrimoine d’une personne décédée à ses héritiers, obéit à des règles très différentes selon les pays. En France comme en Angleterre, la succession est une étape juridique essentielle, mais les principes qui la régissent varient considérablement.
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Le régime successoral en Angleterre se distingue fondamentalement du droit français par son approche libérale fondée sur la liberté testamentaire. Ce principe central permet à toute personne de disposer librement de son patrimoine après son décès, sans être juridiquement contrainte de transmettre une part minimale à ses héritiers proches (enfants, conjoint). Ainsi, un testateur peut légitimement choisir de favoriser un tiers, de désavantager ses descendants ou même de les exclure totalement de sa succession.
Cet article compare les régimes successoraux français et anglais en mettant en lumière leurs différences fondamentales.
I. Principes généraux de la succession en France
En France, la transmission du patrimoine au décès d’une personne est régie par des règles strictes, fondées sur la « dévolution légale de la succession ». En l’absence de testament, la loi désigne les héritiers selon un ordre successoral précis. Ce système, qui repose principalement sur l’ordre et le degré de parenté, accorde la priorité à certains héritiers sur d’autres, en fonction des liens de parenté avec le défunt. Les mécanismes de la représentation et de la fente peuvent venir corriger ce classement selon certaines circonstances spécifiques.
La loi instaure un classement entre les parents d’une personne décédée susceptibles d’en hériter. Elle accorde priorité à certains sur les autres, en fonction des préférences affectives que le législateur prête à tout individu moyen. C’est la dévolution légale. Les principes directeurs de la dévolution successorale sont l’ordre et le degré. Cependant, dans certains cas, deux mécanismes correcteurs viennent infléchir le classement par ordre et par degré.
La dévolution successorale distingue plusieurs situations :
- En l’absence de conjoint survivant : Les héritiers sont classés en quatre ordres (descendants, ascendants privilégiés et collatéraux privilégiés, ascendants ordinaires, collatéraux ordinaires) selon l’article 734 du Code civil (1). Chacun de ces ordres exclut les suivants.
Les héritiers sont classés en quatre ordres selon l’article 734 du Code civil, chacun excluant les ordres suivants : — les descendants : enfants, petits-enfants, etc. ; — le père et la mère (dit ascendants privilégiés) et les frères et sœurs et leurs descendants (dits collatéraux privilégiés). En l’absence de descendant, le père et la mère reçoivent chacun un quart de la succession ; les frères et sœurs se partageant l’autre moitié. Si le défunt ne laisse qu’un ascendant privilégié, les frères et sœurs reçoivent les trois quarts. S’il n’en laisse aucun, ils reçoivent la totalité ; — les ascendants ordinaires : grands-parents, arrière-grands-parents, etc. ; — les collatéraux ordinaires jusqu’au sixième degré inclus ; — à défaut de testament ou de parents jusqu’au sixième degré, la succession revient à l’État, hypothèse aujourd’hui très exceptionnelle.
- En présence d’un conjoint survivant : Le conjoint non divorcé bénéficie de droits sur la succession selon la composition de la famille (présence ou non de descendants, enfants communs ou non, présence des parents du défunt, etc.). Les droits du conjoint survivant sont précisés par les articles 757 et suivants du Code civil (2), et comprennent notamment le choix entre l’usufruit de la totalité de la succession ou le quart en pleine propriété en présence d’enfants communs, et un quart en pleine propriété en présence d’enfants non communs.
Pour les successions ouvertes depuis le 1 er juillet 2002, les droits du conjoint survivant s’établissent comme :
— en présence d’enfants ou de descendants communs exclusivement, le conjoint a droit, à son choix :
- soit à la totalité de la succession en usufruit,
- soit au quart de la succession en toute propriété ;
— en présence d’au moins un enfant ou descendant qui n’est pas issu des deux époux, le conjoint a droit à un quart en toute propriété ; — en l’absence de descendant, le conjoint reçoit :
- la moitié de la succession s’il est en concours avec le père et la mère du défunt, • les trois quarts de la succession en présence seulement du père ou de la mère du défunt,
- la totalité de la succession si le père et la mère sont prédécédés. Toutefois, dans ce dernier cas, les frères et sœurs du défunt (ou leurs descendants) ont droit à la moitié des biens que le défunt a reçue par donation ou succession de leur parent commun et qui se retrouvent « en nature » dans la succession selon l’article 757-3 du Code civil (3) ;
— en outre en toutes circonstances, le conjoint bénéficie :
- d’un droit d’usage gratuit de son habitation et du mobilier la garnissant pendant un an à compter du décès, droit dont il ne peut être privé par le défunt
- d’un droit d’usage gratuit de son habitation et du mobilier la garnissant jusqu’à son décès, droit dont il ne peut être privé que par le défunt par un testament authentique.
- La réserve héréditaire : La France protège les héritiers réservataires (descendants principalement, parfois le conjoint) en leur attribuant une part minimale du patrimoine, la « réserve héréditaire », qui limite la liberté de testation du défunt.
Selon les termes de l’article 914-1 du Code civil (4), il est héritier réservataire à défaut de descendant et d’ascendant, car les libéralités, les donations, les legs et les institutions contractuelles ne peuvent pas excéder les trois quarts des biens.
II. Principes généraux de la succession en Angleterre
Le système anglais de succession diffère notablement du système français.
Il se caractérise par :
- La liberté testamentaire : En Angleterre, le principe fondamental est la liberté de disposer de ses biens par testament. Il n’existe pas, en droit interne, de réserve héréditaire comparable à celle du droit français ; le testateur peut donc, sous réserve de certaines exceptions (Family Provision), déshériter totalement ses enfants ou son conjoint
- Succession ab intestat (sans testament) : En l’absence de testament, la dévolution des biens suit l’Intestacy Rules, qui établit une hiérarchie des ayants droit (conjoint survivant, enfants, autres parents proches, etc.). Cependant, contrairement au régime français, ces règles ne prévoient pas la protection d’une réserve héréditaire pour les enfants ou le conjoint.
- Family Provision Act : La loi anglaise permet néanmoins à certains proches (conjoint, enfants, personnes à charge) de contester un testament et de demander à un juge de leur attribuer une part de la succession si le défunt ne leur a pas laissé un soutien raisonnable. Toutefois, il ne s’agit pas d’une réserve automatique mais d’une protection judiciaire sur demande.
III. Comparaison des régimes successoraux
Aspect | France | Angleterre |
---|---|---|
Réserve héréditaire | Oui, au profit des descendants (et parfois conjoint) | Non, liberté quasi totale du testateur |
Succession ab intestat | Dévolution légale stricte par ordre et degré | Intestacy Rules, hiérarchie des ayants droit |
Possibilité de déshériter | Non (pour les héritiers réservataires) | Oui, sauf recours possible des proches auprès du juge |
Protection du conjoint | Droits successoraux précis, part variable | Droit à une part selon l’Intestacy Rules ou recours |
Fiscalité | Impôt sur la part de chaque héritier | Estate duty sur l’ensemble de la succession |
IV. Successions franco-anglaises et droit international privé
Depuis le 17 août 2015, le règlement européen n° 650/2012 (5) (dit « règlement Successions ») s’applique à la plupart des successions internationales impliquant un ressortissant ou des biens situés dans l’Union européenne, à l’exception notable du Royaume-Uni qui n’est pas partie à ce règlement. Ce texte offre notamment la possibilité au défunt de choisir la loi nationale applicable à l’ensemble de sa succession.
Le règlement n° 650/2012/UE du 4 juillet 2012 relatif à la compétence (6) , la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, ci-après dénommé « règlement Successions » (…), va transformer complètement, pour les successions qui s’ouvriront à partir du 17 août 2015, le droit international privé des successions dans les États membres de l’Union européenne, en particulier celui de la France. (…). Écartant l’indisponibilité de la règle de conflit, il va autoriser dans certaines limites le futur défunt à choisir la loi appelée à régir sa succession.
Le règlement européen n° 650/2012 a révolutionné le droit international privé des successions. Compétence juridictionnelle – En matière de compétence, le règlement offre une compétence générale aux juridictions de l’État de la résidence habituelle du défunt. Il n’est plus possible d’utiliser les règles internes de compétence. Le juge français ne pourra être compétent en matière successorale que si sa compétence est fondée sur les dispositions du règlement européen. Loi applicable – La révolution est particulièrement importante en ce domaine. Tout d’abord, en offrant la possibilité d’organiser sa succession à travers la professio juris, qui permet de choisir la loi applicable à sa succession (art. 22) ; choix, toutefois, limité à la loi nationale de l’intéressé.
En revanche, le Royaume-Uni a choisi de ne pas participer au règlement. Ainsi, les successions impliquant la France et l’Angleterre sont soumises à un régime complexe, dans lequel il est essentiel de distinguer :
- La localisation des biens (meubles, immeubles)
- La nationalité et la résidence du défunt
- L’existence ou non d’un testament et le choix de loi applicable
Il peut ainsi arriver que la loi française s’applique à certains biens situés en France tandis que la loi anglaise s’applique à d’autres biens situés outre-Manche, selon les règles de conflit de lois respectives.
V. Fiscalité successorale comparée
En France, les droits de succession sont calculés sur la part recueillie par chaque héritier, selon un barème progressif et des abattements qui dépendent du lien de parenté. En Angleterre, c’est l’ensemble du patrimoine successoral (estate) qui est imposé (estate duty), avec des abattements et un taux d’imposition qui s’applique sur le total de la succession avant répartition entre les héritiers. Les abattements et exonérations sont également différents, notamment pour le conjoint survivant qui bénéficie d’une exonération totale au Royaume-Uni.
VI. Conclusion
La France et l’Angleterre offrent deux modèles de succession très différents : l’un fondé sur la protection des héritiers réservataires et une stricte hiérarchie légale, l’autre sur la liberté testamentaire, tempérée par la possibilité d’intervention judiciaire en faveur des proches. Dans un contexte international, il est essentiel d’anticiper les conséquences successorales et fiscales, notamment par la rédaction d’un testament conforme aux règles des deux pays et en tenant compte des conventions internationales et des règlements européens lorsque ceux-ci sont applicables.
SOURCES :
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430952
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431087
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431238
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433720
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0650
- https://www.lexbase.fr/texte-de-loi/reglement-ue-n-6502012-du-parlement-europeen-et-du-conseil-04072012-relatif-a-la-competence-la-loi-a/L8525ITW.html#
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