Pour quelles raisons peut-on contester un testament ?
Dans de nombreux cas, des héritiers peuvent se trouver face à un testament qu’ils souhaiteraient contester parce qu’ils se sentent lésés, ou bien parce que le formalisme imposé n’a pas été respecté.
Pareillement, de nombreuses personnes peuvent s’estimer lésées par la répartition de l’héritage quand d’autres peuvent considérer que les dernières volontés du défunt ne sont pas respectées.
C’est, en effet, que la matière successorale est propice au conflit en ce qu’elle condense des intrants financiers, patrimoniaux et familiaux. Les raisons permettant de contester un testament peuvent être diverses et variées. Une telle contestation a pour effet de geler la succession jusqu’au règlement du litige.
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Dans la majorité des cas, les contestations fondées sur le testament ou la répartition du patrimoine apparaissent après l’ouverture de la succession, c’est à dire au moment indiqué par l’article 720 du Code civil : « les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ». Une fois la succession ouverte, le notaire est seul compétent pour régler et administrer la succession et les opérations de partage.
Dans ses mains se trouve donc la succession, qui, lorsque des contestations apparaissent, demeure gelée, et donc insusceptible de clôture. Il faut savoir que les fondements permettant de contester un testament varient selon le type de testament, qu’il soit olographe, mystique ou authentique. Il existe, cependant, des points communs à chacun de ces testaments, qui permettent des actions similaires pour chaque type de testament.
Différentes possibilités de contestation se profilent, car chacun de ces testaments répond à des conditions de fond et de forme différentes. Toutefois, l’article 901 du Code civil énonce un principe général selon lequel il faut être sain d’esprit pour faire une libéralité. Il s’agit ici d’une disposition d’ordre public de protection, qui vise à réprimer les atteintes aux personnes souffrant d’une altération physique ou mentale et à la sécurité des conventions.
Par ailleurs, selon ce même texte, la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence. À cet égard, la jurisprudence a considéré qu’un médecin peut s’affranchir du secret professionnel pour produire une attestation sur l’état mental d’un patient, afin que l’héritier lésé puisse savoir si au jour du testament, son auteur était « sain d’esprit ». (Cass. 1re civ., 8 mars 2005).
Une telle position avait déjà été retenue dans l’affaire Duret : « à peine d’empêcher l’héritier qui doit prouver l’état de démence de son auteur de faire valoir ses droits, il ne peut être imputé aux juges d’avoir violé les règles du secret professionnel lorsqu’ils ont tenu compte des constatations des médecins relatives а la maladie mentale dont le testateur était atteint » (Civ. 1re, 26 mai 1964 (affaire Duret): D. 1965. 109, note Le Bris ; (affaire Laforest): JCP 1964. II. 13 751, concl. Lindon; RTD civ. 1965. 162, obs. R. Savatier).
Les deux cas de figure développés dans ces propos préliminaires pourront être envisagés pour la contestation d’un testament olographe ou d’un testament authentique. Ces deux formes sont les plus usitées en pratique, le testament mystique et la forme du testament international étant plus restreints. Nous nous concentrerons donc essentiellement sur les contestations fondées sur ces deux premières formes.
I. RAISONS POUR CONTESTER UN TESTAMENT LIÉES AUX CONDITIONS DE FORME DU TESTAMENT
Selon l’article 969 du Code civil, plusieurs formes de testament coexistent : « un testament pourra être olographe ou fait par acte public ou dans la forme mystique ». Nous nous attarderons sur les deux formes les plus utilisées en pratique : les testaments olographe et mystique. Le testament olographe est un testament de seing privé : il est rédigé par le défunt et est conservé en lieu sûr jusqu’à sa mort.
C’est alors au moment du décès que le document va produire des effets. Toutefois, plusieurs conditions doivent être réunies pour que le testament soit valide. Si celles-ci ne sont pas réunies, il sera possible d’envisager une contestation. Ainsi, il faut que le testament soit entièrement rédigé de la main de la personne défunte.
Celle-ci doit également dater et signer son document. L’article 970 du Code civil dispose, en effet : « Le testament olographe ne sera point valable, s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur: il n’est assujetti а aucune autre forme ».
Cela est rappelé dans un arrêt de la Cour d’appel de Dijon du 1er août 2023.
Dans le cas où ces trois conditions de forme ne seraient pas réunies, il est possible de contester le testament. Il est intéressant ici de souligner que dans le doute, une analyse graphologique peut être menée sur le testament afin d’en certifier l’écriture. (Cour d’appel de Douai, 20 mars 2014, n ° 210/2014).
À cet effet, les juges ont pu prononcer la « nullité du testament dont un rapport d’expertise établit qu’il n’a pas été entièrement écrit de la main du testateur » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 20 septembre 2006, 04-20.614, publié au bulletin).
En outre, la jurisprudence rejette la forme des testaments dactylographiés : « un document dactylographié ne peut être tenu pour un testament olographe valable, nonobstant la mention manuscrite apposée par le testateur au pied des feuillets numérotés, daté et signé » (Civ. 18 mai 1936: DH 1936. 345, rejetant le pourvoi formé contre – Aix-en-Provence, 29 févr. 1932: DP 1932. 2. 47, note Lalou. – Dans le même sens : Civ. 1er mars 1961: JCP 1961. II. 12 271, note Tarabeux).
En outre, en cas de contestation, la charge de la preuve de la fausseté des écrits d’un testament olographe ou de circonstances rendant le testament suspect incombe à l’héritier qui conteste le testament (Cour d’appel de Nîmes, 29 novembre 2018, n° 16/01863).
Dans le cas d’un testament authentique, la contestation à partir des conditions de forme apparaît plus délicate dans la mesure où le testament est établi par un officier public. De ce fait, les actes rédigés ou authentifiés par ses soins, disposant d’une grande force probante. Toutefois, il est possible de contester un testament en s’appuyant sur d’autres aspects.
Le Code civil prévoit une lecture du testament authentique au testateur à l’alinéa 3 de l’article 972 du Code civil : « dans tous les cas ». Cela veut dire que peu importe la réception de l’acte par un ou deux notaires il faudra lire les actes finis aux testateurs. L’absence de la lecture de l’acte est un moyen de contestation de l’acte authentique.
Attention, « la preuve de l’observation des conditions légales doit résulter de l’acte authentique lui-même » (Civ. 1re, 7 juill. 1965: D. 1965. 557; JCP 1965). Mais « il ne résulte pas de l’art. 972 que la mention de la lecture du testament doive indiquer que celle-ci a été donnée par le notaire lui-même : le testament, qui comporte la mention expresse que lecture en a été faite, a été établi conformément aux prescriptions légales » (Rouen, 8 mars 2000).
Ainsi, le notaire (ou l’un des deux notaires ou le clerc sous le contrôle du notaire) écrit lui-même à la main ou mécaniquement le testament en s’assurant de traduire dans des termes juridiques appropriés les écrits du testateur. Une fois le texte rédigé, le testament doit être donné en lecture au testateur.
L’absence de la lecture de l’acte est un moyen de contestation de l’acte authentique (Circulaire du 19 février 2015 de présentation des dispositions de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures).
En outre, la rédaction d’un testament authentique nécessite la présence de deux témoins. Ainsi, une Cour d’appel retient exactement qu’un testament authentique qui comporte une partie dactylographiée prérédigée et une partie manuscrite rédigée sous la dictée du testateur et en présence de témoins, laquelle est relative à ses dernières volontés, est conforme aux exigences des articles 971 et 972 du Code civil.( Cour de cassation, 1re chambre civile, 1er février 2012, N° 10-31.129.)
La rédaction d’un testament authentique nécessite la présence de deux témoins qui ne doivent pas être des légataires, à quelque titre que ce soit, ni des parents ou alliés du testateur jusqu’au 4e degré inclusivement. Sont aussi exclus les clercs de notaires par lesquels les actes sont reçus. Si un témoin relève des conditions citées à l’article 975 du Code civil, l’acte sera fortement contestable.
La jurisprudence a, en la matière, précisé la notion de légataire : « lorsque la seule bénéficiaire du legs est une association diocésaine, la qualité d’ecclésiastique n’emporte aucune incapacité а être témoin au testament authentique contenant ce legs » (Civ. 1re, 9 janv. 1980 : Bull. civ. I, no 23; D. 1980. IR 403, obs. D. Martin).
De même « dès lors que le témoin n’est pas personnellement gratifié par le legs, qui profite exclusivement а la commune, sa qualité de conseiller municipal et d’adjoint au maire n’emporte pas incapacité а être témoin » (Civ. 1re, 14 nov. 2007).
Cependant, la jurisprudence accepte la présence d’un stagiaire (Civ 1re, 3 février 2010). Notons que ceux-ci devront signer l’acte avec le notaire et le testateur. Une absence de signature du testateur sans mention expresse dans l’acte conduira à une contestation possible de l’acte.
En plus de ces deux différents moyens de contestation de l’acte authentique, il est possible d’attaquer directement la validité de l’acte et donc directement la qualité même du notaire. En effet, l’article 1317 du Code civil dispose que : « l’acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises ».
Les actes notariés sont des écrits rédigés par le notaire, exécutoires de plein droit, et dont les affirmations font foi jusqu’à inscription de faux. Ce dernier axe de contestation demeure cependant dénué de chance de succès, tant le corporatisme notarial entoure la pratique.
II. AUTRES RAISONS POUR CONTESTER UN TESTAMENT
A. La répartition de l’héritage
Il est, en effet, possible de contester un testament dans le cas où la répartition de l’héritage n’est pas conforme aux dispositions énoncées à l’article 912 du Code civil.
Cet article dispose qu’une part minimale de l’héritage, dépendant du nombre d’héritiers, doit être accordée à chacun des héritiers : « la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».
Cette part est de 50 % s’il n’y a qu’un héritier, 33 % pour deux et 25 % si trois héritiers ou plus sont présents. Dans le cas où cette condition de répartition ne serait pas respectée, il est possible de contester le testament. Une action pourrait être enclenchée devant le tribunal judiciaire, seul compétent en la matière (Art. R211-3-25 COJ).
Il faut préciser, à cet égard, que cette disposition est d’ordre public : « aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi, et la clause ayant pour effet de priver l’héritier réservataire du droit de jouir et disposer de biens compris dans sa réserve (tableaux) ne peut être déclarée valable par les juges du fond » (Civ. 1re, 22 févr. 1977: Bull. civ. I, no 100).
De ce fait, une action en réduction des legs qui vont au-delà de la réserve héréditaire, pourra être engagée : « doit être réduit un legs en usufruit ayant pour effet de priver l’héritier réservataire du droit de jouir et de disposer des biens compris dans sa réserve » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 19 mars 1991, 89-17.094, publié au bulletin).
À cet égard, tous les descendants du de cujus auront qualité à intenter une telle action : « sont compris dans l’article 913, sous le nom d’enfants, les descendants en quelque degré que ce soit, encore qu’ils ne doivent être comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession du disposant » (Article 913-1 du Code civil).
B. L’état mental du testateur
L’article 901 du Code civil dispose que : « pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».
Il en est autrement si ces conditions ne sont pas réunies. Ainsi, la Cour de cassation, 1re chambre civile, 28 mars 2018, n° 16-25.313 a décidé que « Madame H.… était, au moment de la rédaction du testament contesté, tout à fait saine d’esprit et qu’elle n’a subi aucune contrainte. Il n’y a donc pas lieu de prononcer la nullité de ce testament, tout à fait valable ».
Il est en conséquence possible de contester un testament dans le cas où il est prouvé que l’état mental du testateur ne lui permettait pas d’établir un tel document, ou dans le cas où il aurait été victime d’un abus de faiblesse.
Il faut préciser à cet égard que toutes les infirmités sont comprises dans la disposition de l’article 901 du Code civil : « l’insanité d’esprit visée par l’art. 901 comprend toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée » (Civ. 4 févr. 1941: DA 1941. 113).
Cela comprend également les infirmités physiques. Il est nécessaire, afin de voir son action aboutir, de prouver ces faits : « l’insanité d’esprit est un fait matériel dont la preuve et la portée sont abandonnées а la prudence des juges du fond; l’appréciation par laquelle ceux-ci estiment que la régularité formelle d’un testament n’empêche pas les dispositions qu’il contient d’être déraisonnables échappe au contrôle de la Cour de cassation » (Civ. 5 déc. 1949: D. 1950. 57 (décision rendue sous l’empire du droit antérieur а la L. du 23 juin 2006).
L’ensemble de ces éléments exigent d’avoir des informations sur la santé mentale du testateur. À ce titre, il est possible que le médecin s’affranchisse du secret professionnel pour livrer les informations nécessaires à l’évaluation du consentement du défunt au moment de l’écriture de ses dernières volontés. Les dispositions de l’article 901 du Code civil valant autorisation de révélation du secret professionnel au sens de l’article 226-14 du Code pénal (Cour d’appel de Riom, 2e chambre civile, 11 mars 2008, N° 07/01375).
La réussite d’une telle action pourra conduire à la nullité relative du testament : « la sanction de l’acte accompli en état d’insanité d’esprit est une nullité relative » (Civ. 1re, 3 mars 1969: D. 1969. 585).
Dans un arrêt du 6 juillet 2023, la Cour d’appel de Montpellier considère qu’il ressort des différentes pièces que tant le personnel médical qui est intervenu au jour le jour, que l’assistante sociale, ont relevé à la fois l’existence de troubles cognitifs antérieurs à l’hospitalisation et la situation de danger dans laquelle se trouvait le de cujus.
La Cour a estimé qu’au moment de la rédaction du testament contesté la fragilité mentale du de cujus tant en l’état de l’existence de troubles cognitifs que de l’emprise exercée par la personne de confiance a pu suffire à le priver de la possibilité de tester ou de réaliser, de manière générale, des actes juridiques. La cour estime par conséquent que l’insanité d’esprit du de cujus au moment de la rédaction du testament olographe le 14 avril 2015 entraîne la nullité de ce dernier.
Cette action se prescrit par cinq ans (Art. 2224 du Code civil) : « l’action en nullité pour insanité d’esprit des donations entre vifs ou des testaments est soumise а la prescription abrégée de l’art. 1304 anc » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 11 janvier 2005, 01-13.133, publié au bulletin).
Dans un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens, du 24 janvier 2023, il est rappelé que selon l’article 2224 du Code civil les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
SOURCES :
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 20 septembre 2006, 04-20.614, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007053766/
Code civil, Dalloz, Ed. 2021
Article R211-3-25 COJ : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039013386/
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 19 mars 1991, 89-17.094, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007026360
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 11 janvier 2005, 01-13.133, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007050662/
Cour d’appel de Dijon, 1re chambre civile, 1er août 2023, n° 21/01008 : https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CADIJON-01082023-21_01008?em=Cour%20d%27appel%20de%20dijon%2C%201re%20chambre%20civile%2C%201er%20ao%C3%BBt%202023%2C%20%2021%2F01008
Cour d’appel de Montpellier, 2e chambre de la famille, 6 juillet 2023, n° 19/03353 : https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAMONTPELLIER-06072023-19_03353?em=Cour%20d%27appel%20de%20montpellier%2C%202e%20chambre%20de%20la%20famille%2C%206%20juillet%202023%2C%20%2019%2F03353
Cour d’appel d’Amiens, 1ère Chambre civile, 24 janvier 2023, n° 20/02031 : https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAAMIENS-24012023-20_02031?em=Cour%20d%27appel%20d%27Amiens%2C%201%C3%A8re%20Chambre%20civile%2C%2024%20janvier%202023%2C%20%2020%2F02031