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Un héritier bloque une succession : 5 façons de débloquer la situation ?

Perdre un membre de sa famille est une épreuve terrible et difficile à surmonter surtout lorsqu’il s’agit d’un ascendant.

Selon l’article 720 du Code civil, « Les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ». Elle est transmise aux héritiers déterminés par la loi ou par les successeurs désignés par le défunt, sauf réserve héréditaire des descendants ou du conjoint survivant.

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Le mot « succession » désigne à la fois, d’une part, la transmission du patrimoine d’une personne décédée à une ou plusieurs personnes physiques vivantes (ou personnes morales existantes) et, d’autre part, le patrimoine transféré.

Après le décès de l’ascendant, les héritiers rentrent en indivision successorale.

L’indivision peut alors se définir comme une situation juridique temporaire dans laquelle plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur un même bien ou sur une même masse de biens, sans pour autant que leurs parts respectives se trouvent matériellement divisées.

L’indivision successorale a pour particularité de se rencontrer au moment du décès d’une personne. C’est-à-dire qu’elle survient immédiatement et automatiquement après l’ouverture de la succession devant notaire. Dans cette hypothèse, le patrimoine du défunt sera automatiquement transmis en un bloc à ses héritiers.

Chacun de ces héritiers sera alors propriétaire d’une part non identifiable, du patrimoine du défunt. Il s’agira donc d’une fraction des biens composant la succession, mais sans plus de précisions sur celles-ci.

Toutefois, il peut arriver aussi qu’un héritier puisse bloquer la succession à son profit au mépris des droits de ses cohéritiers. Cette situation ubuesque et incompréhensive se propage de plus en plus dans nos sociétés à tel enseigne que les contentieux connaissent un essor considérable.

A ce titre, la succession peut être bloquée pour diverses raisons : un héritier qui ne répond pas au notaire, qui refuse la vente d’un bien ou encore qui n’est pas d’accord sur l’estimation des biens faite au moment du partage ou encore qui commet un recel successoral. Face à ces problématiques, les héritiers possèdent diverses solutions qui seront traitées dans cet article.

 

I. Blocage de la succession pour défaut d’option successorale

La première cause de blocage que nous allons étudier est le défaut d’option successorale par un héritier réservataire. Il faut noter que l’option successorale ne peut être exercée avant le décès (Code civil, article 770).

La transmission successorale est facultative, bien que celle-ci s’opère de plein droit. La transmission successorale impose nécessairement l’acceptation des héritiers. Ces derniers disposent aux termes de l’article 768 du Code civil de 3 options :

  • L’acceptation pure et simple ;
  • L’acceptation à concurrence de l’actif net (ancienne acceptation sous bénéfice d’inventaire);
  • La renonciation à succession.

La Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 30 mars 2023 (CJUE, 30 mars 2023, no C-651/21) a précisé qu’un héritier qui est susceptible de bénéficier de la renonciation à la succession qu’un autre héritier a enregistré auprès de la juridiction de sa résidence habituelle peut informer la juridiction compétente pour statuer sur la succession de l’existence de cette déclaration, lorsque le renonçant ne l’a pas fait lui-même. (7)

L’option successorale revêt une importance considérable dans le cadre du règlement de la succession. De cette dernière découlent de nombreuses conséquences, notamment au niveau des obligations passives des héritiers.

Celui qui renonce à la succession est réputé, rétroactivement, n’avoir jamais été héritier (Code civil, article 805 (1)).

Toutefois, le législateur a anticipé les situations de blocages qui pourraient résulter du défaut d’option successorale par l’un des héritiers.

D’abord, la prescription de l’option successorale, ramenée à 10 ans suivant le décès par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, emporte cette renonciation (Code civil, article 780. – À noter que lorsque la succession s’est ouverte avant le 1er janvier 2007, l’héritier dispose d’un délai de 30 ans pour l’accepter ou la répudier ; (2). La dévolution ab intestat suppose donc, en principe, une acceptation volontaire, expresse ou tacite (Code civil, article 782).

Exceptionnellement, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 pose un tempérament à cette dernière règle, pour éviter de laisser à un héritier taisant le pouvoir de bloquer le règlement d’une succession.

C’est l’action dite « interrogatoire » (Code civil, article 771 à 776), qui permet de réputer acceptant pur et simple l’héritier, qui, régulièrement sommé de prendre parti, s’abstient de le faire (ou de demander un délai complémentaire au juge), à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant la sommation. À noter, toutefois, que celle-ci ne peut pas intervenir moins de 4 mois après l’ouverture de la succession, façon d’imposer le respect d’une période de deuil et de réflexion.

Parfois, le délai d’option est plus court. C’est notamment le cas s’agissant du droit viager au logement. Le délai d’option est d’un an à compter du décès (Code civil, article 765-1).

II. Que faire si un héritier bloque la vente d’un bien ?

De façon générale, un indivisaire ne peut disposer seul d’un bien (par exemple, le transformer ou le vendre) sans le consentement des autres, et l’accord de tous les indivisaires est requis pour certains actes [articles 815-2 et 815-3 du Code civil].

Cependant, les héritiers ont le choix d’organiser ou non cette indivision plus ou moins forcée dans laquelle ils se retrouvent en établissant notamment une convention d’indivision [article 815-1 du Code civil].

La troisième chambre civile dans un arrêt du 16 novembre 2023 (Cass. 3e civ., 16 nov. 2023, no 22-11240) a précisé que le simple fait, pour un indivisaire non occupant d’un bien indivis, de ne pas avoir réalisé d’action concrète pour vider les meubles de la succession d’un logement indivis lui vaut une condamnation in solidum à une indemnité d’occupation.(10)

Hors convention, la loi a néanmoins assoupli les conditions de la gestion des biens indivis [loi n° 2006-728 du 23.06.2006]. Les titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis peuvent accomplir, à cette majorité, des actes importants, comme par exemple des actes d’administration, confier un mandat général d’administration, conclure des baux, ou encore vendre des meubles indivis pour payer des dettes [article 815-3 du Code civil].

La première chambre civile dans un arrêt du 22 novembre 2023 (Cass. 1re civ., 22 nov. 2023, no 21-25251,) a indiqué que pour liquider l’indivision, il faut  fixer les droits théoriques de chacun, puis déterminer les parts de chacun (en comptabilisant les éléments d’actif et de passif entre indivisaires et indivision), pour enfin procéder au partage effectif (en déduisant les dettes contre l’indivision et ajoutant les créances contre elle).(8)

De même :

En cas de blocage dans la gestion des biens indivis, une autorisation judiciaire peut être obtenue afin de passer outre au refus de l’un des héritiers de consentir à un acte de gestion lorsque ce refus met en péril l’intérêt commun [article 815-5 du Code civil], (3)

La Cour d’appel de Versailles rappelle que le critère de la mise en péril de l’intérêt commun suppose la prise en compte, essentiellement, de la valeur patrimoniale du bien indivis et il revient à celui qui invoque l’application de l’article 815-5 du code civil d’en faire la démonstration.

En l’espèce, c’est de manière injustifiée que les consorts soutiennent que le refus d’une des indivisaires d’accepter la vente des biens immobiliers indivis met en péril l’intérêt commun car les procès-verbaux ne permettent pas de retenir que ces immeubles se détériorent ou que leur valeur patrimoniale s’est amoindrie (Cour d’appel de versailles, 1re chambre 1re section, 25 octobre 2022, n° 21/00571) (7).

La vente d’un bien indivis peut être autorisée, sous certaines conditions et selon des modalités précises (procédure durant 4 mois), par le tribunal de grande instance, à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis [article 815-5-1 du Code civil],

Le Président du Tribunal judiciaire peut prescrire toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun à la demande d’un ou plusieurs indivisaires [article 815-6 du Code civil].

Enfin, il existe depuis 2007 une solution complémentaire, le mandat successoral, permettant de confier provisoirement à une personne morale ou physique l’administration des biens composant une succession “en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale” [article 813-1 du Code civil].

Il revient au juge de désigner cette personne à la demande d’un héritier, d’un créancier, de la personne qui administrait tout ou partie du patrimoine du défunt quand celui-ci était encore en vie, ou de toute autre personne intéressée.

Le juge fixe la durée de la mission et la rémunération. Sauf accord du juge, les pouvoirs du mandataire se limitent aux seuls actes purement conservatoires et de surveillance et aux actes d’administration provisoire. Dès lors qu’elle est enclenchée, la procédure de désignation d’un mandataire successoral est en principe rapide puisque le tribunal statue en la forme de référés.

III. Blocage en cas de désaccord sur la valeur des biens

Le désaccord sur la valeur des biens est l’une des formes de blocage qui puisse naître entre les héritiers réservataires.

L’évaluation des biens est importante puisqu’elle va aider à déterminer la masse successorale et à formaliser les parts et les lots qui seront attribués à chacun des héritiers. De plus, elle déterminera la base de calcul, d’une part, des frais de notaire et, d’autre part, des droits de succession. Une estimation trop élevée par rapport à la valeur du marché générera automatiquement des frais plus élevés, et inversement, une sous-estimation peut faire courir sur le plan fiscal le risque d’un redressement.

Dès lors qu’une succession est mise entre les mains du notaire, il revient à celui-ci de procéder à l’inventaire des biens et à leur évaluation selon des règles précises selon qu’il s’agit d’immeubles, de biens meubles, d’objets de collection ou encore de valeurs mobilières. Il peut, à sa demande ou à la demande des héritiers, recourir à un expert si la situation l’exige. Cette solution engendrera des frais supplémentaires.

Si les héritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la valeur d’un bien, le juge, saisi par l’un des héritiers, peut désigner un expert.

La Cour d’appel de Poitiers rappelle que le recel implique un élément matériel : le procédé frauduleux et un élément intentionnel, à savoir l’existence d’un détournement matériel soutenu par la volonté de rompre l’égalité du partage.

En l’espèce, l’élément matériel du recel tient dans deux procédés de détournements, d’une part d’importants retraits d’espèces et d’autre part l’acquisition d’un bien immobilier.

L’élément intentionnel résulte de l’intention par l’indivisaire de rompre l’égalité du partage en ayant dissipé l’ensemble des économies de sa mère sans informer quiconque de la clôture de ses contrats d’assurance-vie et de leur retrait en espèces (Cour d’appel de Poitiers, 23 février 2022, n° 20/02506) (8).

IV. Blocage en cas de recel successoral

Une autre forme du blocage de la succession est le cas du recel successoral. Le recel consiste, pour un héritier, à détourner à son seul profit des biens ou des droits héréditaires qui auraient dû être compris dans le partage intervenu ou à intervenir avec les autres héritiers. La jurisprudence y inclut « toute fraude ayant pour but de rompre l’égalité des partages entre cohéritiers » (Cass. civ., 23 août 1869 ; DP 1869, 1, p. 456).

Il peut donc s’agir aussi bien d’un enlèvement de meubles ou d’une aliénation à l’insu des autres héritiers, que de la production d’un faux testament ou de l’abus d’une procuration sur un compte bancaire obtenue du de cujus. Un arrêt admet aussi que des trusts constitués à l’étranger, d’un commun accord entre le de cujus et l’un de ses enfants, sont susceptibles de constituer des hypothèses de recel (4).

En tout état de cause, le recel successoral suppose une rupture de l’égalité dans le partage des biens compris dans la succession. Comme le partage suppose des droits de même nature, il n’y a pas recel dans le fait, par un conjoint survivant attributaire de la totalité de la succession en usufruit, de prélever et de dissimuler des fonds ayant appartenu au défunt : les droits du conjoint survivant ne sont pas de même nature que ceux des autres héritiers, de sorte qu’il n’y a pas lieu à partage entre le premier et les derniers (5).

Le recel peut aussi résulter de la dissimulation, par un héritier, de l’existence d’un cohéritier (Code civil, article 778), situation à laquelle l’article 730-5 du Code civil assimile le fait de se prévaloir d’un acte de notoriété inexact.

La deuxième chambre civile dans un arrêt du 8 décembre 2022 (Cass. 2e civ., 8 déc. 2022, no 20-14302,)  a précisé que la  condamnation d’un époux au paiement d’une somme au titre d’un recel successoral  n’est pas une dette personnelle, mais délictuelle. (9)

Les héritiers lésés sont en droit de saisir les juridictions compétentes contre l’héritier fautif.

V. Désaccord sur le choix du notaire

Le recours au notaire pour le règlement d’une succession est un passage obligé dès lors que celle-ci comporte des biens immobiliers. Il est également recommandé, mais non obligatoire, lorsque la succession est importante et/ou implique plusieurs personnes.

Le choix du notaire est laissé aux copartageants. Ce n’est qu’à défaut d’accord que le tribunal procède lui-même à ce choix (CPC, art. 1364, al. 2). Ce choix est d’une grande importance, car il faut éviter par exemple que le notaire choisi favorise son client au détriment des autres copartageants.

En outre, le règlement national des notaires [article 61] prévoit également qu’en cas de litige, entraînant le blocage du partage, la préférence est dévolue dans l’ordre suivant : (6)

  • Au notaire de l’époux survivant non exhérédé [non écarté de la succession],
  • Au notaire des héritiers réservataires,
  • Au notaire des légataires universels,
  • Au notaire des héritiers non réservataires.
  • A égalité de rang, le notaire représentant le plus fort intérêt pécuniaire prévaudra.

Sources :

  1. Cour de cassation, civile Chambre civile 1, 19 septembre 2018, 17-24.632 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037450817?init=true&page=1&query=17-24.632&searchField=ALL&tab_selection=all
  2. Cour de cassation, civile Chambre civile 1, 12 février 2020, 19-11.668 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041620387?init=true&page=1&query=19-11.668&searchField=ALL&tab_selection=all
  3. « Succession bloquée : que prévoit la loi ? » https://espaceclient.allianz.fr/pmt/guide/dossier/dossiers/b_succession_blocage.html
  4. Cour de cassation, civile Chambre civile 1, 8 juin 2016, 15-13.741 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032683207?init=true&page=1&query=15-13.741&searchField=ALL&tab_selection=all
  5. Cour de cassation, civile Chambre civile 1, 9 septembre 2015, 14-18.906 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031150108?init=true&page=1&query=14-18.906&searchField=ALL&tab_selection=all
  6. Règlement national du Conseil supérieur du notariat https://www.calameo.com/read/005125198a235152cd9a7?page=9
  7. CJUE, 30 mars 2023, noC-651/21https://lext.so/W_Jg9S]
  8. 1re civ., 22 nov. 2023, no21-25251 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048508147
  9. 2e civ., 8 déc. 2022, no20-14302, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046727364?init=true&page=1&query=20-14.302&searchField=ALL&tab_selection=all
  10. 3e civ., 16 nov. 2023, no22-11240 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CASS_LIEUVIDE_2023-11-16_2211240