Succession bloquée chez le notaire : comment faire ?
Problèmes de succession ? Le cabinet d’avocat Murielle-CAHEN, avocate spécialisée en droit des successions vous ouvre ses portes pour tous conseils et démarches juridiques.
La loi successorale permet de déterminer les causes d’ouverture de la succession. À cet égard, l’article 720 du Code civil dispose que la succession s’ouvre par la mort, au domicile du défunt.
La solution est reprise dans la plupart des législations de droit écrit (Lagarde P., Rép. Internat. Dalloz, Vo Successions, no 126).
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Il faut cependant préciser qu’il y aurait lieu d’écarter, en se fondant sur l’ordre public international, les dispositions d’une loi étrangère retenant la mort civile abolie en France par une loi du 31 mai 1854 ou l’entrée en religion comme cause d’ouverture de la succession (Lagarde P., Rép. Internat. Dalloz, précité, no 126).
De ce fait, la déchéance civile prononcée par un tiers pays ou l’entrée en religion dans un pays à tradition non laïque n’aura aucun impact sur l’ouverture de la succession, en France. Il faut préciser, à ce tire, que la détermination de la loi applicable relève de l’interprétation des juges du fond, et qu’ils pourront se fonder, pour cet office, sur le centre des intérêts économiques et familiaux.
L’application d’une loi étrangère, après dessaisissement d’un juge français, pourra donc engendrer l’application d’une loi étrangère dont les causes d’ouverture de la succession pourront être autres que celles édictées par l’article 720 du Code civil. Il y a lieu, en la matière, de se fonder notamment sur le centre des intérêts économiques et familiaux du de cujus.
En cas d’absence, compétence doit être donnée à la loi nationale de l’absent pour régir la présomption d’absence ; les textes relatifs à la matière relèvent de l’état des personnes. La loi nationale de l’absent a également vocation à gouverner le régime de la déclaration d’absence.
À ce titre, le Répertoire de Droit international précise : « toujours dans la logique d’une question préalable de statut soumise à la loi nationale de l’absent, il apparaît que, si l’absent est réputé mort en vertu de cette loi, un certain nombre de conséquences en découlent et notamment sur le plan successoral.
La loi successorale est aujourd’hui déterminée par le règlement no 650/2012, applicable aux successions ouvertes après le 17 août 2015 (Règl. du 4 juill. 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et а la création d’un certificat successoral européen. – CLAVEL et GALLANT, GTDIP, op. cit., no 91).
À défaut de loi choisie par le défunt de son vivant, la succession est régie par la loi de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès (V. LAGARDE, Les principes de base du nouveau règlement européen sur les successions, Rev. crit. DIP 2012. 693. – PERREAU-SAUSSINE, le nouveau règlement européen “successions internationales” : un équilibre délicat entre juridique et judiciaire, Europe 2013. Étude 6) » (Répertoire de droit international Absence – Estelle GALLANT – octobre 2017 – Dalloz).
Ainsi, en ce qui concerne les biens de l’absent, si la loi nationale de l’absent considère que la déclaration d’absence produit les mêmes effets que le décès, la succession du de cujus s’ouvrira et la dévolution des biens se réalisera ensuite conformément aux dispositions de la loi successorale.
À l’inverse, si la loi nationale ne présume pas le décès, la succession ne pourra s’ouvrir. Dans l’hypothèse d’un retour de l’absent, c’est encore la loi personnelle de celui-ci qui régira les conditions de récupération de ses biens, dans les limites autorisées par la loi réelle
Le notaire est un officier public chargé de donner aux actes qu’il reçoit un caractère authentique et de conseiller les parties dans les matières relevant de sa compétence, telles que le droit des contrats, le droit de la construction et celui des régimes matrimoniaux et des successions.
La première chambre civile, dans un arrêt du 1er mars 2023 (Cass. 1re civ., 1er mars 2023, no 21-24166,) a précisé que le notaire n’engage pas sa responsabilité en cas de perte d’une sûreté. (5)
Dès l’ouverture d’un testament, le rôle du notaire est d’en faire communication à tous les héritiers, de donner connaissance des passages concernant les légataires et d’informer l’exécuteur testamentaire de sa mission. Le notaire a ici un rôle de conseil très important à jouer pour le règlement de la future succession, car il est le mieux placé pour connaître les difficultés inhérentes à ce règlement.
Il arrive cependant que la succession demeure bloquée devant cet officier ministériel, les causes pouvant être multiples. Dans ces conditions, comment cette succession pourrait être débloquée pour procéder au partage entre les éventuels héritiers et légataires du de cujus ? C’est en cela que le rôle de l’avocat spécialisé en droit des successions est important.
Afin d’éviter les blocages qui peuvent apparaître au cours d’une succession, la loi du 23 juin 2006 a été adoptée dans le but d’empêcher que « des successions soient bloquées parce qu’un indivisaire […] fait preuve de mauvaise volonté ».
Il est proposé en conséquence de « faire en sorte que, lorsque deux tiers des indivisaires sont d’accord, un notaire soit saisi, qu’il informe le tiers récalcitrant et que, dans l’hypothèse du silence ou de l’opposition de ce dernier, le problème soit réglé par la saisine du Tribunal de grande instance sur un procès-verbal de difficulté » (loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités).
I. Succession bloquée chez le notaire pour cause d’indivision
Lorsqu’il existe plusieurs successeurs à titre universel héritiers ou légataires, les biens qui composaient le patrimoine du de cujus se trouvent en indivision à compter du décès, et cette situation durera jusqu’au partage. Par conséquent, la succession se trouvera bloquée chez le notaire.
Elle ne sera pas bloquée à proprement parlé, c’est-à-dire, du fait de l’apparition d’une contestation. Elle sera en réalité immobilisée jusqu’à partage. Les héritiers auront la possibilité d’exercer des droits sur les biens compris dans l’indivision, sans que cela ne puisse conduire à une aliénation.
La Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 30 mars 2023 (CJUE, 30 mars 2023, no C-651/21,) a rappelé qu’un héritier susceptible de bénéficier d’une renonciation à une succession peut informer la juridiction compétente pour statuer sur cette succession lorsque l’héritier y renonçant ne l’a pas fait lui-même. (6)
La mort du titulaire du patrimoine a certainement apporté un changement radical, mais ce changement ne se manifeste pas dans l’immédiat de manière complète : jusqu’au partage le patrimoine du défunt lui survit d’une certaine manière, car son unité n’est pas encore profondément atteinte ; quoique soumise à l’emprise d’une pluralité de propriétaires, l’indivision constitue un objet de droit unique.
Le mot même d’indivision manifeste l’idée : la division qui porte atteinte à l’unité n’est pas intervenue. D’ailleurs chaque membre de l’indivision est propriétaire de la totalité des biens indivis considérés dans leur nature ; corollairement, l’objet de droit individuel se résume à une certaine fraction théorique, qui dans l’indivision successorale correspond au quantum de la part héréditaire de son titulaire. Les articles 815 et suivants du Code civil sont applicables.
Ce cas d’indivision successorale est l’hypothèse d’indivision la plus répandue, et c’est celle à laquelle le législateur a pensé en priorité. Ce premier article résume l’essence de la philosophie de l’indivision, liberté dans la pluralité : « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».
La première chambre civile dans un arrêt du 26 janvier 2022 (Cass. 1re civ., 26 janv. 2022, no 20-16989) précise que l’accord des indivisaires doit être constaté par le juge lorsque celui-ci ordonne le partage partiel d’une indivision successorale. (7)
Une telle situation vaut pour les héritiers au cas de pure succession légale, mais il pourrait aussi bien s’agir d’une indivision entre héritiers et légataires, si la succession est pour partie dévolue en vertu d’un testament et s’il existe des legs de quotité. Il faut rappeler, à cet effet, que l’article 967 du Code civil dispose : « toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre d’institution d’héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté ».
La première chambre civile, dans un arrêt du 17 novembre 2021 (Cass. 1re civ., 17 nov. 2021, no 20-11732) rappelle qu’un legs portant sur la quotité disponible n’est pas forcément un legs universel. (8)
Ce serait également le cas si le bien légué en vertu d’un legs particulier faisait l’objet d’une réduction partielle en nature (hypothèse devenue marginale après la réforme de 2006), car il y a alors indivision entre le bénéficiaire du legs et l’héritier réservataire (1).
Dans ces conditions, la succession se trouverait bloquée entre les mains du notaire. Afin que la succession soit débloquée, il peut être utile de recourir aux services d’un avocat, qui pourra vous guider dans les démarches à effectuer et défendre vos intérêts, le cas échéant.
Outre le fait de conseiller et d’assister, notamment lors du choix de l’option successorale et dans les relations avec le notaire, il défendra également les intérêts de son client héritier dans la réalisation du partage amiable.
L’avocat en droit des successions pourra trouver la solution la plus adaptée à votre situation en fonction de votre souhait : sortir ou non de l’indivision. Souvent les héritiers sont frileux à l’idée de prendre un avocat, car ils hésitent à entamer une procédure judiciaire, longue et coûteuse.
Sachez que le rôle de l’avocat est également un rôle de médiation et qu’il permet parfois de trouver une solution amiable, qui n’aurait bien souvent pas pu aboutir sans son intervention.
Il faut d’ailleurs rappeler que depuis la réforme de la procédure civile (issue de l’ordonnance du 23 mars 2019), un préalable amiable est requis dans la majorité des contentieux, avant tout procès.
II. Succession bloquée chez le notaire pour cause de recel successoral
La succession peut être bloquée chez le notaire en cas d’une dénonciation d’un recel successoral. Qu’est-ce que le recel successoral ? Que faire dans ces conditions ?
Avec le recel successoral, la jurisprudence sanctionne l’atteinte à la règle de l’égalité du partage. Pour la jurisprudence, toute fraude qui a pour but de rompre l’égalité du partage entre cohéritiers ou de modifier leur vocation héréditaire constitue un divertissement ou un recel au sens de l’article 778 du Code civil (2).
Cet article dispose, en effet : « sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés.
Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier ».
L’élément matériel est entendu largement puisque, strictement envisagé, il ne pourrait s’agir que d’une soustraction ou d’une dissimulation des effets de la succession. L’élément matériel désigne ici la commission de tout acte ayant pour but ou effet, de détourner des biens ou valeurs de la succession en cause.
Entre alors dans la définition, quels que soient les moyens mis en œuvre, toute manœuvre et tout acte de nature à diminuer en apparence l’actif successoral au bénéfice d’un héritier (Cour de cassation 1re chambre civile du 21 novembre 1955, Bull. civ. I, no 401).
L’interprétation large de l’élément matériel du recel successoral qui institue les héritiers débiteurs d’une « obligation générale de sincérité » est généralement approuvée par la doctrine, félicitant le juge pour son ingéniosité à sanctionner les fraudeurs imaginatifs.
La deuxième chambre civile, dans un arrêt du 8 décembre 2022 (Cass. 2e civ., 8 déc. 2022, no 20-14302) précise que la condamnation d’un époux au paiement d’une somme au titre d’un recel successoral n’est pas une dette personnelle, mais délictuelle. Par conséquent, les créanciers peuvent poursuivre sur les biens communs de l’époux débiteur. (9)
Le recel successoral peut conduire le notaire à bloquer la succession jusqu’à ce que l’héritier fautif, qui a illicitement reçu une part venant du de cujus, puisse la remettre dans la masse successorale afin que l’égalité entre les héritiers ne soit pas rompue. Cette opération de réaffectation peut prendre du temps, notamment lorsque le tribunal doit être saisi.
Les délais peuvent alors être allongés du fait de la lenteur des tribunaux, mais également de la difficulté probatoire. Il peut alors être intéressant de privilégier une rétribution en valeur, ce qui peut accélérer la procédure en cas de détournement d’un bien.
Dans ces conditions, l’avocat devra pourra être amené à réaliser une analyse approfondie de la situation de son client afin de vérifier l’existence d’un intérêt à agir sur le fondement du recel. Il établira la stratégie, qui conduira le client dans son action et vers les recours les plus adaptés, assurant ainsi la défense de ses intérêts.
Il constituera le dossier, notamment en réunissant les preuves nécessaires et en bâtissant un argumentaire solide. Au final, l’avocat pourra pour son client demander le déblocage de la succession afin que le partage à part égale s’effectue.
III. Succession bloquée chez le notaire, que faire ?
Les successions s’ouvrent par la mort selon l’article 720 du Code civil. Ainsi, le notaire qui doit s’occuper normalement du partage de la succession entre les héritiers tels que désignés dans le testament devra jouer son rôle juridique.
S’il reste passif en bloquant la succession, il faut se retourner vers un avocat pour vous aider à rentrer en possession de votre héritage. Celui-ci pourra notamment vous accompagner afin de trouver un autre notaire, qui pourra se charger des opérations liées à la succession. Depuis l’ordonnance du 20 août 2015, tout consommateur dispose d’un « droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel ».
Cette voie amiable peut être envisagée par les héritiers et légataires qui se retrouvent face à un notaire qui manque de diligences dans le règlement de la succession. Si cette médiation échoue, il pourra être opportun de saisir la Chambre des notaires par le biais de l’avocat ou du Procureur de la République aux termes de l’article 6-1 de l’Ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels (3) « sans préjudice des dispositions des articles 10 et 11 ci-après, lorsque les poursuites devant la chambre de discipline ne sont pas exercées à la demande du procureur de la République, le syndic notifie à celui-ci la citation qu’il a fait délivrer à l’officier public ou ministériel.
Le procureur de la République peut citer l’officier public ou ministériel devant le tribunal de grande instance statuant disciplinairement. Il notifie la citation au syndic de la chambre. La chambre de discipline est dessaisie à compter de la notification » (4). L’assistance d’un avocat s’avère alors être une nécessité pour obtenir la réduction des délais et s’assurer du respect de vos intérêts.
SOURCES :
- Cour de Cassation, Chambre civile 1, 5 mars 2002, 99-18.984 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007045243/
- Cour de Cassation, Chambre civile 1, 20 septembre 2006, 04-20.614 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007053766/
- Ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaire et de certains officiers ministériels https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006069151
- Article « Qui peut être accusé de recel successoral ? » https://www.avocats-picovschi.com/qui-peut-etre-accuse-de-recel-successoral_article-hs_97.html
- Cour de Cassation, Chambre civile 1, 1ermars 2023, no 21-24166, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047268911?init=true&page=1&query=21-24166&searchField=ALL&tab_selection=all
- Coir de justice de l’Union européenne, 30 mars 2023, no C-651/21, https://www.doctrine.fr/d/CJUE/2023/CJUE62021CJ0651
- Cour de Cassation, Chambre civile 1, 26 janvier 2022, no20-16989 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045097563
- Cour de Cassation, Chambre civile 1, 17 novembre 2021, no20-11732 https://www.courdecassation.fr/decision/6194ba425a317cc1d116fb8d
- Cour de Cassation, Chambre civile 2, 8 décembre. 2022, no 20-14302, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046727364?init=true&page=1&query=20-14.302&searchField=ALL&tab_selection=all