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Legs avec conditions

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Les legs sont encadrés par des règles, la liberté du testateur est limitée.

Des dispositions permettant de maîtriser la transmission sont prévues par testament et définissent les legs avec condition.

Le testateur peut insérer des dispositions au sein de son testament afin d’imposer aux légataires des conditions ou des charges particulières.

Les legs sont les libéralités consenties par voie testamentaire et que les bénéficiaires sont libres d’accepter ou de répudier. On distingue trois catégories de legs : les legs universels, les legs à titre universel et les legs particuliers (Code civil, art.  1002 et s.).

En principe, les legs sont, comme se plaît à l’évoquer l’article 1014 du Code civil, « purs et simples ». Autrement dit, ils prennent effet au jour du décès du testateur. Le légataire a, dès cet instant, vocation à devenir propriétaire, nu-propriétaire ou usufruitier des biens légués ou créancier des droits transmis.

Encore convient-il de distinguer entre les legs, puisque, selon les hypothèses, les solutions varient. Ainsi, s’agissant d’un legs à titre particulier, le transfert du patrimoine ne s’opère qu’à la délivrance du legs que le bénéficiaire doit demander (Cour de cassation, 1re chambre civile du 1er juillet 2009, no 08-15.130).

Mais la réalité est autrement plus complexe. Le droit offre au disposant la possibilité d’affecter son legs de modalités diverses. Les legs peuvent se voir assortis de modalités empruntées à la théorie générale des obligations et, notamment, de deux de ses manifestations les plus connues, la condition et le terme.

Le legs est subordonné à un événement futur de réalisation incertaine. Il y a alors application des règles générales des conditions ( Code civil , Article 900 – Code civil, Article 900-1). La condition doit être possible et licite, sous peine de nullité de la clause, voire du legs si elle en a été la cause impulsive et déterminante (par exemple la condition de ne pas se marier, de ne pas se remarier).

Si la condition est résolutoire, le droit du légataire s’ouvre dès le décès, le legs est soumis à résolution si la condition prévue se réalise. Si la condition est suspensive, l’existence même du legs dépend de la survenance d’un événement futur et incertain. Le légataire n’a qu’un droit éventuel, si la condition est réalisée, elle opère rétroactivement au jour du décès, si elle ne l’est pas, le legs est considéré comme n’ayant jamais existé.

Certaines formules testamentaires donnent lieu à une interprétation casuistique : « je lègue à Primus, mais s’il décède avant Secondus, je lègue à ce dernier », selon le légataire envisagé, il y a condition résolutoire et condition suspensive.

I. Le legs de residuo

Ce legs permet de désigner des bénéficiaires successifs. Le testateur désigne plusieurs légataires pour une même partie du patrimoine et établit un ordre entre eux.

Un légataire deviendra propriétaire des biens en premier, et ce n’est qu’à son décès que le second en deviendra propriétaire à son tour.

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Définition

– Le legs de residuo était une disposition par laquelle le testateur instituait une personne pour légataire, en stipulant que ce qui resterait du legs, au décès de celle-ci, reviendrait à une autre personne, qu’il désignait.
Double condition. – Le legs de residuo ne pouvait être analysé comme une substitution en principe prohibée avant la loi du 23 juin 2006 – le premier gratifié n’ayant aucune obligation de conserver. Sa validité a été depuis longtemps reconnue par une jurisprudence constante. Celle-ci a analysé le legs de residuo en un legs conditionnel ; en effet, il est soumis à la double condition qu’au décès du premier légataire institué, la chose léguée subsiste et que le second légataire survive (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 8 février 2005, 02-12.103).

Conséquences de l’analyse
– Cette analyse entraînait diverses conséquences. D’abord, le bénéficiaire du legs de residuo devait être conçu lors du décès du testateur et naître viable, en application de l’article 906, alinéas 2 et 3, du Code civil, puisqu’il était gratifié directement par celui-ci, mais, corrélativement, peu importait sa capacité de recevoir du premier légataire, étant donné qu’il ne recueillait rien de celui-ci. Ensuite, le residuum ne faisait pas partie de la succession de ce premier légataire. Et encore, en cas de réalisation de la condition, seul le second légataire était tenu des dettes et charges de la succession du testateur (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 8 février 2005, 02-12.103) étant cependant précisé que, si le premier gratifié a procédé à des aliénations, le premier et le second légataire contribuent au passif proportionnellement.
Droits du premier gratifié
– Le premier gratifié pouvait disposer à titre onéreux des biens légués ; il pouvait en disposer à titre gratuit entre vifs, sauf interdiction du disposant (Req. 11 févr. 1863, DP 1863. 1. 232, S. 1863. 1. 204), mais sans pouvoir les léguer, car le legs aurait mis échec à la volonté du testateur de voir attribuer au second légataire les biens qui subsisteraient au décès du premier.
L’interdiction de toute aliénation, à titre onéreux ou gratuit, faisait encourir une requalification en substitution, à l’époque prohibée sauf exceptions.
Portefeuille de valeurs mobilières
– L’existence d’un portefeuille de valeurs mobilières peut soulever des difficultés. Dans une espèce où le testateur avait institué son épouse pour légataire universelle et adressé des legs de residuo à ses neveu et nièce, la veuve avait aliéné des valeurs mobilières et en avait acquis d’autres.

La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir retenu que les cessions de valeurs mobilières, dans la mesure où elles avaient été suivies de leur remplacement par d’autres titres de bourse, s’analysaient en des actes de gestion normale de portefeuille et devaient être assimilées à des actes d’administration et non d’aliénation, de sorte qu’un portefeuille de titres, objet d’un legs de residuo, est composé non des seuls titres subsistant parmi ceux le composant au décès du testateur, mais de ceux résultant des opérations réalisées depuis le décès (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 7 juin 2006, 04-10.616).

La solution se justifie par la subrogation réelle et par la notion de « collection de biens ou de droits » ; elle est consacrée pour le legs résiduel.

Droits du second gratifié

– Le second légataire recevait (et reçoit encore, lorsque le premier légataire n’était pas décédé au 1er janvier 2007) les biens subsistant au décès du premier légataire dans leur état, en supportant les dépréciations ou dégradations et en bénéficiant des dépenses d’entretien, les améliorations devant donner lieu à indemnisation.

II. Le legs avec substitution

Ce legs fonctionne de la même manière que celui de residuo.

Deux légataires successifs sont désignés. Cependant, le premier bénéficiaire se doit de conserver le bien en l’état et de transmettre au second de façon identique la part du patrimoine qu’il a reçu (même v1aleur économique).

Dès lors, le premier légataire est considéré comme un gardien du patrimoine transmis et le testateur est certain que ce patrimoine sera remis au second.

III. Le legs avec charge

Le testateur peut transmettre des biens sous conditions. Le légataire doit les remplir pour devenir propriétaire du legs.

Par exemple, « Je lègue X bien à Y seulement lorsque Y aura atteint sa majorité ». Il s’agit donc bien d’un legs avec condition.

Néanmoins, l’auteur du testament ne peut pas imposer des conditions illicites, immorales, ou encore impossibles à réaliser.

Proche également du legs conditionnel est le legs avec charge. Envisagé par l’article 900-2 du Code civil, qui traite indifféremment du legs affecté de conditions et de charges, il entretient avec le premier des liens ténus, notamment lorsque la condition dont est assorti le legs est résolutoire et dépend de la volonté du bénéficiaire.

Hors cette hypothèse, il est relativement aisé de distinguer le legs avec charge du legs conditionnel, compte tenu de la prise d’effets de chacun d’eux et de la liberté d’action du gratifié.

Le legs avec charge se définit comme la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne son ou ses biens à un bénéficiaire qu’il désigne, à charge pour celui-ci d’exécuter une obligation de faire ou de ne pas faire. Il est valable, à l’instar des legs conditionnels, autant que les charges imposées ne soient pas impossibles, illicites et immorales. Les règles qui le régissent sont souples, que ce soit du point de vue des personnes visées par ce legs ou du contenu de ce legs.

Personnes visées par ce legs. — La charge pèse sur n’importe quel légataire universel, à titre universel ou particulier. Elle profite, selon les cas, au testateur lui-même, au légataire ou encore à un tiers quelconque et l’intérêt qu’elle sert peut-être d’ordre matériel ou moral. Ainsi, constitue un legs avec charge au profit du testateur, celui subordonnant la transmission de ses biens à un légataire, moyennant pour ce dernier l’obligation de défendre sa mémoire ou d’ériger un caveau.

La charge peut être imposée par le testateur au profit du légataire lui-même. Tel est le cas lorsque le testateur prévoit que le légataire est fondé à recueillir les biens moyennant la poursuite de ses études. Enfin, souvent lorsque les biens sont légués à un tiers quelconque, tel un tableau à un musée, un château à une commune, un terrain à une association, le testateur exige respectivement une exposition, un entretien de ces biens, voire une construction sur ces biens (Cour de cassation, 1re chambre civile du 1er juillet 2003, no 00-13.474).

Charge prenant la forme d’obligations positives et négatives. — Positivement, elle se matérialise par des obligations de faire :

— clauses insérées dans un testament prévoyant la subordination du legs à l’obligation pour le légataire de soigner le testateur ou de loger ses frères et sœurs dans la maison familiale, objet du legs en usufruit (CA Reims, 1re ch. civ., sect. 2, 7 févr. 2014, no RG : 12/02456, RDLC 2014/114, no 5400) ;

— clauses imposant au légataire d’effectuer un paiement à un tiers (Cass. civ., 31 mars 1868, S. 1868, 1, p. 282) ou d’attribuer des revenus à un tiers (Cour de cassation, 1re chambre civile du 25 janvier 2005, no 02-20.973), voire en particulier à des légataires universels (enfants) de délivrer à un tiers (par exemple, seconde épouse), à titre de legs particulier, le capital décès d’un contrat d’assurance-vie les désignant bénéficiaires (Cour de cassation, 1re chambre civile du 20 mai 2009, no 08-11.355) ;

— d’autres sont moins courantes, comme celles qui obligent à établir à perpétuité, dans les maisons léguées à un hospice, une annexe de celui-ci destinée à accueillir des personnes âgées (Cour de cassation, 1re chambre civile du 7 mars 2000, no 97-20.038) ou à créer une association d’handicapés ou une collectivité religieuse (Cour de cassation, 1re chambre civile du 12 décembre 2000, no 97-17.984, précité) ou encore celle prévoyant que le légataire devra mettre les biens légués à disposition de la communauté, dont l’illicéité a été reconnue au regard de ce qu’une disposition testamentaire ne saurait modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi, sauf à être contraire à l’article 913 du Code civil, pris dans sa rédaction antérieure à la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 (Cour de cassation, 1re chambre civile du 11 septembre 2013, no 12-11.694).

Négativement, la charge se traduit par des obligations de ne pas faire. Ainsi, le testateur peut parfaitement soumettre le legs d’un bien déterminé à l’interdiction d’hypothéquer ce bien, sous réserve que cette interdiction soit limitée dans le temps. L’article 900-1 du Code civil élargit cette hypothèse en validant les clauses d’inaliénabilité affectant un bien légué.

Il les considère valables, sous réserve que celles-ci soient temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. La jurisprudence apprécie le premier caractère eu égard à la durée de vie du légataire. Elle considère illicite une clause qui prévoit une inaliénabilité jusqu’à la mort du légataire.

Mais quid lorsque le légataire est une personne morale ? Elle répute évidemment non écrite une clause d’inaliénabilité perpétuelle prise au profit de celle-ci. Elle ne peut sinon que se référer aux statuts de la personne morale légataire, s’il en existe, pour apprécier le caractère temporaire ou non de la clause. Elle circonscrit ensuite rigoureusement le champ du deuxième critère.

De façon générale, les intérêts qui trouvent grâce aux yeux de la haute juridiction pour qu’elle valide la clause sont ceux du légataire, d’un tiers ou du testateur, sous réserve qu’ils soient sérieux et légitimes. En priorité, l’intérêt du gratifié peut justifier l’existence de la clause d’inaliénabilité notamment lorsque celui-ci est mineur ou majeur incapable (Cour de cassation, 1re chambre civile du 3 avril 2002, no 98-21.097).

Ensuite, les intérêts des tiers, qui bénéficient d’un démembrement de la propriété sur la chose léguée, fondent parfaitement l’existence d’une telle stipulation. Enfin, l’intérêt du testateur, lequel a mis en avant dans sa déclaration testamentaire la protection du noyau familial pour soumettre les biens légués à l’inaliénabilité, peut exceptionnellement expliquer la raison d’être d’une telle clause.

Cependant, dans tous ces cas, la clause demeure valable tant que l’intérêt qui la justifie existe.

Que se passe -t-il si celui-ci disparaît ? La jurisprudence estime que la validité de cette clause n’est pas remise en cause, mais le légataire retrouve la possibilité de disposer du bien (Cour de cassation, 1re chambre civile du 8 décembre 1998, no 96-15.110). Il faut alors qu’il en demande la levée, c’est-à-dire qu’il requiert du juge l’autorisation de passer outre la clause (Cour de cassation, 1re chambre civile du 3 avril 2002, no 98-21.097, précité).

SOURCES :
Succession donations protégez vos proches – Que Choisir – Mars 2015
http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/legs.php
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F16277.xhtml
http://www.vos-droits.justice.gouv.fr/deces-succession-11957/preparer-sa-succession-autres-dispositifs-11993/donations-legs-assortis-dune-obligation-de-transmettre-un-bien-20421.htmlhttps://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020823759?tab_selection=all&searchField=ALL&query=08-15.130&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052334?tab_selection=all&searchField=ALL&query=02-12.103&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007055674?tab_selection=all&searchField=ALL&query=04-10.616&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007459658?tab_selection=all&searchField=ALL&query=00-13.474&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051526?tab_selection=all&searchField=ALL&query=02-20.973&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020656427?tab_selection=all&searchField=ALL&query=08-11.355&page=1&init=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007446210?tab_selection=all&searchField=ALL&query=98-21.097&page=1&init=true