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Qu’est-ce que la donation en avance sur héritage dite « donation en avance d’hoirie » ?

La donation en avance sur héritage anticipe la part successorale de l’héritier. Autrefois appelée « donation en avancement d’hoirie », on parle désormais de « donation en avance sur héritage » depuis la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.

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Il est possible, de son vivant, de prévoir une donation afin d’avantager un héritier ou un tiers à sa succession, en lui transmettant tout ou partie de son patrimoine. La donation permet d’anticiper la transmission du patrimoine qui a lieu en principe lors de la succession.

I. Quel intérêt de la donation en avance sur héritage ?

L’avance sur héritage est consentie par définition à un héritier réservataire. Ce sera donc le plus souvent un descendant, un enfant.

Elle permet de contrer l’allongement de l’espérance de vie (décès tardifs, successions au profit d’enfants déjà âgés et installés…), et constitue un mécanisme pertinent de transmission de la part successorale légale de l’héritier au moment où il en a le plus besoin.

Par exemple un enfant qui poursuit de longues études peut se retrouver dans le besoin comme le paiement d’un loyer ou encore le financement d’une école.

Dans ce cas, l’avance sur héritage, portant sur l’usufruit d’un bien immobilier, est particulièrement recommandée, car l’enfant donataire peut alors occuper le logement du donateur gratuitement sans avoir à débourser un loyer.

De même, lors de son installation dans la vie professionnelle l’enfant peut avoir des besoins lourds à financer. Une avance sur héritage permet de gratifier celui-ci de diverses façons comme un don manuel d’argent, une donation d’un bien immobilier, une donation de valeurs numéraires, une donation d’une voiture notamment.

En tout état de cause, grâce à une avance sur héritage, l’enfant donataire reçoit une partie de sa réserve héréditaire au moment de sa vie où il en a le plus besoin. Cela permet également une anticipation sur une succession à venir. Mais surtout, cela permet d’échapper en outre au paiement des droits de succession sur le montant du bien donné.

La donation en avancement de part successorale permet notamment d’éviter le partage judiciaire au moment du décès et autorise à composer immédiatement des lots et de les attribuer en fonction des besoins de chacun. Il permet également d’exclure l’indivision qui est fréquemment source de mésentente familiale.

II. Les modalités de la donation en avance sur héritage

L’avance sur héritage peut être aménagée, au moyen de diverses clauses qui permettent d’affiner la volonté du donateur, au bénéfice de son héritier gratifié.

  • Avance sur héritage avec réserve d’usufruit :

Ainsi, l’avance sur héritage peut être faite avec réserve d’usufruit. Le donateur qui souhaite continuer à utiliser le bien donné ou en percevoir les revenus (notamment des loyers) peut prévoir dans l’acte de donation une réserve d’usufruit.

Le donataire bénéficiaire ne percevra alors que la nue-propriété du bien. Au jour du décès du donateur, l’usufruit s’éteint automatiquement, et le donataire gratifié recouvre la pleine propriété du bien, sans formalité ni droit à payer.

Dans une décision (1) rendue le 17 juin 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a réitéré cela en affirmant que « ..l’avance sur héritage peut être aménagée, au moyen de diverses clauses qui permettent d’affiner la volonté du donateur, au bénéfice de son héritier gratifié, que l’avance sur héritage peut ainsi être faite avec réserve d’usufruit, dans une telle hypothèse le donataire bénéficiaire ne percevra alors que la nue-propriété du bien et au jour du décès du donateur, l’usufruit s’éteint automatiquement, et le donataire gratifié recouvre alors la pleine propriété du bien, sans formalité ni droit à payer ».

En l’espèce, le donateur est décédé ultérieurement et son héritier a pu recouvrir la pleine propriété du bien.

A contrario, le donateur peut ne donner que l’usufruit, temporairement ou non, de son bien, souhaitant se libérer des tracas engendrés par sa gestion et en donnant la possibilité au bénéficiaire d’en percevoir des revenus. Toutefois, le donateur nu-propriétaire garde la disposition de son bien, car le donataire gratifié ne peut pas le vendre ou le donner sans son accord.

Avance sur héritage avec clause d’inaliénabilité :

L’avance sur héritage peut également comporter une clause d’inaliénabilité, afin d’empêcher que le bien donné ne soit vendu, donné ou hypothéqué sans l’accord du donateur. Cette clause, rédigée par un notaire, n’est valable que si elle est limitée dans le temps et justifiée par un intérêt sérieux et légitime de la part du donateur.

Ce principe est précisé à l’article 900-1 du Code civil alinéa 1er qui dispose que : « Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige ».

Néanmoins, une telle clause peut être mise en échec lorsque le donataire prouve que l’intérêt sérieux et légitime a disparu ou qu’un intérêt plus important l’exige (article 900-1 du Code civil)

Concernant le caractère temporaire de la clause, la jurisprudence n’a pas changé depuis 140 ans : «  n’a pas de caractère temporaire la prohibition d’aliéner qui doit s’appliquer pendant toute la vie du gratifié ». (2)

Sur l’intérêt sérieux et légitime de la clause, il s’apprécie au moment de la stipulation et non ultérieurement (3), ce qui est fondamental puisque les demandes judiciaires en dépendent :

  • Si la clause n’existait pas au moment de l’acte, le plaideur sollicitera la nullité de la clause (article 900-1 du Code civil, alinéa 1er) ;
  • Si la clause existait au moment de l’acte, mais qu’elle a depuis disparu, le plaideur sollicitera l’autorisation judiciaire de disposer du bien (article 900-1 du Code civil, alinéa 2)

Avance sur héritage avec un droit de retour conventionnel :

L’avance sur héritage peut comporter un droit de retour conventionnel permettant au donateur de reprendre son bien si le donataire gratifié et ses descendants décèdent avant lui. Cette clause, souvent conseillée par les notaires, permet d’éviter qu’un bien de famille sorte de celle-ci, et préserve les liens affectifs.

Avance sur héritage avec transmission du bien à une personne désignée :

Enfin, l’avance sur héritage peut prévoir que le donataire conservera le bien donné, à charge pour lui de le transmettre ensuite lors de son propre décès à une seconde personne désignée dans l’acte authentique de donation. Le second bénéficiaire est alors réputé détenir directement ses droits du donateur initial.

III. Les conséquences de la donation en avance sur héritage sur la succession

A. Quels types de donation en avance sur héritage doivent être rapportés à la succession ?

En droit, l’article 843 du Code civil dispose que : « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ».

Toutes les donations faites à un héritier sont en principe considérées comme une avance sur sa part d’héritage. Peu importe qu’il s’agisse d’une donation notariée ou d’un don manuel ou d’une donation indirecte (4) ou déguisée.

Dès lors, la mise à disposition gratuite d’un logement par un parent au profit de l’un de ses enfants peut être considérée comme une donation rapportable.  L’enfant qui a en a bénéficié devra rapporter à la succession de son parent une somme égale au montant des loyers qui n’ont pas été versés. À condition toutefois que la preuve de l’intention libérale du parent soit établie.

De même, la vente d’un bien par un parent à son enfant pour un prix modique peut être considérée comme une donation déguisée et la valeur de ce bien devra être rapportée à la succession du parent à condition là aussi de prouver son intention de donner.

Ainsi, il conviendra d’évoquer le recel de donation. Ce dernier constitue la dissimulation d’une donation par l’héritier. L’article 778 du code civil dispose que : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. »

Cet article précise, donc, que le recel ne peut porter que sur une donation rapportable ou sur une donation non rapportable, mais réductible. La Cour de cassation a pris acte de cette solution, qu’elle applique aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 (5).

Ainsi, la dissimulation d’une donation est admissible, dès lors qu’elle n’est pas réductible et que le de cujus a lui-même souhaité que le partage de ses biens ne soit pas égalitaire. Enfin, cette solution correspond à l’idée que le recel ne peut porter sur un bien qui n’est pas un « effet de la succession » au sens de l’article 778.

Dans une conception étroite du recel, l’héritier ne devrait dévoiler que les donations rapportables ou non rapportables, mais réductibles, car ce sont les seules dont la dissimulation peut constituer un recel. Si tel n’est pas le cas, l’héritier devrait pouvoir garder le silence.

Cette solution, juridiquement fondée, porte ses limites dans la pratique: l’héritier sera souvent incapable de déterminer si sa donation porte atteinte à la réserve voire d’établir le caractère non rapportable de cette libéralité. Pour cela, la Cour de cassation a semblé dégager une « obligation générale de divulgation » qui astreint l’héritier à déclarer toutes les donations qui lui ont été consenties (6).

En revanche, dans l’hypothèse où la donation est établie, mais que celle-ci n’est ni rapportable ni réductible, il n’y aura pas de recel et la violation de l’obligation de divulgation ne sera donc pas sanctionnée.

Concernant la restitution des biens donnés, l’héritier receleur ne doit restituer les biens qui lui ont été donnés que dans la mesure où sa donation est réductible ou rapportable. Toutefois, il n’y a pas à proprement parler de restitution, car ce sont les règles relatives à la réduction et au rapport qui détermineront l’étendue de la restitution (art. 778 du Code civil al. 2) .

Aussi, depuis 2006, la restitution donnera lieu au versement d’une indemnité de réduction (art. 924 du Code civil) ou d’une indemnité de rapport (art. 858 du code civil) , à moins que le receleur, s’il le peut, ne choisisse d’opérer la réduction (art. 924-1 du Code civil) ou le rapport en nature (art. 859 du Code civil) . Les règles liquidatives énoncées par les articles 924-2 et 860 du Code civil, dont la subrogation, trouveront à s’appliquer.

En revanche, ne sont pas rapportables :

  • Les donations consenties à une personne qui n’est pas héritière. La qualité d’héritier s’apprécie au jour de la donation. Ainsi, pour que la donation soit rapportable il faut aussi que l’héritier vienne à la succession, c’est-à-dire qu’il accepte la succession purement et simplement ou à concurrence de l’actif net.

Par conséquent, les héritiers qui renoncent à la succession n’ont pas, en principe, à rapporter les donations qu’ils ont reçues.

  • Les donations expressément dispensées de rapport ne sont pas rapportables à la succession.

Une donation est en principe présumée rapportable, mais le donateur peut l’avoir consentie hors part successorale ; le donataire est alors dispensé de la rapporter. Le donateur doit avoir précisé dans l’acte de donation ou dans un testament ultérieur que la donation était faite hors part successorale.

Prudence, si le donateur a des héritiers réservataires, la donation même non rapportable peut faire l’objet d’une action en réduction si elle porte atteinte à la réserve de ces héritiers.

Ne sont pas rapportables également :

– Les associations faites sans fraude entre le défunt et l’un de ses héritiers, lorsque les conditions en ont été réglées par un acteauthentique (art. 854 du Code civil).Les biens ayant péri sans qu’aucune indemnité n’ait été perçue en raison de leur perte ( 855 du Code civil);
-Les profits que l’héritier a pu retirer des conventions passées avec le défunt si ces conventions ne présentaient aucun avantage indirect, lorsqu’elles ont été faites (art. 853 du Code civil);
-Les donations consenties sous la forme de frais de nourriture ( 852 du Code civil), d’entretien et d’éducation (par exemple, les dépenses engagées pour subvenir aux besoins d’un enfant majeur);
-Les cadeaux d’usage justifiés par un événement et dont la valeur est raisonnable par rapport à la situation financière, au train de vie, aux ressources et aux habitudes du donateur ( 852 du Code civil);
-Les legs et les donations-partages, sauf quelques  exceptions;
-Les fruits des choses sujettes à rapport jusqu’au jour de l’ouverture de la succession ainsi que leurs intérêts jusqu’au jour où le montant de l’indemnité de rapport sera déterminé, pour le cas d’un rapport en valeur (art. 856 du Code civil).

B. Quel montant rapportable ?

L’article 860 alinéa 1 du Code civil dispose que « le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. » La règle générale veut donc que la somme rapportée à l’actif successoral soit celle de la valeur de la donation au jour où elle a été opérée.

L’alinéa 2 du même article vient rajouter des indications au principe général :

  • Si le bien a été aliéné, il faut tenir compte de sa valeur à l’époque de l’aliénation ;
  • Si le bien est remplacé par un nouveau, il faut tenir compte de la valeur de ce nouveau bien au moment de son acquisition ;
  • Si des améliorations ont été apportées au bien, alors il faut tenir compte de la valeur que cette amélioration apporte.

Pour les donations portant sur des sommes d’argent, le rapport sera fait sur cette somme au jour de la donation, sauf si le donataire a utilisé cette somme afin d’acquérir un bien, auquel cas, il faudra prendre en compte la valeur du bien. Tel est le sens de l’article 860-1 du Code civil.

Le rapport s’effectue avant le partage successoral

Le rapport est purement comptable.  Ainsi, les donations sont réintégrées fictivement dans la succession. Le bénéficiaire de la donation n’a pas à se dessaisir du bien ; il doit juste en rapporter la valeur.

Si c’est un bien immobilier par exemple, le bien donné est réintégré dans la succession pour sa valeur à l’époque du partage, en retenant son état au jour de la donation. Les plus ou moins-values que le bénéficiaire a pu apporter au bien ne sont donc pas prises en compte. Si le bien donné a été vendu ou si l’argent donné a servi à acquérir un bien, c’est la valeur de ce nouveau bien, au jour du partage, qui est retenue.

Si le bien donné était un bien de consommation dont la dépréciation est inévitable, c’est le montant donné qui est rapporté à la succession, et non la valeur du bien à la date du partage.

Pour une même somme d’argent donné, le montant du rapport peut donc être très différent.

Enfin, un rapport en nature est possible si l’acte de donation l’a prévu ou bien si l’héritier décide de son propre chef de restituer le bien donné. Le rapport en nature implique la restitution du bien qui devient la propriété indivise de l’ensemble des héritiers. Si le bien rapporté a été amélioré, l’héritier dispose d’une créance à l’encontre de la succession. S’il l’a laissé se détériorer, il a une dette envers ses cohéritiers.

SOURCES :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;?cidTexte=JORFTEXT000000637158
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006432904&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20070101
(1)Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Arrêt du 17 juin 2021, Répertoire général nº 19/07807
(2)(Cass. Req., 19 mars 1877 ; Cass. Civ, 8 novembre 1897 ; Cass. Civ, 24 janvier 1899 ; Cass. Civ, 16 mars 1903).
(3)(Cour de cassation, Civ 1, 6 mars 2013, RG n° 12-13340)(4)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052198
(5)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032599121/
(6)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT00000702328