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Mandat à effet posthume

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Le mandat à effet posthume permet à une personne de désigner de son vivant, un ou plusieurs mandataires, personnes physiques ou morales, qui seront chargées, après son décès, d’administrer tout ou partie du patrimoine successoral pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers identifiés. Le mandataire peut être un héritier.

Par un arrêt du 15 juin 2015, la Cour de cassation rappelle que les causes d’extinction du mandat à effet posthume sont d’application stricte.

Le mandat à effet posthume est soumis à de strictes conditions :

Il s’agit d’un contrat solennel qui doit obligatoirement être passé en la forme notariée ;

Il doit être accepté par le ou les mandataires du vivant du mandant ;

Ce mandat n’est valable que s’il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine social. Cet intérêt doit être précisément motivé.

Pour justifier la révocation du mandat à effet posthume, les juges du fond doivent , par conséquence, caractériser l’absence d’intérêt sérieux et légitime d’un tel mandat. Ils ne peuvent pas ajouter de conditions supplémentaires que celles expressément prévues par la loi et doivent respecter les règles prévues en matière de dévolution de la charge de la preuve.

Le mandat à effet posthume issu de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités est entré en vigueur le 1er juillet 2007, il est régi par les articles 812 à 812-7 du Code civil. Il est avant tout destiné aux chefs d’entreprise et est aujourd’hui aussi utilisé pour la gestion de cryptoactifs. Il autorise la désignation d’un tiers (le mandataire) afin de gérer au mieux les biens laissés par le mandant dans sa succession. Il permet dans certains cas d’éviter l’intervention du juge des tutelles.

Le mandat est en principe gratuit. Une rémunération peut être prévue par convention (Code civil, article 812-2).

En effet, dans certains cas, la gestion de la succession peut s’avérer complexe pour les héritiers, la désignation d’un tiers de confiance est donc nécessaire. Il ne peut pas s’agir du notaire chargé de la succession. En revanche, le mandataire peut être un héritier, un associé d’une société ou de tout autre personne capable d’administrer au mieux la succession.

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Le mandataire doit jouir de sa pleine capacité physique et ne pas être frappé d’une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont concernés.

La durée du mandat est limitée à 2 ans et prend effet à la mort du mandant. Un héritier ou le mandataire peut demander au juge de proroger ce délai une ou plusieurs fois. Cette durée est portée à 5 ans, renouvelable pour la même durée, en raison de l’inaptitude ou de l’âge du ou des héritiers, ou encore si la gestion du bien professionnel l’exige.

Il doit être accepté par le mandataire du vivant du mandant et doit mentionner précisément le motif pour lequel il a été donné.

En effet, l’article 812-1-1 du Code civil prévoit que le mandat n’est valable que s’il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral. Cet intérêt est déterminé ratione personae, c’est à dire en considération des héritiers et/ou en fonction des biens présents dans le patrimoine successoral.

Dans un arrêt du 10 juin 2015, la Cour de cassation vient préciser les contours de la notion d’intérêt sérieux et légitime. La Haute juridiction casse partiellement un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait ordonné la révocation d’un mandat à effet posthume pour des motifs qui selon la Cour de cassation étaient « impropres à caractériser l’absence ou la disparition de l’intérêt sérieux et légitime du mandat à effet posthume de nature à justifier sa révocation ».

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I – L’analyse de l’affaire du 15 juin 2015

A – L’analyse des faits

Le 15 juin 2015 la Cour de cassation a eu à se prononcer sur une affaire très médiatique aux multiples rebondissements.

Un père décède en 2012 et laisse pour lui succéder une veuve, légataire universelle et un enfant mineur issu d’une première union auquel il lègue tout le reste de ses biens et œuvres d’art.

Un testament olographe rédigé quelques mois avant la mort du de cujus précisait que si l’enfant était mineur lors du décès, sa mère n’aurait pas l’administration ni la jouissance légale des biens recueillis dans sa succession, lesquels seraient administrés par un ami.

Pour protéger les intérêts de son fils mineur, le de cujus a confié à son ami par un mandat à effet posthume la mission de gérer et d’administrer le capital de la SAS Groupe Réservoir détentrice de la totalité du capital de diverses sociétés ayant leur activité dans le domaine de la production audiovisuelle et du divertissement, dont la SAS Réservoir Prod. Cette possibilité est en effet prévue par les articles 812 et suivant du code civil.

Estimant que la désignation de cet ami en tant que mandataire a eu pour effet de la dessaisir de son rôle d’administratrice légale et des prérogatives afférentes à la gestion des biens dévolus à son enfant, la mère a adressé une demande en révocation du mandat à effet posthume au juge aux affaires familiales. Celui-ci a refusé sa demande. Elle a donc fait appel de cette décision.

En effet, lorsque l’un des parents décède la loi confie à l’autre parent l’ensemble des pouvoirs portant sur les biens du mineur, les actes d’administrations sur les biens sont alors exercés sous le contrôle du juge des tutelles. Si le rôle de mandataire de la mère peut sembler naturel, la loi permet tout de même d’exclure le conjoint survivant lorsque celui-ci est considéré inapte à gérer les affaires de l’entreprise. Il convient de bien préciser dans l’acte les raisons pour lesquelles un mandataire à été choisi sous peine de voir annuler un tel acte.

B – L’analyse de la décision d’appel

La Cour d’appel  de Paris a infirmé l’ordonnance du juge aux affaires familiales et a ordonné la révocation du mandat à effet posthume en imposant au mandataire de rendre compte de sa mission et de restituer ce qu’il pourrait avoir reçu dans l’exercice de ce mandat.

D’une part, le juge d’appel retient que les dispositions prises par le défunt aboutissent à dessaisir la mère de son rôle d’administratrice légale et des prérogatives afférentes à la gestion des biens dévolus au mineur et à écarter celui-ci, de fait, de son droit à une réserve libre de charges.

D’autre part, la Cour d’appel de Paris a jugé que la compétence du mandataire pour gérer le capital des sociétés du défunt n’est ni avérée ni démontrée et ne pouvait pas justifier l’exclusion de la mère, alors même que le mandataire est titulaire d’un doctorat en communication. De même, la seule présence dans le patrimoine de plusieurs sociétés est insuffisante pour écarter le représentant légal au profit d’un tiers dont les capacités de gestion ne sont pas démontrées.

La Cour de cassation a donc eu à se prononcer sur la validité du mandat à effet posthume et a pour cela exercé un contrôle sur la notion « d’intérêt sérieux et légitime », en l’absence duquel un tel mandat peut prendre fin. Cette disposition est prévue par l’article 812-4 du code civil qui énumère les évènements par lesquels un mandat à effet posthume peut prendre fin.

II –  Le contrôle exercé par la Cour de cassation sur la notion d’intérêt légitime et sérieux

A – Une application stricte de la justification de l’intérêt légitime et sérieux

Pour que le mandat à effet posthume soit considéré comme valable, la Cour a dû analyser si les dispositions légales qui le régissent étaient remplies, et en particulier si les dispositions de l’article 812-1-1 du Code civil quant à l’intérêt sérieux et légitime étaient respectées

Cet intérêt sérieux et légitime se fait au regard de l’héritier d’une part et du patrimoine successoral laissé par le de cujus d’autre part.

Dans cette affaire, les deux critères fixés par la loi semblent de prime abord justifiés. En effet, le critère concernant l’héritier justifiait qu’un mandataire soit nommé puisque celui-ci était mineur au moment des faits. De plus, le patrimoine successoral était composé d’un groupe de sociétés. Il était clairement précisé dans le mandat que l’importance et la société ainsi que le déploiement des activités du groupe impliquaient « impérativement une gestion quotidienne par une personne spécialisée disposant du temps et des moyens nécessaires à l’accomplissement de cette tâche ».

Pour sa défense la mère de l’enfant s’était basée sur le mandataire lui-même et sur le fait que sa compétence n’était pas démontrée, si elle avait réussi à convaincre les juges d’appel, tel n’a pas été le cas en cassation.

En effet, la Cour de cassation a procédé à une application stricte de l’article 812-1-1 du Code civil pour évaluer l’intérêt sérieux et légitime puis a censuré la décision de la cour d’appel de Paris en considérant que les juges d’appel n’ont pas caractérisé l’absence ou la disparition d’un intérêt sérieux et légitime du mandat à effet posthume de nature à justifier sa révocation.

En se basant sur la personne du mandataire et non, comme il est prévu par la loi, sur la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral, les juges d’appel ont ajouté une condition à la loi et ont inversé la charge de la preuve. Le mandataire avait en effet dû prouver sa compétence, alors qu’il revenait à la mère de l’enfant de le faire.

En l’espèce, le mandat à effet posthume était donc suffisamment bien et précisément rédigé  pour justifier l’exclusion de la représentante légale de l’héritier. Cette affaire démontre l’importance de la justification de l’intérêt légitime et sérieux du mandat. Une bonne rédaction et une bonne justification permettent ainsi de respecter la volonté du défunt. Il faut également que la forme sociale de la société laissée en succession soit adaptée sous peine de quoi, le mandat pourrait être annulé. Tel était le cas en l’espèce.

La notion d’intérêt sérieux et légitime est très importante dans le cadre des mandats à effet posthume, mais s’agissant d’une notion large, elle est sujette à interprétation comme le démontre cette affaire. Le contrat à effet posthume est relativement récent et la jurisprudence est très peu fournie, pourtant elle aura une importance primordiale pour bien cerner les effets du mandat à effet posthume et pourra se révéler riche d’enseignement pour les professionnels et notamment pour les notaires chargés de rédiger de tels actes.

B – Les enseignements d’une jurisprudence encore peu fournie

Cet arrêt nous livre un enseignement relatif à la détermination du juge compétent pour prononcer la révocation d’un tel mandat. L’auteur du pourvoi reprochait à la cour d’appel d’avoir décidé que le juge des tutelles des mineurs (c’est-à-dire le juge aux affaires familiales statuant en qualité de juge des tutelles des mineurs) était compétent pour statuer sur une demande en révocation d’un mandat posthume en présence d’un héritier mineur sous le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire.

À l’appui de sa demande, le requérant arguait au contraire que la révocation judiciaire d’un tel mandat relevait de la compétence du tribunal de grande instance statuant selon la procédure de droit commun.

Selon lui, si le juge des tutelles a, aux termes des dispositions de l’article 812-4, 7º, du Code civil, la possibilité de « mettre fin au mandat » en cas de mesure de protection, notamment lorsque le mandat se révèle contraire aux intérêts du mineur, il n’est pas en revanche compétent pour révoquer le mandat pour l’une des causes générales visées à l’article 812-4, 3º, du Code civil.

Dans sa réponse, la Cour de cassation invite à distinguer selon que la personne est un mineur ou un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique. Elle rappelle que, « si le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, est seul compétent pour statuer sur une demande en révocation d’un mandat à effet posthume et si l’article 812-4, 7º, du Code civil ne vise que le juge des tutelles des majeurs, la cour d’appel, saisie par l’effet dévolutif et juridiction d’appel tant du tribunal de grande instance que du juge aux affaires familiales, avait compétence pour statuer sur la demande en révocation ».

Ainsi, si l’effet dévolutif de l’appel donne compétence à la cour d’appel pour statuer sur la révocation d’un mandat à effet posthume, la juridiction compétente en première instance sera le tribunal de grande instance en présence d’un héritier mineur placé sous le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire alors que le 7º de l’article 812-4 du Code civil donne compétence, en la matière, au juge des tutelles des majeurs pour mettre fin à un tel mandat en présence d’un héritier majeur protégé incapable faisant l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle.

SOURCES :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030718453&fastReqId=1668466983&fastPos=1

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000022213996&fastReqId=2076310471&fastPos=1

LEROND S., “Application de « l’intérêt sérieux et légitime d’un mandat à effet posthume”, la gazette du Palais, n° 284 à 286, dimanche 11 au mardi 13 octobre 2015, p.18