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La succession dans les familles recomposées

Les familles recomposées évoluent dans un cadre juridique spécifique en matière successorale. Les successions dans les familles recomposées sont souvent complexes. Dans bien des cas, les personnes concernées ignorent les conséquences de leur structure familiale sur la répartition de leurs biens après leur mort.

Au décès d’un parent, tous ses enfants sont appelés à hériter de lui, qu’ils soient issus d’une première union ou d’union ultérieure. Ainsi, les beaux-enfants peuvent également hériter.

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Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, depuis le début des années 2010, 425 000 séparations conjugales (divorces, ruptures de PACS ou d’union libres) ont lieu en moyenne chaque année. La famille recomposée fait aujourd’hui partie intégrante de notre société et cette nouvelle modélisation de la famille n’est pas sans conséquence sur la  succession.

En fonction des besoins, il sera défini l’équilibre souhaité entre la protection du conjoint, la préservation des intérêts des enfants nés d’une précédente union et l’égalité entre tous les enfants. Si aucune disposition spécifique n’a été élaborée, la situation va nécessairement se révéler inconfortable pour le survivant.

I. Les droits du conjoint survivant dans une famille recomposée

Est considéré comme héritier, le conjoint survivant non divorcé, contre lequel il n’existe pas de jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée.

En présence d’enfants d’un premier mariage ou d’une première union, les droits du conjoint survivant sont réduits. À ce titre, en vertu de l’article 757 du Code civil, le conjoint survivant du deuxième mariage n’aura de choix que pour le quart de la propriété en présence d’enfants d’un premier lit.

Cette situation peut conduire à une indivision entre l’ex-conjoint et les beaux enfants.
Le conjoint survivant, même s’il n’est héritier que d’un quart en pleine propriété, peut également disposer d’un droit viager au logement en vertu de l’article 764 du Code civil.

Ce faisant, il dispose du droit d’habiter le logement qu’il occupait au titre de sa résidence principale avec son époux dès lors que le logement appartenait aux époux ou seulement à l’époux prédécédé ou que le défunt n’a pas exprimé de volonté contraire dans son testament. (article 763 du Code civil).

Ces deux droits, qui servent à protéger le conjoint, peuvent aussi générer un important déséquilibre.

En effet, en présence d’enfants d’un premier lit, la transmission du quart du patrimoine en pleine propriété au conjoint survivant est problématique au regard des deux points suivants :

  • Une cohabitation qui peut se révéler conflictuelle, car portant sur des biens détenus au sein d’une indivision regroupant des personnes aux objectifs diamétralement opposés.
  • Une spoliation d’un quart de l’héritage des enfants nés d’une précédente union. En effet, ces derniers étant sans lien de parenté avec le conjoint survivant vont en définitive être privés du quart de l’héritage de leur géniteur puisque, au décès du conjoint survivant, celui-ci sera de facto transmis aux enfants du conjoint survivant.

A. La donation au dernier vivant

Il est possible d’anticiper sa succession en ayant recours à une donation au dernier vivant, les droits du conjoint survivant seront considérablement augmentés. Elle peut être mise en œuvre très simplement, et à un coût réduit, voire nul, soit par le biais d’une donation au dernier vivant passée devant notaire, donation dont les frais sont fixes et encadrés par l’État, soit par le biais d’un simple testament, qui est gratuit.

Ainsi :

  • En présence d’un enfant d’un précédent mariage : la donation au dernier vivant permet d’opter pour 1/2 en pleine propriété ou 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit ou la totalité en usufruit ;
  • En présence de deux enfants d’un précédent mariage : la donation au dernier vivant permet d’opter pour 1/3 en pleine propriété ou 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit ou 100 % en usufruit ;
  • En présence de trois enfants d’un précédent mariage : la donation au dernier vivant permet d’opter pour 1/4 en propriété et 3/4 en usufruit ou 100 % en usufruit

sauf volonté contraire du donateur, peu importe la date à laquelle est faite la donation entre époux, cet acte porte sur tous les biens possédés par le défunt au jour de son décès.

Autrement dit, la donation entre époux, à l’inverse des donations ordinaires ne prend effet qu’au décès de celui qui l’a consentie. Mais attention, le fait de respecter la part réservataire des enfants du premier lit est une condition essentielle à laquelle le conjoint survivant ne pourra pas déroger.

Ce faisant, la protection du survivant sera renforcée puisque l’usufruit lui permettra de conserver les revenus sur les biens du défunt. Au décès du survivant, l’usufruit s’éteindra et les enfants récupéreront alors la pleine propriété des biens de sorte qu’ils ne subiront pas de déperdition de leur héritage.

Pour être certain que le conjoint survivant retienne l’usufruit sur la totalité et non le quart en pleine propriété, il est possible, par voie testamentaire, de destituer le conjoint de son droit légal correspondant au quart en pleine propriété.

Cette solution n’est pas souhaitable dans le cas où l’écart d’âge entre le conjoint survivant et ses beaux-enfants est faible.

Enfin, le choix de la totalité de l’usufruit est assez simple à gérer lorsque le défunt transmet des biens immobiliers.

En revanche, la séparation de l’usufruit et de la nue-propriété doit être maniée avec précaution lors d’une transmission des comptes en banque et des contrats d’assurance vie. En effet, ces derniers peuvent être purement et simplement vidés par l’usufruitier.
Enfin, la donation entre époux de biens à venir est caduque si le donataire décède avant le donateur.

B. La donation graduelle

Il résulte de l’article 1048 du Code civil que la donation graduelle est celle qui se trouve grevée d’une charge comportant l’obligation pour le donataire de conserver les biens ou droits qui en sont l’objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié désigné dans l’acte. Cette donation se décompose en deux temps.

Le second gratifié ne peut être soumis à l’obligation de conserver et de transmettre à un troisième gratifié (article 1053 du Code civil). Une stipulation en ce sens, toutefois, n’affecterait pas l’existence même de la libéralité graduelle ; celle-ci demeurerait valable, mais pour le premier degré seulement.

La donation graduelle permet de donner des biens successivement et en deux temps. Il s’agit alors de désigner deux bénéficiaires, mais pas plus, car au-delà il s’agit d’une donation-partage ou d’un testament-partage.

Le recours à une donation graduelle permet également de protéger le conjoint survivant sans spoliation des enfants nés d’une précédente union. Cela va permettre de donner en pleine propriété des biens au conjoint en lui imposant de les conserver jusqu’à son propre décès et de les transmettre aux enfants du conjoint prédécédé.

Ainsi, le conjoint survivant pourra donc pleinement profiter des biens sans toutefois avoir la faculté de les vendre, de les donner ou de les transmettre à ses propres enfants.

D’un point de vue fiscal, ce type de transmission s’avère avantageux puisque les enfants sont réputés avoir reçu les biens de leur père ou mère et non de leur beau-père ou belle-mère. De ce fait, ils pourront bénéficier du tarif et des abattements des successions en ligne directe (abattement de 100 000 € et application du barème progressif avec des taux variant de 5 % à 45 %) qui est nettement plus favorable qu’une transmission entre non-parents (abattement de 1 594 € assorti d’une taxation au taux de 60 %).

C. Quel recours pour les enfants du premier lit ?

Afin d’éviter que des parents puissent dépouiller les enfants nés d’une précédente union, les enfants non issus des deux époux peuvent exercer une action en retranchement contre l’époux survivant.

Seuls les héritiers réservataires peuvent agir en retranchement. L’action en retranchement n’est ouverte en justice qu’au moment du décès et le juge n’être saisi qu’au moment du partage successoral.

Il est impératif que la communauté universelle régisse le remariage et qu’une clause d’attribution intégrale des biens au conjoint survivant ait été insérée dans le contrat de mariage. A défaut, aucune action en retranchement ne leur est ouverte.

Cette action est ouverte s’ils estiment que la quotité spéciale entre époux a entamé leur part réservataire.

En cas d’atteinte à leur réserve héréditaire, les enfants issus de la première union du défunt ont le choix entre :

  • Faire opposition à ce que les biens, dont leur auteur était propriétaire avant son remariage, tombent dans la communauté et soient transmis au nouveau conjoint ;
  • Revendiquer leur part de réserve héréditaire et faire réduire la quotité disponible spéciale entre époux. Il s’agit d’une réduction de l’avantage matrimonial.

Toutefois, par une renonciation à l’action en retranchement réalisée avant le décès du parent, les enfants peuvent accepter de différer cette action après le décès du conjoint survivant.

II. Les droits des beaux enfants

Le Code civil impose la transmission obligatoire d’une partie du patrimoine du défunt aux enfants. Les enfants bénéficient des mêmes dispositions qu’ils soient légitimes, naturels ou adoptés. Ces héritiers dits « réservataires » sont protégés par la loi et même un testament ne pourra venir les priver de ce droit.

En revanche, le droit successoral n’accorde aucun droit aux beaux-enfants.

Afin d’hériter, il faut être lié au défunt par :

  • Les liens du sang, qu’il s’agisse d’un enfant, d’un père, d’un frère, d’un neveu, etc. ;
  • Les liens du mariage, il ne s’agit alors que du défunt et de son conjoint ;
  • Les liens de l’adoption simple ou plénière.

III. Comment transmettre son patrimoine dans une famille recomposée ?

Au sein d’une famille recomposée, le beau-père ou la belle-mère peut souhaiter que le ou les enfants de son conjoint nés d’une précédente union se voient transmettre une partie de son patrimoine. Les enfants de la précédente union n’étant pas héritiers de leur beau-père ou belle-mère, il y a donc lieu de prendre des dispositions pour que la transmission puisse s’opérer.

A. Le testament

La rédaction d’un testament permet de léguer librement la part du patrimoine qui ne revient pas aux héritiers réservataires, à savoir la quotité disponible correspondant à la part des biens pouvant être donnée aux héritiers choisis librement par le défunt.

Toutefois, sur le plan fiscal, ce choix n’est pas pertinent puisque, s’agissant d’une transmission entre non-parents, une taxation forfaitaire fixée à 60 % sera appliquée.

B. Le testament-partage

Le testament-partage permet d’opérer la répartition des avoirs entre les héritiers sans avoir à recourir à une donation-partage.

Le testament-partage peut porter sur l’ensemble des biens ou seulement sur une partie permettant ainsi de régler de façon très précise la transmission du patrimoine par l’attribution de lots prédéfinis à chacun des héritiers.

Ainsi, les héritiers n’auront pas à se soucier de la répartition des biens entre eux au moment de la succession, ce qui devrait assurer la tranquillité de la famille.
A ce jour les testaments-partages conjonctifs sont interdits. Aux termes de l’article 968 du Code civil, “un testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs personnes, soit au profit d’un tiers, soit à titre de disposition réciproque ou mutuelle”.

Malheureusement, la prohibition de l’article 968 constitue l’un des principaux obstacles au développement des testaments-partages si l’on tient compte du fait que la majorité des époux sont mariés sous un régime communautaire et que les biens, ou tout au moins la plupart des biens qu’ils possèdent dépendent de la communauté.

C. L’assurance vie

La clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie offre une grande souplesse dans sa rédaction.

L’article L132-12 du Code des assurances prévoit : « le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré.

Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré ».

En vertu de l’article L.132-13 du même code, le défunt n’a donc pas à respecter les droits des éventuels héritiers réservataires.

De plus, l’assuré peut librement déterminer le montant des capitaux qui sera à verser aux personnes désignées après son décès. Si les versements ont été réalisés avant les 70 ans de l’assuré, la fiscalité sera particulièrement avantageuse puisque la taxation sera la suivante : 0 % jusqu’à 152 500 €, 20 % pour les sommes comprises entre 152 500 € et 852 500 € et 31,25 % au-delà

Les transmissions hors assurance vie entre non-parents étant taxées au taux de 60 % après un abattement de 1 594 €, la transmission de capitaux à l’enfant de son conjoint né d’une précédente union via l’assurance vie est nettement moins coûteuse que via une disposition testamentaire.

D. La donation-partage conjonctive

Introduite par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 au nouvel article 1076-1 du Code civil, la donation-partage conjonctive permet de réunir au sein d’une même donation-partage les enfants communs et non communs du couple.

Par nature, celle-ci n’est pas ouverte aux couples qui n’ont pas au moins un enfant en commun.

La donation doit être opérée par les deux époux qui confondent leurs biens en vue de les donner et les partager entre leurs enfants communs et non communs. Il est cependant considéré que l’enfant reçoit uniquement les biens de son parent et non ceux du conjoint. Si le bien donné porte sur un bien commun aux deux époux, le beau-parent n’est pas considéré comme donateur, mais doit signifier son accord.

D’un point de vue fiscal, la donation est taxée selon le barème en ligne directe après un abattement de 100 000 €.

E. L’adoption simple

Il est possible pour un époux d’adopter l’enfant de son conjoint sous réserve de réunir de plusieurs conditions. En principe, l’adoptant doit avoir 10 ans de plus que l’enfant qui fait l’objet d’une adoption. Lorsque le mineur a une filiation établie à l’égard de ses deux parents, la personne avec laquelle l’époux a eu l’enfant doit nécessairement donner son consentement à l’adoption. Elle est également possible si le mineur a fait l’objet d’une adoption simple ou plénière par l’autre époux.

L’adoption simple crée un lien de filiation qui donne à l’adopté des droits et des devoirs dans sa nouvelle famille, tout en conservant des liens avec sa famille d’origine.

D’un point de vue fiscal, l’enfant adopté bénéficiera des mêmes droits que les autres enfants et pourra bénéficier de l’abattement de 100 000 € et de l’application du barème progressif des transmissions en ligne directe, dont le taux, varie de 5 % à 45 %.

 

SOURCES :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc […]L’enfant%20naturel%20a%2C%20en,droits% 20qu’un%20enfant%20l%C3%A9gitime.
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431120/