Comment contester un testament pour abus faiblesse ?

La succession peut engendrer des conflits, notamment au moment de la lecture du testament. Certains héritiers peuvent avoir l’impression d’être lésé au profit d’autres personnes de manière totalement infondée ou anormale.

L’abus de faiblesse est mentionné aussi bien dans le Code de la consommation que dans le Code pénal. En ce qui concerne le Code de la consommation, le délit d’abus de faiblesse est incriminé par les articles L. 121-8 à L. 121-10 et L. 132-14 du Code de la consommation.

Il suppose, pour être caractérisé, l’existence d’un état de faiblesse ou d’ignorance de la victime, préalable à la sollicitation et indépendant des circonstances dans lesquelles elle a été placée pour souscrire à l’engagement (Cour de cassation, chambre criminelle du 18 mai 1999, n° 97-85.979 : BID, févr. 2000).

Le code de la consommation interdit (Code de la consommation, article L. 121-9) le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour obtenir des engagements.

Ces engagements, pour tomber sous la qualification d’abus de faiblesse des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation, doivent avoir été obtenus :

1° Soit à la suite d’un démarchage par téléphone ou télécopie ;

2° Soit à la suite d’une sollicitation personnalisée, sans que cette sollicitation soit nécessairement nominative, à se rendre sur un lieu de vente, effectuée à domicile et assortie de l’offre d’avantages particuliers ;

3° Soit à l’occasion de réunions ou d’excursions organisées par l’auteur de l’infraction ou à son profit ;

4° Soit lorsque la transaction a été faite dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé ou dans le cadre de foires ou de salons ;

5° Soit lorsque la transaction a été conclue dans une situation d’urgence ayant mis la victime de l’infraction dans l’impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers au contrat.

En ce qui concerne l’abus de faiblesse dans le Code pénal et c’est ce qui retiendra notre attention. C’est en son article 223-15-2 du Code pénal qu’il ait mentionné que la peine de trois ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende qu’encourt celui qui commet un abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 € d’amende.

Dans l’article 223-15-2 du Code pénal, la nécessité du préjudice apparaît clairement : il faut un “acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables”. La preuve à rapporter par la victime ne sera pas seulement l’existence d’un préjudice, mais aussi sa gravité.

Pourtant la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre criminelle du 12 janvier 2000, n° 99-81.057) a estimé qu’il n’était pas nécessaire, pour que l’infraction soit commise, que le préjudice soit réalisé : l’auteur “avait l’intention de réaliser une opération immobilière intéressante à son profit et qu’il n’importe que l’acte, qui lésait gravement les intérêts de R., ultérieurement placé sous tutelle, n’ait pas été réitéré par son représentant légal”.

Pour M. Maréchal (note préc.), et à juste titre, semble-t-il, ce n’est pas le préjudice qui est le résultat visé par le législateur, mais l’acte ou l’abstention.

Quant à M. Véron (obs. préc.) il écrit : “Il (le délit d’abus de faiblesse) est consommé par un acte de nature à causer un préjudice, indépendamment de ses suites, même si, comme en l’espèce, l’acte n’est pas valable ou n’a pas été exécuté. Il ne s’agit plus d’un préjudice potentiel ou éventuel, mais d’un préjudice virtuel”.

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1) Caractériser l’abus de faiblesse

1) Éléments constitutifs de l’abus de faiblesse

Le délit d’abus de faiblesse protège uniquement les personnes en état d’ignorance ou de faiblesse. Sont visés (Code pénal, article 223-15-2) :

–  les mineurs ;

–  les majeurs particulièrement vulnérables (en raison de l’âge, de la grossesse, d’une maladie ou d’une déficience physique ou psychique apparente et connue de l’auteur) ;

–  les personnes en état de sujétion psychologique ou physique (par exemple, sous l’emprise d’un mouvement sectaire).

L’âge de la victime est un critère de vulnérabilité suffisant : nul besoin de rechercher, au besoin d’une expertise notamment, si la victime présentait une altération de ses facultés mentales (Cour de cassation, chambre criminelle du 11 juillet 2017 n° 17-80.421).

Néanmoins, dans un arrêt rendu le 2 décembre 2020 (Pourvoi n°19-83401), la Cour a opté pour appréciation stricte des conditions nécessaires pour caractériser l’abus de faiblesse. En l’espèce, un homme avait été accusé d’avoir fait souscrire à une personne âgée un contrat d’assurance vie ainsi que de lui avoir fait modifier son testament.

La cour a estimé qu’il n’existait pas suffisamment d’élément pour caractériser un abus de faiblesse, même si certains témoignages affirmaient que la vieille dame souffrait de trouble de la mémoire.

Cet état de vulnérabilité est apprécié au moment de l’accomplissement de l’acte préjudiciable (Cour de cassation, chambre criminelle du 26 mai 2009 n° 08-85.601 F-PFI).

L’abus de faiblesse est un délit intentionnel conformément à l’article 121-3 du Code pénal. Ainsi, l’auteur doit avoir connaissance de l’état d’ignorance ou de faiblesse de la victime au moment où il commet l’infraction.

L’infraction suppose qu’une personne abuse volontairement de cette vulnérabilité, qui doit donc être apparente ou connue de son auteur.

La connaissance de la vulnérabilité est également appréciée de manière stricte. La Cour de cassation dans un second arrêt rendu le 2 décembre 2020 (Pourvoi n° 20-80.619) a eu l’occasion de s’exprimer sur ce critère.

En l’espèce, un homme avait fait signer à une amie deux chèques concernant une fausse reconnaissance de dette, pour un montant global de 10 000 euros. La femme en question était atteinte de la maladie d’Alzheimer.

La cour d’appel avait estimé que l’homme était coupable d’un abus de faiblesse envers la jeune femme, car il ne pouvait ignorer son état de vulnérabilité lié à sa maladie en raison de leur lien d’amitié. Finalement, la Cour de cassation a estimé que cet argument n’était pas suffisant pour caractériser la connaissance par le prévenu de l’état de vulnérabilité de la victime.

La victime est amenée à accomplir quelque chose dont elle n’aurait pas voulu si elle n’avait pas été fragilisée. Autrement dit, il est reproché à l’auteur du délit d’avoir exercé une certaine contrainte morale envers la victime afin de parvenir à ses fins.

L’acte (ou l’abstention) résultant de cette contrainte doit porter un préjudice grave à la personne vulnérable.

Lorsque la personne vulnérable a été placée en curatelle renforcée, aucun acte de disposition ne pouvant plus être accompli par elle seule, le délit ne peut être retenu (Cour de cassation, chambre criminelle du. 24 janvier 2018 n° 17-80.778 F-D). En revanche, ce préjudice n’a pas à s’accompagner nécessairement d’un enrichissement de l’auteur de l’infraction (Cour de cassation, chambre criminelle du 20 mars 2019 n° 18-81.691).

Faut-il pour autant que les conséquences dommageables de l’abus se produisent immédiatement ?

La Cour de cassation a répondu à plusieurs reprises par la négative. Ainsi, le fait de disposer de ses biens par testament entre dans les prévisions de l’article 223-15-2 du Code pénal, malgré son caractère révocable (Cour de cassation, chambre criminelle du 16 décembre 2014 n° 13-86.620).

A) Ont été condamnés pour abus de faiblesse :

–  la gouvernante d’une veuve âgée de 90 ans, qui a convaincu celle-ci de lui donner la nue-propriété de son logement ainsi que diverses sommes d’argent (Cour de cassation, chambre criminelle du 4 septembre 2007 n° 06-87.997) ;

–  le médecin généraliste qui a obtenu d’un patient dont la santé physique et psychique s’était dégradée la signature d’un acte de vente pour un prix dérisoire, même si l’acte n’a pas été réitéré par le tuteur (Cour de cassation, chambre criminelle du 12 janvier 2000 n° 99-81.057) ;

–  l’employée de banque gérant les comptes d’une personne âgée, qui avait modifié à son profit les clauses bénéficiaires de ses contrats d’assurance-vie (Cour de cassation, chambre criminelle du 20 décembre 2017 n° 17-84.235 FS-D) ;

–  l’amie d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer et placée sous sauvegarde de justice qui l’a amenée à rédiger un testament l’instituant légataire universelle au détriment de ses héritiers, même non réservataires (Cour de cassation, chambre criminelle du 21 octobre 2008 n° 08-81.126) ;

–  le petit-fils d’un couple de personnes âgées de 85 et 92 ans qui a obtenu de leur part des dons en espèces répétés et d’un montant important (Cour de cassation, chambre criminelle du 11 décembre 2013 n° 12-86.489) ;

–  le notaire qui met en place un montage destiné à faire signer par sa cliente vulnérable des actes de donation et de vente au profit de son aide-ménagère (Cour de cassation, chambre criminelle du 20 mars 2019 n° 18-81.691).

B) Répressions

Les peines encourues sont trois ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende. Des peines complémentaires peuvent également être prononcées, notamment la confiscation (pour un exemple de confiscation d’un contrat d’assurance-vie, la victime de l’abus étant indemnisée à hauteur de la créance confisquée : Cour de cassation, chambre criminelle du 19 avril 2017 n° 16-80.718).

Également, les peines seront plus importantes si «  l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activité ».

Les peines encourues seront alors de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000euros d’amende.

La tentative n’est pas répréhensible.

2) Contester le testament pour abus de faiblesse

Il est possible de contester le testament pour abus de faiblesse. Deux éléments viennent appuyer cette possibilité. Tout d’abord, un arrêt de la Cour de Cassation, réunie en assemblée plénière, du 9 mai 2008 affirme que les héritiers peuvent porter plainte pour abus de faiblesse et entamer les procédures nécessaires.

D’autre part, l’article 901 du Code civil, quant à lui, dispose : « pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».

Il faut souligner, en outre, qu’il existe un délai de cinq ans pour pouvoir contester une libéralité. Au delà de ce délai, qui commence au jour du décès du légataire, une telle contestation devient impossible.

En outre la Cour de cassation – Première chambre civile — 12 février 2014 – n° 13-10.224 précise que : « Attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, souverainement estimé que M. Y… avait commis un abus de faiblesse et par là même admis que le consentement de Nadine X…avait été vicié par le dol et que la nature de la relation qui, selon M. Y…, aurait existé entre lui et la défunte était infirmée par des témoignages, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».

Par ailleurs, l’article 901 du Code civil, quant à lui, dispose : « pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».

Conformément aux dispositions de l’article 2224 du Code civil, il faut souligner, en outre, qu’il existe un délai de cinq ans pour pouvoir contester une libéralité. Au-delà de ce délai, qui commence au jour du décès du légataire, une telle contestation devient impossible.

En conclusion, contester un testament pour abus de faiblesse est possible et permet de remettre en cause le testament dans le cas où cet abus de faiblesse serait prouvé.

En conclusion, contester un testament pour abus de faiblesse est possible et permet de remettre en cause le testament dans le cas où cet abus de faiblesse serait prouvé.

SOURCES :