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Comment se défendre contre un abus de faiblesse ?

Il est important pour commencer de reconnaître que l’abus de faiblesse constitue un délit puni en droit pénal. Le Code pénal est précis là-dessus et énumère les potentielles victimes d’un abus de faiblesse en y apportant les sanctions encourues contre l’autre de cet abus de faiblesse.

En effet, le délit d’abus de faiblesse est défini par l’article 223-15-2 du Code pénal, lequel dispose :

« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

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Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750000 euros d’amende. »

La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 a complété l’article 223-15-2 du Code pénal par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à un million d’euros d’amende. » (10).

Cet article a connu plusieurs évolutions en effet, il faut noter dans un premier temps que la Loi du 12 juin 2001 dite loi About-Picard (1), a supprimé la notion de « contrainte » des éléments constitutifs du délit d’abus de faiblesse ayant ainsi conduit la chambre criminelle de la Cour de cassation à considérer la nouvelle infraction plus sévère que la précédente.

Et, ensuite, dans un second temps, la Loi du 12 mai 2009, a finalement modifié la partie du texte relatif à l’état de vulnérabilité de la victime en disposant que cet état peut être « connu » ou « apparent » pour l’auteur de l’infraction et non plus « connu et apparent ». Cette dernière modification législative a une importance non négligeable, comme il sera étudié ci-après, dans la démonstration de la constitution du délit d’abus de faiblesse.

Aux termes de la loi, un abus de faiblesse correspond au fait de profiter de la vulnérabilité d’une personne, de profiter de son état de santé ou encore de son ignorance dans l’objectif de lui faire faire des choses qu’elle n’aurait pas faites dans d’autres conditions. L’abus de faiblesse constitue un délit passible de trois ans de prison et de 375 000€ comme le dispose l’article 223-15-2 du Code pénal. Il faut que les circonstances montrent soit que la personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée de son engagement, soit qu’elle a été soumise à une contrainte.

I. Se défendre contre un abus de faiblesse : protéger ses proches

La première étape pour se défendre contre un abus de faiblesse correspond à protéger ses proches. En effet, trois principales catégories de personnes sont touchées par les abus de faiblesses : les mineurs, les personnes en état de sujétion psychologique et physique et les personnes souffrant d’une vulnérabilité particulière.

En conséquence, dans le cas où vous pensez qu’un de vos proches pourrait se trouver dans une telle situation, n’hésitez pas à mentionner le problème à des professionnels du droit afin d’éviter l’abus de faiblesse. La défense contre l’abus de faiblesse passe ainsi d’abord par la vigilance et la protection de ses proches.

Ainsi, si le signalement émane de l’entourage de la personne à protéger défini par le Code civil en son article 430, le procureur invitera l’auteur du signalement à s’adresser directement au juge des tutelles.

La demande est accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République défini à l’article 431 du Code civil.

Les régimes de protection sont des statuts juridiques destinés à protéger les personnes âgées et/ou handicapées, lorsqu’elles ne sont plus capables de pourvoir seules à leurs intérêts. Il faut, pour justifier une mesure de protection, avoir subi une altération, durable ou passagère, de ses facultés mentales ou corporelles. Cette altération est constatée par un examen pratiqué par un médecin figurant sur une liste officielle.

Le besoin de protection, en cas d’altération de certaines facultés, dépasse cependant la protection du patrimoine et inclut la protection de la personne. Le juge compétent est le juge d’instance.

II. Les textes de loi applicable du Code de la consommation

Le Code de consommation aussi réprime les abus de faiblesse. En effet, sanctionnant les pratiques commerciales illicites, le Code de la consommation définit l’abus de faiblesse comme le fait par quiconque d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte.

Trois conditions doivent être réunies pour que le délit d’abus de faiblesse soit constitué: l’existence d’un état de faiblesse ou d’ignorance de la victime préalable à la sollicitation et indépendant des circonstances dans lesquelles elle a été placée pour souscrire l’engagement d’après un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 18 mai 1999, n° 97-85.979 (2), la connaissance par le cocontractant de cet état et la souscription d’un engagement depuis un arrêt du 7 nov. 2001, n° 00-85.491) (3).

Préalablement, il faut encore vérifier que le champ du délit défini par la loi est respecté, l’article L. 122-8 du Code de la consommation énumérant les différentes situations à l’occasion desquelles le délit peut être commis. Tel était le premier enjeu de l’arrêt.

En effet, le texte de l’article L. 122-8 indique que l’abus de la faiblesse d’une personne dans le but de faire souscrire un engagement doit se faire « par le moyen de visites à domicile ». Le pourvoi s’appuyait donc sur le pluriel employé au mot “visite” pour faire admettre que l’article L. 122-8 impose la réitération du comportement.

Cependant, la chambre criminelle affirme au contraire « qu’il ne résulte pas des termes de l’article L. 122-8 du Code de la consommation que plusieurs visites au domicile d’une même personne sont nécessaires pour constituer le délit d’abus de faiblesse ». Ainsi compris, il n’est donc pas nécessaire pour que l’infraction soit constituée que le consommateur subisse au moins deux fois les assauts du démarcheur. Une seule suffit.

III. Prouver l’abus de faiblesse pour s’en défendre

Pour protéger ses proches face à un abus de faiblesse encore faut-il être conscient qu’il existe.

Avant de pouvoir se défendre contre un abus de faiblesse, il est essentiel de pouvoir le prouver. A ce titre, deux éléments essentiels doivent être réunis. D’une part, il faut pouvoir mettre en avant un élément matériel. Celui correspond au fait de prouver que la victime est en situation de faiblesse ; il s’agit donc de mettre en avant les vulnérabilités de celle-ci.

D’autre part, il est indispensable de mettre en exergue un élément intentionnel. Celui-ci peut être plus délicat à prouver : il correspond à la démonstration que la personne accusée avait la volonté de sciemment abuser la victime en ayant parfaitement conscience de son état de vulnérabilité.

La potentielle victime doit avoir été incapable d’apprécier la portée de ses engagements, de déceler les ruses ou artifices déployés, ou avoir été soumise à une contrainte.

Il n’est pas nécessaire que la détérioration mentale d’une personne soit prouvée pour constater un abus de faiblesse. La seule vulnérabilité de la victime permet de qualifier un acte d’abus de faiblesse défini dans un arrêt du 11 juillet 2017, n° 17-80.421 (4).

Le Code pénal dresse une liste des causes de vulnérabilité âge ; maladie ; infirmité ; déficience physique ou mentale grossesse ; ou encore personne sous l’emprise d’une secte.

Les tribunaux considèrent que l’état de faiblesse doit être démontré. Le seul fait d’être âgé ou malade ne suffit pas. De plus, les circonstances ou l’état de faiblesse doivent préexister à la sollicitation d’un vendeur et être indépendants des circonstances créées lors de la souscription de l’engagement. Enfin, la faiblesse ou l’ignorance doit être connue du cocontractant. En tout état de cause, l’abus doit avoir été réalisé dans le but de faire souscrire à la personne en état de faiblesse des engagements au comptant ou à crédit, sous quelque forme que ce soit.

Pour juger un prévenu soupçonné d’avoir profité de la faiblesse d’une personne, les magistrats doivent établir qu’il connaissait sa « particulière vulnérabilité », et qu’il l’a sciemment conduite à agir de manière « gravement préjudiciable » à ses intérêts.

Dans un arrêt du 26 janvier 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que l’infraction d’abus de faiblesse est caractérisée par un élément matériel et un élément intentionnel.

L’élément matériel comprend deux composantes : d’une part un comportement de l’auteur constitutif d’un abus, d’autre part, l’effet engendré par cet abus sur la victime, à savoir des actes ou abstentions qui lui sont gravement préjudiciables. L’élément intentionnel comprend d’une part la connaissance par l’auteur de la vulnérabilité de la victime, d’autre part, la volonté et la conscience du résultat.

En l’espèce, les versements de l’employeur à son assistante de vie ont porté gravement atteinte à ses finances au regard de ses besoins liés à la prise en charge de son handicap, alors même que l’assistante de vie avait connaissance pour avoir comme fonction de l’assister, de l’état d’infirmité de l’employeur atteint de tétraplégie ainsi que, au regard de l’importance des sommes, de l’atteinte gravement préjudiciable portée aux économies de ce dernier. La Cour d’appel considère par conséquent que l’abus de faiblesse est établi. (11)

Le Code pénal (article L.223-15-2) prévoit également la sanction de l’abus de faiblesse pour réparer les conséquences gravement préjudiciables d’un engagement concernant un mineur ou une personne d’une vulnérabilité particulière apparente ou connue de celui qui commet l’abus, ou encore les personnes en état de sujétion psychologique ou physique.

Un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 19 février 2014 (5) retient que la Cour d’appel a caractérisé les éléments matériel et intentionnel du délit d’abus de faiblesse d’un chef de service en psychiatrie sur sa patiente atteinte de troubles bipolaires. L’acte auquel la victime a été conduite est considéré tant matériel que juridique depuis cet arrêt du 19 février 2014.

L’acte répréhensible doit également être de nature à causer un préjudice grave à la victime sans la nécessité que ce préjudice soit réalisé. (Cass. Crim. 12 janv. 2000) (6). De plus, en effet, l’abus de faiblesse doit s’apprécier seulement au regard de l’état de particulière vulnérabilité au moment où est accompli l’acte gravement préjudiciable à la personne d’après un arrêt en date du 26 mai 2009. 08-85-601 (7)

IV. Dénoncer un abus de faiblesse : la dernière étape pour se défendre

Pour se défendre contre un abus de faiblesse, il est nécessaire de porter plainte. Cette procédure peut paraître délicate, mais un avocat spécialisé dans le droit de la succession pourra vous accompagner dans cette démarche. Il pourra ainsi mener une action en annulation pour trouble mental ( Articles 412-1 et -2 du Code civil), l’abus de faiblesse permettant de mettre en lumière un vice de consentement.

Pour se défendre contre un abus de faiblesse, il faut être en mesure de pouvoir le dénoncer, et donc d’exposer les méfaits face à une juridiction. Cette étape peut s’avérer délicate dans la mesure où la personne pouvant porter plainte contre un abus de faiblesse est la victime.

Or, celle-ci peut se trouver dans un état de vulnérabilité suffisamment important pour ne pas être en mesure de mener une telle action. Par ailleurs, il faut souligner qu’un délai de trois ans, à compter du moment du prélèvement au patrimoine de la victime, court pour pouvoir dénoncer un abus de faiblesse.

Il est toutefois nécessaire de souligner qu’une jurisprudence de la Cour de cassation datant de 2012, à propos de l’affaire Bettencourt, a fait évoluer le sujet : il est possible de dénoncer un abus de faiblesse dans le cas où la personne est directement impactée par celui-ci, sans pour autant que la victime ne s’estime lésée.

Une personne victime d’un abus de faiblesse dispose d’un délai de 6 ans pour porter plainte à compter de la découverte des actes délictueux, en cas d’actes répétés, c’est le dernier acte commis qui fera établir le délai, d’après l’article 8 du Code de procédure pénale.

Ainsi, nous vous avons livré les clés afin de prouver un abus de faiblesse. Toutefois, la procédure de dénonciation de celui-ci peut être complexe. C’est pourquoi vous faire accompagner par un avocat apparaît certainement comme une nécessité.

SOURCES :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000589924
  2. http://www.armee-media.com/2018/04/09/cour-de-cassation-la-vulnerabilite-de-la-victime/
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007582917/
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035192645/
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028641711/
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007069543/
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020767226/
  8. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Abus-de-faiblesse
  9. http://www.leparticulier.fr/jcms/p1_1425634/l-abus-de-faiblesse-et-de-vulnerabilite-sanctions-civiles-et-penales
  10. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047046768/#JORFARTI000047046800
  11. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAAIXPROVENCE-26012023-19_03388?em=Cour%20d%27appel%20d%27Aix%20en%20provence%2C%20Chambre%204-4%2C%2026%20janvier%202023%2C%20%2019%2F03388
  12. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Abus-de-faiblesse
  13. http://www.leparticulier.fr/jcms/p1_1425634/l-abus-de-faiblesse-et-de-vulnerabilite-sanctions-civiles-et-penales
  14. http://www.village-justice.com/articles/comment-caracteriser-abus,19079.html