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Comment les généalogistes sont-ils payés ?

« En cas de gestion d’affaires, l’article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n’accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites, mais non le paiement d’une rémunération, quand bien même il aurait agi à l’occasion de sa profession » précise la Cour de cassation, 1re chambre civile, 18 novembre 2020 (1).

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La fonction principale des généalogistes est de rechercher les héritiers des personnes décédées et de révéler la succession aux ayants droit. Ils peuvent agir spontanément lorsqu’ils ont connaissance d’une succession dont les héritiers ne sont pas connus. Ils interviennent aussi à la demande du notaire ne parvenant pas à établir la dévolution d’une succession dont il a été chargé par certains ayants droit ou par un tiers, par exemple le propriétaire des locaux loués par le défunt. Plus de dix mille successions par an donneraient lieu à une intervention de généalogiste (Rép. min. 9 avr. 2001 : JOAN Q, 9 avr. 2001, p. 2158).

Lorsque les héritiers sont découverts ou retrouvés, le généalogiste leur propose la conclusion d’un contrat de révélation, par lequel il s’engage à révéler l’existence d’un droit successoral moyennant une rémunération, généralement calculée sur l’actif net recueilli.

Les tribunaux ont eu à connaître de la question de la rémunération d’un généalogiste intervenu dans une succession sans contrat signé en ce sens avec l’héritier bénéficiaire.(Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 mai 2019, 18-16.999)

Dans cette affaire, un notaire en charge d’une succession avait identifié une héritière unique. Il décide de faire appel à un généalogiste pour vérifier la présence ou non d’autres héritiers dans la succession. Le généalogiste intervient et confirme l’absence d’autres héritiers.

Par la suite, le généalogiste réclame à l’héritière le paiement d’une somme correspondant à 20 % des actifs nets de la succession et des capitaux d’assurance vie afin de couvrir le remboursement des frais engagés ainsi que sa rémunération. Le généalogiste invoque le principe de gestion d’affaires prévu par le code civil. Ce principe permet à une personne effectuant une tâche pour le compte et dans l’intérêt de quelqu’un de lui demander indemnisation pour les frais engagés alors même qu’il n’avait pas eu d’autorisation préalable.

L’héritière refuse toute indemnisation à ce titre. Elle estime que l’intervention du généalogiste n’avait pas été utile au règlement de la succession et refuse de payer les sommes réclamées.

Le généalogiste a saisi les tribunaux afin d’obtenir le paiement de ces sommes. Les juges reconnaissent tout d’abord que le généalogiste est certes intervenu sans contrat signé avec l’héritière, mais estime que son intervention lui a néanmoins été utile puisqu’elle a permis de confirmer l’absence d’autres héritiers. Les tribunaux condamnent donc l’héritière au remboursement des dépenses utiles et nécessaires exposées par le généalogiste pour la recherche d’autres héritiers.

En revanche, ils refusent de condamner l’héritière au paiement d’une rémunération complémentaire du généalogiste puisqu’aucun contrat n’avait été souscrit en ce sens.

Or, la gestion d’affaires permet seulement d’obtenir une indemnisation pour le remboursement des dépenses engagées, mais ne permet pas d’être rémunéré pour la tâche accomplie puisque l’intervention doit rester bénévole. À défaut de contrat signé avec l’héritière, le généalogiste ne peut donc pas la contraindre au paiement d’une rémunération complémentaire.

Ainsi, un généalogiste qui rend service aux héritiers dans le règlement d’une succession pourra prétendre au remboursent des frais exposés, mais ne pourra pas prétendre à rémunération pour la tâche accomplie, même à titre professionnel, s’il n’a pas souscrit de contrat ne ce sens avec les héritiers.

 

I. Défaut de contrat de révélation entre le généalogiste et l’héritière

A. Gestion d’affaires

Le généalogiste ayant retrouvé les héritiers a droit à une rémunération (2)

Du fait de la réforme de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’article 1375 relatif à la gestion d’affaires est repris à l’article 1301-2 du Code civil.

L’intervention du généalogiste justifie une rémunération dès lors qu’il a permis à l’héritière de certifier sa qualité d’héritière exclusive en écartant l’existence d’autres héritiers possibles dans les deux lignes, mais il ne peut être indemnisé, en l’absence de tout contrat, qu’à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires exposées pour la recherche de l’héritier considéré et la détermination de ses droits successoraux.

Le généalogiste qui procède à la recherche d’héritiers après avoir été mandaté à cette fin par un notaire est bien fondé à poursuivre le paiement de ses honoraires auprès d’un ayant droit identifié par ses soins, sur le fondement de la gestion d’affaires. En effet, même si l’intervention de l’office de généalogie n’était pas désintéressée, elle était cependant destinée à profiter aux héritiers.

Il importe peu, par ailleurs, que la recherche ait été accomplie à la demande du notaire puisqu’elle conservait un caractère spontané à l’égard des intéressés.

L’utilité des diligences accomplies est de même incontestable, l’héritier n’apportant pas la preuve qu’il était en mesure de connaître l’ouverture de la succession et l’existence des droits qui lui étaient dévolus (CA Rennes, 6 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-041127 ; JCP G 1988, IV, 3434). Le généalogiste qui a retrouvé des parents au sixième degré dans la branche maternelle à la demande du notaire a droit à une rémunération au titre de la gestion d’affaires (Cass. 1re civ., 19 févr. 2002 : Juris-Data n° 2002-013294).

L’action exercée par le généalogiste, sur le fondement de la gestion d’affaires, à l’encontre de l’héritier ayant refusé de signer le contrat de révélation, ne relève pas de la prescription biennale édictée par l’article L. 137-2, devenu L. 218-2, du Code de la consommation. Cette courte prescription est applicable uniquement à l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent contractuellement aux consommateurs (3).

Cela est rappelé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 décembre 2023 (9).

Dès lors qu’il n’existait pas de difficultés particulières pour retrouver l’héritier, les démarches entreprises par le généalogiste ont été inutiles et l’article 1375 du Code civil sans application pour le remboursement des dépenses engagées (Cass. 1re civ. 23 mai 1995 : Juris-Data n° 1995-002298). Par ailleurs, le contrat peut être annulé lorsque l’existence de la succession devait normalement parvenir à la connaissance de l’héritier sans l’intervention du généalogiste et que le service prétendument rendu par celui-ci est, par conséquent, inexistant (Cass. civ., 18 avr. 1953 : JCP G 1953, II, 7761 ; D. 1953, p. 403. – V. J.-Cl. Civil Code, Art. 1131 à 1133, Fasc. 20).

Il en résulte que le généalogiste qui, par son activité professionnelle, a rendu service à l’héritier, ne peut être indemnisé, en l’absence de tout contrat, qu’à hauteur des dépenses spécifiques, utiles ou nécessaires qu’il a exposées pour la recherche de l’héritier considéré et la détermination de ses droits successoraux.

Plusieurs décisions vont dans ce sens. Le généalogiste qui est parvenu par son activité professionnelle à découvrir les héritiers d’une succession ne peut prétendre, en l’absence de tout contrat, à une rémunération de ses travaux, sur le fondement de la gestion d’affaires, que s’il a rendu service à l’héritier (Cass. 1re civ., 31 janv. 1995 : Juris-Data n° 1995-000365 ; – 23 mai 1995 : Juris-Data n° 1995-002298. – CA Toulouse, 7 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-042411).

Lorsque l’héritier était déjà informé du décès de son père, le généalogiste ne peut prétendre à une rémunération (CA Paris, 25e ch. B, 16 mars 2001 : Juris-Data n° 2001-143794. – Pour un cousin germain, CA Paris, 2e ch. A, 12 déc. 2000 : Juris-Data n° 2000-138486). L’intervention du généalogiste ne présente pas d’utilité pour ceux des héritiers qui avaient entretenu des relations régulières avec leur lointaine cousine (CA Caen, 16 mai 2000 : Juris-Data n° 2000-143619).

B. Enrichissement sans cause ou injustifié

L’enrichissement injustifié est un transfert de valeurs entre deux patrimoines, compensé au moyen d’une indemnité que doit verser l’enrichi à l’appauvri. C’est la Cour de cassation qui a décidé de consacrer ce principe général ainsi que l’action qui le sanctionne. L’« enrichissement sans cause » est rebaptisé « enrichissement injustifié ».

L’héritier ne peut être condamné à payer des honoraires au généalogiste, car l’existence de la succession devait normalement parvenir à sa connaissance (Cass. 1re civ., 20 janv. 2010).

À défaut de contrat, un généalogiste ne peut invoquer l’action de in rem verso pour obtenir une rémunération, car les héritiers trouvent leur enrichissement dans l’un des modes légaux d’acquisition des droits, c’est-à-dire la dévolution de la succession (Cass. 1re civ., 28 mai 1991). Pour obtenir une indemnité, le généalogiste doit justifier de son appauvrissement (CA Paris, 2e ch. B, 31 janv. 2002 : Juris-Data n° 2002-169343).

L’action est refusée au motif que le généalogiste a agi à ses risques et périls (CA Aix-en-Provence, 9 nov. 2005 : JurisData n° 2005-294738). On notera qu’il s’agissait de la succession de la mère de l’intéressé ce qui donne à penser sur l’état de certaines familles.

II. Contrat de révélation de succession

Le contrat de révélation de succession est le contrat par lequel le généalogiste s’engage à apporter à un héritier potentiel les preuves de ses droits éventuels dans la succession qu’il se propose de lui révéler et à le représenter aux opérations liquidatives moyennant rémunération.

Pour l’héritier, le contrat est un acte de disposition. Ainsi, en s’engageant à abandonner au généalogiste une quotité de l’actif net de la succession dévolue au mineur en contrepartie de la révélation de celle-ci. Il s’agit d’un acte de disposition que le tuteur ne peut conclure sans l’autorisation du conseil de famille (Cass. 1re civ., 10 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-001085 ; JCP N 1998, n° 27, p. 1054 ; Defrénois 1998, n° 22, p. 1403, note Massip).

A. Nature du contrat de généalogiste

Pour l’héritier, le contrat est un acte de disposition. Ainsi, en s’engageant à abandonner au généalogiste une quotité de l’actif net de la succession dévolue au mineur en contrepartie de la révélation de celle-ci. Il s’agit d’un acte de disposition que le tuteur ne peut conclure sans l’autorisation du conseil de famille (Cour de cassation., 10 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-001085). On verra que les règles de protection du consommateur sont applicables et que la rémunération peut être réduite judiciairement.

La convention de révélation de succession est encadrée par un régime rigoureux et protecteur des héritiers, emprunté au droit civil général, ainsi qu’au droit de la consommation. En effet, la jurisprudence considère que cette convention constitue non pas un contrat aléatoire, mais un contrat commutatif de prestation de services, qualification qui a une double incidence.

D’une part, la convention de révélation de succession obéit aux dispositions du code de la consommation qui régissent le démarchage à domicile, notamment en organisant pour les particuliers une faculté de renonciation dans le délai légal et qui soumettent, à peine de nullité, le contrat à un formalisme destiné à protéger les consommateurs en assurant leur complète information.

D’autre part, la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 5 mai 1998, a admis, par application de la théorie de la cause, que le juge pouvait réduire les honoraires du généalogiste successoral apparaissant exagéré au regard des services rendus par celui-ci.

Ainsi sans que les généalogistes successoraux soient soumis à un statut professionnel, leur activité obéit à des règles strictes, garantissant à la fois un juste équilibre entre les parties au contrat et la protection des consommateurs (Rép. min. n° 48626 : JOAN Q, 23 nov. 2004, p. 9253).

B. L’annulation du contrat

D’abord, le droit de rétractation de quatorze jours prévus par l’article L. 221-18 du Code de la consommation s’applique au contrat de révélation. Il s’agit d’un acte de disposition qui requiert toutes les règles de capacité nécessaires (au sujet d’un contrat de révélation accepté par le tuteur) (4). Cet article est rappelé dans un arrêt du 21 septembre 2023 de la Cour d’appel d’Orléans (10).

Dans un arrêt du 12 juillet 2023, la Cour de cassation, en sa première chambre civile rappelle que selon l’article L. 221-18 du Code de la consommation, le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l’envoi, avant l’expiration du délai de quatorze jours prévu à l’article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d’ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.

Pour débouter la demanderesse de sa demande de restitution de son acompte, le tribunal retient que celle-ci a exercé son droit de rétractation en envoyant une lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 2020, soit 18 jours après la conclusion du contrat et donc après l’expiration du délai légal.

En statuant ainsi, en retenant la date de réception de la lettre et non celle de son envoi, le tribunal a violé le texte susvisé. Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule le jugement rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris (11).

Le généalogiste doit être très vigilant sur le fond et la forme du contrat de révélation, car, en son absence ou en cas d’annulation du contrat, sa rémunération peut être remise en cause (5) ou être réduite si elle est exagérée au regard du service rendu (6).

Ensuite, la découverte des héritiers par le généalogiste en l’absence de contrat de révélation ne peut donner lieu à aucune rémunération sur le fondement de la gestion d’affaires à moins qu’il ait rendu service à l’héritier (7).

Dès que le contrat de révélation est accepté, le généalogiste, en pratique, représente les héritiers pour le règlement de la succession et la signature des actes y afférents. Toutefois, ce pouvoir ne doit pas être présenté comme irrévocable dans le contrat de révélation. En outre, le contrat de révélation est nul lorsque l’héritier démontre que la succession qui lui a été révélée aurait été portée à sa connaissance sans l’intervention d’un généalogiste (8).

Enfin, à l’issue de son travail, le généalogiste remet au notaire un tableau généalogique synthétisant l’intégralité des héritiers et qui a pour mérite de permettre d’y voir plus clair lorsque les héritiers sont nombreux et éloignés en degré.

Une fois les héritiers trouvés, il leur revient de prouver aux yeux des tiers leur qualité d’héritier. Toutefois, il arrive que, malgré cela, certains successeurs surgissent alors que la dévolution successorale est déjà établie. Qu’en est-il de ces héritiers tardifs ? Quelles voies leur sont ouvertes pour faire valoir leurs droits ?

C. Application de la réglementation

La Cour de cassation a posé le principe que “le généalogiste qui a fait proposer au domicile de son cocontractant la fourniture d’un service, en l’espèce la révélation d’une succession, est soumis aux dispositions sur le démarchage à domicile. Il n’importe que le client potentiel soit unique et déterminé à l’avance” (Cour de cassation, chambre criminelle du 30 octobre 1996 : Juris-Data n° 1996-005163).

D. Compétence du tribunal

Le contrat de révélation de succession est une prestation de services qui s’exécute au domicile du cocontractant potentiel. Le domicile est souvent le lieu où le généalogiste doit rendre compte de sa mission. En conséquence, le tribunal compétent est celui du domicile du cocontractant (Cour de cassation, 1re chambre civile du 3 juin 1998 : Juris-Data n° 1998-002512).

 

Sources :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042579903?init=true&page=1&query=19-10.965+&searchField=ALL&tab_selection=all
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023695531?init=true&page=1&query=09-17.087+&searchField=ALL&tab_selection=all
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034907763?init=true&page=1&query=16-21.247&searchField=ALL&tab_selection=all
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007040613&fastReqId=417318839&fastPos=1
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007039137&fastReqId=1446701546&fastPos=1
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032636544&fastReqId=318510988&fastPos=1
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007033253&fastReqId=1067672181&fastPos=1
  8. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000021731724&fastReqId=840446781&fastPos=1
  9. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAPARIS-19122023-22_00386?em=Cour%20d%27appel%20de%20paris%2C%20P%C3%B4le%201%20-%20Chambre%209%2C%2019%20d%C3%A9cembre%202023%2C%20%2022%2F00386
  10. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAORLEANS-21092023-21_00541?em=Cour%20d%27appel%20d%27orleans%2C%20Chambre%20Commerciale%2C%2021%20septembre%202023%2C%20%2021%2F00541
  11. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CC-12072023-22_10778?em=Cour%20de%20cassation%2C%20Premi%C3%A8re%20chambre%20civile%2C%2012%20juillet%202023%2C%20%2022-10.778