Ouverture de la succession en cas de disparition
Dans la majorité des cas, les successions s’ouvrent selon la prescription de l’article 720 du Code civil, c’est-à-dire, à la mort du défunt. Au-delà de la mort naturelle, il existe cependant d’autres causes conduisant à l’ouverture d’une succession.
Il existe en effet des cas dans lesquels la loi permet l’ouverture d’une succession sans que la preuve de la mort d’une personne n’ait été rapportée. Il s’agit des cas des personnes disparues ou absentes depuis un certain temps, dont on présume la mort.
Un faisceau d’indices permet alors de déterminer si l’absence ou la disparition sont assez vraisemblables pour permettre l’ouverture de la succession.
En effet, en France, lorsque le doute devient persistant s’agissant de la mort d’une personne, parce qu’elle a disparu ou s’est absentée depuis longtemps, il est possible de la déclarer morte juridiquement.
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Se posent alors plusieurs questions relatives à l’ouverture de la succession : comment transmettre le patrimoine des personnes dont la mort est incertaine ? Comment faire si la personne considérée comme décédée, reparaît ? Quid de la répartition de son patrimoine ?
Cet article sera l’occasion de présenter les différents cas d’ouverture de succession et leur régime.
Déclaration de décès
Dans le cas où des proches ou des personnes intéressées sont sans nouvelles d’une personne, elles peuvent faire appel aux services judiciaires, pour faire déclarer la personne, décédée.
Ainsi, l’article 88 alinéa 1 du Code civil dispose : « Peut-être judiciairement déclaré le décès de tout Français disparu en France ou hors France, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pas pu être retrouvé ». Il s’agit par exemple des cas des disparitions suite à des catastrophes naturelles, des accidents d’avion, d’échouage de navires en mer, opération de guerre, incendie, etc.
La disparition est, selon l’article 88 du Code civil, une cause d’ouverture de succession. Conjugué à la disposition de l’article 720 du Code civil, cet article permet l’ouverture de la succession fondée sur la décision de justice.
Cette disparition doit remplir un certain nombre de conditions pour être assimilée à un décès. En effet, il est nécessaire qu’il existe une absence de corps ou que l’identification soit impossible ou que le demandeur ait la certitude ou la quasi-certitude du décès, compte tenu des circonstances de la disparition.
Personnes intéressées
Une fois ces conditions remplies, toute personne ayant un intérêt (héritiers, créanciers, administrations, Procureur de la République) peut demander à faire reconnaître le décès, en déposant une requête auprès du Tribunal de Justice territorialement compétent. C’est-à-dire celui du lieu de disparition s’il est connu ou du domicile du disparu, aux fins d’obtenir une déclaration judiciaire de décès.
La procédure de demande de déclaration judiciaire de décès est décrite à l’article 89 du Code civil qui dispose : « La requête est présentée au tribunal judiciaire du lieu de la mort ou de la disparition, si celle-ci s’est produite sur un territoire relevant de l’autorité de la France, sinon au tribunal du domicile ou de la dernière résidence du défunt ou du disparu ou, à défaut, au tribunal du lieu du port d’attache de l’aéronef ou du bâtiment qui le transportait.
A défaut de tout autre, le tribunal judiciaire de Paris est compétent. Si plusieurs personnes ont disparu au cours du même événement, une requête collective peut être présentée au tribunal du lieu de la disparition, à celui du port d’attache du bâtiment ou de l’aéronef, au tribunal judiciaire de Paris ou à tout autre tribunal judiciaire que l’intérêt de la cause justifie ».
S’agissant des personnes pouvant introduire une telle requête, l’article 88 du Code civil, précité, précise qu’il peut s’agir : du Procureur de la République ou de toute partie intéressée.
Afin de compléter cette disposition, il est nécessaire de préciser qu’en vertu d’un arrêt du 14 mars 1995, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, des administrations publiques peuvent effectuer cette requête.
Ainsi, cet arrêt précise que : « Les administrations intéressées peuvent introduire l’instance en déclaration de décès prévue par l’article 88 du Code civil, par l’intermédiaire du ministère public. Tel est le cas de la requête du secrétaire d’État chargé de la mer, transmise par le ministère public au tribunal, s’agissant de la disparition en mer d’un officier de la marine marchande ».
L’absence et la disparition
Deux notions proches permettent d’obtenir du juge, une déclaration judiciaire de décès. Ces notions sont proches, mais doivent être distinguées, elles ne correspondent en effet pas aux mêmes situations.
L’absence
L’absence désigne : « une personne qui, non seulement n’a pas reparu à son domicile et ne donne plus de ses nouvelles, mais celle dont tout porte à croire qu’elle est décédée » (Absence, Dictionnaire de Droit privé).
Dans ce cas-là, il peut être demandé au juge de rendre un jugement de présomption d’absence, afin de protéger les intérêts et le patrimoine de la personne concernée. C’est ce que prévoit l’article 88 précité du Code civil.
Conformément à l’article 113 du Code civil, le juge peut prendre des mesures afin d’organiser la gestion des biens de l’absent, de ses intérêts et ceux de ses proches. Le juge des tutelles peut également désigner une personne compétente (proche, membre famille ou tiers) pour représenter l’absent et exercer ses droits.
Si à la suite de cette déclaration de présomption d’absence et l’écoulement d’un délai de dix ans (vingt ans si aucune demande de présomption d’absence n’a été déposée), un jugement déclaratif d’absence pourra être rendu et entraînera les mêmes conséquences qu’une déclaration de décès.
Le principe est que la personne simplement présumée absente est présumée vivante. L’article 92 du Code civil dispose en effet : « Si celui dont le décès a été judiciairement déclaré reparaît postérieurement au jugement déclaratif, le procureur de la République ou tout intéressé peut poursuivre, dans les formes prévues aux articles 89 et suivants, l’annulation du jugement.
Les dispositions des articles 130, 131 et 132 sont applicables, en tant que de besoin. Mention de l’annulation du jugement déclaratif sera faite en marge de sa transcription ».
Dans le cas où l’absent reparaît, l’article 130 du Code civil dispose : « L’absent dont l’existence est judiciairement constatée recouvre ses biens et ceux qu’il aurait dû recueillir pendant son absence dans l’état où ils se trouvent, le prix de ceux qui auraient été aliénés ou les biens acquis en emploi des capitaux ou des revenus échus à son profit ».
La disparition
Concernant la notion de disparition, le Répertoire de Droit civil précise que : « La disparition autorise également l’ouverture de la succession, mais, là encore, au terme d’une procédure complexe.
Il convient de rappeler qu’en principe, le prononcé d’un jugement déclaratif de décès ouvrant la succession suppose en effet que l’intéressé ait disparu dans des circonstances de nature а mettre sa vie en danger et que son corps n’ait pu être retrouvé (C. civ., art. 88, al. 1er).
En vertu de leur pouvoir d’appréciation souveraine, les juges ont considéré que le fait de prendre la mer dans des circonstances météorologiques défavorables ou de plonger, sans réapparaître, dans une zone de forts courants, constituait un faisceau de preuve suffisant pour reconnaître une disparition. En revanche, ne constitue pas un faisceau de preuve suffisante le fait de quitter en état d’ivresse le domicile conjugal à la suite d’une dispute.
La procédure de déclaration judiciaire du décès est, au reste, pareillement applicable lorsque le décès est certain, mais que le corps du défunt n’a pu être retrouvé […] La réapparition du disparu emporte les mêmes conséquences patrimoniales que celle de l’absent ».
Procédure judiciaire
Dans les deux cas, si le tribunal estime que le décès n’est pas suffisamment établi, il peut ordonner toute mesure d’informations complémentaires et requérir notamment une enquête administrative sur les circonstances de la disparition. Lorsque le décès est déclaré, sa date doit être fixée par le tribunal.
La date du décès est déterminée en tenant compte des présomptions tirées des circonstances de la cause et, à défaut, au jour de la disparition. C’est ce que prévoit l’article 90 du Code civil, qui dispose : « Si le tribunal estime que le décès n’est pas suffisamment établi, il peut ordonner toute mesure d’information complémentaire et requérir notamment une enquête administrative sur les circonstances de la disparition. Si le décès est déclaré, sa date doit être fixée en tenant compte des présomptions tirées des circonstances de la cause et, à défaut, au jour de la disparition. Cette date ne doit jamais être indéterminée ».
Cela peut recouvrir par exemple, le cas d’une disparition suspecte (Cour de cassation, Première chambre civile – 10 mars 2020) ou, d’une catastrophe aérienne dont on a seulement retrouvé quelques survivants (Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 25 juin 2018).
Le dispositif du jugement déclaratif est transcrit sur les registres des actes de l’état civil. Cette transcription tient lieu d’acte de décès.
Elle est également opposable aux tiers. C’est ce que prévoit l’article 91 du Code civil : « Le dispositif du jugement déclaratif de décès est transcrit sur les registres de l’état civil du lieu réel ou présumé du décès et, le cas échéant, sur ceux du lieu du dernier domicile du défunt. Mention de la transcription est faite en marge des registres à la date du décès.
En cas de jugement collectif, des extraits individuels du dispositif sont transmis aux officiers de l’état civil du dernier domicile de chacun des disparus, en vue de la transcription.
Les jugements déclaratifs de décès tiennent lieu d’actes de décès et sont opposables aux tiers, qui peuvent seulement en obtenir la rectification ou l’annulation, conformément aux articles 99 et 99-1 du présent code ». Le disparu est donc considéré comme mort à la date déterminée par le tribunal et ce n’est qu’à cette date que sera ouverte la succession, dans les conditions habituelles (c’est-à-dire celle d’une mort constatée médicalement).
En cas de disparition, la procédure de déclaration judiciaire de décès est rapide, contrairement à celle suivie en cas d’absence.
Qu’il s’agisse d’une absence ou d’une disparition, la procédure applicable risque d’être longue et complexe pour les héritiers survivants. En effet, ces questions demeurent très sensibles et l’intermédiaire d’un avocat peut apparaître nécessaire afin que la procédure aboutisse, tout en préservant les intérêts familiaux et patrimoniaux de chacun.
SOURCES :
SUCCESSION DONATIONS PROTÉGEZ VOS PROCHES – QUE CHOISIR – MARS 2015 : https://kiosque.quechoisir.org/magazine-special-quechoisir-103-mars-2015/
L’ESSENTIEL DU DROIT DES SUCCESSIONS – LES CARRÉS – CORINNE RENAULT-BRAHINSKY
Les indispensables du droit des personnes (2017), pages 235 à 237, Fiche 36. L’absence et la disparition- Géraldine Delavaquerie
Répertoire de droit civil « Absence – Disparition » – Florence LAROCHE-GISSEROT – Janvier 2016 (actualisation : Juillet 2022)
ABSENCE : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/absence.php ARTICLE 720 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430690/
ARTICLE 88 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006421335/
ARTICLE 89 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039367547
COUR DE CASSATION, CHAMBRE CIVILE 1, DU 14 MARS 1995, 92-21.226, PUBLIÉ AU BULLETIN : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007034316/ARTICLE 91 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033460926