Revenir sur une donation
Pour consentir une donation, il faut être sain d’esprit. Toute donation qui n’émane pas d’une volonté raisonnable et libre peut être annulée pour insanité d’esprit. (1).
Toute donation entre vifs doit être reçue en minute par un notaire, sous peine de nullité. Il en est de même pour les acceptations séparées, les renonciations à la donation elle-même et les procurations ou autorisations conférées pour consentir ces différents actes.
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La donation est « l’acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte » (Code civil, article 894) (2). Il la soumet, à peine de nullité absolue, au formalisme notarié. La jurisprudence tolère, toutefois, la validité de certaines donations non solennelles ou donations atypiques. Ces dernières composent un triptyque regroupant les donations déguisées, les donations indirectes et les dons manuels.
Il la soumet, à peine de nullité absolue, au formalisme notarié. L’article 931 du Code civil dispose que : « Tous actes portant donation entre vifs seront passés par devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ». La jurisprudence tolère, toutefois, la validité de certaines donations non solennelles ou atypiques.
Ces dernières composent un triptyque regroupant les donations déguisées, les donations indirectes (3), et les dons manuels (4). La donation déguisée désigne celle qui, étant réalisée sous l’apparence d’un acte à titre onéreux, suppose le recours à une simulation.
La donation indirecte correspond à celle qui résulte d’un acte neutre, n’indiquant pas s’il est consenti à titre onéreux ou à titre gratuit. Le don manuel s’identifie à celle qui est réalisée par la tradition réelle, soit de la main à la main, soit par remise d’un chèque ou par un virement de compte.
En outre, une donation peut être révoquée pour inexécution des charges et conditions. Le juge vérifie que l’inexécution est suffisamment grave et que la condition était une cause impulsive et déterminante de la donation ; si une clause de la donation prévoit la révocation de plein droit, le juge doit intervenir pour la constater, mais sa liberté d’appréciation est limitée.
L’ingratitude peut aussi justifier la révocation. Les faits sont limitativement prévus par la loi. L’action doit être exercée dans un bref délai, un an à compter du jour où le donateur a connaissance du fait d’ingratitude. La révocation pour ingratitude ne peut pas nuire aux droits des tiers et les aliénations sont maintenues (5).
La révocation pour survenance d’enfant n’a plus lieu de plein droit et suppose même une clause de la donation la prévoyant.
La révocation pour inexécution des charges et conditions, pour ingratitude ou pour survenance d’enfant, n’est pas incompatible avec l’irrévocabilité des donations. Le principe condamne seulement les stipulations permettant au donateur de reprendre le bien donné par sa seule volonté ou lui permettant de la réduire ou de l’anéantir en ayant recours à des conditions potestatives dépendant de sa seule volonté. Les cas de révocation pour inexécution ou ingratitude sont des causes légales de résolution de la donation. Depuis la loi du 23 juin 2006, la révocation pour survenance d’enfant est facultative et suppose une clause de l’acte de donation la prévoyant (Civil Code, Art. 953 à 966).
I. Révocation pour inexécution des conditions ou des charges
A. Conditions de la révocation
Le terme « conditions » des articles 953 et 954 du Code civil ne doit pas prêter à confusion avec les conditions qui peuvent affecter une donation et dont l’inaccomplissement emporte résolution de plein droit de celle-ci. Il s’agit de conditions imposées au donataire et qu’il doit respecter, comme il doit assurer les charges qui pèsent sur lui.
Toute donation peut être révoquée pour inexécution des conditions ou des charges : donations solennelles, mais aussi don manuel, donation déguisée, donation indirecte, donation rémunératoire quand elle conserve un caractère de libéralité, donation par contrat de mariage, donations mutuelles.
Seuls y échappent les présents d’usage et les donations rémunératoires n’ayant pas le caractère de libéralité.
Bien que l’article 956 du Code civil précise que la révocation pour inexécution n’a jamais lieu de plein droit, une clause de la donation peut permettre qu’il en soit ainsi. La clause doit être claire et précise.
À défaut de clause de révocation de plein droit, la révocation n’est prononcée par le juge que si la condition ou la charge constituait la cause déterminante de la donation (Civil Code, Art. 953 à 966, fasc. 10).
La nature et la valeur de la charge ou de la condition sont sans incidence.
La charge ou la condition peut devenir illicite après la donation. La distinction entre charge et condition peut avoir une incidence. L’inexécution de la charge entraîne la révocation de la donation, la condition illicite est réputée non écrite (Code civil, article 954 et 900).
La preuve de la condition ou de la charge ne peut résulter que de l’acte de donation. Il n’y a pas de charge tacite, sauf exceptionnellement en cas de donation de la totalité ou d’une fraction des biens du donateur. Lorsque les charges et conditions d’une donation consentie par acte notarié ont été stipulées par acte sous seing privé, la nullité emporte celle de la donation.
B. Inexécution
La révocation de la donation est prononcée lorsque le juge du fond constate souverainement que la charge ou la condition inexécutée en était la cause impulsive et déterminante. La faute du donataire n’est pas nécessaire, mais elle peut modifier les conditions de la révocation. Les parties peuvent écarter la possibilité de révocation en insérant une clause dans la donation laissant la liberté au donataire d’exécuter la charge ou la condition.
Les juges du fond décident souverainement s’il y a lieu de prononcer la révocation partielle de la donation. À défaut, ils apprécient le point de savoir si l’inexécution est suffisamment importante pour prononcer la révocation. Éventuellement, au lieu de la révocation, ils allouent des dommages et intérêts. En cas d’exécution tardive, le juge possède un pouvoir d’appréciation pour décider qu’il y a inexécution.
La faute du donataire peut justifier, outre la révocation, l’allocation de dommages et intérêts. La faute du donateur ayant été à l’origine de l’inexécution exclut la possibilité de demander la révocation. Lorsque l’inexécution est due à la force majeure, la question est délicate. L’opinion dominante considère que la donation peut être caduque pour défaut de cause. La révision judiciaire des conditions et des charges peut faire obstacle à la révocation (Civil Code, Art. 953 à 966).
Il est possible de préciser dans l’acte de donation que la révocation ne sera encourue qu’en cas d’inexécution fautive du donataire.
L’auteur énonce diverses conditions et charges ayant donné lieu ou non à révocation :
- Défaut d’inventaire ou inventaire erroné ;
- Obligation de cohabitation et de soins ;
- Obligation de soins et de ne pas se marier ;
- Stipulation d’emploi.
Le donateur peut stipuler que le bien donné restera sous la surveillance et l’administration de l’un de ses héritiers. L’héritier nommément désigné peut aménager les charges et conditions dans la mesure où les intentions du donateur sont respectées.
Dans un arrêt du 25 octobre 2022, la Cour d’appel de Rennes considère que dans l’acte de donation il n’a jamais été question de faire peser sur la donataire les charges, impôts et contributions afférentes au bien.
Par ailleurs, la donatrice ne lui a rien réclamé avant 2015, date à laquelle s’est noué le litige autour de la vente du bien. La violation par la donataire des conditions de la donation n’est donc pas établie. La cour estime que c’est à juste titre que le premier juge a retenu que la révocation de la donation pour manquement aux obligations contractuelles n’avait pas lieu d’être prononcée.
Le donateur peut stipuler que les biens donnés à un mineur seront administrés par un tiers. Une telle stipulation est valable même pour la réserve revenant au mineur. Le juge ne peut pas refuser d’appliquer une telle disposition au prétexte qu’elle serait contraire à l’intérêt de l’enfant.
Le juge des tutelles peut désormais nommer un administrateur ad hoc, si le tiers désigné en qualité d’administrateur, dans la donation ou le testament, refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations d’incompatibilité ou d’inaptitude et négligence prévues aux articles 395 et 396 du Code civil (Code civil, article 384, al. 3).
Une telle clause est valable à condition d’être limitée dans le temps et justifiée par un intérêt sérieux et légitime. Il est possible d’obtenir judiciairement la levée de l’interdiction d’aliéner. La demande est réservée au donataire et les créanciers n’ont pas le droit d’agir pour faire lever l’inaliénabilité (Civil Code, Art. 900-1).
Est interdite toute clause tendant à priver de la libéralité le donataire qui mettrait en cause la validité de la clause d’inaliénabilité ou demanderait l’autorisation d’aliéner.
Elles sont exclues du champ d’application de l’article 900-1 du Code civil et l’inaliénabilité perpétuelle est donc possible. Par ailleurs, les articles 900-2 à 900-8 résultant de la loi n° 84-562 du 4 juillet 1984 leur sont applicables. La révision des charges est donc possible (Civil Code, Art. 900-2 à 900-8).
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 janvier 2022, estime que la clause d’inaliénabilité perpétuelle dont était grevée la donation d’œuvres étant indissociablement liée à la personnalité morale de l’association, la dissolution sur décision judiciaire de cette dernière rend impossible le respect des charges et conditions grevant la donation. Les œuvres se trouvent en péril du fait que cette association n’est plus en capacité de stocker et de conserver les œuvres.
La cour fait par conséquent droit à la demande de la veuve du donataire en révocation de la donation portant sur les œuvres, la révocation de la donation confère ainsi en vertu de la dévolution successorale à la veuve du donateur la propriété matérielle des œuvres ayant fait l’objet de cette donation.
L’interdiction de se marier ou de se remarier faite au donataire est d’une validité douteuse. Le sentiment inspirant le donateur serait déterminant. Il y aurait une présomption de validité, la preuve du caractère répréhensible du mobile devant être apportée. La clause de non-divorce fait l’objet d’une analyse analogue.
La clause de reprise d’apport de biens apportés à la communauté est opportunément légalisée (Code civil, article 265, al. 3).
II. Action en révocation
A. Nature de l’action
La révocation suppose un jugement, au moins si la donation ne comporte pas une clause de révocation de plein droit. Le juge apprécie l’importance de l’inexécution et vérifie que la condition ou la charge a été la cause impulsive et déterminante de la donation.
Le donateur peut stipuler qu’à défaut d’exécution de la charge ou de la condition, la donation sera résolue de plein droit. Si le donataire résiste, il faudra néanmoins aller devant le juge, mais celui-ci aura des pouvoirs restreints. Différentes formules sont citées ; certaines doivent être évitées, car leurs conséquences sont inopportunes ou incertaines.
Pour permettre au donateur de choisir entre la révocation de la donation et l’exécution de l’obligation par le donataire, la clause peut être rédigée ainsi : « en cas d’inexécution, le donateur pourra poursuivre le donataire en exécution ou demander la révocation. La demande en révocation pourra être faite d’emblée ou après échec de la demande en exécution ».
B. Demande en révocation
Le donateur a évidemment le droit de demander la révocation, que la charge ou condition lui profite ou qu’elle profite à un tiers. Le tiers peut agir en exécution, mais ne peut pas demander la révocation. Le donataire ne peut pas demander la révocation, mais éventuellement la révision des charges et conditions.
Sauf si le donateur a renoncé de son vivant à l’exécution de la condition ou de la charge, les héritiers peuvent demander la révocation. Le légataire universel a le même droit. Lorsqu’il y a plusieurs héritiers ou légataires, chacun d’eux peut exercer l’action.
Les créanciers peuvent agir au nom du donateur par l’action oblique de l’article 1341-1 du Code civil.
L’action doit être exercée contre le donataire ou contre ses héritiers. Lorsque la charge ne peut être exécutée que par le donataire personnellement, peindre un tableau par exemple, il faut distinguer. Si le donataire a été mis en demeure de son vivant, une indemnité peut être due et la dette passe à ses héritiers. À défaut de mise en demeure, le donateur n’a que la ressource de l’action révocatoire.
La condition est qu’ils sont étrangers à l’acte de donation. Ce n’est qu’une fois la révocation prononcée que l’action en revendication peut être exercée contre eux.
Sources :
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021651988?init=true&page=1&query=08-14.002&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032777950?init=true&page=1&query=15-18.086&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041745282?init=true&page=1&query=17-31.642&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007021823?init=true&page=1&query=87-15.083&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007040217?init=true&page=1&query=96-14.508&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www-labase-lextenso-fr.docelec-u-paris2.idm.oclc.org/jurisprudence/CARENNES-25102022-20_02995?em=Cour%20d%27appel%20de%20rennes%2C%201%C3%A8re%20Chambre%2C%2025%20octobre%202022%2C%20%2020%2F02995
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAPARIS-19012022-20_11209?em=Cour%20d%27appel%20de%20Paris%2C%2019%20janvier%202022%2C%20%2020%2F11209