La capacité de recevoir un legs

Il existe des incapacités relatives de disposer et de recevoir spécifiques aux libéralités. Il s’agit d’incapacités de jouissance, qui privent la personne visée du droit de recevoir ou de disposer. Ces incapacités sont fondées sur une présomption irréfragable de captation : elles ont pour but de protéger le disposant contre certaines personnes susceptibles d’exercer une trop grande emprise sur lui.

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Afin d’éviter que le tuteur n’abuse de son influence sur le mineur, la loi prévoit une incapacité relative de disposer du mineur en faveur de son tuteur et, corrélativement, une incapacité relative de recevoir du tuteur. Cette interdiction s’applique, quel que soit le type de libéralité, donation ou legs, et ne prend fin que lorsque le compte définitif de tutelle est rendu et apuré. Toutefois, cette incapacité ne joue pas lorsque le tuteur est un ascendant du mineur (Code civil, article 907).

Une interdiction de recevoir des donations et legs s’applique à différents intervenants du secteur social ou médico-social. Sont notamment concernées les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés des établissements et services sociaux ou médico-sociaux. Les bénévoles de ces centres et services sont également visés par l’interdiction (CASF art. L 116-4, al. 1).

Ces personnes ne peuvent pas être gratifiées par les personnes prises en charge par l’établissement ou le service où elles interviennent. Sont toutefois autorisées les libéralités à caractère rémunératoire faites à titre particulier et celles universelles faites à des parents jusqu’au 4e degré inclus (Code civil, article 909, 1° et 2°, sur renvoi du CASF art. L 116-4, I-al. 1).

De la même façon, les accueillants familiaux ainsi que leurs conjoint, concubin ou partenaire de Pacs et leurs ascendants ou descendants ne peuvent pas profiter de donations ou legs faits en leur faveur par la ou les personnes qu’ils accueillent (CASF art. L 116-4, al. 2).

L’acte testamentaire étant régi par la loi en vigueur au jour où il a été établi, le legs consenti ne peut être régi par l’interdiction légale de recevoir d’un auxiliaire de vie à domicile instituée par l’article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l’action sociale et des familles, non entrée en vigueur le jour des actes testamentaires (1).

Un défunt, sans descendance, en l’état d’un testament authentique confirmé par codicille, institue d’une part, plusieurs personnes, légataires universels, et d’autre part, différents légataires à titre particulier. Des difficultés surviennent entre eux pour le règlement de la succession.

L’arrêt d’appel (CA Paris, 12 juin 2019) dit que le legs consenti à l’une des légataires à titre particulier se heurte à l’interdiction résultant des dispositions de l’article L. 116-4 du Code de l’action sociale et des familles et dit en conséquence que les légataires universels, sont déchargés de toute obligation de délivrance du legs à son profit.

L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 2 du Code civil. En effet, la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. Pour se prononcer, la cour d’appel a relevé qu’à la date du testament authentique, la légataire à titre particulier était employée par le défunt en qualité d’auxiliaire de vie à domicile, de sorte que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurte à l’interdiction résultant de ce texte.

Or, en l’absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus et il ressortait de ses constatations qu’au jour de l’établissement du testament, l’article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l’action sociale et des familles n’était pas en vigueur.

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 a créé une incapacité de recevoir pour tous les auxiliaires de vie et ou employés de maison apportant une aide personnelle à domicile, à l’article L 116-4 du code de l’action sociale et des familles (8).

La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 19 septembre 2023 estime qu’il convient de préciser que la loi ne dispose que pour l’avenir. En l’espèce, la modification des clauses bénéficiaires du contrat d’assurance sur la vie du défunt désignant la légatrice en tant que bénéficiaire en cas de décès de l’assuré date du 16 juin 2015 et est donc antérieure à la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015.

De surcroît, la cour considère qu’il est opportun de rappeler que cette disposition a été censurée par le conseil constitutionnel par une décision n° 2020-888 QPC du 12 mars 2021. Dès lors, aucune incapacité de recevoir ne peut découler de cette disposition (9).

 

I. Consentement

A. Un disposant sain d’esprit

L’insanité d’esprit est une cause autonome de nullité de l’engagement (Code civil, article 901 et 414-1), qui ne recoupe pas les vices du consentement (Code civil, article 1129). Elle se distingue également de l’altération des facultés mentales envisagée par la loi comme source d’ouverture d’un régime de protection de certains majeurs (Civil Code, Art. 901). Elle a vocation à jouer notamment lorsqu’un tel régime n’a pas été mis en place.

Preuve de l’insanité d’esprit – La preuve de l’insanité d’esprit d’un disposant peut, en principe, être administrée par tous les moyens que la juridiction saisie apprécie souverainement (2). Son administration peut être une source de difficultés dans la mesure où elle porte sur des faits allant à l’encontre des énonciations d’un acte authentique comportant une libéralité, ou susceptibles d’être couverts par le secret professionnel, comme le contenu d’un certificat médical (3).

Il convient également de tenir compte de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil (4). La charge de la preuve incombe, en tout état de cause, à celui qui conteste la validité d’une libéralité sur le fondement de l’article 901.

B. Une volonté dénuée de vices du consentement

L’erreur sur la personne du bénéficiaire ou sur une simple qualité supposée de ce dernier peut affecter la validité d’un acte à titre gratuit dans la mesure où cette qualité se révèle être le motif déterminant de la libéralité. Il s’agit alors, au sens de l’article 1134 du Code civil, d’un acte conclu « en considération de la personne ». Ainsi, alors qu’en principe l’erreur sur un simple motif – autre qu’une qualité essentielle de la personne ou de l’objet de la prestation due – n’est pas une cause de nullité (Code civil 1135, al. 1er), il en va différemment en matière de libéralité lorsque le motif a été déterminant (Code civil 1135, al. 2).

Par ailleurs, l’erreur de droit ou de fait sur des qualités essentielles de la chose donnée ou léguée paraît constitutive d’un vice du consentement affectant la validité de cette libéralité (Code civil 1132).

Le dol peut procéder de manœuvres frauduleuses ou d’une simple réticence dolosive (Code civil 1137). En principe, il ne peut provenir que de l’un des cocontractants ou, par extension, du légataire bénéficiaire du testament. Il est toutefois admis que le dol peut provenir d’un tiers, non seulement lorsqu’il est de connivence avec le cocontractant, mais encore lorsqu’il représente celui-ci ou agit pour son compte par le biais d’une gestion d’affaires, d’un lien de préposition ou d’une promesse de porte-fort (Code civil 1138).

Pour que la nullité de l’acte soit retenue, il faut que la manœuvre dolosive ait eu un effet déterminant dans la réalisation de la libéralité (Code civil 1130). Il en va spécialement ainsi lorsque le disposant est une personne qui présente, en raison de son âge ou de son état dépressif, une fragilité psychologique dont les gratifiés ont su profiter pour l’amener à tester en leur faveur (5).

La violence, pour être cause de nullité d’une disposition à titre gratuit doit, quel qu’en soit l’auteur, paralyser la liberté d’agir du disposant (Code civil 1140). Elle peut se manifester par une contrainte matérielle ou morale (6).

Depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le Code civil admet qu’« il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif » (Code civil 1143).

Ainsi, les hypothèses de captation d’héritage sont susceptibles de relever tant du vice de dol que de celui de violence. Toutefois, la preuve de la captation est souvent facilitée par des dispositions spéciales instaurant une présomption irréfragable de captation.

Dans un arrêt du 1er février 2024, la Cour d’appel de Montpellier rappelle l’article 1143 du Code civil et considère qu’il n’est démontré aucune situation d’emprise ou de contrainte exercée par l’intimé à l’égard de l’assurée, laquelle, lucide, avait organisé selon ses souhaits et sa volonté, les derniers mois qui lui restaient à vivre.

Il n’est démontré aucun abus de l’état de dépendance par l’intimé. La cour confirme le jugement ce qu’il a rejeté la demande de nullité du contrat, par motifs ajoutés en raison du changement de fondement juridique opéré en cause d’appel (10).

En outre, l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne est sanctionné pénalement (C. pén., art. 223-15-2) et ouvre droit à réparation (7).

 

II. Capacité juridique

A. Époque d’appréciation de la capacité

La donation étant un contrat, c’est au moment de sa conclusion que doit être appréciée la capacité des parties. Lorsque la donation est acceptée par acte séparé, l’exigence de capacité du donateur doit être satisfaite tant au moment où il consent la donation qu’à celui où l’acceptation lui est notifiée ; seule la date de l’acceptation déterminera en revanche la capacité du donataire (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Droit civil. Les successions. Les libéralités, Dalloz 4e éd. 2014, n° 327).

Concernant les cas d’incapacité de jouissance fondés sur une présomption de captation, la capacité des deux parties, donateur et donataire, devra en revanche être vérifiée de l’offre de donation jusqu’à la notification de son acceptation (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, précités).

Le testament est un acte unilatéral qui ne produit d’effet qu’au décès du testateur, ce qui explique les règles suivantes :

  • la capacité du testateur est requise lors de la rédaction du testament. Si le testateur est incapable à cette date, le testament est irrégulier ; peu importe que le testateur décède en état de capacité (CA Amiens 2-6-1919 : DP 1920 II p. 31). Inversement, le fait que le testateur décède incapable ne remet pas en cause la validité du testament rédigé alors qu’il était capable (en ce sens, Code civil, article 476, al. 4) ;
  • la capacité du légataire est requise au jour du décès du testateur. Par exception, le légataire doit être aussi capable au moment où le testament a été établi lorsque l’incapacité en cause est, comme cela vient d’être évoqué pour les donations, une incapacité relative fondée sur une présomption de captation. Jugé ainsi que le legs fait par le pupille, devenu majeur, à son tuteur, avant la reddition du compte de tutelle, est nul, bien que le compte ait été ultérieurement rendu avant le décès du pupille (Cass. req. 27-11-1848 : S. 1848 I p. 11).

L’existence de l’incapacité de recevoir des employés de maison s’apprécie à la date du testament

B. Types de sanctions

Les incapacités de disposer ou de recevoir à titre gratuit sont généralement sanctionnées par la nullité relative :

  • le droit d’agir appartient à la personne protégée, son représentant ou ses ayants cause universels ou à titre universel ;
  • cette nullité est susceptible d’être confirmée : l’incapable qui ne l’est plus, ou ses successeurs universels peuvent confirmer la libéralité ;
  • l’action en nullité doit être exercée dans un délai de 5 ans à partir du jour où l’incapacité a pris fin.

Il y a seulement réduction, et non nullité totale, lorsque la personne est frappée d’une incapacité partielle de disposer à titre gratuit. Par exemple, lorsqu’un mineur de plus de 16 ans a disposé par testament d’une quotité supérieure à celle autorisée par la loi, la libéralité est réduite à proportion de l’excédent, la réduction pouvant être demandée par tout héritier.

S’agissant d’une forme de nullité relative partielle, la réduction est soumise au délai de prescription de 5 ans. Le délai court à compter du décès du disposant, « seul jour où l’on peut savoir si la limite quantitative bornant l’incapacité a été franchie » (Rép. civ. Dalloz, voir Libéralités 1° Détermination et capacité des parties par I. Najjar et V. Brémond, n° 443).

Sont toutefois frappées de nullité absolue :

  • les libéralités faites à des personnes futures ou incertaines ;
  • les libéralités soumises à une autorisation administrative d’ordre public, lorsque cette autorisation n’a pas été obtenue ;
  • les libéralités déguisées ou par personnes interposées faites à une personne incapable. Il s’agit en effet de sanctionner une fraude consistant à contourner une incapacité de recevoir (Cass. req. 5-5-1879 : DP 1880 I p. 145 note Ch. Beudant ; Cass. 1e civ. 3-4-1963 : D. 1964 p. 306).

Le délai de prescription – 5 ans – de l’action en nullité absolue et son point de départ – le jour où l’incapacité a pris fin – sont identiques à ceux de l’action en nullité relative.

 

Sources :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045421979?init=true&page=1&query=20-17.663&searchField=ALL&tab_selection=all
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036980391?init=true&page=1&query=17-18.465&searchField=ALL&tab_selection=all
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007484932?init=true&page=1&query=03-12.044+&searchField=ALL&tab_selection=all
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026540468?init=true&page=1&query=11-20.442++&searchField=ALL&tab_selection=all
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021855684?init=true&page=1&query=08-20.950++&searchField=ALL&tab_selection=all
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037196800?init=true&page=1&query=16-24.498&searchField=ALL&tab_selection=all
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000029932312?init=true&page=1&query=13-86.620++&searchField=ALL&tab_selection=all
  8. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031700731
  9. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAGRENOBLE-19092023-19_00602?em=Cour%20d%27appel%20de%20grenoble%2C%202%C3%A8me%20Chambre%2C%2019%20septembre%202023%2C%20%2019%2F00602
  10. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAMONTPELLIER-01022024-21_04194?em=Cour%20d%27appel%20de%20montpellier%2C%204e%20chambre%20civile%2C%201er%20f%C3%A9vrier%202024%2C%20%2021%2F04194