Porter plainte pour abus de faiblesse : les trois étapes
Si vous avez un doute quant à une situation, et pensez qu’une personne est victime d’un abus de faiblesse, cet article est fait pour vous.
L’abus de faiblesse peut être défini comme « le fait pour une personne de profiter de l’ignorance ou de la faiblesse physique ou psychique d’une autre, pour lui faire souscrire un contrat inadapté à ses besoins.
C’est le cas par exemple du dépanneur qui abuserait d’une personne âgée pour lui faire accepter un devis d’un montant exorbitant. La victime peut porter plainte pour obtenir la condamnation de l’auteur des faits. Elle peut aussi obtenir l’annulation du contrat souscrit » (Abus de faiblesse, Service-Public.fr).
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De cette définition générale, l’on peut retenir deux éléments : un état de faiblesse ou d’ignorance, et l’abus de cet état par un tiers, pour obtenir un avantage excessif. L’abus de faiblesse est donc un délit impliquant l’abus de la condition de faiblesse d’une personne. À ce titre, un tiers va tirer profit de façon malhonnête de l’état de faiblesse d’une personne.
L’abus de faiblesse n’est pas propre à la succession : il peut se rencontrer dans différents cas de figure. Par exemple, on peut parler d’abus de faiblesse dans une relation contractuelle avec un professionnel, comme dans le cadre d’une succession.
Dans le cadre successoral, l’abus de faiblesse se caractérise par une influence négative : sur le testateur au moment de l’écriture de son testament, mais également dans le cadre d’une simple donation entre vifs.
L’article 223-15-2 du Code pénal dispose en effet : « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende ».
Il ressort donc de cette définition que l’abus de faiblesse se caractérise par l’abus d’une personne en état de vulnérabilité. Il s’agit, dans la majeure partie des cas, de personnes âgées.
Il faut cependant comprendre que toute personne qui répondra aux conditions posées dans le Code pénal pourra être caractérisée comme victime d’abus de faiblesse, qu’elle soit âgée ou non. Le critère de l’âge n’est ainsi qu’un élément permettant de caractériser ou non la vulnérabilité d’une personne.
Dans le cadre successoral, l’abus de faiblesse peut conduire un héritier à subtiliser une part de la succession ou encore de forcer un don de bien. Dans une relation contractuelle, l’abus de faiblesse peut conduire à obtenir un avantage auquel le cocontractant n’aurait pas consenti s’il n’était pas dans un état de vulnérabilité.
Si le cocontractant vulnérable parvient à prouver l’abus dans la relation contractuelle, il pourra vraisemblablement obtenir la nullité de l’acte en cause.
En cas d’abus de faiblesse, il est possible de porter plainte. Il convient de dénoncer le plus tôt possible l’abus, afin que son auteur soit sanctionné et puni pour ses actes de la manière la plus efficace. Ainsi, au fil de cet article, le cabinet CAHEN vous exposera les trois étapes pour porter plainte pour abus de faiblesse.
I – Première étape : protéger ses proches
Tout d’abord, pour se défendre contre un abus de faiblesse, il est essentiel de protéger ses proches.
Trois catégories principales de personnes sont principalement touchées par les abus de faiblesse : les mineurs, les personnes en état de sujétion psychologique et physique, et les personnes souffrant d’une vulnérabilité particulière.
Ces personnes sont généralement dans un particulier état de vulnérabilité. Et il est ainsi essentiel de les protéger, les accompagner et suivre les actes qu’elles réalisent et auxquels elles consentent.
Ainsi, dès en amont, il paraît intéressant de mentionner l’état d’un de ses proches à un professionnel du droit, afin d’éviter tout risque d’abus de faiblesse. En effet, la prévention et la vigilance sont les meilleurs moyens d’éviter qu’une telle infraction se produise.
Il est également important de présenter les différentes techniques juridiques pouvant permettre de diminuer le risque d’abus de faiblesse. Peuvent ainsi être mis en place : une tutelle, une curatelle ou un mandat de protection future.
Ces trois techniques se caractérisent par l’accompagnement de la personne bénéficiaire, par un professionnel, qui pourra l’accompagner dans les actes de la vie courante, avec une plus ou moins grande faculté, en fonction de l’état de vulnérabilité de la personne.
II – Deuxième étape : prouver l’abus de faiblesse
Avant de porter plainte pour un abus de faiblesse, il est nécessaire de réunir et prouver plusieurs éléments. Ces éléments sont essentiels pour que des poursuites soient engagées à l’encontre de la personne agissant frauduleusement. Pour cela, la réunion de deux éléments est nécessaire :
- Un élément matériel : démontrer la vulnérabilité de la personne. Pour cela, une expertise médicale pourra être requise. La jurisprudence a déjà reconnu à plusieurs reprises qu’en de telles circonstances, un médecin peut s’affranchir du secret professionnel afin de livrer des éléments permettant d’évaluer l’état de vulnérabilité de la victime (en ce sens : Cour d’appel de d’Angers – ch. 01 A 13 novembre 2012 / n° 12/00675).
- Un élément intentionnel : prouver l’intention malveillante de l’accusé. C’est-à-dire prouver qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer l’état de vulnérabilité de la personne, et qu’il en a abusé volontairement (en ce sens : Cour de cassation – Chambre criminelle 26 septembre 2001 / n° 00-84.548).
Ainsi, il est important de prouver que la personne accusée de l’abus de faiblesse avait conscience de la vulnérabilité de la victime, et qu’elle avait pour intention de vicier son consentement afin d’obtenir un avantage.
Cela peut recouvrir par exemple le cas d’un médecin, qui, détenant des informations couvertes par le secret médical, en profite pour abuser de la vulnérabilité de ses patients, pour leur vendre des produits dont la nécessité n’est pas prouvée (Cour d’appel d’Orléans – ch. sociale ch. des Prud’Hommes – 28 mars 2019 / n° 16/03543).
Néanmoins, la preuve de ces deux éléments peut ne pas être évidente. À ce titre, être accompagné d’un avocat pourra permettre de faciliter l’administration de la preuve, et notamment de l’élément intentionnel qui est plus difficile à caractériser.
III – Troisième étape : dénoncer l’abus de faiblesse
Une fois que l’élément matériel et l’élément intentionnel sont rapportés par le demandeur, une action pour abus de faiblesse est possible. Cette dénonciation peut se faire devant le juge civil, mais également devant le juge pénal.
Au plan civil. Sur le plan civil, il sera possible de fonder une action portant sur les vices de consentement lorsqu’il y a eu dol, violences physiques ou morales.
C’est ce que prévoit l’article 1130 du Code civil : « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contractée ou aurait contractée à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné » (en ce sens : Cour de cassation – Deuxième chambre civile – 3 juin 2004 / n° 03-12.619).
Il sera également possible de mener une action en annulation d’un acte pour altération des facultés mentales sur le fondement des articles 414-1 et 414-2 du Code civil. L’article 414-1 du Code civil dispose en effet : « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte » (en ce sens : Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 01 ch. 08 – 28 janvier 2021 / n° 18/08380 s’agissant d’un contrat de bail).
Il est intéressant de noter que seule la personne vulnérable, victime de l’abus de faiblesse, pourra porter plainte contre l’auteur de l’infraction. En effet, les proches de la victime ne sont pas autorisés à porter plainte en son nom, hors protection particulière (tutelle, curatelle …).
C’est ici l’inconvénient majeur de la procédure, car la victime peut ne pas forcément avoir conscience du fait d’avoir été abusée. Cependant, les proches ayant personnellement souffert de l’abus de faiblesse auront un intérêt à agir lorsque l’abus de faiblesse les touche particulièrement.
De même, si la victime décède, les héritiers pourront poursuivre l’auteur de l’abus en cas d’atteinte à leur héritage. C’est le Tribunal de justice du lieu d’ouverture de la succession, ou du lieu de résidence de l’accusé, qui sera compétent.
Au plan pénal. Sur le plan pénal, la victime devra faire face à une procédure plus longue. Le Procureur de la République devra être saisi. La plainte pourra également être déposée dans un commissariat de police. Néanmoins, si le Procureur ne donne pas suite à la plainte déposée devant lui, il faudra attraire directement l’auteur de l’abus de faiblesse, par voie de citation directe devant le Tribunal correctionnel compétent.
Ainsi, la transmission d’un patrimoine est une situation pouvant causer des difficultés. Il n’est pas rare de se retrouver confronté aux agissements malintentionnés d’un cohéritier, ou même d’une tierce personne, qui tenterait de se procurer de façon malhonnête un avantage dans la succession.
De ce fait, si vous avez le moindre doute quant à un éventuel abus de faiblesse au sein de votre famille ou touchant vos proches, n’hésitez pas à contacter notre cabinet.
SOURCES :
ABUS DE FAIBLESSE, SERVICE-PUBLIC.FR : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35140
ARTICLE 223-15-2 DU CODE PÉNAL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020632131/
COUR D’APPEL D’ANGERS – CH. 01 A 13 NOVEMBRE 2012 / N° 12/00675) : https://www-dalloz-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/documentation/Document?id=CA_ANGERS_2012-11-13_1200675
COUR DE CASSATION – CHAMBRE CRIMINELLE 26 SEPTEMBRE 2001 / N° 00-84.548 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007071585
COUR D’APPEL D’ORLÉANS – CH. SOCIALE CH. DES PRUD’HOMMES – 28 MARS 2019 / N° 16/03543 : https://www-dalloz-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/documentation/Document?id=CA_ORLEANS_2019-03-28_1603543
COUR DE CASSATION – DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – 3 JUIN 2004 / N° 03-12.619 : https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/JURITEXT000007049312
ARTICLE 414-1 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006427977
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE – PÔLE 01 CH. 08 – 28 JANVIER 2021 / N° 18/08380 : https://www-dalloz-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/documentation/Document?id=CA_AIXENPROVENCE_2021-01-28_1808380
DROIT DES SUCCESSIONS ET DES LIBÉRALITÉS, LGDJ, P. MALAURIE ET C. BRENNER