La succession en la France et en Belgique
La succession transfrontalière France–Belgique constitue aujourd’hui un défi juridique et fiscal majeur.
Pour la résolution de vos problèmes relatifs de succession, nos avocats sont disposés à vous aider. Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63 ou remplissez le formulaire en cliquant sur le lien |
D’un côté, la réglementation civile applicable aux successions dans l’Union européenne (UE), issue du règlement européen n° 650/2012 (dit « règlement successions), homogénéise la dévolution patrimoniale : dès le 17 août 2015, la loi applicable devient celle du pays de résidence habituelle du défunt, avec possibilité de choisir, par testament, sa loi nationale si celle-ci est plus favorable.
Cependant, au-delà du droit civil, la fiscalité des successions reste du ressort exclusif des États membres, susceptibles d’imposer selon des critères différents. Ce double niveau de règles peut engendrer des risques de double imposition : la Belgique applique les droits en fonction du domicile fiscal – ou de la situation de l’immeuble en cas de non-résident –, tandis que la France impose soit le patrimoine mondial pour les résidents, soit seulement les biens situés en France pour les non-résidents, avec un mécanisme d’imputation fiscale.
En Belgique, la fiscalité varie selon les Régions (Wallonie, Bruxelles, Flandre), avec des taux très différents ciblant les conjoints, descendants, et autres ayants droit. La France, quant à elle, offre des abattements généreux : 100 000 € par enfant ou exonération totale pour les conjoints/PACS, mais les taux peuvent atteindre 45 %. En outre, la Belgique peut remonter jusqu’à 30 % (Wallonie) ou 27 % (Flandre), avec abattements spécifiques.
Outre ces disparités tarifaires, des stratégies de planification patrimoniale – dont l’usufruit successif, la réversion de donation, le double legs – permettent d’optimiser la fiscalité transfrontalière, notamment en limitant la pression fiscale belge tout en respectant la loi européenne.
Enfin, la mise en place du certificat successoral européen simplifie les procédures enregistrées entre États, mais ne remet pas en question les disparités fiscales.
I. Cadre juridique : compétence, loi applicable et sécurité des volontés
A. Le règlement (UE) n° 650/2012 : principes d’unification partielle du droit des successions
Le règlement (UE) n° 650/2012, entré en application le 17 août 2015, constitue la pierre angulaire du droit successoral international dans l’Union européenne (hors Danemark et Irlande). Il vise à harmoniser la loi applicable aux successions transfrontalières et à garantir la reconnaissance des décisions successorales dans tous les États membres concernés.
-
La règle de la résidence habituelle
Conformément à l’article 21 du règlement, la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès. Cette règle s’applique même si le défunt possédait des biens dans plusieurs pays.
Cela signifie qu’un français installé en Belgique, sauf volonté contraire, verra sa succession régie par le droit belge, notamment en ce qui concerne la réserve héréditaire, l’ordre des héritiers, ou les règles de partage. (1)
-
L’exception : professio juris (choix de loi nationale)
L’article 22 du règlement permet au testateur de choisir la loi de sa nationalité (ou l’une d’entre elles s’il a plusieurs nationalités) pour régir sa succession. Cela permet notamment à un Français résidant en Belgique de faire primer le droit français sur le droit belge, notamment pour protéger ses héritiers réservataires ou assurer une gestion successorale plus familière.
Cependant, ce choix doit être exprès, c’est-à-dire consigné dans un testament, rédigé selon les formes admises (notarié ou olographe).
B. Reconnaissance mutuelle et limites : le rôle du certificat successoral européen et l’ordre public
-
Le certificat successoral européen (CSE)
Le règlement a aussi instauré le certificat successoral européen (CSE), destiné à faciliter les démarches dans les successions transfrontalières. Il permet aux héritiers, légataires ou exécuteurs testamentaires de prouver leur qualité à l’étranger, sans devoir obtenir un jugement d’homologation dans chaque pays.
Ce certificat est valable dans tous les États membres, et facilite notamment la restitution de fonds bancaires, le transfert de titres, ou la mutation immobilière. (2)
-
L’exception d’ordre public international
Cependant, le règlement prévoit une clause de sauvegarde : un État membre peut refuser l’application d’une disposition étrangère qui serait manifestement incompatible avec ses principes fondamentaux, notamment la protection des héritiers réservataires.
Par exemple, la France pourrait refuser d’appliquer une clause belge excluant un enfant de la succession, si cela heurte la réserve héréditaire française (article 912 du Code civil). (3)
II. Fiscalité et arbitrage entre France et Belgique
A. Analyse comparative des régimes fiscaux successoraux
-
Belgique : une fiscalité régionale et variable
Contrairement à la France, la Belgique ne possède pas un barème fiscal unique. Les Régions (Wallonie, Bruxelles-Capitale, Flandre) disposent chacun de leurs propres taux et abattements. Les droits de succession belges dépendent du lien de parenté et de la valeur nette de l’héritage.
Par exemple :
- En Wallonie, les droits peuvent atteindre jusqu’à 30 % entre parents en ligne directe, et 80 % entre non-parents.
- La Flandre est plus clémente : taux de 3 à 27 % en ligne directe, et abattement de 50 000 € pour le conjoint survivant.
- Aucun abattement n’est systématiquement prévu en Belgique, contrairement à la France. (4)
-
France : abattements et imputation fiscaux
La France accorde un abattement de 100 000 € par enfant, et les conjoints/pacsés sont exonérés de droits.
Les taux sont progressifs :
- De 5 à 45 % en ligne directe,
- Jusqu’à 60 % entre non-parents.
En cas de succession mixte, la France impose :
- Le patrimoine mondial du défunt si le défunt ou l’héritier est fiscalement domicilié en France depuis plus de 6 ans sur les 10 dernières années.
- Un mécanisme d’imputation (article 784 A du CGI) permet d’éviter une double imposition si des droits ont déjà été acquittés à l’étranger (notamment en Belgique). (5)
B. Stratégies d’optimisation successorale : pour éviter les pièges fiscaux
-
Usufruit successif et réversion de donation
La donation avec réserve d’usufruit, voire avec clause de réversion, est très utilisée en planification franco-belge. Elle permet de transmettre la nue-propriété d’un bien en gardant son usage.
En France, cette technique est fiscalement optimisée. En Belgique, la législation (notamment flamande) s’est durcie pour éviter les abus : une taxation post-mortem est possible si le donateur continue à jouir du bien après la donation. (6)
Il est donc essentiel d’analyser le droit local applicable à la résidence et au bien, et d’éventuellement renoncer à l’usufruit avant le décès pour éviter une requalification fiscale.
-
Legs croisé, double legs et legs caritatifs
En cas de patrimoine situé dans les deux pays, le legs croisé (entre conjoints) ou le double legs (à un héritier et à une fondation) permet d’optimiser les droits via la déductibilité ou la transmission indirecte exonérée. (7)
Par exemple, un legs à une association caritative exonérée de droits (en Belgique ou France) peut permettre de limiter la taxation globale de la succession. Ces stratégies nécessitent cependant un conseil notarial précis pour respecter les législations des deux États et éviter une double imposition.
Articles qui pourraient vous intéresser :
Assurance vie et réserve héréditaire : peut-elle permettre de contourner la réserve héréditaire ? (https://avocat-droit-succession-cahen.fr/avant-prevoir/assurance-vie-et-reserve-hereditaire-peut-elle-permettre-de-contourner-la-reserve-hereditaire/)
La capacité de recevoir un legs (https://avocat-droit-succession-cahen.fr/avant-prevoir/la-capacite-de-recevoir-un-legs/)
Réintégration des biens détournés – sanction du recel successoral (https://avocat-droit-succession-cahen.fr/apres/reintegration-des-biens-detournes-sanction-du-recel-successoral/)
Sources :
- Règlement (UE) n°650/2012 – Article 21
- Accueil | Notaires de France
- https://curia.europa.eu/juris/document/…
- Particuliers | SPF Finances
- Accueil | bofip.impots.gouv.fr
- Fédération Royale du Notariat belge – Planification successoraleNotaires de France – Les stratégies patrimoniales internationales
- Notaires de France – Les stratégies patrimoniales internationales